Œuvres I, II, de Sören Kierkegaard, a paru le 24 mai 2018 dans la
Bibliothèque de La Pléiade.
Présentation et annotations Régis Boyer avec la collaboration de Michel Forget.
Tome 1, 1312 p 62 € ; tome 2, 1520 p 63€
(prix de lancement
jusqu'au 31 décembre)..
Pourquoi "un beau
gâchis", d'après Philippe Chevallier *,
spécialiste de l'auteur danois ?
Il s'en explique dans Bibliobs du 10 juin.
Quelques extraits :
(...) ce qui
d’un Pléiade est lu, dans le meilleur des cas, c’est l’introduction, comme on
écoute l’ouverture d’une symphonie bien connue par un nouveau chef. Le chef ici
est Régis Boyer, traducteur d’Andersen. (...) Il a choisi d’affronter seul
l’océan kierkegaardien, sans s’encombrer d’un comité scientifique.
(...) Régis Boyer
a-t-il la moindre sympathie, le moindre intérêt pour son sujet? Mais sans doute
a-t-il appris de Kierkegaard à manier l’ironie. Régis Boyer, kierkegaardien
incognito: au fond, pourquoi pas?
(...) l’œuvre est réduite à une curiosité littéraire et psychologique, exposée
d’une prose sans allant, dont le petit trot est constamment ralenti par des «En
ce domaine comme en d’autres…», «Un mot s’impose à ce propos», «Ajoutons que»,
«On fera observer que…», «On peut comprendre aussi…», «Il n’en demeure pas
moins…», que l’on tolérerait tout juste à l’oral en ouverture des comices
agricoles.
[Décédé le 16 juin
2017, Régis Boyer ne pourra malheureusement s'expliquer. Voir sa bibliographie
sur wikipedia]
* Écrits & émissions de Philippe
Chevallier :
Être soi. Actualité de Søren Kierkegaard,
éd.François
Bourin,
coll.
Actualité de la philosophie,
2011, 152 p.
Abraham et le
commandement de l’amour chez Kierkegaard,Archives
de philosophie,
tome 67, volume 2, 2004.
Intériorité et extériorité chez Kierkegaard,
Id.,
tome 76, volume 4 (2013).
... déclare le philosophe André Comte-Sponville, qui vient de
publier L'inconsolable et autres impromptus (PUF, mars 2018, 304
p., 19 €.) et nous fait partager sa passion pour l'auteur desEssais.
Et pourquoi ?
« Parce qu'il est à la fois un grand philosophe et un immense écrivain. Ensuite,
parce qu'il est l'esprit le plus libre que je connaisse, le plus lucide, le plus
authentique - il pense au plus près de lui-même quand tant d'autres se servent
de leur pensée pour oublier ou camoufler ce qu'ils sont. Enfin, parce qu'il aime
la vie plus que la philosophie, et même plus que la sagesse : c'est la sagesse
vraie. »
Montaigne, lecteur assidu, connaisseur et amoureux de sages et d'érudits. Un
héritier, donc ?
« Montaigne est un héritier et ne s'en défend pas. Mais c'est un héritier
critique : le contraire d'un disciple, d'un dogmatique ou d'un béni-oui-oui. Il
ne croit pas aux systèmes. »
Propos recueillis par Yoann Duval,
L'Express,
04.08.2018
Impromptus...
Pourquoi ce genre ?André Comte-Sponville répond :
« Un impromptu est un essai,
au sens montanien du terme, donc le contraire d’un traité, déclare-t-il dans son
avant-propos. Les impromptus se positionnent par ailleurs à la frontière de la
littérature et de la philosophie, « entre pensée et mélancolie » et s’écrivent
sans préparation, souhaitant échapper à la (parfois) trop lourde érudition que
contiennent les traités, érudition qui obscurcit la pensée plus qu’elle ne
l’éclaire. »
Interviewé par Arnaud Genon (La cause littéraire, 17.05.2018),
Montesquieu en Belgique : des ados
réécrivent Les Lettres persanes
Elles ont osé, ces filles de l'ITELA (Institut Technique Etienne Lenoir
Arlon) !
Élèves de 6e année en option "Soins de beauté" ou "Aide familiale" elles ont osé, elles ont
entrepris, elles ont réussi, remportant le premier prix d'un concours d'écriture
organisé par l'association brestoise Égalité par Éducation (qui a
réalisé en 2013 la BD
Égaux sans
ego
mise en ligne de façon interactive en 2017)
/.La consigne : réécrire les Lettres persanes en "dénonçant les
inégalités entre hommes et femmes".
Le personnage central, Adèle Lenoir (!),
quelques jours avant sa naissance, écrit sa première lettre à son papa : (...) il devra protéger sa fille quand,
jeune ado, elle subira les insultes et les moqueries des garçons...
Et sur le même motif de la dignité et des droits de la femme, et sur le même ton déterminé, une
suite de dix lettres, entre autres une à Catherine Deneuve, une autre à Marlène Schiappa, Secrétaire d'État, où Adèle, promue présidente de l'AFSB (Association
féminine du Sud de la Belgique), affirme que rien ne pourra aboutir sans
le monde politique qui a les cartes en main.
Le mot de la fin, à Brest, au mois de juin, pour Nadine Nascimento, présidente du
jury, au cours d'une vidéoconférence suivie par les élèves de l'ITELA :
« En lisant votre travail, Montesquieu a dû être content. »
Le palmarès
1er prix : Itela,
Arlon (Belgique)
2e prix : Lycée
du Léon, Landivisiau (France)
3e prix ex-aequo,
Lycée Descartes, Rabat (Maroc) et Lycée de l'Iroise, Brest (France)
LMDP, ses
lecteurs et ses lectrices saluent Laura Lafalize : Elle a "osé"
! Comme ses
élèves !
Confidence d'un inspecteur: Je croyais
devoir colporter les directives ministérielles.
Je transmets beaucoup plus utilement des
expériences réussies.
J.
Georges, Ecole. des lettres, 2008-2009, 5-6, p. 111.
Les mots du bitume : un
dictionnaire
Aurore
Vincenti, lexicographe bien connue pour son émission Qu'est-ce que tu
m'jactes sur France Inter, a publié en 2017 aux Éditions Robert, préfacé par
Alain Rey :
Les mots du bitume - De
Rabelais aux rappeurs, petit dictionnaire de la langue de la rue,
128 p., 12.90€ (E-book 9.99€)
Nous lisons, dans la présentation de l'éditeur :
(...) c'est sur le bitume que cette linguiste passionnée a attrapé ces mots
connus ou énigmatiques qui nous plongent dans la musique d'un langage aussi beau
qu'il peut être éphémère, aussi créatif que riche de voyages et
d'histoire. (...)
Les mots du bitume nous ouvrent les portes d'un monde bouleversé par les
passions, d'une langue qui se construit et se partage. (...) elle
passe au crible les plus belles pépites de notre vocabulaire contemporain et
redonne ses lettres de noblesse à un parler souvent dévalorisé. Habillés dans
les textes des plus grands rappeurs modernes – Booba, Oxmo Puccino, Nekfeu...
Ce livre reprend les meilleures chroniques d'Aurore Vincenti diffusées sur
France Inter dans l'émission
« Qu'est-ce que tu m'jactes ? ». L'intégralité de
ces chroniques est réécoutable sur le site franceinter.fr.
Les mots du bitume s'envolent en chansons, rap, en slam, et deviennent
très vite du français tout simplement. (...) La langue française bouge
(...) Elle reflète les pulsions et les passions, les désirs et les
colères, la mixité et le métissage.
Alain Rey, dans la
Préface
Passeur de livres dans les steppes de Mongolie
C'est sous ce titre que Le Monde a publié, le 01.08.2018, un
reportage, signé
Brice Pedroletti, et illustré par Marcelino Truong :
«
Au pays de Gengis Khan, Jamba Dashdondog, auteur de contes populaires
mongols, parcourt les steppes à la recherche d’enfants en quête de lectures. A
moto, à cheval ou à dos de chameau.
».
L'illustration de Marcelino Truong, artiste philippin.
Illustration parue dans le livre d'Alberto Manguel, La Bibliothèque, la
nuit,
Actes Sud, 2006. Et il écrit, p. 199 :
On
n'imagine donc pas un monde sans bibliothèque! «Robinson Crusoé était le
fondateur - un fondateur malgré lui - d'une société nouvelle. Et Daniel
Defoe, son auteur, trouvait nécessaire qu'au début d'une société nouvelle
il y eût des livres.»
Biblio-bourricots dans la Colombie rurale (burro : âne, en
espagnol)
Chaque mois, depuis janvier
2001, la rubrique livre du mois de la page
lecture
de LMDP présente des ouvrages qui
nous paraissent utiles à la formation initiale et continue des enseignants.
Pour certains, nous avons
exprimé des réserves, voire notre désaccord : chaque fois en toute liberté et
dans le respect de nos lecteurs. Plus de 200 livres, à ce jour, figurent à la
page
librairie de LMDP : les recensions sont par ordre de
date, suivies de la liste de tous les auteurs par ordre alphabétique.
Juillet-août
Septembre 2018
Vincent Leary
Qu'est-ce qui nous fait vivre ?
Payot, coll. Rivages, 2015, 320 p., 20 €, trad. de l'anglais par
Françoise Bouillot
La question peut étonner ! Elle est capitale, nous déclare l'auteur, ce
brillant psychothérapeute qui quitte la région londonienne pour aller
vivre en Écosse, isolé pendant deux ans, attelé à la rédaction de ce
livre. Au départ de sa réflexion, ceci, qui lui paraît évident : nous
sommes des créatures d''habitude, voire de routine, vivant dans la
répétition, recourant à la mémoire pour perpétuer une façon d'exister.
Il serait bon d'échapper à ce mode de vie, qu'il appelle l'Acte
I, et d'entrer dans l'Acte II "qui suit l'arc dramatique du
changement jusqu'à l'Acte III, où s'établit le nouvel état
normal, le nouveau petit monde" (11). D'où les
deux grandes parties du livre, Rester le même
(35-170), Changer (173-270),
suivies de Danser déjà (271-310),
titre - ô combien métaphorique - d'une sérénité et d'une maîtrise
retrouvées.
Ce travail sur soi, cette mise en mots de son vécu pour préparer le
changement, sera favorisée par la pratique de l'écriture : "En écrivant
mes arguments, en utilisant cet accessoire qu'est l'ordinateur posé sur
ce bureau, je peux soutenir et développer ces pensées sur un temps bien
plus long que je ne pourrais le faire sans aide" (87).
Beau témoignage sur le rôle de l'écriture comme moyen de construire la
personnalité ! Il reconnaît aussi, comme aide au changement, ce "terrain
commun" que sont les réseaux sociaux : "nous avons désormais des
communautés de désir" (131). Voilà qui surprendra
les pourfendeurs de facebook... !
Jolie et révélatrice du changement survenu (la capacité de vaincre la
routine !), cette scène du T-shirt, tombé par hasard de l'armoire ;
"Après un instant de blocage, l'ancien a cédé la place au nouveau
; je l'ai relancé à sa place avant d'aller faire le thé et les toasts."
(196). Autrement dit : j'arrive "au point où le
délibéré devient habituel" (254).
Ainsi donc, ce qui était habitude a cessé d'être servitude, parce que
vécue avec cette présence d'esprit et cette créativité retrouvées qui
éliminent l'automatisme et la dépendance. "Tout dépend de qui tient les
rênes. L'Automatique qui forme l'essentiel de nous a besoin de guidance
et de direction." (312).
Guy Haarscher
Comme un loup dans la bergerie
Les Libertés d'expression au risque du
politiquement correct
Éd.
du Cerf, 2016, 200 p., 19€
Philosophe et juriste, il a enseigné à l'ULB, à la Faculté de Droit et à la
Faculté de Philosophie et Lettres dont il fut le Doyen de 1997 à 2000. Il a
créé en 2016 un MOOC "Développer la pensée critique" et est
actuellement professeur au :Collège d'Europe. Son livre Philosophie des
droits de l'homme publié en 1987, plusieurs
fois réédité et révisé, est sans doute le plus connu du grand public :
dernière parution au Cerf en 2015..
L'année suivante, paraît cet ouvrage sur les libertés d'expression qu'on peut considérer comme illustration du
précédent : il y analyse: en effet des affaires survenues ces
dernières décennies - insultes, blasphèmes, ,propos
racistes,
homophobes, islamophobes, antisémites... - examinées par des
Cours compétentes, telles que la Cour suprême des États-Unis, la Cour
européenne des droits de l'homme (instituée par la Convention européenne de
l'homme). Citons par exemple : le projet - inabouti - de monter à
Genève, en 1993, Le Fanatisme ou Mahomet le Prophète
(26...), le film Le Concile d'amour de Werner Schröter projeté
à Innsbrück en 1985 (49...), les tracts racistes
du suprématiste Beauharnais à Charlottesville dans l'Illinois en 1952
(91...), les thèses négationnistes de Roger
Garaudy dans Les Mythes fondateurs de la politique israélienne publié
en1995. (105...)...
La deuxième partie,
Les avatars de la querelle du créationnisme (123-176),
intéressera certainement davantage les responsables de l'éducation
confrontés souvent confrontés à cette croyance fondée sur une fâcheuse
lecture littéraliste de Genèse 1, qui n'est nullement une
chronologie, mais un décalque des mythes chaldéens ! C'est surtout
chez les tenants du Dessein Intelligent que l'on débusque la
stratégie du loup dans la bergerie : présenter comme science ce qui
ne relève pas de la science, et prétendre être attentif à la
controverse, Ce qui est une imposture, ou plutôt une "ignorance criante"
(174) que dénoncera fermement le juge Jones, de
la Cour suprême des États-Unis. '"C'est son honneur, dit Guy Haarscher, de
ne pas s'être laissé piéger par ce langage apparemment ouvert (...) et
d'avoir compris à quel point il s'agissait d'une manipulation."
(197).
Voir, pagelibrairie,
toutes les recensions parues depuis 2001 dans cette chroniqueLivre
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