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SOMMAIRE 

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Brèves de LMDP : septembre  2018

 

Sommaire

1. Dans l'arsenal de la satire, la comparaison.

C'est bien tourné... ! Mais faut-il le croire ? Lire, c'est résister.

►

2. Pourquoi faire simple... ?

Les formes et les intentions variées de la complexité

Façons d'écrire, suite

►

3. Brèves de Brèves

Kierkegaard dans la Pléiade, un "beau gâchis" ?

Montaigne, plus d'actualité que jamais, nous dit
André Comte-Sponville

Montesquieu en Belgique : des ados réécrivent Les Lettres persanes

Les mots du bitume : un dictionnaire

Passeur de livres dans les steppes de Mongolie ►

4. Le "coin lecture" de LMDP

Vincent Leary, Qu'est-ce qui nous fait vivre ?

Guy Haarscher, Comme le loup dans la bergerie - Les libertés d'expression et de pensée au risque du politiquement correct ►

Avoir été soi-même formé à la recherche...

 

Quelles compétences la formation des enseignants vous paraît-elle devoir privilégier pour que les enseignants puissent optimiser l'auto-apprentissage de leurs élèves?

Optimiser l'auto-apprentissage des élèves, c'est les rendre capables d'une plus grande autonomie, c'est donc leur fournir des éléments de connaissance à partir desquels ils peuvent, eux-mêmes, élaborer une connaissance nouvelle, autrement dit, c'est les aider à développer leurs capacités de créativité et de recherche.

La conséquence nous paraît d'évidence : peut-on accompagner un travail de recherche de l'élève si l'on n'a pas, soi-même, été formé à la recherche et par la recherche, autrement dit au doute scientifique mais aussi à la joie de l'élaboration d'une connaissance nouvelle?

Gabriel
LANGOUET, Université Descartes, Paris V.
Le français dans le monde, n° spécial "Les auto-apprentissages", févr.-mars 1992.

 

 

1

Dans l'arsenal de la satire, la comparaison

Entre pistolet à eau et balles dum-dum...

 

La satire, à l'oral comme à l'écrit, recourt fréquemment à la comparaison, en mettant en parallèle ou en opposition des événements, des attitudes, des idéologies, des façons d'écrire ou de parler, des programmes ou des décisions politiques...

Souvent en forçant le trait. Chaque fois dans le but de ridiculiser, de déconsidérer, de marquer un désaccord, voire un désaveu.

De cette façon, la " scène du monde " est présentée

au lecteur ou au spectateur
comme une arène, un espace de confrontation.

Ce jeu de la comparaison vise à susciter l'adhésion du destinataire. Mais celui-ci est libre, peut ne pas adhérer, et dire pourquoi ! Lire, c'est résister...

Formons-nous des citoyens éclairés ?

Florilège

Le fait

... dénoncé

... l'arme de la comparaison

25.05.2016 :  la CGT exige de voir publier par les journaux (et gratuitement) un tract sur la loi travail. Faute d'avoir obtenu satisfaction, elle bloque la distribution des titres n'ayant pas cédé à son ordre.

Étienne Gernelle dans Le Point, même jour, sous le titre "La dictature tranquille" :

Le syndicat, qui donne volontiers des leçons de démocratie, bloque les journaux qui ne lui obéissent pas... Savent-ils que le mur de Berlin est tombé ? (...) Philippe Martinez, le patron de la centrale – et signataire du tract – se prend-il pour Pinochet ? (...) Faudra-t-il à l'avenir leur faire valider nos articles ? Vont-ils imposer des commissaires politiques dans les rédactions ? Les journalistes récalcitrants auront-ils droit à un petit séjour en Sibérie ? ►

Comme Pinochet...

La direction de la CGT agit comme

* la police de la STASI (Allemagne de l'Est) avant 1989,

* le dictateur Pinochet (Argentine),

* le régime des goulags staliniens

(sous forme de questions : comme pour presser la CGT de répondre...)

05.06.2018 :  Querelle,  par Instagram interposé, entre Éric Ciotti, maire de Nice, et le député Christian Estrosi

, son concitoyen
.

Le Nouvel Obs', sous le surtitre  Estrosi et Ciotti en crise d'ado, et le titre

Entre les frères ennemis, tous les coups sont permis, extraits : «
une guerre d'images digne du Gorafi », « c
hacun s'applique désormais à éclipser son rival sur les photos officielles »  « cadrage resserré, floutage, visage effacé par le rajout d'animation »...
Tout cela, dit le journaliste, pour le plus grand amusement des observateurs et des internautes.

Comme des ados...

Quinquagénaires respectables, d'un haut rang dans les mandats publics, ils se comportent come des ados. Les armes méprisables de l'ambition politique...

Le ridicule ne tue pas... Le pistolet à eau, non plus.

2009 :

Liu Xiaobo, condamné à 11 ans de prison pour subversion, ne pourra venir à Oslo pour recevoir le Prix Nobel de la Paix 2010.

2012 : H. Van Rompuy, J.-M. Barroso et M. Schulz -  obtiennent ce Prix au nom de l'Union européenne.

Mars 2014, ceux-ci accueillent le président chinois Xi Jinping

Philippe Paquet, dans La Libre Belgique du 01.04.2014,

sous le titre Trois autruches européennes :

On a beau être rompu au cynisme qui semble consubstantiel à l’exercice de la politique, on n’en était pas moins gêné, lundi, de voir des prix Nobel de la Paix accueillir sans aucune honte apparente le président d’un pays qui maintient en prison un de leurs collègues.

Il est rare de voir la tête d'un prix Nobel de la Paix enfouie dans le sable. Lundi, à Bruxelles, on en a vu trois d'un coup.

Comme l'autruche...

On connaît cette expression "la politique de l'autruche", qui stigmatise la faiblesse, voire la lâcheté de ceux qui refusent de voir la menace que représente le comportement d'un chef d'État qui empêche toute liberté d'expression.

 

Nouvel An 2018 : J.-L. Mélenchon critique les vœux d'Emmanuel Macron, Président de la République

"Plein de cette évidence qui n'appartient qu'aux haut-parleurs des aéroports, Macron déclame, certes, mais le texte est celui du mode d'emploi d'un nouvel appareil ménager. Je l'ai trouvé ennuyeusement précis comme un notaire qui n'oublie pas une ligne de ce qui doit être dit. Bref c'était décevant. Laborieux. Une sorte de lapin Duracel qui aurait perdu son tambour".

(Cité pat A. Boudet,  huffingtonpost.fr du 02.01.2018)

Comme le lapin Duracel

L'explication de texte souligne le côté mécanique, impersonnel, laborieux du discours. Et les images sont peu flatteuses : hauts parleurs..., mode d'emploi.., acte de notaire..., lapin Duracel...

Novembre 2015 : Marine Le Pen écrit une Lettre aux artistes de Nord-Pas-de-Calais : ton flatteur, souci de popularité, logique nationaliste...

Contexte : la Présidentielle de 2017 en point de mire.

Commentaire de Christophe Kantcheff, dans Politis du 05.12.2015 sous le titre Le Pen écrit aux artistes :

Un éléphant dans un magasin de porcelaine. Avec ses grosses manières pataudes, elle s’est fendue d’une lettre d’amour aux artistes de la région Nord-Pas-de-Calais, où elle est candidate. Sentant bien, car elle est finaude, qu’elle avait de ce côté-là un déficit de popularité, elle a tenté d’affiner sa plume. Ce qui donne : « Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artistes, vous comptez à mes yeux pour la région. » C’est beau comme du Drieu La Rochelle dans sa meilleure période, façon 1940.

Comme du Drieu La Rochelle

Pas flatteuse, l'image de l'éléphant ! Méprisante, celle de l'épistolière s'efforçant de trouver le ton juste. Plus méchante encore, cette flèche empoisonnée : C'est beau comme du Drieu La Rochelle. Entre elle et le fasciste de 1940, un cousinage idéologique. M

ais les "grosses manières " de l'une
  sont à cent lieues de la prose brillante de l'autre.

Le film de Frédéric Louf J'aime regarder les filles date de 2011: l'action  est censée se passer en 1981. L
e jeune premier, Primo  "commet" l'expression au final lors d'une conversation de salon.

Ivan K. déclare à son jeune frère, le moinillon Aliocha : « imagine que c’est toi-même qui mènes toute cette entreprise d’édification du destin de l’humanité dans le but, au final, de faire le bonheur de l’homme » (

p. 443, éd. Babel, Actes Sud)

Commentaire de Martine Rousseau et Olivier Houdard dans leur blog des Correcteurs du Monde le 31.03.2016, sous le titre Le au final qui gâche tout :

Pas de fausse note : les voitures sont comme on attend qu'elles soient, rien ne vient gâcher la reconstitution, jusqu'au moment où Pierre Niney dit ce au final qui est comme une cigarette aux lèvres de Cléopâtre, des lunettes de soleil à Charlemagne ou Lully jouant de la guitare électrique : un pur anachronisme. (...) plus qu'une erreur, c'est une faute (...).

Et pour un autre emploi inapproprié de ce au final dans Les Frères Karamazov, M. R. et O. H. déclarent : Ce « au final » nous fait l’effet d’une goutte de goudron dans un tonneau de miel. (05.10.2016)

Comme Cléopâtre, cigarette aux lèvres...

On le constate ici : ce "langage sur le langage" qu'on appelle métalangage peut recourir efficacement à l'humour, à la plaisanterie, au clin d'œil. Quatre comparaisons soulignent ce qu'il y a d'incongru à situer une expression dans une époque où elle n'était encore usitée : ce qu'on appelle un anachronisme.

Cette expression, au final,  jugée fautive par l''Académie française, s'est imposée au début du 21e s. (Didier . Pourquery, Le Monde, 07.02.2014 ) Et le Petit Robert de 2018, s. v. final, rappelle que son emploi est "critiqué".

17.05.2017 : Emmanuel Macron nomme Nicolas Hulot Ministre de la Transition écologique et solidaire.

Francis Corbière, France Info, même jour, cité le lendemain dans Le Soir :

« Il sera dans ce gouvernement comme un ours polaire au Sahara, totalement perdu, il n’arrivera à rien. Selon lui, les convictions de l’ancien animateur d’Ushuaia « sont incompatibles avec les orientations économiques de ce gouvernement. L’écologie est liée aux choix économiques qui sont faits ».

Comme un ours polaire au Sahara...

Une façon plaisante, mais sévère et sans nuance, de prévoir l'impasse pour ce gouvernement récemment constitué ! Pourquoi ? Comparez les "choix économiques" du Président et les aspirations des écologistes !

Ushuaïa Nature est le nom de l'émission de Nicolas Hulot, producteur et animateur, consacrée à la découverte des paysages naturels du monde et de leurs habitants.

Printemps 2014 : Sortie du film

Les yeux jaunes des crocodiles
de Cécile Telerman, adapté du bestseller de Katherine Panco.,

Nathalie Simon, dans Le Figaro du 08.04,2014, sous le titre Aussi léger qu'un bulldozer  :

Pas réaliste pour deux sous, filmée à coups de serpe, malgré des intentions louables,

sa comédie est aussi légère qu'un bulldozer sur un chantier.

Comme un bulldozer...

"Pas réaliste..., à coup de serpe..., aussi léger qu'un bulldozer..." : voilà un
vigoureux lexique de la critique négative ! En dépit d'une concession.

Juin 2018. Opposition croissante à la décision de Donald Trump de séparer de leurs parents les enfants de migrants.

Dans Le Point du 22 juin 2018, Pour éclairer le débat européen sur les migrants, Franz-Olivier Giesbert imagine une « sotie freudienne » entre Madame Bobo et Monsieur Barbelé, intitulée .Le migrant, Madame Bobo et Monsieur Barbelé, qui précise que « sur l'immigration, comme sur beaucoup d'autres sujets, le grand tort est d'être hémiplégique, de ne pas faire fonctionner les deux hémisphères du cerveau. » ►

Comme un hémiplégique...

Melania, la propre épouse du Président, s'indigne de voir les enfants de migrants séparés de leurs parents... Le mari reviendra sur cette décision mais, semble-t-il, à contrecœur. Au sein du couple : pitié ("Madame Bobo" et dureté ("Monsieur Barbelé") ! Le recours au langage psychothérapeutique épingle un trouble relationnel...

20.07.2017 :

Edouard.
Philippe, premier ministre, présente son livre Des hommes qui lisent en hommage à son père qui lui a donné le goût de la lecture.
Macron, son Président, est lui aussi un lettré...

Christophe Ono-dit-Biot, dans Le Point du 22.07.2017, compare le Président et son premier ministre :

«Il y a, en ce moment, une formidable bataille au sommet de l'État. Non pas pour le pouvoir ou la notoriété, mais pour la littérature. Il n'y a qu'en France que ce genre de chose arrive.»

Il compare ensuite le Président et ses deux prédécesseurs :

En affichant son pedigree Ricœur et ses désirs d'écriture, en chauffant ses meetings avec les Feuillets d'Hypnos, de René Char, Emmanuel Macron, pas encore président, avait ouvert le feu de façon foudroyante dans une nation qui, en deux quinquennats (Sarkozy bousculant Madame de Lafayette ; Hollande confessant sans ciller une allergie aux romans), avait oublié ses lettres et opté pour le néant.

Comme un lettré...

D'abord un rappel : le premier ministre et le Président sont tous deux des lettrés.

Ensuite, une mise en regard du Président et de ses deux prédécesseurs, assortie d'une allusion à Jean-Paul Sartre, allusion peu aimable, voire féroce, pour ceux-ci..

 

Juin 2018 : la contestation du Président Ortega au Nicaragua est de plus en plus réprimée depuis avril par des forces paramilitaires gouvernementales : au moins 322 morts, des milliers de blessés des dizaines d'arrestations arbitraires (Amnesty international 31.08.2018)

Le Pouvoir fort pour tuer... comme à Guernica,  le

26.04.1937 : cette ville basque est détruite par des bombardiers : 44 de la légion Condor allemande et 14 de la légion italienne fasciste.

Le 06.06.2018, Pedro Molina publie

Guernicaragua
sur le blog Cartooning for Peace
►

 

 

 

 

 

 

bandes bleues du drapeau du Nicaragua, rouge du sang versé

Comme Guernica...

Un titre en forme de mot-valise pour une réécriture du célèbre Guernica de Pablo Picasso de 1937

Exposition internationale de Paris du 12.07.1937 à la fin de l'année 1937.
Analyse

Pour en savoir plus sur la satire en général...

Marc Baconnet, Le Satirique, Gallimard, coll. « La bibliothèque », 2002. 297 p.

L'histoire de la satire :

Sur http://www.espacefrancais.com/la-satire/ :

        Introduction * Définition du genre * Objet et divisions de la satire * Histoire de la satire * Et la presse satirique ?

NB : ce sire espacefrancais... est "momentanément inaccessible" (?) À défaut, voyez https://fr.wikipedia.org/wiki/Satire

Sur
http://www.bnf.fr/documents/biblio_presse_satirique.pdf Histoire de la caricature et de la presse satirique en France, des origines à 1945.

Citations :

Sur https://www.etudes-litteraires.com/figures-de-style/satire.php (avec commentaires)

Molière, Boileau, La Bruyère, Montesquieu, Beaumarchais, Flaubert, Jules Romains...

NB : ce siteetudes litteraires.. est "momentanément inaccessible" (?)

 

 

Sur
http://www.cosmovisions.com/textSatire.htm
(Ruteboeuf, Boileau, Agrippa d'Aubigné, Pascal, Beaumarchais...
)


 

http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/breves1606.html#titre

début "comparaison" * sommaire

2

Pourquoi faire simple... ?

Les formes variées de la complexité

Façons d'écrire, suite

 

Façons d'écrire

Depuis quelques années, cette rubrique apparaît dans les Brèves de LMDP .

Bref rappel :

Alain Duhamel, journaliste (opposition, équivalence). Luca Fournier, écrivain oulipien (contrepet).► Slogans, proverbes remaniés. ► Façons de... mal écrire !►Titres de la presse écrite.►

Métaphore filée (
Boris Vian, Jérôme Garcin, Zola, Baudelaire...) ► Raccourcis pour opposer ► Clins d'œil intertextuels ► Actualisation de proverbes ►

Souvent, donc, des textes plutôt courts.

Mais pourquoi faire simple... 

... quand on peut faire,
non pas compliqué, mais complexe, subtil, minutieux... ? Un travail - ou un jeu - sur la forme qui vise à étonner, surprendre, convaincre, amuser, argumenter. En voici quelques exemples - tous authentiques et délibérément mêlés : romanciers (4), dramaturge, philosophe, journalistes (2), blogueurs (2)... - où nous pourrons observer les moyens d'expression et, l'intention de communication.

 

1.

Kaï a découvert,  sur la berge et très proche du fleuve,  assis tout au sommet d'un amoncellement de ce qui lui paraît de prime abord être des sacs de riz,  coiffé d'un casque colonial britannique à l'arrière surbaissé et cerclé d'une écharpe d'un rose vif, culotte de jodhpurs moutarde sur une tunique à col officier de même couleur décorée d'une pochette du même rose, chaussé de bottes étincelantes, portant une ombrelle fuchsia, moustache laiteuse à force d'être blonde, yeux bleu de porcelaine à l'expression fort sereine, un homme.

Paul-Loup Sulitzer, L'Enfant des Sept Mers, roman, Stock, 1993, p. 27.

 

Insertion...

Une phrase simple - 5 mots - dans laquelle P.-L. S. insère 

huit groupes descriptifs.
Attentif aux détails, il invite ainsi le lecteur à être " un Sherlock Holmes de l'écrit " * élaborant puis vérifiant des hypothèses sur l'intrigue, le lieu, le temps, les personnages...

*
Carole Tisset, Le français aujourd'hui, 115, p. 25

2.

Le maquillage masque en même temps qu'il décore [...]. La bouche, par exemple, qui respire et qui parle et mange, boit, sourit, chuchote, embrasse, suce, lèche, mord, souffle, soupire, crie, fume, grimace, rit, chante, siffle, hoquette, crache, rote, vomit, expire, on la peint, c'est bien le moins, pour l'honorer de remplir ainsi nombre de fonctions nobles.

Jean Echenoz, Je m'en vais, roman, éd. de Minuit, 1999, pp. 220-221.

 

Le lexique, comme argument

Même procédé d'insertion (La bouche / on la peint) : la bouche, avec ses

23 fonctions nobles, mérite donc - c'est bien le moins - d'être honorée par le maquillage !

3.

Parmi les philosophes que les Français ont la chance et l'honneur de connaître, non vraiment qu'ils lisent leurs ouvrages, mais parce qu'ils les voient à la télévision ou les entendent à la radio, on trouve des grincheux en pagaille, des révoltés à foison, des pessimistes par tombereaux, des Cassandre en veux-tu en voilà.

Pierre-Antoine Delhommais, Le Point, 02.10.2017,

sous le titre Michel Serres contre les ronchons, présente C'était mieux avant ! de Michel Serres, éd. Pommier.

 

Equivalences de sens

Quatre périphrases de même sens (le champ lexical du "ronchon") et de même structure (N + préposition + N) dénoncent à la fois les grincheux et les médias qui les accueillent.

4.

[
Éliminer le comte Almaviva pour conquérir Rosine ?]

Basile à Bartholo :
Bone Deus, se compromettre ! Susciter une méchante affaire, à la bonne heure ; et pendant la fermentation calomnier à dire d'experts ; concedo.

Bartholo à Basile : Singulier moyen de se défaire d’un homme !

Basile à Bartholo :

La calomnie, monsieur ! vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse !… D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ?

Beaumarchais, Le Barbier de Séville, II, 8 (extrait)

La complexité mise en scène

L'éloge (vous ne savez guère ce que vous dédaignez...)  puis le récit (d'abord...) tout en nuances : de bruit léger à chorus universel, assorti de notations musicales, auxquelles correspondent des verbes de plus en plus expressifs (germe, rampe... se dresser, s'enfler..., éclate et tonne).

Gestuelle, mouvement, mimique, intensité de la voix.. : la texte se prête à la théâtralisation.

Mais faut-il que le comédien le prenne "à la force des mots" ? Il peut aussi jouer sur la distance, l'évocation, la discrétion, comme en confidence, avec retenue... * (un ton plus bas, comme disent les musiciens.)

Beau débat !

* Par exemple dans cette vidéo

 

 

5.

J'apprends au chapitre XXXV que les toqués, les timbrés, les innocents, les insensés ne connaissent pas la crainte de la mort. (...) Moi qui ne cesse de diriger mes regards vers les philosophes, vers les Cléobule de Lindos, Solon l'Athénien,  Chilon le Lacédémonien, Pittacos de Mytilène, Thalès de Milet, Bias de Priène et Périandre, les Épictète, Marc-Aurèle, Épicure, Diogène, Boèce, devrais-je m'accorder un petit tour chez les détraqués, les dingues, les cinglés, les maboules, les loufoques, les égarés, les chatouillés du cerveau, les sonnés, les déjantés?

Alexandre Jollien, La Construction de Soi : un usage de la philosophie, Seuil, 2006, p. 83. [Il commente l'Éloge de la Folie, d'Érasme.]

La surcharge, pour argumenter

Des toqués aux déjantés (treize en tout)  où viennent s'insérer douze philosophes, dans un champ lexical donné - sagesse et folie - l'énumération est ici un procédé habile d'humour et d'argumentation en faveur de l'insouciance face à la mort.

Un "éloge de la folie", en somme...

6.

[Vers 1900. Un salon bourgeois... pour "faire aristocrate"]

Mme Verdurin était assise sur un haut siège suédois en sapin ciré qu'un violoniste de ce pays lui avait donné. (…)

De * ce poste élevé, elle participait avec entrain à la conversation des fidèles et * s'égayait de leurs "fumisteries" , mais depuis l'accident qui était arrivé à sa mâchoire, elle avait renoncé à prendre la peine de pouffer effectivement et se livrait à la place à une  mimique conventionnelle qui signifiait, sans fatigue ni risques pour elle, qu'elle riait aux larmes. Au moindre mot que lâchait un habitué contre un ennuyeux ou contre un ancien habitué * rejeté au camp des ennuyeux  - et pour * le plus grand désespoir de M. Verdurin qui avait eu longtemps la prétention d'être aussi aimable que sa femme, mais qui, riant pour de bon, s'essoufflait vite et avait été **distancé et vaincu par cette ruse d'une incessante et fictive hilarité -, elle poussait un petit cri, fermait entièrement **ses yeux d'oiseau qu'une taie commençait à voiler, et brusquement, comme si elle n'eût eu que le temps de cacher un spectacle indécent ou de parer à un accès mortel, plongeant sa figure dans ses mains qui la recouvraient et n'en laissaient plus rien voir, elle avait l'air de s'efforcer de réprimer, d'anéantir un rire qui, si elle s'y fût abandonnée, l'eût conduite à l'évanouissement. Telle, étourdie par la gaîté des fidèles,*** ivre de camaraderie, de médisance et d'assentiment, Mme Verdurin, * juchée sur son perchoir, pareille à un oiseau dont on eût trempé le colifichet dans du vin chaud, sanglotait d'amabilité. 

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, 2e partie, Un amour de Swann

La syntaxe : Insertions... par exemple :

Au moindre mot (...) ...  elle poussait un petit cri...

Telle,... Mme Verdurin,  ... sanglotait d'amabilité

 

Les figures : Traits satiriques.... par exemple :

* De ce poste élevé... (...) juchée son perchoir

* ... s'égayait de leurs fumisteries (elle méprise ses hôtes !)

*
Le petit cri de Madame (la grimace au lieu du rire...) qui désespère Monsieur ... (la "fictive hilarité"...)

* l'ennuyeux évincé... (le mépris...)

** distancé et vaincu (le mari, méprisé à son tour...)

**

ses yeux d'oiseau qu'une taie commençait à voiler

*** ivre de camaraderie, de médisance et d'assentiment

7.

[Décès d'Omar Bongo, président du Gabon, annoncé ainsi par la Présidence : « Son Excellence Hadj Omar Bongo Ondimba vient de rendre l'âme des suites d'un arrêt cardiaque. ». Commentaire d'un blogueur :]

Il a rendu le dernier soupir, son cordon, son permis de chasse et son tablier, mais on n'a pas pu lui faire rendre gorge ou même lui faire rendre quoi que ce soit de tout ce qu'il avait mis à gauche avant d'y passer l'arme.

Il a clamsé, claqué, calanché, il a sauté le pas, avalé le goujon, cassé sa pipe et sa canne, il a éteint son gaz et remercié son boulanger, il a renversé la marmite and he kicked the bucket.

Maintenant on va lui rendre hommage et lui rendre les derniers devoirs.

Le blogueur typo, dans  Le Monde, 08.06.2009

Champ sémantique

Activité métalinguistique : il exploite différents emplois du verbe rendre.

Énumération

Les 7 compléments du verbe rendre (§ 1) ; les 11 verbes quasi-synonymes de "clamser" et d'un registre familier, voire populaire  (§ 2)

Registre de parole

Remaniement habile de "passer l'arme à gauche". Recours à l'argot ("he kicked the bucket", littéralement: il a shooté dans le seau).

Le tout - humour et satire - pour évoquer un tyran.

8.

Le chapelain devina que le duc envisageait de passer à la rébellion ouverte. Le héraut devina la même chose. Le duc devina que les deux autres avaient deviné. Le chapelain devina que le duc avait deviné qu'il avait deviné, mais ne devinait point si le héraut avait lui aussi deviné que le duc avait deviné qu'il avait deviné. Le héraut, de son côté, ne devinait point si le chapelain avait deviné que le duc avait deviné qu'il avait deviné, mais il devinait que le duc avait deviné qu'il avait deviné. Cette rude tension disposait au silence.

Raymond Queneau, Les fleurs bleues, Gallimard, 1965, p. 53.

Créer une tension

Le lecteur peine à suivre.. Mais syntaxiquement, la construction est tout à fait transparente : on sait qui devine quoi. P

hilologue aussi bien que mathématicien (il a collaboré aux Éléments de  mathématiques de Nicolas Bourbaki), l
'auteur crée une "tension" (fin du texte) chez le lecteur... comme chez les protagonistes.

Pour ce roma

n, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Fleurs_bleues
 

 

À vous de commenter ces autres exemples : quels moyens ( lexicaux, syntaxiques....) et dans quelle intention ?

9.

Marcel Pagnol, La gloire de mon père. Le parc Borèly, à Marseille.

On y trouvait des allées ombragées par d'antiques platanes, des bosquets sauvages, des pelouses qui vous invitaient à vous rouler dans l'herbe, des gardiens pour vous défendre et des étangs où naviguaient des flottilles de canards.

10.

Nouvel Obs', Blog de Pierre Jourde, "Confiture de culture", 31.07.2018 :

Un pestiféré -

Dans le dernier numéro d’Art press (juillet août 2018) Jacques Henric a eu la bonne idée de publier un entretien avec ce pelé, ce galeux d’où vient tout le mal, celui autour duquel on établit un cordon sanitaire tant il est infect, celui dont les gens qui sont du côté du Bien ont demandé et obtenu la tête, Richard Millet.

11.

Guillaume Navaud, Le Point, 25.08.2018, sous le titre Ulysse ou la mauvaise réputation :

Malin, trop malin? L'intelligence et la ruse d'Ulysse en font un héros admiré parfois, craint souvent, aimable rarement, complexe toujours.

12.

[Démission du ministre de la transition écologique...] Coralie Schaub, dans Libération, 28.08.2018, sous le titre : Nicolas Hulot, en vert et contrecoup : (...)  Obscure clarté. L’incarnation de mille et un oxymores.

Hulot, c’est un colérique affable et pacifiste, un casse-cou angoissé, un impatient prudent, un homme d’affaires honteux, un fortuné en chemise à col mao, un autodidacte puissant, une star discrète, un «commandant Couche-tôt» suractif, et la liste pourrait s’étirer à l’infini.

 

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3

Brèves de Brèves

Kierkegaard dans la Pléiade, un "beau gâchis" ?

Œuvres I, II, de Sören Kierkegaard, a paru le 24 mai 2018 dans la Bibliothèque de La Pléiade.

Présentation et annotations Régis Boyer avec la collaboration de Michel Forget. Tome 1, 1312 p 62 € ;  tome 2, 1520 p 63€
(prix de lancement jusqu'au 31 décembre)..

Pourquoi "un beau gâchis", d'après Philippe Chevallier *, spécialiste de l'auteur danois ?

Il s'en explique dans Bibliobs du 10 juin.

Quelques extraits :

(...)  ce qui d’un Pléiade est lu, dans le meilleur des cas, c’est l’introduction, comme on écoute l’ouverture d’une symphonie bien connue par un nouveau chef. Le chef ici est Régis Boyer, traducteur d’Andersen. (...) Il a choisi d’affronter seul l’océan kierkegaardien, sans s’encombrer d’un comité scientifique.

(...) Régis Boyer a-t-il la moindre sympathie, le moindre intérêt pour son sujet? Mais sans doute a-t-il appris de Kierkegaard à manier l’ironie. Régis Boyer, kierkegaardien incognito: au fond, pourquoi pas?

(...) l’œuvre est réduite à une curiosité littéraire et psychologique, exposée d’une prose sans allant, dont le petit trot est constamment ralenti par des «En ce domaine comme en d’autres…», «Un mot s’impose à ce propos», «Ajoutons que», «On fera observer que…», «On peut comprendre aussi…», «Il n’en demeure pas moins…», que l’on tolérerait tout juste à l’oral en ouverture des comices agricoles.

[Décédé le 16 juin 2017, Régis Boyer ne pourra malheureusement s'expliquer. Voir sa bibliographie sur wikipedia]

* Écrits & émissions de Philippe Chevallier :

Être soi. Actualité de Søren Kierkegaard, éd. François Bourin, coll. Actualité de la philosophie, 2011, 152 p.

Abraham et le commandement de l’amour chez Kierkegaard, Archives de philosophie, tome 67, volume 2, 2004.

Intériorité et extériorité chez Kierkegaard, Id., tome 76, volume 4 (2013).

Actualité de Kierkegaard, FranceCulture.fr https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/devenir-soi-avec-kierkegaard-24-le-mari-et-le-juge

Devenir soi avec Kierkegaard, FranceCulture. https://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/devenir-soi-avec-kierkegaard-34-le-chevalier-de-la

 

Montaigne,
« plus d'actualité que jamais »

... déclare le philosophe André Comte-Sponville, qui vient de publier L'inconsolable et autres impromptus (PUF, mars 2018, 304 p., 19 €.) et nous fait partager sa passion pour l'auteur des Essais.

Et pourquoi ?

« Parce qu'il est à la fois un grand philosophe et un immense écrivain. Ensuite, parce qu'il est l'esprit le plus libre que je connaisse, le plus lucide, le plus authentique - il pense au plus près de lui-même quand tant d'autres se servent de leur pensée pour oublier ou camoufler ce qu'ils sont. Enfin, parce qu'il aime la vie plus que la philosophie, et même plus que la sagesse : c'est la sagesse vraie. »

Montaigne, lecteur assidu, connaisseur et amoureux de sages et d'érudits. Un héritier, donc ?

« Montaigne est un héritier et ne s'en défend pas. Mais c'est un héritier critique : le contraire d'un disciple, d'un  dogmatique ou d'un béni-oui-oui. Il ne croit pas aux systèmes. » 

Propos recueillis par Yoann Duval, L'Express, 04.08.2018

Impromptus... Pourquoi ce genre ?

André Comte-Sponville répond :

« Un impromptu est un essai, au sens montanien du terme, donc le contraire d’un traité, déclare-t-il dans son avant-propos. Les impromptus se positionnent par ailleurs à la frontière de la littérature et de la philosophie, « entre pensée et mélancolie » et s’écrivent sans préparation, souhaitant échapper à la (parfois) trop lourde érudition que contiennent les traités, érudition qui obscurcit la pensée plus qu’elle ne l’éclaire. »

Interviewé par Arnaud Genon (La cause littéraire, 17.05.2018),

Montesquieu en Belgique : des ados réécrivent Les Lettres persanes

 

Elles ont osé, ces filles de l'ITELA (Institut Technique Etienne Lenoir Arlon) !

Élèves de 6e année en option "Soins de beauté" ou "Aide familiale" elles ont osé, elles ont entrepris, elles ont réussi, remportant le premier prix d'un concours d'écriture organisé par l'association brestoise Égalité par Éducation (qui a réalisé en 2013 la BD Égaux sans ego mise en ligne de façon interactive en 2017)

/.La consigne : réécrire les Lettres persanes en "dénonçant les inégalités entre hommes et femmes".

Le personnage central, Adèle Lenoir (!),

quelques jours avant sa naissance
, écrit sa première lettre à son papa : (...) il devra protéger sa fille quand, jeune ado, elle subira les insultes et les moqueries des garçons...

Et sur le même motif de la dignité et des droits de la femme, et sur le même ton déterminé, une suite de dix lettres, entre autres une à Catherine Deneuve, une autre à Marlène Schiappa, Secrétaire d'État, où Adèle, promue présidente de l'AFSB (Association féminine du Sud de la Belgique), affirme que rien ne  pourra aboutir sans le monde politique qui a les cartes en main.

Le mot de la fin, à Brest, au mois de juin, pour Nadine Nascimento, présidente du jury, au cours d'une vidéoconférence suivie par les élèves de l'ITELA :

« En lisant votre travail, Montesquieu a dû être content. »

 

Le palmarès

1er prix : Itela, Arlon (Belgique)

2e prix : Lycée du Léon, Landivisiau (France)

3e prix ex-aequo, Lycée Descartes, Rabat (Maroc) et Lycée  de l'Iroise, Brest (France)

LMDP, ses lecteurs et ses lectrices saluent Laura Lafalize : Elle a "osé" ! Comme ses élèves !

Confidence d'un inspecteur: Je croyais devoir colporter les directives ministérielles.

Je transmets beaucoup plus utilement des expériences réussies.

J. Georges, Ecole. des lettres, 2008-2009, 5-6, p. 111.

 

Les mots du bitume : un dictionnaire

 

Aurore Vincenti, lexicographe bien connue pour son émission Qu'est-ce que tu m'jactes sur France Inter, a publié en 2017 aux Éditions Robert, préfacé par Alain Rey :

 

Les mots du bitume - De Rabelais aux rappeurs, petit dictionnaire de la langue de la rue, 128 p., 12.90€ (E-book 9.99€) 

 

Nous lisons, dans la présentation de l'éditeur :

(...) c'est sur le bitume que cette linguiste passionnée a attrapé ces mots connus ou énigmatiques qui nous plongent dans la musique d'un langage aussi beau qu'il peut être éphémère, aussi créatif que riche de voyages et d'histoire. (...)  Les mots du bitume nous ouvrent les portes d'un monde bouleversé par les passions, d'une langue qui se construit et se partage. (...) elle passe au crible les plus belles pépites de notre vocabulaire contemporain et redonne ses lettres de noblesse à un parler souvent dévalorisé. Habillés dans les textes des plus grands rappeurs modernes – Booba, Oxmo Puccino, Nekfeu... 

Ce livre reprend les meilleures chroniques d'Aurore Vincenti diffusées sur France Inter dans l'émission « Qu'est-ce que tu m'jactes ? ». L'intégralité de ces chroniques est réécoutable sur le site franceinter.fr.

Les mots du bitume s'envolent en chansons, rap, en slam, et deviennent très vite du français tout simplement. (...) La langue française bouge (...) Elle reflète les pulsions et les passions, les désirs et les colères, la mixité et le métissage.

Alain Rey, dans la Préface

 

Passeur de livres dans les steppes de Mongolie

 

En Mongolie...

C'est sous ce titre que Le Monde a publié, le 01.08.2018, un reportage, signé 

Brice Pedroletti, et illustré par Marcelino Truong :

« Au pays de Gengis Khan, Jamba Dashdondog, auteur de contes populaires mongols, parcourt les steppes à la recherche d’enfants en quête de lectures. A moto, à cheval ou à dos de chameau.
».

L'illustration de Marcelino Truong, artiste philippin.

... et en Colombie

Illustration parue dans le livre d'Alberto Manguel, La Bibliothèque, la nuit, Actes Sud, 2006. Et il écrit, p. 199 :

On n'imagine donc pas un monde sans bibliothèque!  «Robinson Crusoé était le fondateur - un fondateur malgré lui - d'une société nouvelle. Et Daniel Defoe, son auteur, trouvait nécessaire qu'au début d'une société nouvelle il y eût des livres.»

 

Biblio-bourricots dans la Colombie rurale (burro : âne, en espagnol)

sommaire * début "brèves de brèves "

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Le "coin-lecture" de LMDP

Chaque mois, depuis janvier 2001, la rubrique livre du mois de la page lecture de LMDP présente des ouvrages qui nous paraissent utiles à la formation initiale et continue des enseignants.

Pour certains, nous avons exprimé des réserves, voire notre désaccord : chaque fois en toute liberté et dans le respect de nos lecteurs. Plus de 200 livres, à ce jour, figurent à la page librairie de LMDP : les recensions sont par ordre de date, suivies de la liste de tous les auteurs par ordre alphabétique.

 

Juillet-août Septembre 2018

Vincent Leary

Qu'est-ce qui nous fait vivre ?

Payot, coll. Rivages, 2015, 320 p., 20 €, trad. de l'anglais par Françoise Bouillot

La question peut étonner ! Elle est capitale, nous déclare l'auteur, ce brillant psychothérapeute qui quitte la région londonienne pour aller vivre en Écosse, isolé pendant deux ans, attelé à la rédaction de ce livre. Au départ de sa réflexion, ceci, qui lui paraît évident : nous sommes des créatures d''habitude, voire de routine, vivant dans la répétition, recourant à la mémoire pour perpétuer une façon d'exister.

Il serait bon d'échapper à ce mode de vie, qu'il appelle l'Acte I, et d'entrer dans l'Acte II "qui suit l'arc dramatique du changement jusqu'à l'Acte III, où s'établit le nouvel état normal, le nouveau petit monde" (11). D'où les deux grandes parties du livre, Rester le même (35-170), Changer (173-270), suivies de Danser déjà (271-310), titre - ô combien métaphorique - d'une sérénité et d'une maîtrise retrouvées.

Ce travail sur soi, cette mise en mots de son vécu pour préparer le changement, sera favorisée par la pratique de l'écriture : "En écrivant mes arguments, en utilisant cet accessoire qu'est l'ordinateur posé sur ce bureau, je peux soutenir et développer ces pensées sur un temps bien plus long que je ne pourrais le faire sans aide" (87). Beau témoignage sur le rôle de l'écriture comme moyen de construire la personnalité ! Il reconnaît aussi, comme aide au changement, ce "terrain commun" que sont les réseaux sociaux : "nous avons désormais des communautés de désir" (131). Voilà qui surprendra les pourfendeurs de facebook... !

Jolie et révélatrice du changement survenu (la capacité de vaincre la routine !), cette scène du T-shirt, tombé par hasard de l'armoire ; "Après un instant de blocage, l'ancien a cédé la place au nouveau ; je l'ai relancé à sa place avant d'aller faire le thé et les toasts." (196). Autrement dit : j'arrive "au point où le délibéré devient habituel" (254).

Ainsi donc, ce qui était habitude a cessé d'être servitude, parce que vécue avec cette présence d'esprit et cette créativité retrouvées qui éliminent l'automatisme et la dépendance. "Tout dépend de qui tient les rênes. L'Automatique qui forme l'essentiel de nous a besoin de guidance et de direction." (312).

Guy Haarscher

Comme un loup dans la bergerie

Les Libertés d'expression au risque du politiquement correct

Éd. du Cerf, 2016, 200 p., 19€

Philosophe et juriste, il a enseigné à l'ULB, à la Faculté de Droit et à la Faculté de Philosophie et Lettres dont il fut le Doyen de 1997 à 2000. Il a créé en 2016 un MOOC "Développer la pensée critique" et est actuellement professeur au  :Collège d'Europe. Son livre Philosophie des droits de l'homme publié en 1987

, plusieurs fois réédité et révisé, est sans doute le plus connu du grand public : dernière parution au Cerf en 2015..

L'année suivante, paraît cet ouvrage sur les libertés d'expression qu'on peut considérer comme illustration du précédent : il y  analyse: en effet des affaires survenues  ces dernières décennies - insultes, blasphèmes, ,

propos racistes,
homophobes, islamophobes, antisémites... - examinées par des Cours compétentes, telles que la Cour suprême des États-Unis, la Cour européenne des droits de l'homme (instituée par la Convention européenne de l'homme).  Citons par exemple : le projet - inabouti - de monter à Genève, en 1993, Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète (26...), le film Le Concile d'amour de Werner Schröter projeté à  Innsbrück en 1985 (49...), les tracts racistes du suprématiste Beauharnais à Charlottesville dans l'Illinois en 1952 (91...), les thèses négationnistes de Roger Garaudy dans Les Mythes fondateurs de la politique israélienne publié en 1995.  (105...)...

La deuxième partie, Les avatars de la querelle du créationnisme (123-176), intéressera certainement davantage les responsables de l'éducation confrontés souvent confrontés à cette croyance fondée sur une fâcheuse lecture littéraliste de Genèse 1, qui n'est nullement une chronologie, mais un décalque des mythes chaldéens  ! C'est surtout chez les tenants du Dessein Intelligent que l'on débusque la stratégie du loup dans la bergerie : présenter comme science ce qui ne relève pas de la science, et  prétendre être attentif à la controverse, Ce qui est une imposture, ou plutôt une "ignorance criante" (174)  que dénoncera fermement le juge Jones, de la Cour suprême des États-Unis. '"C'est son honneur, dit Guy Haarscher, de ne pas s'être laissé piéger par ce langage apparemment ouvert (...) et d'avoir compris à quel point il s'agissait d'une manipulation." (197).

Voir, page librairie, toutes les recensions parues depuis 2001 dans cette chronique Livre du mois

 

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