Quand un fruit est mûr, il tombe. C’est
l’intelligence de ce gouvernement d’avoir compris que le trop lent
mûrissement des réformes avait atteint ses limites. Volontariste, actif, il
récolte ce que les autres ont laissé sur pied. Cela fait trente ans au moins
qu’on parle de réformer le bac. Outre son caractère de monument national
difficile à mettre en cause, le changement se heurtait à de multiples
oppositions. Nostalgie des parents pour une institution de leur jeunesse,
blocage organisé par les gardiens des disciplines qui se sentaient menacées,
procureurs de la sélection qui voient dans toute réforme une aggravation du
mal qu’on est censé combattre : on parlait, on colloquait, on rédigeait des
rapports. Mais on ne changeait rien ou pas grand-chose. Le coût du rituel,
allié au lancinant problème de l’encombrement des facs, où quelque 60 % des
étudiants ne passent pas le cap de la licence, ont eu raison de cette si
longue attente.
Le nouveau bac arrive, allégé,
concentré sur les disciplines principales, lesté d’un contrôle continu qui
pèserait plus lourd dans la note finale.
Bruxelles, 19.12.2017, Contre la réforme des pensions
le dessein du dessin et le pouvoir des mots
Suggestion : chacun lit d'abord les
images puis partage ses réactions, ses questions. Durée : une période
de cours
Les scènes de manifestations publiques nous sont devenues familières. Elles
sont du pain bénit pour les médias, surtout pour la télévision, dans la
course à l'audimat. Et les pubs intercalées, ça peut rapporter gros !
A l'inverse, les organisateurs de ces rassemblements multiplient les moyens - bruits, musique,
mouvements, costumes, couleurs - de se faire voir et entendre. Et ils savent
bien, en outre, que « la manif, ça fait de nouveaux adhérents » (entendez...
des cotisations). D'où, parfois, l'apparence trompeuse d'une revendication déclarée
"unanime", là où chaque groupe organisateur tient - quand même ! - à laisser sa
propre marque...
Du pain bénit, aussi, pour le sociologue comme pour le
linguiste. L'un palpe sur le vif les mentalités, les attentes, les situations,
saisit les problématiques, entrevoit leur évolution... ; l'autre observe comment
le peuple s'affirme dans le langage, renouvelle le langage, verbal (le dessein du dessin) ou
verbal (le pouvoir des mots).
Repères et propositions pour l'observation
01, 02,...
23, 24
désignent les illustrations du florilège ci-dessous
a. Voies publiques et lieux de pouvoir
Le plus souvent, la manifestation se déroule dans les artères importantes d'une
agglomération : calicots, banderoles, cris et musiques se donnent à voir et à entendre par
davantage de témoins. La métaphore de la marche est très forte, suggérant le
changement, la détermination, l'unité, l'attente du résultat. Zola, dans
Germinal, V, 5, développe longuement cette métaphore... Voir entre
autres 01, 02. 03, 04. 06, 14...)
Parfois, la contestation, pour s'exprimer, "prend position", comme pour monter la
garde, près de (ou dans) un lieu symbolique
du Pouvoir (17
: Le Conseil d'État),
du patronat (07 :
Éclair),
de la concurrence sauvage (08 et
09 :
Uber),
de la mise en danger des enfants (11 :salle de shoot),
de la menace pour l'environnement (12 :
aéroport de Notre-Dame des Landes),
de l'Education nationale (16 :pour le maintien des ZEP)
b.
Le combat... plutôt que le débat
Les manifestants interpellent le pouvoir (patronal, gouvernemental, judiciaire,
financier, policier...) pour dénoncer l'injustice ou l'arbitraire de telle ou
telle situation :
régime des pensions (01,
02), droits des travailleurs (03,
04, 05),
déficit contesté (06),
plan de licenciement (07),
concurrence déloyale (08,
09), conditions de travail
(10),
enfants en danger (11),
environnement menacé (12,
13),
réformes pédagogiques (14,
15, 16),
assignations à résidence (17)
violence policière (18), , les expulsions (19),
mises sur écoute (20), pouvoir présidentiel
(21, 22),
candidature contestée à la Présidence (23),
corruption des médias par la finance (24).
c. Le non verbal...
La couleur comme signe d'appartenance (01,
02,
04), la couleur rouge comme
signe de lutte (04,
06, 08,
10, 12.
14, 17)
Combinaison de couleurs, souvent pour
signaler le plus important du message, ou les oppositions de sens
(04, 06.
08. 10,
12, 14,
17)
Ton clair sur fond sombre, pour
mettre en relief le message (09.
13. 18)
Des emblèmes servant de métaphores :(02 : tête de mort),
(09 : cercueil... et le décor de la nuit), (12 : bâtons), (23 : silhouette de Marianne)...
Des pictogrammes - un dessin pour
un écrit : (10), (24
: € pour
É)
...et le verbal
sigles
FGTB, CSC,
CGT, SNEP... en guise de signatures
(01), (02), (03), (14), ZEP (16)
lexique
non (01), (10), (14), stop (02), contre (12), nunquam (13), delenda (15),
stop (19), gaz' toi (22), honte (24), halte
(07)...
C'est le champ
lexical de la contestation, du rejet...
hyperbole
hold up (01),
carnage (02), t'es foutu (03), néant (04), assassine (18), arnaque (08,
09), monarc (21)...
mot-valise
uber + arnaque
► ubernaque (08;
09)
réécriture
fainéant
►
fait néant (04), grêve ► rêve (05),
anagramme
PEZ * ZEP (16
: palindrome), MACRON * MONARC (21)
intertextualité
delenda est (15: Caton l'Ancien...), gaz' toi (22 :
Sarkozy, 23.02.2008...), nunquam (13 : allusion à Laudato Si' du pape
François), Je suis (20 : réemploi de Je suis Charlie)
opposition
(6 : déficit vs profits), (10
: oui vs non),
(11 : enfants vs salle de shoot); (12
: béton vs bâton (23 : Marianne vs Marine)...
"Pour Bacquelaine et sa clique, c'est no pasaran!", prévient la FGTB
... et en France
03
Le Soir, 12.09.2017 :
France : les manifestants anti-réforme du travail retournent le
mot «fainéant» contre Macron
Plusieurs dizaines
de milliers de manifestants sont descendus dans la rue mardi en France contre la
réforme du Code du travail. Dans les cortèges, de Paris à Marseille, les
manifestants ont détourné le mot « fainéant »,utilisé
dans un discours récent d’Emmanuel Macron et qui fait tant jaser.
04
lepost.fr, 19.09.2017 :
En déclarant le 8 septembre dernier qu'il ne céderait ni aux
"fainéants"
ni aux cyniques, ni aux extrêmes" qui s'opposent à sa réforme du Code du
Travail, EmmanuelMacrona
déclenché, une fois encore, un véritable tollé sur les réseaux sociaux et dans
les médias. La polémique des "fainéants"
a généré en
moins d'une semaine plus de tweets indignés que ceux sur la contestation de la
réforme du code du travail, stimulée pourtant par la perspective d'une
manifestation syndicale le 12 septembre....
05
François WENZ-DUMAS, Libération, 30.01.2009
[Le 29.01.2009, grève en France: Un nouveau slogan... Le lendemain, sous le
titre: Rêve générale dans les cortèges]
Rêve générale.
Apparu au printemps 2006 lors des
manifestations anti-CPE (Contrat première embauche), le slogan créé par une
groupe de graphistes a connu ce jeudi son heure de gloire dans la
manifestation parisienne. Diffusé dans le cortège à plus de 15.000 exemplaires
sous forme d'autocollants par un collectif d'associations, il a été repris par
tous les manifestants, quelques soient les banderoles et les étiquettes
syndicales. Les raison du succès? «Il faut que le cauchemar s'arrête. Que l'on
puisse à nouveau rêver», avance une manifestante arborant l'autocollant Rève
générale et un macaron, CGT en guise d'explication.
Rêve: homophone de
rave dans "rave
party", rassemblement où on peut échapper au réel.
06
Le Monde, 22.02.2016 [Sous le titre " Plombée par un déficit record,
l’assurance-chômage joue sa survie "
L'équivalence de structure renforce
l'opposition de sens
07
ALWAN Margaret, Le Figaro, 02.12.2013 :
Le groupe
Éclair foudroyé par une grève
L'emblématique laboratoire de cinéma français était au cœur d'un mouvement
social, mercredi. Ses salariés dénoncent notamment le plan de licenciements de
trop. Après la disparition des studios GTC et LTC, ce fleuron historique du 7e
art va-t-il lui aussi disparaître?
08
Uber :
une application qui permet de commander un véhicule avec chauffeur en quelques
minutes, contestée par les taximen professionnels
09
10
Adélaïde
Pouchol,
dansPolitique/Société,
sous le titreCigognes, oui,
pigeons, non !, illustration.
Droits de la jeunesse, le souci de l'environnement...
11
Le Figaro, 11.10.2016, illustration.
Ouverture d'une première salle de shoot à Paris. Calicot sur une façade,
env. 10 m de long :
12
Rémi Barroux, Le Monde, 08.11.2016, illustration sous le titre "
A Notre-Dame-des-Landes, le sol ne pourrait pas supporter les pistes de
l’aéroport".
13
Le Figaro, 13.02.2016 [Sous le titre " Notre-Dame-des-Landes : le référendum
pourrait avoir lieu avant l'été ". Photo : devant des tracteurs, ce calicot
:
«
Laudato Si'au secours de Notre Dame des Landes », écrit
Olivier Nouaillais dans La Vie, 13.01.2016
...et d'un enseignement de qualité
14
Le Figaro, 26.01.2016 [Manif enseignants contre la réforme. Calicot] SNEP
Syndicat national des écoles publiques
15
Sophie Coignard, Le Point,
15.02.2016, sous le titre
"Réforme du collège : Vallaud-Belkacem,
morituri te salutant:
Un professeur de latin a démissionné d'un Conseil "pour la réussite éducative" :
à part louer la réforme du collège, il ne servait pas à grand-chose.
illustration, ce calicot
16
Caroline Beyer,
Le Figaro, 07.12.2014,
Sous le titre "Redécoupage des ZEP : réforme à risques pour Vallaud-Belkacem"
:
La nouvelle carte de l'éducation prioritaire suscite de très nombreux remous.
Calicot
au Palais de la Découverte à Paris
Contre les excès du Pouvoir
17
Le Monde, 12.12.2015
Le Conseil d’Etat a
validé, vendredi, sept assignations à résidence, mais demande aux « sages »
d’examiner la loi.
Banderole
devant le conseil d'Etat,
env. 7m50*1m50
:
18
L'Express, 19.05.2015
Sous le titre "Zyed et Bouna
: rassemblement à Bobigny contre "l'impunité policière"
Quelques heures après l'annonce de la relaxe des deux policiers jugés dix ans
après la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, quelques centaines de
personnes se sont retrouvées devant le tribunal de Bobigny.
19
Le Figaro, 17.10.2013, Manuel Valls, ministre de l'(Intérieur,
autorise l'expulsion d'une Kosovare, Leonarda, 15 ans. Un calicot brandi par deux lycéens :]
20
Pierre ALONSO, Libération, 24.07.2015 [
Le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire à l’élargissement
considérable des motifs justifiant un placement sous surveillance. Pas plus au
caractère extrêmement intrusif des nouveaux outils (micros, caméras, piratages…)
qui équiperont légalement les services et seront employés sans le contrôle
d’aucun juge judiciaire.
Des
attaques personnelles...
21
Nouvel Obs, 23.09.2017
Manifestation à Paris.
22
La Libre Belgique, 10.05.2011, p. 2
Réécriture de
Casse-toi, pauv'con,
célèbre repartie de Sarkozy, 26.02.2008, au Salon de l'Agriculture
►
Opposants à
l'exploitation du gaz de schiste à Tournan-en-Brie : un de leurs calicots.
23
Libération,
24.04.2017 Sous le titre Le «front républicain», une longue histoire
Avant le deuxième tour de la Présidentielle
24
David Carzon, Libération, 16.11.2016
Les intentions de l’homme d’affaires
[Vincent Bolloré] reposent parfois sur des objectifs qui
débordent du domaine économique pour rejoindre le combat personnel. Ainsi le
maintien plus qu’assumé de Jean-Morandini à l’antenne fait de lui la figure de proue
de facto de cette nouvelle i-Télé.
Sylvie Dodeller, La Fontaine, en vers et contre tout ! École des loisirs,
2017, 6.80€
Jean de La Fontaine, ce nom vous dit quelque chose ? Bien sûr, vous pouvez
réciter quelques-uns de ses vers, voire des fables entières,La
Cigale et la Fourmi, Le Corbeau et le Renard… Mais l’homme ? Ou plutôt « le
bonhomme », comme l’appelaient ses amis ? Il n’a publié ses fables qu’à 47 ans
et s’est d’abord rendu célèbre grâce à ses contes pour adultes. Il aimait le
vin, les femmes, le jeu, et par-dessus tout la poésie. C’était un mauvais père,
un piètre mari, mais un ami fidèle, surtout avec les réprouvés et les bannis. Il
ne fréquentait ni la cour ni Versailles, et Louis XIV ne le portait pas dans son coeur. Jean de La Fontaine, l’un des plus grands poètes français, reste pour
beaucoup d’entre nous un illustre inconnu ! (comm. Ecole des Loisirs)
Beaucoup le détestent...
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles
pour un massacre, L'Ecole des cadavres,Les
Beaux Draps
Éditeur historique de Céline, Gallimard envisage de republier ces trois
pamphlets antisémites
écrits entre 1937 et 1941, et non réédités depuis à la demande de
Céline lui-même.
Le projet est vivement critiqué par
Frédéric Pottier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, ainsi
que par Serge Klarsfeld,
défenseur de la cause des déportés juifs de France.
Il est soutenu par Pierre Jourde (v. son blog Confiture de Culture du 14.01.2018
►) que commente ainsi Christian Jeanbrau :"La
solution n'est pas la censure, c'est l'École",
ainsi que par René
Lévy, philosophe et directeur de l'institut d'études
lévinassiennes : «il ne faut pas cacher la saloperie de l’écrivain, » déclare-t-il dans
Libération du 18.01.2018.
► Interrogé le 06.01.2018 par la rédaction du Journal du Dimanche,
Edouard Philippe, Premier Ministre, répond :
Il y a d'excellentes raisons de détester l'homme, mais vous ne
pouvez
pas ignorer l'écrivain ni sa place centrale dans la littérature française. Je
n'ai pas peur de la publication de ces pamphlets, mais il faudra soigneusement
l'accompagner.
Si Gallimard abandonne ce projet,
ces pamphlets continueront de n'être disponibles sans appareil critique
que sur des sites peu recommandables.
Il écrivait comme un chien...
Marcel Proust, À la recherche du temps perdu,
manuscrits de l'oeuvre. éditions de la Maison des Saints Pères; 2017, 248 p.,
249€.
Fondée en 2012, dirigée par Jessica
Nelson, cette maison d'édition est spécialisée dans la reproduction des
manuscrits originaux.
On découvre par exemple que
l'écrivain a longuement hésité sur l'origine de la pâtisserie devenue
aujourd'hui un lieu commun. «Marcel, prudent,, n'a pas encore définitivement
choisi sa Petite Madeleine moulée dans la valve rainurée d'une coquille de
Saint-Jacques. Il hésite, envisage diverses pâtisseries, après avoir imaginé une
tranche de pain grillé, il médite autour d'une biscotte, et il faut attendre
encore pour voir enfin apparaître le biscuit proustien par excellence», raconte
Jean-Paul Enthoven.
Un travail minutieux sur des
pages où abondent les ratures, où la graphie est incertaine : «On a mis du temps
à le déchiffrer, se souvient Jessica Nelson,, directrice des éditions de la
Maison des Saints Pères; car il écrivait comme un chien.»
Du nom propre au nom commun...
Thierry Maugenest, Étienne de Silhouette, le ministre banni de l'histoire
de France,
La Découverte, 2018, 208 o., 18 €
Né à Limoges en 1709, décédé au château de Bry en 1767... Il fut Ministre
de Louis XV, diplomate, espion; écrivain,
puis rejeté, brocardé par Voltaire...
« Avec un sens inné de la communication de masse, les grands financiers et la
noblesse n'ont de cesse de faire oublier le nom propre de Silhouette au profit
d'un nom commun qu'ils répandent dans les libelles, les saillies, les pamphlets,
les chansons et qui désigne désormais des objets ou des actes sans réelle
valeur...», écrit Thierry Maugenest.
Le théâtre de la " grande histoire" entrevu depuis les coulisses...!
3000 ans... et toujours
fréquenté
Pierre Judet de la Combe,
Homère,
Gallimard, octobre 2017, 368 p., 9.30€ Aperçu en format Kindle
►
Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess). il
a publiéL’Avenir
des anciens. Oser lire les Grecs et les Latins,Albin
Michel, 2016, 202 p. Il
nous dépeint ici la pensée d’un poète résolument révolutionnaire.
« Qu’il soit le nom d’un seul homme ou celui d’un groupe d’aèdes, Homère nous
invite par la poésie à penser la violence et le concept de héros. Homère ne fait
pas l’éloge du héros mais interroge notre rapport au héros. (...) Homère, en
imposant le débat par la poésie, a préfiguré la future démocratie athénienne et
toute forme non résignée de réflexion. » (Interview dans
L'Humanité
22.12.2017
►)
Homère est nouveau ce matin...
(Péguy, Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne,1914).
«
Pour l'amour du grec, souffrez qu'on vous embrasse... » (Philaminte, Les
Femmes savantes, III, 5) :
Andrea Marcolongo,La Langue géniale, 9 bonnes raisons d'aimer le
grec, trad.Béatrice Robert-Boissier,Belles Lettres; 202 p.
Best-seller quinze fois réédité en Italie où il s'est écoulé à 200 000
exemplaires, traduit dans dix langues
Voir recension de Jean-Marc Proust, dans
slate.fr du 16.02.2018 sous le titre
Le grec
ancien, une éternité de cerveau disponible
D'une part,
l'auteur et son lecteur entrent dans un jeu, parfois subtil, de connivence
culturelle, de savoirs partagés. Une rencontre où l'on est fort aise de se
retrouver entre connaisseurs, entre initiés, dans ces proverbes qui
reflètent la sagesse populaire.
D'autre part, ce travail sur le langage
est tantôt malicieux, tantôt élogieux : on est alors dans le registre de la critique où les puissants ne sont pas épargnés, ou bien
dans le registre de l'éloge de personnes ou d'oeuvres
de qualité.
Déroulement
1. Rappeler quelques proverbes connus. Leur origine ? Leur cible ?
Les procédés
d'expression : sonorité, rythme, équivalence, opposition, images, temps du
verbe, syntaxe, concision... ?
2. Choisir ensuite dans la liste quelques
"remaniements" : observer le contexte, la cible, le jeu sur la forme...
3. Enfin
- pourquoi pas - passer à l'atelier : choix d'un sujet, essais de
mises en forme avec réécriture de proverbes, évaluation... et publication ?
[On pourrait aussi "aller de 2. à 1" : du remaniement à l'original.]
Des proverbes bien connus...
Bien mal acquis ne profite jamais
Aux innocents les
mains pleines
Les chiens
aboient, la caravane passe
Pluie du matin
n'effraie pas le pèlerin
À tout seigneur,
tout honneur.
Qui sème le vent
récolte la tempête
C'est la goutte
d'eau qui fait déborder le vase
Voir Naples et
mourir
Sésame,
ouvre-toi
Pierre qui roule
n'amasse pas mousse
Pour vivre
heureux, vivons cachés
Les bons comptes font les bons amis
Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin se brise
Faute avouée à
moitié pardonnée.
Qui s'y frotte s'y pique
... à leur remaniement !
Jeau-Claude Matgen,
La Libre Belgique, 19.09.2007, p. 7.
Ironie des choses:
alors que la Semaine de Mobilité bat son plein, la Belgique s'est offert 300
kilomètres de bouchons aux heures de pointe ! Titre de l'article :.
Pluie du matin, bouchons chagrins
Didier Péron,
dans Libération, 28.02.2017, présente un documentaire sur des
ouvriers d’abattoir qui s’épuisent au travail dans une cadence intenable.
A tous «Saigneurs», toute horreur
Les chasseurs manifestent avec leurs chiens devant le Palais-Bourbon, au moment
du vote d'une loi sur la chasse (275 pour, 252 contre). Titre au bas de l'écran
sur FR2, 04.04.2000 :
Les chiens aboient, la loi passe.
François Carrel; Libération,
27.09.2016. Reportage sur la montagne Sainte-Victoire, souvent peinte par Paul
Cézanne. Titre :: Cézanne, ouvre-toi
Festival des arts de la rue à Chassepierre, aux bords de la Semois
(Lorraine belge). Marielle Gillet, dans L'Avenir Luxembourg, 19.08.2013 :
Chassepierre roule et amasse foule
Voyage de Manuel
Valls à Berlin en Falcon du gouvernement pour le match Barça - Juventus avec ses
deux enfants. Il regrette et rembourse (2500€). Commentaire ironique de Xavier
Bertrand sur Europe 1, 21.06.2005 :
Faute avouée, à moitié remboursée.
Sur FR2, le
09.06.2011, reportage sur la fortune de chefs d'États africains accusés de recel
de biens publics. Bandeau à l'écran :
Biens mal acquis profitent encore
Dans Le Point du 13.08.2016, Guerric Poncet décrit le succès de Pokemon
Go, sous le titre :
Pokémon : qui sème l'addiction récolte des
millions
Dominique Cravic,
auteur de l'album World Musette; à l'émission Étonnez-moi, Benoît,
sur France Musiques; le 01.03.2008, en rappelle le sous-titre :
C'est la goutte d'or qui fait déborder la
valse
FR2, JT de 20h, 29.05.2001 : reportage sur des réunions amicales de quartiers à
Paris, appelées "Immeubles en fête". pourquoi ces réunions. Un
organisateur répond : Pour vivre plus heureux, ils ont décidé de
rester moins cachés.
Bernard Tapie recevra sans doute un remboursement de 200 millions d'euros... (il
a eu de la chance d'être dans les petits papiers de François Mitterrand, puis de
Nicolas Sarkozy...) Commentaire de Laurent Pinsolle, dans Marianne, le
11.09.2010 : Les bons amis font les bons comptes
Dans Libération du 09.01.2006, reportage de Brigitte Vital-Durand sur
Jean-Marc Florand, avocat parisien : il a fait acquitter Patrick Dils, a
participé à la rédaction du Pacs, préside le comité des anciens taulards VIP.
Titre du reportage :
Les mains pleines d'innocents
Dans un reportage sur la gestion de l'eau paru dans L'Avenir-Luxembourg
du17.01.2008, Dominique Zachary évoque les pâtures en bordure des rivière...
L'article est annoncé ainsi, à la une du journal :
Tant va la vache à l'eau qu'à la fin elle pollue
Marc Semo, Libération, 20.05.2008 : Nettoyer la ville de Naples envahie
par les ordures et combattre la mafia qui en fait commerce, tels sont les
premiers défis du gouvernement Berlusconi. Titre : Voir Naples et pourrir
Bruxelles, automne 1999 : gare aux fraudeurs dans les transports en commun !
Affiches :
Qui fraude s'y pique !
Manuel Valls, premier ministre, se rend à Berlin en Falcon du gouvernement avec
ses deux enfants pour voir le match Barça-Juventus. Il fait mea culpa et
rembourse les 2500€ dépensés. Commentaire ironique de Xavier Bertrand (Les
Républicains) sur Europe1, le 11.06.2015 : Faute avouée, à moitié remboursée
Traduit de l'anglais par Sylvie Kleinmann-Lafon * Odile Jacob,
coll. Sciences, 2014, 182 p., 23€90
Dans un langage accessible, et non dépourvu d'humour, ce livre nous fait
découvrir, exemples à l'appui, comment travaille le scientifique : ses
questions, ses surprises, ses aveux d'ignorance. Saluons au passage la qualité
de la traduction.
L'avantage de l'ignorance savante, clairvoyante,
avisée : elle nous permet de poser des questions plus pertinentes et donc
d'obtenir in fine de meilleures réponses. (v. 12)
Les médias mettent en avant les découvertes et
laissent dans l'ombre le processus de la recherche.... : « On ignore
l'ignorance, si vous préférez. » (68)
Se concentrer davantage sur l'ignorance que sur les
faits permet de comprendre beaucoup de choses. Il ne s'agit pas de les ignorer,
mais simplement de ne pas leur accorder une importance exagérée.
(v. 90)
Dans Etude de cas, le long chapitre 7
(93-163), il cite quelques "continents de notre
ignorance", par exemple : Que se passe-t-il dans la tête d'un animal ? Et si les
deux physiques (la quantique, celle de la relativité) pouvaient fusionner ?
Enfin, "haut de gamme de notre ignorance", (126-127)
comment fonctionne notre propre cerveau.
Pari gagné : il était important "de familiariser le
public (y compris... les littéraires !) avec un discours scientifique qui met en
avant l 'inconnu" (168) !
Daniel Marcelli
Avoir la rage. Du besoin de créer à l'envie de détruire
Albin
Michel, 2016, 280 p., 19.50 €
Cet ouvrage répond tout à fait aux préoccupations de beaucoup de parents et
d'éducateurs : la rage, en effet, s'est sans doute manifestée à toute époque,
mais actuellement, on en trouve des expressions de plus en plus violentes :
ruptures, marginalisation, rejets, provocations... souvent aggravés par la
tendance sectaire qui peut aller jusqu'à la radicalisation.
Mais voyons d'abord
comment naît et se développe la rage... ordinaire. Elle est le résultat de la
solitude - se sentir ou se croire écarté, rejeté, incompris... - ou de
l'impuissance - ne pas pouvoir exécuter une tâche, réaliser un projet
(v. 25 & 29). Et cette rage s'exprime abondamment dans les
réseaux sociaux, surtout chez les adolescents, où l'on partage les
expériences, les témoignages, comme pour défier la pensée correcte en exhibant
la rage comme un attitude séduisante (ch. 5 : La rage au risque
de la séduction).
Que faire, face à la rage ? Comment éviter son enkystement (chap.
4) et son engagement sectaire (chap. 6) ? Sûrement
pas dans l'affrontement ni dans le dédain ! Mais, avant tout, dans
l'écoute, la compréhension, l'empathie, sans exclure, s'il le faut, la fermeté
et des consignes claires ; et également dans une action concertée (en faisant
appel à des intervenants experts, à des équipes spécialisées d'aide sociale). Le
plus important : trouver un objet ou une activité qui puisse restaurer, au moins
en partie, l'estime de soi et... la rage de créer
(284). Tout cela est nécessaire, mais fragile : "tout ne
rentre pas dans l'ordre comme par magie" (245).
Régis Debray
Allons aux faits
Croyances historiques, réalités religieuses
Gallimard * France culture, 2016, 254 p., 18€
Ce livre transcrit deux séries d'interventions sur France-Culture en 2016,
l'une sur l'histoire (héros, politique, idées, arts, Europe, "progression ou
régression", l'autre sur le fait religieux (croyance, sacré, religion,
Dieu, ange, laïcité).
Défenseur de la laïcité et de l'enseignement du fait religieux à l'école,
initiateur - vers 1990 - de la
médiologie, il résume ici les travaux menés dans le champ du temporel et
du spirituel. Le domaine est immense ! Limitons-nous à relever quelques
propos.
L'histoire, "atelier d'écriture" (25) : ne
négliger ni l'épopée ni les mémoires... ni Homère ni De Gaulle !
La
politique : "le discours du changement n'a pas pris une ride depuis trois
mille ans" (40).
Les idées : René Girard,
François
Dagonet, tous deux brillants ; l'un célébré, l'autre oublié. Injustice !
L'Europe : "une construction qui touche à sa fin pour nous rappeler
la prééminence du symbolique sur l'économique (96)."
*
"Savoir et croyance ne se font pas concurrence : rendons à
chacun son dû." (141).
Faire mémoire et faire groupe, relegere (recueillir) et religare (relier),
c'est bien cela l'esprit de religion : "seul ce qui nous dépasse peut
nous réunir" (183).
Parler de Dieu, c'est parler de "cet Infini qui dit moi-je
(voir Ex., 3,14), et qui pense à nous"
(203) : à la fois transcendant et proche.
"En régime de laïcité, aucun credo, aucune ascendance ou couleur de
peau ne donne droit sur quiconque." (244). Vouloir
"nettoyer" une société de tout signe religieux, serait totalitaire et
parfaitement idiot. (v. 250). L'école républicaine
enseigne "non ce qu'il faut penser, mais comment s'y prendre pour penser par
soi-même" (253).