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JULIBEL, le français actuel

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SOMMAIRE 

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Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source

 

 

Numéro 148 * Mars 2012

 

Sommaire

1. Le français, une langue en évolution et un défi commun * Récit de Philippe Mathieu * 2e degré (fin collège)

2. Document brut * Révisez votre Molière avec DSK et Claire Chazal sur TF1

... et avec Philippe Paquet (La Libre Belgique, 20 septembre 2011)

3. Blogs de profs, suite: le blog d'Emmanuelle Florent : «un compagnonnage cognitif» * 1er & 2e degrés

4. Pris sur le vif: instantanés d'élèves en projet * Episodes suivants

5. Vous avez dit "compétence culturelle"? - La littérature en question, par Marc Devresse * 3e degré

6. Noir paradis, ou la princesse tombée dans un puits : Souvenirs d'un projet de théâtre avec mes élèves, par Cécile Jancart avec Christian Kellen et Catherine Leherte

L'individu du 21e siècle

Sa formation ne sera pas seulement académique, mais s'appuiera sur des réseaux, des expériences personnelles, surtout dans le secteur associatif qui devrait connaître un fort développement.

A la fin des études secondaires, le livret de compétence remplacera le livret scolaire. La personne ne sera plus jugée sur ses diplômes, mais sur son expérience humaine, ses compétences transversales et son savoir être, autant que sur son savoir ou son savoir-faire. Il n'agira plus d'occuper un poste, mais d'apporter quelque chose de neuf.

Roger Sue, La Vie, Rubrique Contrepoint, 22.12.2011, p. 28. Sous le titre Nous changeons de monde

Sociologue, univ. de Caen et Paris V, spécialiste du secteur associatif, il vient de publier Sommes-nous vraiment prêts à changer ? : Le social au coeur de l'économie, Éd. LLL ("les liens qui libèrent"), septembre 2011.

 

Le français, une langue en évolution et un défi commun

on va coller le prof ! * un texte pour le coller ! * et encore un ! * au tour du prof de faire ramer ses élèves ! * tout ça pour quoi?

Récit de Philippe Mathieu

Classe de troisième 

Cette démarche se situe à la rentrée scolaire. J'ai des élèves que je n'ai jamais croisés dans mes cours de français. Mon but : en faire des moteurs et non des suiveurs.


 

A. Préambule : quand les élèves essaient de "coller" leur professeur...

 
En début d'année, dans le cadre d’une mini-séquence sur l’histoire de la langue, j’ai suggéré aux élèves de me fournir un texte français que le professeur risquait de ne pas comprendre vu que la langue évolue. Ce texte devait respecter les règles de syntaxe de base. Ils m’en ont fourni et j'ai joué le rôle de l'élève pendant une période. En contrepartie, durant la période suivante, je leur ai fourni deux textes (un texte du Moyen Age et un de Molière * ) où ils ont souqué pour les remettre dans la langue d’aujourd’hui. Pour des raisons de longueur, je me limiterai à vous proposer un extrait du Moyen Age.

 * Fourberies de Scapin, I, 1 (les élèves avaient assisté peu avant au Médecin malgré)

Au travers de ces deux périodes, j'ai voulu leur montrer une valeur dont on doit tous prendre de plus en plus conscience : le français est en constante évolution et n'est pas figé pour l'éternité.

Ensuite, j'ai secrètement voulu leur signifier que le français était aussi un problème pour moi et qu'ils pouvaient m'aider. Le cours de français n'est plus à concevoir uniquement comme un apport unilatéral de l’enseignant mais comme un engagement mutuel où chacun est gagnant. Le jeune est porteur du français de demain, tout en sachant que le passé est loin d'être quantité négligeable (donc : le besoin de références).

Par retour d’informations, j’ai eu vent que certains élèves avaient repris le texte médiéval pour animer un après-midi scout à Arlon. Les ayant interrogés sur la véracité des faits, ils m'ont certifié avoir enthousiasmé leurs patronnés. Que demander de plus ?

 

B. Deux textes proposés par les élèves au professeur : quand les rôles sont inversés...

sommaire/édito 148 * début "langue en évolution"

Les deux textes proposés ci-après ont été choisis, car certaines propositions d’élèves ont été rejetées vu le caractère parfois trivial de l’écrit (ce rejet s’est fait sur décision des élèves).

Beaucoup de textes émanaient de chansons de rappeurs pour la plupart parisiens.

Le second texte fait partie de ceux-ci et, pour des impératifs de place et de temps, j’en propose seulement la première strophe.

Après une première lecture faite par les élèves, le professeur, en bon élève qu’il se doit d’être, relève les termes ou groupes de mots bloquant sa bonne compréhension du texte.

Il soumet aux élèves ses doutes ; ceux-ci entrent dans la peau d’enseignants et expliquent le sens des mots, voire l’origine de certaines expressions.

Je ne peux m’empêcher de dire que j’ai eu beaucoup de difficultés à comprendre le sens global du second texte ; donc, j’ai privilégié une compréhension de quelques expressions.

 

Texte 1

 « On la kiffe c’te putain de langue de ouf », par Dorothée KLEIN, dans le Vif-l’Express, 19 mars 2004

 Leurs hippies de vieux fumaient la moquette en se passant le disque de Woodstock en boucle.

Aujourd’hui, ils trouvent ça old school ou naze, comme disent ces adolescents shootés de pur bonheur, pour reprendre l’expression fétiche du présentateur Arthur sur TF1 ou sur Fun Radio. Les jeunes les plus trash, voire gore, adoptent le style de Marilyn Manson, look et maquillage noirs sur un  teint livide. Mais l’adolescent lambda laisse simplement dépasser son calebut d’un futal dix fois trop large.

Les détails vestimentaires et les tics de langage sont autant de signes de reconnaissance d’un groupe d’âge qui a toujours recherché à se démarquer de ses prédécesseurs, faisant du neuf avec du vieux, puisant son inspiration – mais l’influence est à double sens – tout à la fois à la télévision et dans la publicité.

A l’occasion d’une langue française en fête, voici donc un exercice de style et la transcription écrite d’un langage oral dont la correction orthographique n’est pas assurée. Et tant pis si ce pastiche est un peu lourd, voire relou, ou si ça fait des plombes qu’à Uccle, ou dans tout autre quartier branché, on ne tchatche plus ainsi. Ou si enfin une journaliste de mon espèce se la pète à essayer de vous imiter ? Comme l’écrit Bruno Coppens dans « Vu d’ici », aujourd’hui, même le père Guy Gilbert, i’parle comme les jeunes. Alors demain, ce sera le prince Laurent.

Première règle d’or, l’adolescence est le temps du tout feu tout flamme. Pas de demi-mesure. C’est excellent, à l’aise, trop top, trop délirant ou carrément dément. On dit « yes », quoi, en y mettant l’expression et le geste, ce qui manifeste une approbation nettement plus enthousiaste qu’un simple « oui ». Ou au contraire, c’est nul à chier, à fond ou, en verlan, à donf. Dans le registre de tout ce qui foire, l’élève ou l’étudiant est d’ailleurs intarissable.

Aujourd’hui, il ne rate plus une épreuve. Selon les variantes, il a losé un exam’ ; il a carrément tout faux ou il s’est fait massacré. Car il n’a rien capté ou catché. Tout cela à cause du prof, bien sûr, qui, selon les nuances, craint trop, a fait fort, lui bourre le fion, le tue ou cote au fusil mitrailleur.

Mais attention, il ne faut pas trop se fier au sens premier du mot. Quelque chose de mortel ou de la mort qui tue n’est ni assommant ni dangereux, mais au contraire génial. C’est tout l’art du décalé, l’esprit de contradiction du jeune, influencé par sa dose quotidienne de violence cathodique.

Deuxième caractéristique : à l’âge des boutons d’acné, on est susceptible. On se froisse d’avoir été complètement nié, laissé dans le vent, avec la peur d’être cassé, à prononcer en traînant sur la dernière syllabe et avec un geste de la main allant du nord-est au sud-ouest.

C’est qu’ils ne sont ni indulgents ni patients, ces jeunes. Ils se prennent rapidement la tête. Cela les gonfle ou les saoule tout aussi vite. Dans ces cas-là, quand ça pue trop, autrement dit, si c’est la zone, ou si c’est trop blindé, ils se taillent, se tracent ou s’arrachent. Action. Bouge. Move. Les enfants du zapping ont déjà décroché. Parce qu’il est ouf de chez ouf, ce condensé de parler jeune ? Désolée d’avoir taxé votre verbiage et chouré vos expressions. C’est qu’on la kiffe grave, nous les vieux, cette langue qui vit.

 

Explications du premier texte    

sommaire/édito 148 * début "langue en évolution"                                                                                                    

iffer

Aimer

Loser

Rater, louper

Ouf

Fou

Catcher

Prendre (anglais : to catch)

Fumer la moquette

Etre en plein délire

Trop craindre

Etre nul

Naze

Ridicule

Bourrer le fion

Ennuyer

Shootés de pur bonheur

Ivres de bonheur

Laisser dans le vent

Ne pas écouter

Trash

Provocant

Saouler

Embêter

Gore

Très provocant

C’est la zone

Mauvais, nul

Calebut

Slip, caleçon

C’est trop blindé

Bondé, rempli de monde

Futal

Pantalon

Taxer

Utiliser, voler

Faire des plombes

Cela fait longtemps

Chourer

Piquer, voler

Tchatcher

Parler

   

  Texte 2 : Nekfeu /

Alpha Wann « Monsieur Sable » (extrait)

 

Les keufs aiment matraquer les prolos ressentent l'invincibilité
C'est pas attaquer les homos qui te rendra ta virilité
Ho non, poto va tâter des lolos, molo t'amasses des vrais bobos
Sous projo j'suis ni robot ni hologramme
Arrête tes photos !
On connait la chienneté, allez viendez dans ma bande
L'étendard flambe on a des temps d'avance, même indépendamment
Importez-moi c'rêve magique, est-ce la zik qui me berce
Reste addict s'il te plaît, j'déteste les statistiques de merde
Hé statique si je crée des vers, magiques qui te prennent de court
Jamais pris de C , j'reste à l'abri des problèmes de bourges
Oublie ta peine, l'odeur de crack sur la gazinière
J'bousille le game, avec le
Phaal on est quasi frères
J'compte pas céder à leur chantage, odieux on croit on veut
J'maudis le temps qui file
Qui rend si triste quand on embrasse nos vieux
Hé Nekfeu on compte sur toi, fais ça bien, honte sur toi
Tu parles mal sur moi, mais après ça nie ienb'
Mais y a rien, j'suis debout je fais mon petit bonhomme de chemin
Des kilos d'or je tiens, mais je serais pas le chien du crew, nope

Les keufs aiment matraquer les prolos ressentent l'invincibilité
C'est pas attaquer les homos qui te rendra ta virilité
Ho non, poto va tâter des lolos, molo t'amasses des vrais bobos
Sous projo j'suis ni robot ni hologramme
Arrête tes photos !
On connait la chienneté, allez viendez dans ma bande
L'étendard flambe on a des temps d'avance, même indépendamment
Importez-moi c'rêve magique, est-ce la zik qui me berce
Reste addict s'il te plaît, j'déteste les statistiques de merde
Hé statique si je crée des vers, magiques qui te prennent de court
Jamais pris de C , j'reste à l'abri des problèmes de bourges
Oublie ta peine, l'odeur de crack sur la gazinière
J'bousille le game, avec le
Phaal on est quasi frères
J'compte pas céder à leur chantage, odieux on croit on veut

J'maudis le temps qui file
Qui rend si triste quand on embrasse nos vieux
Hé Nekfeu on compte sur toi, fais ça bien, honte sur toi
Tu parles mal sur moi, mais après ça nie ienb'
Mais y a rien, j'suis debout je fais mon petit bonhomme de chemin
Des kilos d'or je tiens, mais je serais pas le chien du crew, nope
J'balance du pull-up, quand j'me trompe de couplet

Ça part en impro en s'foutant des tronches de poulet
Houp houp Nike la lice-po,
jolies filles
Saute sur mes sous comme sur la bite à Guizmo

J'en place une aux vrais, ceux qui n'ont pas eu le rêve

Comme Mouss au hebs le truc m'oppresse, j'entends pas chuchoter
Ici la vie c'est comme un cours d'anglais, y a trop de faux amis
Et c'est irrégulier, trop de choses irréfutées faut être sage pour rentrer

Vivre ici c'est comme l’école j'suis pas fait pour la vie
Illicite et grosse déconne, prêt a t'baffer pour l'artiste genre
Passe les dollars vite mode, capitaliste extrême
Trafic a l'
ISF , bref des connards finis
C'est pour tout mes zonards timides, faut obtenir le dream dream
J'écris l'histoire mais après faut tenir le titre (tu piges)
Envole-toi dans les nuages
MC grasse mat' rendors-toi dans le plumard


 

[Refrain]
Roule la verte
Bouge la tête
Trouve le rêve
Who's the man ?
La vie, une pute et puis tu pars
Pour ça qu'on s'abat! car tu sais jamais quand tu vas caner!

 

Voir le clip * Paroles (avec explications des textes en bleu)

 

Explications du second texte :

sommaire/édito 148 * début "langue en évolution" 

Mots ou groupes de mots posant problème

Explications

C’est pas attaquer les homos qui te rendra ta virilité

Sous couvert de parler de la police, Nefkeu passe vite à l’image de l’homophobe vraisemblablement pour faire passer tous les rappeurs homophobes pour des pédophiles

On connaît la chienneté,

La vie de chien

Allez viendez ma bande

Référence au dessin animé « Les razmokets », dans lequel le leader, Tommy, disait souvent : « Allez, viendez ma bande » (Venez rejoindre ma bande)

Jamais pris de C, j’reste à l’abri des problèmes de bourges

Prendre de la cocaïne, c’est comme acheter des problèmes de toxicomanie (problème typique des bourgeois selon les rappeurs)

J’bousille le game

Je casse le jeu (game en anglais)

Phaal

Autre nom pour désigner Alpha Wann

J’balance du pull-up, quand j’me trompe de couplet

« Pull up » indique au disc-jockey d’arrêter la musique quand le rappeur a une annonce à faire ou si, comme ici, il oublie ses paroles

Ça part en impro en s’foutant des tronches de poulet

Après avoir oublié son texte, il ne peut qu’en improviser un autre ; ce qui l’inspire le plus facilement, c’est de rire de la police

Comme Mouss au hebs le truc m’oppresse

Comme Mouss en prison, le truc m’oppresse

Ici la vie c’est comme un cours d’anglais, y a trop de faux amis

Des faux amis sont des mots appartenant à deux langues différentes, qui ont entre eux une grande similitude de forme, mais dont les significations sont différentes (genre « cherry » en anglais veut dire cerise et non chéri)

ISF

Impôt  de solidarité sur la finance

J’écris l’histoire mais après faut tenir le titre

Jeu de mots entre l’Histoire (avec un grand H) et l’histoire (le récit) … le titre de l’histoire ou le titre du morceau

Envole-toi dans les nuages

MC grasse mat’ rendors-toi dans le plumard

Tardivement, Nefkeu donne un peu de sens au titre de la chanson « Monsieur Sable », titre inspiré de Mister Sandman

Monsieur Sable -> marchand de sable -> nuit -> sommeil

  

C. Un texte médiéval proposé par le professeur aux élèves :  

sommaire/édito 148 * début "langue en évolution"

     Pour comprendre ce texte médiéval, on part des termes qui interpellent les élèves.

     Il ne s’agit nullement question d’en faire une traduction parfaite, mais de comprendre globalement le message transmis.

     On peut s’appuyer sur la connaissance de termes latins (ire) ou anglais ( noise).

     Il est convenu que ce n’est pas un cours d’ancien français.

     

Texte « Tristan et Iseut », le supplice et l’enlèvement d’Iseut, de Béroul 

Traduction 

Seignor, au roi vient la novele
Q’eschapez est par la chapele

Ses niés, qui il devoit ardoir.

De mautalent en devint noir,

De duel ne set con se contienge ;

Par ire rove qu’Yseut vienge.

Yseut est de la sale issue.

La noise live par la rue.

Qant la dame lïee virent

(A laidor ert), molt s’esfroïrent.

Qui ot le duel qu’il font por li,

Com il crïent a Deu merci !

Seigneurs, au roi arrive la nouvelle

Que s’est échappé par la chapelle

Son neveu qu’il devait brûler.

Il en devint noir de colère ;

(De duel ou par Dieu) il ne sait comment se contenir ;

De colère il prie qu’Iseut vienne.

Yseut est en mauvaise posture.

Le bruit se lève dans la rue ;

Quand ils virent la dame liée

(Elle était de vilaine façon), ils s’émurent beaucoup.

Celui qui entend le deuil qu’ils font pour elle,

Comme ils crient grâce à Dieu !  

 Renseignements fournis aux élèves 

        vers 1 :      Seignor : le trouvère s’adresse à son auditoire

        vers 3 :      qui : = celui que

        vers 5 :      contienge : contienne

        vers 11 :    qui : introduit une exclamative : « Ah ! si vous entendiez … »

       

Pour finir... 

 

Il s'agissait donc de faire découvrir que la langue française - comme toute autre langue - est en constante évolution. Nous avons abordé cette réalité par le biais de la créativité lexicale dans les milieux jeunes et populaires : un détour propre à susciter l'intérêt des élèves. Mais si ces milieux sont très actifs pour dépoussiérer les usages lexicaux, il ne faut pas perdre de vue que ce mouvement concerne - dans des registres de parole variés - l'ensemble d'une communauté linguistique : scientifiques, journalistes, humoristes, philosophes, bonimenteurs de foire, économistes, politiciens, sportifs, poètes, syndicalistes, enseignants, élèves...

Donc "vous et moi et tous les autres" !

sommaire/édito 148 * début "langue en évolution"                                                                                                                                            

 

 

 

 

 

 

Document brut

saisir le jeu de l'allusion et y réagir * observer les moyens d'écriture * fréquenter la presse d'opinion

Révisez votre Molière avec DSK et Claire Chazal

Philippe Paquet, dans la Libre Belgique du mardi 20 septembre 2011, page 18, revient sur cette émission de TF1, le dimanche précédent, où Dominique Strauss-Kahn évoque l'affaire du Sofitel de New York.

Le journaliste propose au lecteur un inattendu et savoureux "parcours-Molière". La satire y est évidente, mais tout en finesse par le jeu de l'humour et de la connivence culturelle.

Nous le remercions cordialement de nous autoriser à publier cet article.

On trouvera à la suite de l'article quelques propositions pour la lecture et le débat; ainsi que quelques liens vers d'autres pages du site LMDP relatives à la réécriture théâtrale, au jeu de l'allusion littéraire et du clin d'oeil culturel.

 

DSK sur TF1: comédie française

Si l’affaire DSK eut des allures de tragédie, elle a viré dimanche soir, sur le plateau de TF1, à la comédie. Au gré d’une pièce remarquablement interprétée par Dominique Strauss-Kahn et Claire Chazal (quels acteurs !), servie par une mise en scène soignée, avec des dialogues parfaitement mémorisés et une complicité jamais prise en défaut, on passa en revue toute l’oeuvre de Molière.

L’affiche annonçait un spectacle entre "Le bourgeois gentilhomme" ("piégé" au Sofitel, DSK faisait de la relation non consentie sans le savoir) et "Les fourberies de Scapin" (l’ex-futur président de la République française s’était "fautivement" épris de Zerbinette, qui n’était plus égyptienne, mais guinéenne, sans se douter qu’il risquait de devoir un jour payer une rançon).

Le premier acte révéla pourtant une intrigue plus compliquée, qui hésitait dès lors entre "Dom Juan" (évidemment), "Le séducteur malgré lui" (DSK proclama avoir "du respect pour les femmes") et "Le violeur imaginaire" (de Nafissatou Diallo à Tristane Banon, en passant par Piroska Nagy, la très proche collaboratrice hongroise au FMI, elles "mentent sur tout").

Au deuxième acte, on eut droit aux "Amants magnifiques", avec une tirade d’anthologie à la gloire de l’épouse "exceptionnelle" qu’est Anne Sinclair ("Je lui ai fait du mal, je le sais, je m’en veux" : pour un peu, on se serait cru dans "La Traviata").

Le troisième acte nous surprit avec son détour par "L’Avare" : plutôt que la villa de TriBeCa à 50000 dollars par mois qu’il "n’[a] pas aimée", DSK aurait naturellement préféré le "deux pièces" (sans chauffage et avec sanitaires communs ?) qu’"Anne avait loué", mais une meute de journalistes inquisiteurs et malpolis alarma les voisins qui obtinrent l’éviction des malheureux locataires.

Quant à la scène finale, elle balança entre "L’étourdi", "Le fâcheux", "Le dépit amoureux", "L’école des femmes" (ou "L’école des maris"). A moins que ce ne fût tout simplement "Tartuffe".

Philippe Paquet

Mis en ligne sur  http://www.lalibre.be/actu/international/article/686285/dsk-sur-tf1-comedie-francaise.html

Pour la lecture et le débat

Saisir l'allusion et y réagir

sommaire & édito * début "révisez votre Molière"

Les propos

du journaliste

Clins d'oeil de Molière

Libres pensées de citoyens lambda

(Réactions d'ados en classes terminales. Florilège)

...DSK faisait de la relation non consentie sans le savoir...

M. JOURDAIN - Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j'en susse rien, et je vous suis  le plus obligé du monde de m'avoir appris cela. (Le bourgeois gentilhomme, II, 4)

Environ quarante ans de "pratique", aussi, pour ce sexa de bonne bourgeoisie... mais pas "sans qu'il n'en sût rien" !

... sans se douter qu’il risquait de devoir un jour payer une rançon...

SCAPIN - Attendez, Monsieur, nous y voici. Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galère en mer, et, se voyant éloigné du port, il m'a fait mettre dans un esquif, et m'envoie vous dire que, si vous ne lui envoyez par moi tout à l'heure cinq cents écus, il va nous emmener votre fils en Alger.

GERONTE - Comment ! diantre, cinq cents écus ! (Fourberies de Scapin, sc. 7)

Comment ! diantre : une caution d'un million de dollars et un dépôt de garantie de 5 millions. Quelle galère! - Mais Anne pourvoira!

...une intrigue plus compliquée, qui hésitait (...) entre "Dom Juan" (...) "Le séducteur malgré lui" (...) "Le violeur imaginaire"...

DOM JUAN: Ma foi! tu ne te trompes pas, et je dois t'avouer qu'un autre objet a chassé Elvire de ma pensée.
SGANARELLE: Eh mon Dieu! je sais mon Dom Juan sur le bout du doigt, et connais votre cœur pour le plus grand coureur du monde: il se plaît à se promener de liens en liens, et n'aime guère à demeurer en place. (Dom Juan, I, 2.)

Les objets et les liens : au Grand Siècle, les mots créaient la distance bienséante... mais n'empêchaient pas de fantasmer.
 

... une tirade d’anthologie à la gloire de l’épouse "exceptionnelle" qu’est Anne Sinclair...

ARISTIONE: Des bagatelles comme celles-là peuvent occuper agréablement les plus sérieuses personnes. En vérité, ma fille, vous êtes bien obligée à ces Princes, et vous ne sauriez assez reconnaître tous les soins qu'ils prennent pour vous. (...) ces Princes tous deux se sont soumis il y a longtemps à la préférence que pourra faire votre inclination. (Les Amants magnifiques, III, 1)

Chez Molière : Deux pour une, et courtoisement.
Dans notre affaire, un pour combien, et sournoisement ?

... "Je m'en veux": pour un peu, on se serait cru dans "La Traviata" ...

[Violetta, l'héroïne, meurt tragiquement, en disant à Alfredo:] « Si tu ne m'as pas sauvée par ton retour, nul au monde n'en aura le pouvoir ». (Giuseppe Verdi, La Traviata [la dévoyée], fin de l'acte III)

Le regret suscite la pitié?

Non, c'est plutôt pitoyable et piteux.

... plutôt que la villa de TriBeCa à 50000 dollars par mois qu’il "n’[a] pas aimée", DSK aurait naturellement préféré le "deux pièces" (sans chauffage et avec sanitaires communs ?) ....

MAITRE JACQUES (à Harpagon) - Monsieur, puisque vous le voulez, je vous dirai franchement qu'on se moque partout de vous ; qu'on nous jette de tous côtés cent brocards à votre sujet et que l'on n'est point plus ravi que de vous tenir au cul et aux chausses et de faire sans cesse des contes de votre lésine. L'un dit que vous faites imprimer des almanachs particuliers où vous faites doubler les quatre-temps et les vigiles, afin de profiter des jeûnes où vous obligez votre monde ; l'autre que vous avez toujours une querelle toute prête à faire à vos valets dans le temps des étrennes ou de leur sortie d'avec vous, pour vous trouver une raison de ne leur donner rien. (L'Avare, III, 1)

Facile, pour les richissimes, de jouer la simplicité, la modération... Mais qui les croit ?

on se moque, on nous jette, on n'est point ravi, l'un dit que, l'autre que... C'est la rumeur! Fondée, non fondée; hier, aujourd'hui: "ça marche".

... (...) la scène finale (...) balança entre "L’étourdi", "Le fâcheux", "Le dépit amoureux", "L’école des femmes" (ou "L’école des maris").

LÉLIE - Pour mettre en mon pouvoir certaine Égyptienne / Dont j’ai l’âme piquée, et qu’il faut que j’obtienne : /Je l’ai déjà manquée, et même plusieurs coups. (L'Etourdi ou les contretemps, V, 4)

GROS-RENÉ - Mon Dieu ! Qu’à tes appas je suis acoquiné ! » (Le dépit amoureux, IV, 4)

 

Contretemps, dépit, revers, force invincible...

La poursuite galante n'est pas un long fleuve tranquille.

Notre héros en témoigne.

... A moins que ce ne fût tout simplement "Tartuffe".

TARTUFFE. - Couvrez ce sein que je ne saurais voir : / Par de pareils objets les âmes sont blessées, / Et cela fait venir de coupables pensées.
DORINE. - Vous êtes donc bien tendre à la tentation, / Et la chair sur vos sens fait grande impression ? / Certes je ne sais pas quelle chaleur vous monte : / Mais à convoiter, moi, je ne suis point si prompte, / Et je vous verrais nu du haut jusques en bas, / Que toute votre peau ne me tenterait pas.
TARTUFFE.- Mettez dans vos discours un peu de modestie, / Ou je vais sur-le-champ vous quitter la partie. (Tartuffe, III,2)

L'apparence, le faux semblant, la façade, la mise en scène ... Et derrière : l'inavouable.

Mais il y aura toujours des Dorine pour en rire.

 

Observer les moyens d'écriture

sommaire & édito * début "révisez votre Molière"

* L'introduction

définit le genre de spectacle ("comédie"),

en souligne la qualité à cinq reprises ("pièce remarquablement interprétée"... "complicité jamais prise en défaut"),
    puis énonce son propos : revisiter Molière.

*  Le lexique théâtral

"tragédie, comédie, spectacle, mise en scène, premier acte, deuxième acte, scène finale, l'affiche, une intrigue compliquée, un morceau de bravoure, une tirade d'anthologie, etc."

Ce choix lexical creuse la distance entre le vrai et le déclaré. Ce n'est plus un homme face à une femme, deux professionnels tenus l'un et l'autre à une stricte déontologie, c'est un acteur face à une actrice.

* Le jeu intertextuel

Pas moins de onze comédies de Molière sont évoquées, avec en prime un opéra de Verdi, sans compter des titres imaginaires à la façon de Molière... Autant de clins d'oeil intertextuels qui créent une connivence entre auteur et lecteur avisés.

* Des périphrases pas innocentes

 

* l’ex-futur président de la République française" : le PS en campagne présidentielle regrette ? s'en accommode ? s'en réjouit secrètement ?

* "la très proche collaboratrice hongroise au FMI" : la saveur du premier adjectif, l'exotisme du second...

* "l’épouse "exceptionnelle" : la sincérité de l'éloge est cautionnée par les guillemets... Puisqu'il le dit !

 

Et aussi deux pseudo-titres de Molière, pas plus aimables:
            * Le séducteur malgré lui
            * Le violeur imaginaire


    * L'art de la chute

«A moins que ce ne fût tout simplement "Tartuffe".»

Une finale en forme de verdict (et... d'alexandrin : au su ou à l'insu de l'auteur?):

comme annoncé à la première ligne ("plutôt une comédie") ce fut du début à la fin, un jeu d'esquive et de dissimulation, dans un monde bon chic bon genre, où l'apparence prévaut.

 

 

Conclusion

L'actualité constitue un déclencheur d'écriture journalistique, souvent critique, très souvent satirique, une écriture qui joue volontiers de l'allusion, de l'insinuation, de la connivence culturelle. Une écriture qui peut toutefois, dans les tabloïds et même ailleurs, se pervertir dans le registre de l'insulte et de la vulgarité.

C'est une responsabilité, pour l'enseignant de français, de former les élèves à une lecture de la presse d'opinion qui soit à la fois source de plaisir et exercice critique..

 

Prolongements:

sommaire & édito * début "révisez votre Molière"

1. Lire la presse d'opinion  (Articles parus dans LMDP)

   

    Evénements divers en novembre 2009, déclencheurs d'écriture : Ouvrir

    2007 : Sarkozy président... Coups de plume et coups de crayon dans la presse d'opinion Ouvrir

    Un texte peut en cacher un autre : lecture de titres dans la presse (souvent articles de critique) Ouvrir

    Du Canard enchaîné au poète Scarron: écritures impertinentes Ouvrir

 

    Insolite ! « Que diable allait-il faire dans cette... ? » Parodie lexicographique (France Culture, Les Papous dans la tête) signée Jacques Vallet  Ouvrir

 

 

    2. Rechercher en groupe : de l'enquête à l'écriture

Le printemps arabe se poursuit - L'Iran nargue encore les démocraties - Bientôt la présidentielle en France - Et la crise de la dette - Et le  festival de Cannes - Et le Tour de France - Et les Jeux Olympiques à Londres - Et les prix littéraires et les prix Nobel - Et la poursuite de l'aventure spatiale...

Sans compter les inattendus : scandales, catastrophe, découvertes, inventions, records, célébrations...

 

Retenir un de ces événements, rassembler des articles de la presse francophone d'opinion sur ce sujet. L'observation des outils d'expession et d'argumentation permettra de passer à des essais d'écriture.

 

3. Retrouver (la manière de) Philippe Paquet dans Julibel, base de données textuelles, "observatoire du français contemporain"
              Ouvrir Julibel, taper " Paquet " dans la cellule " Auteurs/Intervenants/Références "

sommaire & édito * début "révisez votre Molière"

 


Cet entretien DSK - Claire Chazal sur TF1 a été largement évoqué dans la presse.
Voir par exemple, et comparer : Le Figaro * L'Express * La Croix * Le Monde * Le Point * Le Soir * Le Parisien * *  Le Canard enchaîné  (*.pdf)


 

Blogs de profs - Suite - Le blog d'Emmanuelle Florent

au hasard des clics, à la découverte * l'enseignante passe aux aveux

 

A mes élèves de 2ème R et 3ème R du CNDB VIRTON, un carnet de route pour leur cours de français. Un espace d'échanges, de parole, d'idées et de projets ...

www.emmacndb.canalblog.com


Epi(b)logue: un néologisme où l'on peut sans risque subodorer quelques insinuations : la promesse "vitale" de l'épi, un suffixe qui évoque plus dialogue que monologue, ce que confirmera la visite dans les pages du document). Tel est le frontispice du blog d'Emmanuelle Florent créé à la rentrée 2011-2012.

 

Trop bien le blog !!!!!!!!!!!!!!    en plus le nom est super    bravo

Posté par max bau, 14 septembre 2011 à 16:28

 

La "géographie" du blog:

L'auteur

Archives

Liens

Tags

Derniers messages

Etc.

[un clic à droite ou à gauche ouvre les pages ; ceci par exemple:]

examens de Noël: "travaillez bien" !

"un chouette film" à voir sur daily motion"

vous allez présenter votre affiche...

comment se passera un challenge de vocabulaire

bienvenue à votre stagiaire !

"Madame, je n'ai pas bien compris"...

Etc. etc. etc.

Accueil

Calendrier

Commentaires

Catégories

Etc.

La partie centrale fait donc apparaître la vie des classes au quotidien à travers les messages de l'enseignante (conseils, directives, encouragements...) et des élèves (avis, questions, suggestions...).

Au hasard des clics, et parmi bien d'autres choses :

sommaire et édito 148 * début EPIBLOGUE

10 septembre 2011

JEU - CONCOURS

Bonjour à tous !

Un jeu en quelques clics à réaliser.

Toutes les réponses sont dans le dictionnaire dixel (dictionnaire électronique Robert).

Jouez et vous pouvez gagner de nombreux prix.

www.dixel.fr/jeu/

Posté par Emma Florent

14 décembre 2011

nouvelle à chute

Petit mesage pour mes 3ème et spécialement pour Simon.

Voici les références de la nouvelle "Pauvre petit garçon" de Buzzati.

Il y a un chouette film sur Daily motion que j'aimerais vous faire découvrir mais si vous êtes impatients ... je comprendrais.

Posté par Emma Florent

 

29 août 2011

Pour t'exercer ... orthographe : ados admis

Un lien très intéressant pour parfaire votre orthographe d'usage et grammaticale.

Exercices interactifs et en pdf.

N'hésitez pas !

30 septembre 2011

Il est arrivé !

N'oubliez pas d'aller chercher votre livre "Be safe" en bibliothèque et ..... de le lire.

20 octobre 2011

Bienvenue à Melle Lambert

Bienvenue à Maruska Lambert qui sera votre stagiaire durant 3 semaines.

Elle sera bientôt professeur de français et vient dans votre classe pour vous faire découvrir de nouveaux parcours.

Réservez-lui un bon accueil.

Posté par Emma Florent

début épi(b(logue *

sommaire & édito 148

 

23 novembre 2011

Bonjour madame,

Est-ce que vous pourriez me réexpliquer (je ne sais pas trop comme ça s'écrit :p) le fonctionnement des feuille de chalenge... Il y en a plusieurs différentes mais sans explications dessus donc j'avoue ne pas trop savoir comme m'y prendre avec.

Merci d'avance

Bonsoir,

Bon Anniversaire hihihihi
Rien à voir avec le chalenge vocabulaire...
Pourriez-vous me redire le titre et l'auteur de la nouvelle à chute que vous nous avez lu ce matin s'il vous plaît ??

Merci d'avance

Simon

Posté par Simon 3E, 13 décembre 2011 à 17:26

oui madame. Merci.

Posté par Gregoire, 21 septembre 2011 à 16:48

D'accord. Merci madame.

Posté par Grégoire, 10 octobre 2011 à 16:32

Je n'ai toujours pas trouver d'idée d'affiche... C'est mort...

Posté par Grégoire, 13 octobre 2011 à 20:07

 

Bonjour,

Je m'y suis mis il y a deux jours et j'ai déjà lu 10 chapitres...C'est pas mal du tout et j'attends la suite avec impatience . Mon frère l'avait déja lu l'année dernière et me l'a chaudement recommandé, lol.

A mardi

Simon,

Posté par Simon 3E, 30 septembre 2011 à 20:12

 

 

  J'étais en 2A l'année passée et j'aimerais bien pouvoir relire le journal mais impossible de l'ouvrir une fois enregistré. le dossier est compressé et il ne contient pas de fichier word.

Posté par Amélie M, 22 septembre 2011 à 17:08

Bonjour Amélie,
Comment vas-tu ?
Ecoute, j'ai renvoyé le "Journal n°1" sous un autre format et les élèves disent qu'ils savent l'ouvrir maintenant. Va voir dans les derniers commentaires : "oui madame, Merci sur Cher journal 1"
Si tu n'y arrives pas, je m'y prendrai autrement.
E. Florent

Posté par emma, 22 septembre 2011 à 20:13

ça ne marche toujours pas, mais ce n'est pas grave, je vais demander à quelqu'un de me l'imprimer.
Je trouve ça vraiment géniale que vous l'ayez publié, c'est un beau souvenir que je vais garder précieusement.
Encore merci
Amélie

Posté par AmélieM, 23 septembre 2011 à 20:59

  Ne panique pas. Fais confiance à ce qui te vient à l'esprit. Ton affiche en évaluation formative était assez bien faite. Repars sur cette idée-là.
Ecris, dessine, et puis les choses se mettront en forme ... Courage, tu vas y arriver.

Ce livre est GENIAL!

Posté par Mathilde 3E, 30 septembre 2011 à 19:57

  TROP BIEN !!
même si je ne lis pas vite du tout et que d'habitude je n'aimes pas les livres sur la guerre,... celui la,. il est tout simplement GENIAL !!

Posté par Emmy 3A, 02 octobre 2011 à 13:07

Il est génial le livre, je suis déjà à la page 149.
Il est vraiment captivant.
Merci de nous l'avoir fait lire

Posté par Elise 3E, 04 octobre 2011 à 17:21

Journal d'Aurore

C'est un super livre, je suis impatient de le lire!

Posté par Pierre 2F, 14 septembre 2011 à 18:26

 

Quand l'enseignante passe aux aveux...

sommaire et édito 148 * début EPIBLOGUE

Un blog pour ses élèves.

Epi(b)logue : un compagnonnage cognitif

 Pour quelle utilité ? Avec quels objectifs ?

Le blog que j’ai créé au début du mois de septembre 2011 n’avait pas de hautes prétentions pédagogiques : il était « simplement » une sorte de facilitateur de l’apprentissage.

L’esprit dans lequel, il a été mis à disposition des élèves était ainsi de pouvoir permettre à ces derniers de leur donner un espace de parole, un espace de construction collective des savoirs et compétences abordés en classe.

Chacun peut y déposer des idées, des projets, y poser des questions sur des choses précises vues en classe, y trouver des liens intéressants, des questionnements plus complexes permettant d’aller plus loin que ce qui a été vu au cours.

Les commentaires postés passent d’abord par ma boite courriel avant d’être publiés sur le blog. Mon rôle est alors celui d’un médiateur pour éviter tout débordement ; il est aussi un rôle de « prof-accompagnateur » permettant à l’élève de  ne pas être seul, de ne pas se sentir seul face à des incompréhensions lorsqu’il étudie.

Je suis très souvent connectée et réponds en général très vite à l’élève.

Le blog permet une relation autre avec l’élève, une relation qui se prolonge à travers l’outil informatique mais aussi une relation autre quand nous nous retrouvons en classe.

Peut-être disent-ils des choses qu’ils n’auraient pas dites de visu ? Peut-être qu’une relation de confiance s’est instaurée au fil de l’année.

  

L’enseignement à distance

Pour avoir utilisé des plateformes d’enseignement à distance, de formation personnelle à travers l’outil informatique et pour avoir expérimenté une autre manière d’aborder le savoir, je trouvais important d’expérimenter cela avec mes élèves. L’apprentissage à distance demande de la volonté, de la maturité, il est vrai mais il permet une autonomie et une appropriation des savoirs unique parce que très personnelle. La combinaison de l’apprentissage en classe avec un blog peut vraiment être très positive.

Cela permet aussi aux parents des élèves, s’ils le désirent d’avoir un lien avec l’apprentissage de l’élève, de s’intéresser à ce que l’élève aborde comme savoirs, comme activités.

Personnellement, je trouve plus sain d’ouvrir un blog pour ses élèves que de les accepter sur Facebook où il n’y a aucune intention pédagogique mais où la vie privée se mêle à la vie professionnelle. Je ne suis pas certaine du bien fondé d’avoir des élèves comme « ami » sur Facebook.

Le blog, lui, permet de garder une distance nécessaire tout en créant des liens forts.

 

Est-ce que ça marche vraiment ?

Ça marche avec certains élèves. Il y a pas mal d’élèves qui ne visitent jamais le blog parce qu’ils n’en n’éprouvent pas le besoin, parce qu’ils n’ont pas assez accès à domicile aux TIC, …

Je considère le blog comme étant « un plus » absolument non obligatoire. Aucun élève n’est pénalisé s’il ne visite pas la blog.

Pas de pression non plus (une totale liberté est laissée à l’élève).

 

Un compagnonnage cognitif

Un blog pédagogique, c’est d’abord de la part de l’enseignant, le désir d’accompagner ses élèves, c’est leur dire : « vous n’êtes pas seuls face à votre cours ; une fois à la maison, je suis toujours là pour vous. »

Cela peut rassurer et ça peut faire - peut-être - aussi partie des nouveaux rôles de l’enseignant parce que la société évolue et que l’on est soucieux de donner un maximum de chance à ceux qui manquent d’une présence dans leur apprentissage scolaire.

Un blog ne palie pas à la présence et au rôle des parents pas plus que l’enseignant lui-même d’ailleurs qui n’a pas à s’introduire dans la vie privée de ses élèves, qui n’a pas la prétention d’intervenir dans l’éducation donnée par les parents. Le blog est simplement un outil qui est à la disposition de l’élève qui le souhaite afin de l’accompagner s’il le désire dans son apprentissage.

Emmanuelle Florent

 

 

début épi(b(logue * sommaire & édito 148

 

Pris sur le vif : instantanés d'élèves en projet

 

Suite

Chronique commencée dans le numéro précédent de LMDP, décembre 2011. Voir

 

 

Cette nouvelle chronique adopte une forme volontairement dépouillée - une espèce de " Twitter en trois lignes" - mais qui nous paraît suffisamment explicite pour inspirer des collègues. Il s'agit chaque fois d'expériences authentiques... dont les initiateurs sont, ou trop modestes, ou trop occupés, pour entrer dans les détails.

 Merci à eux ! [Certaines signatures sont des pseudos.]

 


 

Français, SVT * : deux profs en connivence

Ils échangent sur la difficulté d'expression orale ou écrite des élèves. Ceux-ci voudraient pourtant faire mieux. Le collègue de SVT précise le besoin aves ses mots à lui: «Tu sais ! Des trucs qui précisent de quoi on parle vraiment...» Une connivence naît pour un travail concerté, motivant et efficace sur... le groupe nominal (où il y a en effet des trucs qui précisent: les «expansions», comme dit la grammaire). Les jeunes ados voient que la grammaire, ça peut servir.

Dominique S. * SVT : Sciences et vie de la terre(collège)

Une image pour raconter

Peintures, photos de presse, images de publicité, vignettes de BD, tout est bon, selon les goûts et les niveaux, pour déclencher le récit. Important: bien préciser à quel moment précis d'un récit devra se rapporter l'image choisie par la classe. Image de début ("il était une fois...") * - de péripétie ("c'est alors que...") - de dénouement. Une même consigne pour tous, cela permet de mieux comparer les essais.

Paul V. (lycée / programme: l'image)

La prof de physique m'a inspirée
Elle fait rédiger des comptes-rendus d'expériences. Pas facile pour les élèves. Pour les aider, elle leur demande de confronter leurs brouillons, ce qui aide les uns et les autres pour peaufiner l'essai. Elle en fait part à sa collègue professeure de français. Et ça fait tilt ! "Je me suis inspirée, dit celle-ci, du travail de ma collègue de physique". Et en français, l'éventail est large : développement d'argument, titre de presse, jeu sur le son et le rythme, billet d'humour, portrait bref...

Annie P. (fin collège)

Labourage et pâturage

Ecole en milieu rural. Proposition des élèves : découvrir et présenter les métiers en rapport avec la forêt, l'agriculture et l'élevage. Au départ, l'enseignant est réticent ("ça prendra du temps!", "ils pourront s'organiser?"). A l'arrivée: 1. Oui, ça prend du temps. 2. On s'apprécie mieux dans le groupe 3. On a échangé nos brouillons; on les a améliorés ensemble. [Voir clin d'oeil ci-dessus!]. Pour décrire ou raconter, on se sent plus à l'aise. Cerise sur le gâteau: un beau DVD!

Claude D. (début collège)

L'histoire en plaques

Ecole en milieu urbain. Dans le cadre de l'option "Animateurs" : découvrir et présenter "noms des rues, avenues et places" autour de notre école. Vingt espaces dans le quartier sont retenus. Rue Dubois... : c'est qui, c'est quand, c'est quelle activité... ? Rue des Forgerons : pourquoi, quand, quel rôle dans la cité, quelles traces... ? Enquête  chez les riverains, à l'Hôtel de Ville, à la bibliothèque communale. Composition d'un dépliant (textes et photos). V. Programme "Animateur/trice" Fesec (Belgique)

Christian M. (3e d./lycée)

Futurs verbicrucistes ?

Après lecture de définitions de mots croisés, définir nous-mêmes. Exemples:  IL : Fin de prière - Début de conte - Mesure chinoise dans le miroir - À la fin du recueil - Au bout de l'orteil... TNT : Et qu'ça saute ! - Ça fait boum! - Dans la trousse du kamikaze. Petite déception: certaines définitions sont déjà "prises", mais, au moins, on aura travaillé seuls ! «Ça sert à quoi?» demande un parent. - A écrire avec plaisir!», répond l'enseignant.

Chantal A. (1er d./début collège)

Pris sur le fait

Bientôt une leçon sur l'emphase ("Mise en relief d'un des constituants de la phrase par l'intonation ou par l'ordre des mots", dit le manuel). A la la récré,  le professeur retranscrit des bribes de conversations : Moi, je ne l'aime pas, cette voiture.- Du papier, il en faudra beaucoup." - C'est demain qu'elle vient, ta copine? Peu après, ladite leçon. «Vous la pratiquez sans le savoir, et tout à fait correctement : je vous ai pris sur le fait ! En voici la preuve.»

Marc C. (1er d./début collège).  

début "pris sur le vif" * sommaire 148

 

Vous avez dit "compétence culturelle" ? - La littérature en question

Parcours présenté par Marc Devresse

Plan de l'article

Dans ce numéro 148 (mars 2012)

Les représentations de la littérature:

A. À l'écoute de nos élèves

B. Points de vue d'écrivains

Yun Hung-Gil (Corée) * Ph. Soupault (France) * M. Tournier (France) * E. Caldwell (USA) * P. Highsmith (USA) * G. Torrente Ballester (Espagne) * O. Oroszco (Argentine)

C. L'avis d'un essayiste Claude Roy

D. Souvenirs d'un lecteur devenu écrivain

Fr. Cavanna (+ Questionnaire)

A paraître dans le numéro 149 (juin 2012)

 

Une réalité économique et sociale

 

L’édition : un secteur en mutation

 

Le prix du livre

Conclusion

 

La fiche 6 du programme de français de l’enseignement secondaire catholique, 3° degré, Humanités générales et technologiques, présente la compétence suivante:

« Dans des situations-problèmes significatives, participer de manière réfléchie à la vie culturelle et élargir le champ de ses pratiques culturelles en abordant le concept de littérature sous divers éclairages croisés qui permettent d’en construire une définition complexe. ».

Il est à noter que cette dernière compétence du programme est la seule qui ne cible pas de compétence communicationnelle particulière. Il est en effet précisé « qu’il ne s’agit pas tant de mieux écrire, lire, parler et écouter que de réfléchir sur les pratiques culturelles développées à la faveur du cours, dans ou en dehors de la classe, en les abordant sous l’angle du littéraire ». Plusieurs éclairages sont proposés (par ex., le fonctionnement social de la littérature, la littérature comme histoire des formes, la littérature comme production d’un auteur, etc…). Un seul objet est à produire sur l’ensemble du degré (ce qui est peu comparé aux autres compétences). Cette fiche 6 paraît quelque peu atypique et peu évidente à mettre en œuvre.

Il existe cependant un outil disponible sur le site du Segec : « D/2003/7362/3/05 - Outil n°2 - Fiche/compétence 6 - Construire la notion de littérature - Le cas Rimbaud, Troisième degré - 5 et 6 Général de transition ». Je ne l’ai pas utilisé même si je le trouve intéressant et que j’en conseille la lecture à ceux qui ne le connaitraient pas. Je me suis plutôt orienté vers un parcours mobilisant moins d’heures de cours avec en perspective finale une évaluation certificative moins compliquée à mettre en oeuvre. C’est donc de ce parcours qu’il va être question ci-après.

Le parcours aborde les éclairages suivants : le fonctionnement social de la littérature/ la littérature comme réservoir de valeurs et d’idées/quelques représentations que se font les élèves de la lecture et du livre.

 

La Littérature en question 

édito et sommaire 148 * début littérature en question

 Commentaire : Première activité. Il s’agit seulement de partir de la représentation des élèves pour animer une discussion en classe et puis mettre en place une confrontation avec des textes d’auteurs. Les élèves avaient répondu par écrit.

 A. Votre représentation de la littérature

Qu’est-ce qu’un bon livre, selon vous ?

Ce que vous aimez lire, ce que vous n’aimez pas lire.

-        Que prendriez-vous dans une île déserte : une vidéothèque, une bibliothèque, une discothèque ?

-        Pourquoi selon vous faudrait-il lire ?

 

Commentaire : Après discussion, confrontation avec des textes d’auteurs. Je les ai sélectionnés dans un Hors-série de Libération datant de 1985. La tâche initiale est décrite ci-après.

 

B. Un éclairage par des auteurs

Interrogés par le journal Libération, des écrivains répondent à la question « Pourquoi écrivez-vous ? »

 Votre tâche : prenez connaissance des textes et synthétisez la réponse donnée pas chaque auteur. Vous serez invités à noter le résultat de votre travail au tableau.

 

1. YUN HUNG-GIL (Corée)

Né en 1942, il sait décrire la guerre à travers le regard d'un enfant, les traditions chamaniques des campagnes et l'industrialisation des cités. 

 

Depuis l'âge de 11 ans, à l'école primaire, il m'arrivait fréquemment de faire des fugues. Je recevais énormément d'amour de la part de mes parents et des mes frères et soeurs, pourtant je fuguais pour un rien. Quittant la maison sans but, j'errais sur des territoires inconnus, affrontant des difficultés susceptibles de me dégoûter, et plusieurs jours, ou même plusieurs mois après, je rentrais à la maison, à bout de forces.

Il m'arrive, à présent encore, d'être poussé par un désir de fugue. J'ai cette idée en tête malgré ma femme et mes enfants qui comptent sur moi et me sollicitent. La responsabilité du chef de famille m'interdit de passer à l'acte, mais devenu adulte, je conserve encore le désir enfantin de fuguer à tout moment.

Lorsque l'envie d'errer en territoire inconnu me reprend, j'écris un roman. Dans mon cas, cette aspiration à la fugue et l'exigence face à l'oeuvre coïncident étrangement. Même à présent, je me transforme donc souvent en un vagabond qui fuit, délaissant ma famille pour errer dans des mondes inconnus.

La réalité n'est pour moi jamais satisfaisante. Et cela même si dans cette réalité, au sens social, les conditions nécessaires à mon bonheur ne manquent pas, je ne sais pas pourquoi mon idéal est éloigné. Entouré d'une famille aimée et d'amis chers, je ressens malgré tout la solitude. Dans cette civilisation, la vie matérielle est devenue facile, les objets abondent, et pourtant, sans savoir pourquoi, je suis insatisfait. Ma véritable existence n'est pas celle que je vis maintenant: elle n'est pas encore réalisée, et moi qui suis déjà dans un monde inconnu, la pensée que, si je cherche avec ténacité, un jour j'extrairai certainement mon vrai moi, me séduit et m'excite. Par la volonté des hommes qui ont créé le XXe siècle, la civilisation qui a développé la croissance pour une vie matérielle et spirituelle encore plus grande, rend au contraire l'homme solitaire et malheureux. Je me dois de refuser tout cela.

Si les moeurs des pays industrialisés d'Europe et d'Amérique qu'idéalisent et envient les pays en voie de développement doivent en fin de compte détruire l'ordre et les valeurs traditionnelles des pays d'Asie, je dois fuguer spirituellement de la demeure de la civilisation.

J'écris des romans pour remplir la coupe de mon âme qui est toujours vide. Mais j'ai beau écrire, cette coupe n’est jamais remplie, alors je continue à écrire. Pour parvenir au territoire inconnu auquel j'aspire, je m'évade d'un coup de ma vie où manque toujours quelque chose, et si je ne peux pas arriver à réaliser ce rêve par l'écriture, j'ai au moins la consolation de tenter aventure sur aventure, et je n'abandonnerai donc pas, dans la réalité, ma famille et ma maison.

 

2. PHILIPPE SOUPAULT (France)

édito et sommaire 148 * début littérature en question * début YUN HUNG-GIL

Né en 1897. Auteur des Champs magnétiques avec Breton, surréaliste marginal, écrivain éclectique, grand reporter essayiste et mémorialiste. Toujours au service de la poésie.

 

Parce que cela m'amuse.

 

3. MICHEL TOURNIER (France)

Né en 1924. Cet ancien producteur de la RTF écrivit Vendredi ou les limbes du Pacifique. Mythophile et académicien Goncourt.

 

Pourquoi écrivez-vous? A cette question Balzac a répondu: pour être riche et célèbre. D'autres répondront à coup sûr: parce que c'est un acte nécessaire à mon équilibre psychique, et j'écrirais même si je ne devais pas être publié. Ce sont les deux réponses extrêmes. Je dirai quant à moi: pour être lu. Je me considère comme un artisan en chambre façonnant cet objet manufacturé destiné à être mis en vente, un livre. Le livre est une création, et cette création comporte un premier et un second degré.

Au premier degré, j'invente une histoire et des personnages. Au second degré, le lecteur s'en empare et poursuit cette création pour la faire sienne. Et comme toute création entraîne joie, il y a pour moi double joie. Celle de créer et celle de susciter une cocréation chez mes lecteurs. J'allume un feu en moi qui me donne chaleur et lumière. Mais aussi je le répands, et j'observe des millions de petites flammes tremblantes sur toute la terre que font mes livres dans les esprits et dans les coeurs. A Monteux (Gard), j'ai visité la fabrique de feux d'artifice Ruggieri. Dans des petites baraques légères comme des plumes -prêtes à s'envoler à la moindre explosion- j'ai vu d'étranges chimistes mêler dans des tubes des poudres multicolores, lesquelles allaient devenir, plus tard et très loin, fusées, soleils et feux de Bengale. Un écrivain, c'est un peu cela.

 

4. ERSKINE CALDWELL (Etats-Unis)

dito et sommaire 148 * début littérature en question * début M. Tournier

 

Une histoire taillée comme une légende. Naissance en 1903, vagabondages et petits métiers avant de trouver un succès total dans des histoires de la Géorgie profonde. Faulkner et Steinbeck disparus, il ne reste que l'auteur du Petit Arpent du bon Dieu pour rappeler que tout menait aux lettres aux USA. Plus de 60 livres, plus de 45 traduits en français.

J'ai maintenant 81 ans, et depuis mes 12 ans, je n'ai cessé d'avoir envie de raconter des histoires par le biais de l'écriture. J'ai admiré la capacité qu'ont certains de raconter des histoires oralement mais, pour moi, seule l'écriture est digne d'intérêt. Dès que j'ai été assez qualifié, j'ai commencé à travailler en tant que journaliste dans l'espoir d'apprendre mon métier d'écrivain. J'ai voulu ensuite me consacrer à la fiction, aux romans, aux nouvelles, et en faire le but de ma vie d'écrivain. J'avais l'impression que l'imagination pouvait produire tout le matériel souhaité pour la fiction, et que toutes les expériences de la vie me seraient plus utiles que des études académiques. Je peux dire aujourd'hui, et avec une humilité sincère, que je me suis appliqué à être un écrivain de fiction afin de satisfaire mon désir de créer des gens et des situations qui n'avaient jamais existé auparavant. Gagner de l'argent ou courir après la gloire n'auraient pas été des motivations suffisantes.

5. PATRICIA HIGHSMITH (Etats-Unis)

dito et sommaire 148 * début littérature en question * début E. Caldwell

Romancière (née à Fort Worth, Texas en 1921) du trouble et de la froideur, excelle en contes misogynes et personnages de meurtriers indifférents

 

Pourquoi j'écris? Je pense à un  certain nombre de raisons, six ou sept peut-être. Je sais pourquoi j'ai commencé à écrire- pour tirer une émotion de moi, pour la voir sur du papier, arrangée du mieux que je le pouvais. C'était un long "poème" en vers libres, sur des châteaux, des batailles et l'amour romantique- quelque chose dans le genre de Idylls of the King de Tennyson. J'avais 14 ou 15 ans. Vers 16 ans, j'avais déjà de ces idées dont on fait des nouvelles, certaines sinistres, d'autres comiques. Pourquoi ne pas les assembler, les raconter de façon amusante ? Mon lycée new-yorkais avait une petite revue à laquelle les élèves pouvaient participer. Une de mes nouvelles intitulée Mighty Nice Man a gagné le premier prix : Un amour de Swann de Proust et Mrs Dalloway de Virginia Woolf, tous deux dans l'édition "Everyman". En entrant à l'université, à 17 ans, j'avais de plus en plus d'idées et j'avais une machine à écrire. Là encore, il se trouva une revue, le Barnard Ouaterly, pour publier mes tentatives. J'ai donné un bon nombre de nouvelles, toutes n'étaient pas bonnes bien sûr, mais trois ou quatre ont été publiées chaque année. Mais pourquoi ? Avant tout, pour m'amuser. J'ai ensuite découvert que mes histoires pouvaient amuser les autres, les étudiants qui prenaient parfois la peine de me dire qu'ils avaient aimé telle ou telle nouvelle. A 19 ans, j'ai écrit une nouvelle intitulée l'Héroïne ; elle fut jugée trop effrayante pour le journal du collège ; à mon avis, elle n'était pas plus bouleversante que tout ce qui avait déjà été publié de moi. Trois ans plus tard, le Harper's Bazaar l'a achetée (c'était alors une revue prestigieuse qui publiait de bonnes choses) ; j'ai inclus cette histoire dans mon premier recueil de nouvelles, l'Amateur d'escargots. Ma vie privée, jusqu'à  ce que j'aie mon propre appartement à 21 ans, était un peu chaotique; je vivais avec ma mère et mon beau-père qui tous les deux ans étaient sur le point de se séparer ; ils se sont séparés au moins trois fois, et se sont chaque fois retrouvés... Il n'est donc pas étonnant que j'aie eu le besoin de mettre les choses en forme. Une nouvelle n'est peut-être qu'une bien petite mise en ordre, mais c'était toujours ça, tapé à la machine, là.

A 22 ans, je suis partie pour le Mexique avec l'intention d'écrire un livre. J'avais peu d'argent. Je vivais seule et je travaillais beaucoup, au moins six heures par jour, j'en suis sûre. J'écrivis près de quatre cents pages, une sorte de roman gothique bien que situé dans le New York contemporain. Je ne l'ai jamais terminé. Mais peut-être est-ce de cette période au Mexique que date ma discipline. Ecrire, essayer devint un plaisir en lui-même, une nécessité. Après  une nécessité, écrire devient un mode de vie tout comme la drogue ou les drogues sont une manière de vivre pour certains. Cela me rappelle une remarque de Cyril Connolly dans The Unquiet Grave : " La récompense de l'art n'est pas la célébrité ou le succès, c'est une ivresse : c'est pourquoi tant de mauvais artistes sont incapables d'abandonner. " Avec ce long roman inachevé j'étais une mauvaise artiste, mais j'étais accrochée ; en vérité, je l'étais depuis des années. La création me permettait d'échapper à la réalité, qui était souvent ennuyeuse, sordide, sans surprise et d'un niveau très bas. A nouveau, pourquoi ? La pression, forte mais agréable, des idées ? Oui. Il y a encore une autre raison : je suis anxieuse de nature, je prévois toujours le pire. Si j'ai pris un billet de train, je m'imagine toujours avoir cinq minutes de retard, malgré mes efforts pour arriver une demi-heure en avance. Dans la vie, je ne rate pas mes trains, mais l'idée de le faire m'inquiète. J'invente donc des intrigues où le pire arrive, ou dont le héros redoute que le pire n'arrive. Je ne pourrais dire si cela me soulage ou non. De telles intrigues ne peuvent qu'aggraver mon angoisse innée. J'écris aussi des histoires de meurtres, sans comprendre entièrement ce que l'on peut éprouver lorsqu'on a supprimé une vie. Là gît peut-être pour moi la fascination : malgré tous mes efforts, jamais je ne pourrai comprendre cette forme exceptionnelle de culpabilité. Les écrivains doivent passer une grande  partie du temps seuls, ce qui rend certaines relations, mais pas l'amitié, difficiles. J'adore être seule, le silence a pour moi une substance et une qualité propres, comme la musique. Je ne peux pas imaginer de vivre sans écrire. Je ne ferais qu'exister, la vie serait ennuyeuse et réelle, sans vols vers un autre monde, sans rires, sans satisfaction.

 

6. GONZALO TORRENTE BALLESTER (Espagne)

édito et sommaire 148 * début littérature en question * début P. Highsmith

Il se souvient qu'il est né en 1910 à El Ferrol puisque le bruit court qu'il écrit un roman en galicien. En castillan, il a été le romancier de la Galice, un commentateur aussi de la littérature espagnole moderne.

 

 

La raison fondamentale pour laquelle j'écris réside probablement dans une très vieille envie, rapidement devenue une habitude, qui m'a appris au fil des ans à voir le monde sous l'apparence littéraire et à exprimer ma vision par des mots. Aujourd'hui, après être passé par le théâtre (1938-1950), puis avoir pratiqué l'essai critique, j'ai pour mode d'expression favori et le plus fréquent le récit, de moyenne ou de grande taille : en revanche, je n'ai à peu près jamais essayé le récit court. Le roman, moyen ou long, me sert à raconter des histoires, à dessiner des personnages, et, au travers du récit et de la forme de l'oeuvre, à donner ma vision personnelle du monde. Les problèmes psychologiques et moraux n'exercent pas sur moi de séduction particulière; les problèmes historiques, en revanche, m'attirent, du fait, peut-être, de ma formation universitaire. Ce qui ne veut pas dire que je cultive le "roman historique"; mais le problème de l'histoire est au cœur de la plus grande partie de mes récits.

Je ne me propose pas de délivrer à mes lecteurs un message de caractère moral, politique, religieux ou social. Je ne crois pas à la littérature de message. J'offre au lecteur ma vision personnelle du monde ou, plus exactement, de certaines réalités: le mythe historique et politique, le pouvoir, l'amour, la situation des hommes (et jamais de l'homme face à la réalité humaine et à la réalité cosmique. En même temps, je m'efforce de teinter ma vision personnelle de relativité et d'ambiguïté, en recourant à l'ironie et à l'humour. Je n'insiste pas sur ce qui est trop humain. Ma palette personnelle est surtout à l'aise dans les zones de l'intellectualité et du lyrisme.

Je cherche à ce que mes récits puissent être compris d'hommes qui n'appartiennent pas à ma seule province culturelle.

 

7. OLGA OROZCO (Argentine)

édito et sommaire 148 * début littérature en question * début Torrente Ballester

Née à Toay (Pampa) en 1920, elle est plus "sud-américaine" que la moyenne des écrivains argentins. Poésie baroque, imagée, musicale.

Il serait facile de répondre qu'écrire est ma manière naturelle de m'exprimer et qu'il s'agit donc d'une fatalité inéluctable. Mais ce serait laisser informulées toutes les forces qui me poussent, toutes les prisons qui m'arrêtent, et qui m'obligent à recourir à la parole comme à une arme, un talisman, une émanation du Verbe. J'ajoute donc que, face aux limitations qu'imposent un moi insatisfait, un espace limité, un temps linéaire et tyrannique, écrire est une tentative de connaissance. C’est comme remonter à la nuit de la chute pour répéter un acte mythique - l'acte créateur - et dépasser ainsi toutes les frontières, vaincre toutes les oppositions, fondre toutes les antinomies, participer de tous les règnes, c'est-à-dire retrouver l'unité perdue, une liberté essentielle dans laquelle il soit possible de vivre toutes les métamorphoses, toutes les époques, toutes les associations, tous les échanges, toutes les aventures de l'esprit. C'est prendre la mort à contre-sens, assouvir un peu de la nostalgie de Dieu. Je ne dis pas qu'un tel miracle soit possible, même pour une infime partie. C'est une tentative qui passe de façon surprenante du glissement en toute liberté au choc contre l'obstacle ou le mur, du vol ascendant à une nouvelle chute. Alors, il reste le poème, sujet et objet intemporel, témoin prodigieux d'un moment qui a paru privilégié. Le poème, qui dit que j'écris parce que je me sens incomplète, inachevée, étroite, ignorante, perdue et prisonnière.

édito et sommaire 148 * début littérature en question * début O. Oroszco

 

Commentaire 

Les élèves ayant terminé de résumer les réponses des auteurs, on note les résultats au tableau et on essaye d’opérer des regroupements d’auteurs ayant des motivations similaires. L’objectif est d’obtenir un tableau synthétique général que pourront éventuellement utiliser les élèves dans la tâche suivante. Voir ci-après.

 Votre tâche finale pour ce point. Devoir à domicile.

 Choisissez une des deux situations suivantes, en répondant à la question « Pourquoi écrivez-vous ? »

        1) Vous êtes le lecteur d’un livre (roman, pièce de théâtre, ….) que vous avez lu récemment et que vous avez beaucoup aimé.

        2) Vous êtes un auteur imaginaire.

                       

 

C. Un éclairage par un essayiste

édito et sommaire 148 * début littérature en question * début Claude Roy

                1. L'IMAGINAIRE, VICE IMPUNI

 Dans ce texte de Claude Roy, apparaissent des représentations négatives de la littérature.

Votre tâche : listez-les.

 Il était une fois la mère d'un philosophe dont les livres ont éclairé et modifié le destin des hommes et le mouvement des faits. Mais la mère de ce philosophe se lamentait de le voir griffonner tout le jour: "Karl aurait mieux fait d'amasser du capital plutôt que d'écrire un livre sur le Capital ", disait en soupirant la mère de Karl Marx. Il y a dans ce regret naïf l'expression candide d'un étonnement, au fond assez général, qui pousse la plupart des hommes à se demander, quand il y a tant de choses pressantes, plaisantes et utiles à faire dans la vie, pourquoi, au lieu de vivre, les écrivains écrivent.

 Cet étonnement est si contagieux qu'il s'empare quelquefois des écrivains eux-mêmes.

Beaucoup d'entre nous ont le souvenir des belles journées d'été où l'on nous contraignait à nous enfermer dans l'ennui des maisons afin de rédiger nos devoirs de vacances, le souvenir des jeudis après-midi où tant de tentations s'offraient à nous, mais on nous emprisonnait jusqu'à ce que nous ayons écrit la lettre de vœux à la grand-mère ou à la vieille tante. De ces mauvais souvenirs liés au porte-plume et aux travaux forcés de l'écritoire, il nous reste cet étonnement devant l'homme qui semble prendre son plaisir à ce qui fit notre tristesse ; celui qui s'abstrait de la vie pour nous la restituer ; qui dans une réclusion volontaire et quotidienne s'arrache aux êtres et à leur chaleur, au soleil et à son éclat, pour évoquer ou célébrer avec des mots les êtres, le soleil, la nature ; l'homme qui renonce méthodiquement à être pendant une partie de sa vie pour imaginer qu'il est, et qui substitue enfin délibérément aux belles réalités où il est si bon de mordre, les artifices de l'allusion, du trompe-l'oeil, de la fiction et de l'image. Oui, pourquoi les écrivains écrivent-ils? se demandent les écoliers paresseux et beaucoup de grandes personnes raisonnables.

 

Les agriculteurs de mon village ont une façon amicale et dubitative de parler de " mes écritures". Je sens qu'ils ont du mal à concevoir le mécanisme et l'utilité de mes travaux. " Oui, bien sûr, disent-ils avec perplexité, vous travaillez de la tète. Vous allez chercher tout ça là-dedans? (Un geste de la main tapant le front indique une vague localisation.} Et on vous paie pour ça ? Forcément, c'est différent des autres travaux. C'est pas pareil. Ça doit fatiguer aussi. Mais quand vous écrivez un livre, on vous donne l'idée, ou c'est vous qui la trouvez?" Pour beaucoup, écrire est un passe-temps inoffensif. "C'est vrai ce qu'on me dit, Léger, demande un jour le président du Conseil Raymond Poincaré au poète Saint-John Perse, alors secrétaire général du Quai d'Orsay. Il paraît qu'à vos moments perdus vous taquinez la Muse ?" Passe-temps, temps perdu, moments perdus, peine perdue, " taquinerie " des " Muses ", la littérature apparaît d'abord comme une sorte de divertissement ou d'hémorragie. Mais qu'elle soit aussi un jeu, comment ne pas le voir ? " Si ça vous distrait... " me disait gentiment un voisin, qui avait sur les belles-lettres exactement le même point de vue que le président Poincaré. Ne jouons pas trop vite les offensés : il est vrai qu'écrire distrait aussi, et dans plusieurs des sens du mot distraire. Écrire nous sépare et démembre, nous divise et divertit. On écrit avec cette ressource qu'on a distrait de sa vie, on écrit à la fois pour distraire de soi cette part qu'on souhaiterait, sinon préserver à jamais, du moins prolonger et protéger. On écrit pour se détourner et pour se retrouver, pour faire diversion et se faire plaisir. (II arrive d'ailleurs qu'on prenne plaisir à se faire mal...) L'art, ce n'est pas très sérieux. Voilà le premier mouvement de l'observateur extérieur. Le second, c'est d'attribuer cet emploi singulier des forces et du temps à une sorte de malaise ou de maladie subtile. Il n'y a même pas besoin d'écrire, au sens littéral, pour faire éclore sur les lèvres du bon sens et au cœur de la bonne santé offusqués l'expression péjorative : " Tout ça, c'est de la littérature! " J'entendais l'autre jour dans un café les bribes d'une discussion entre un couple, où l'homme enchaînait les trois exclamations qui résument parfaitement une certaine façon, très répandue, et pas si absurde que ça, de considérer les écrivains. La jeune femme à laquelle il s'adressait n'avait pas l'air d'une " intellectuelle ", mais simplement d'une personne à tort ou à raison jalouse. Je n'avais perçu que quelques mots de la jeune indignée, qui parlait à voix plus basse que son ami. C'était une phrase tout à fait banale: "Si tu crois que l'autre soir, avec Yvonne, je n'ai pas vu ton manège.. " Et l'homme répondit d'un seul souffle: " Mais tu te fais des idées ! T'es pas un peu malade ? Tu te fais du cinéma. Tout ça, c'est de la littérature! " (...)

Claude Roy " Défense de la littérature ", Idées Gallimard 161, 1968, pp 9-12

 

                2. L'AUTRE QUI SE SENT UN AUTRE

édito et sommaire 148 * début littérature en question * début Claude Roy

 

Tâches 

-  En quelques lignes(entre 5 et 10), synthétise les idées essentielles de cet extrait.

-  Indique si certains auteurs (« cf. « Pourquoi écrivez-vous ? ») se retrouvent dans ce texte de Cl. Roy

-  indique si certaines des réponses que tu as fournies (cf. Votre représentation de la littérature) se retrouvent ici aussi..

S'il est vrai que les malheurs de l'enfance sont plus cruels que ceux qui nous frapperont plus tard, ce n'est pas seulement parce qu'ils atteignent un être plus vulnérable et plus sensible, que l'adulte : c'est parce qu'ils atteignent un petit homme qui se croit le seul à vivre ce qu'il vit, qui en a honte et peur, qui est persuadé d'être le premier à qui il arrive ce qui lui arrive. Le tout petit enfant qui s'effare et se trouble de ce qu'il ressent devant sa mère n'apprendra que beaucoup plus tard, quand il verra jouer les tragédies de Sophocle et lira Freud, qu'Œdipe, avant lui, est passé par là. Ce n'est que lorsqu'il sera guéri de son enfance qu'il pourra vérifier dans Rousseau et Gide, dans Stendhal et Proust, qu'il n'est pas si monstrueux qu'il le croyait à six ans, d'être, ce petit d'homme qu'un spécialiste définit en deux mots : un " pervers polymorphe ". Si les autres ne nous donnaient pas de leurs nouvelles, par l'entremise des confidences directes de la vie et des confidences indirectes de l'art, nous resterions jusqu'au bout persuadés que les autres ont bien de la chance d'être les autres, qu'ils sont tous plus heureux, plus normaux, plus sages, plus malins que le haïssable et solitaire moi. Personne n'a mieux parlé de ce sentiment d'être un monstre au sein d'un peuple d'êtres équilibrés, harmonieux et tranquilles que Dostoïevsky. Il nous décrit Muichkine persuadé "qu'il était une exception dans le monde, tandis qu'au-delà de lui s'étendait à perte de vue l'immense pays des félicités et des passions ". Il fait dire au narrateur des Mémoires écrits dans un souterrain : " Moi, je suis seul, tandis qu'eux, ils sont tous. " Mais, dans le même mouvement qui fait les romanciers et les poètes, les mémorialistes et les dramaturges nous présenter des héros et des saints, et nous proposer des modèles, ils nous mettent en face aussi de la foule de nos semblables et de nos frères. Ils disent à l'enfant perclus de l'angoisse d'être seul que l'enfant Rousseau et l'enfant Dickens ont connu le même délaissement. Ils disent à l'adolescent que le jeune homme Stendhal, le jeune homme Dostoïevsky, le jeune homme Rimbaud, ont brûlé du même feu, rougi de la même émotion, haï et désiré du même désir et de la même haine. Ils disent à l'amant fou d'amour que le roi Salomon et l'exilé Ovide, Pétrarque et Aragon, ont resplendi et se sont consumés de la même folie. Les hommes exceptionnels qui ont écrit des livres exceptionnels nous rassurent avant tout sur la crainte que nous pouvions avoir d'être exceptionnels. Bien sûr, pour écrire, il faut être un peu malade, un peu fou, et, à la fin du compte, écrire et lire nous apprennent à découvrir ce que sans cela nous mettrions peut-être plus de temps à savoir, c'est-à-dire que le plus sage des hommes surveille et dévisage en lui un fou qui le menace, que la santé est une façon que les malades ont de ne pas consentir à la maladie, et que jouer le rôle d'un homme normal c'est être anormal, comme le premier venu, comme n'importe qui et tout le monde. Etre un homme sur la terre, c'est fatalement être un peu malade, et ce n'est pas un signe distinctif que de se faire du cinéma et de se faire des idées.

 Quand il s'entend reprocher avec plus ou moins de bienveillance d'occuper son temps à des choses pas sérieuses, de s'amuser, l'écrivain se souvient aussitôt que le mot jeu a deux sens, et que ce n'est. pas par hasard. Il faut qu'il y ait du jeu, c'est-à-dire une distance, entre l'appareil de projection où se déroule un film et l'écran qui le réfléchit. Quand l'enfant dans ses jeux, l'adulte dans sa rêverie ou sa réflexion projettent sur leur petit écran mental des images ou des sentiments, des idées ou des hypothèses, ils ne peuvent le faire que dans la mesure où un être humain est cette existence à l'intérieur de laquelle il y a du jeu, un décalage, une division de soi avec soi, la distance entre ce que nous sommes et ce que nous rêvons d'être, entre l'écran de la réflexion et le film de la conscience. Réfléchir ou rêver, imaginer ou projeter, c'est en effet se faire du cinéma. L'homme est cet animal divisé qui se fait des idées parce qu'il est divisé, et la création artistique, ce n'est peut-être d'abord qu'une façon de contraindre cette fuite incessante de. nos projections du dedans, cet écoulement sans fin du petit cinéma qu'on se fait, à prendre corps. L'homme est cet intervalle entre soi-même et soi qui cherche à se combler.

 La littérature serait donc ce pont suspendu jeté par-dessus la distance qui sépare l'un de tous les autres, par-dessus. la distance qui sépare l'un de lui-même. Nous sommes peut-être tous semblables à celui-là qui est précipité dans un cachot, ne sachant pas si d'autres partagent son épreuve, qui perçoit soudain des coups frappés au mur, épelle des lettres qui composent des messages, ou écoute des chuchotements confiés aux canalisations ou à la paroi. Il découvre alors qu'il n'est pas tout à fait seul, que d'autres partagent son sort. Il peut vivre mieux, songer peut-être à s'évader un jour. Les êtres au milieu desquels il nous est donné de vivre, ceux que nous rencontrerons et les messages de ceux-là que nous ne rencontrerons peut-être jamais, mais dont la voix nous parvient, écrivains du passé et du présent, ce sont nos compagnons de geôle, ces prisonniers voisins dans le cachot de corps qui ne sont pas notre corps, habitants d'un temps qui n'est pas notre temps. Nous inclinerions aujourd'hui à mettre d'ailleurs plutôt l'accent sur ce que toute communication a de précaire, sur la distance qui sépare, sur cette marge d'incertitude qu'il y a entre ce que nous voulons dire et ce que nous disons, entre ce que nous disons et ce qu'entendent les autres. Mais constater la fameuse, et sans doute évidente, incommunicabilité des humains, c'est définir déjà un des éléments dans lequel ils communient. Car la " communion " s'établit peut-être le plus profondément dans le sentiment de l'incommunion. Les autres ne me sont pas autres dans la mesure où ils se sentent exactement, comme moi, c'est-à-dire autres. Nous sommes les habitants d'un même royaume : le temps, la mort, la solitude. Nous sommes tressés de la même détresse. Nous communiquons dans l'expérience de l'incommunicabilité. Nous avons en partage l'impossibilité de partager. Tous les vivants sont réunis au moins par le sentiment de ne pouvoir jamais parfaitement se réunir. Le seul dénominateur commun, la certitude tacite sur laquelle nous nous appuyons, c'est que les autres ressentent, dans l'écart même qui les retranche de nous, la même attente fondamentale, le même besoin de ne pas être écartés. L'espèce humaine est la grande tribu qui reconnaît un même totem, le même destin-loi. Mais une île qui sait qu'elle émerge au milieu de milliers d'autres îles, que le même océan les enveloppe, ce n'est plus simplement une île, c'est déjà un archipel.

Claude Roy " Défense de la littérature ", idées Gallimard 161, 1968, pp 32-37.

 

D. Un éclairage par un lecteur, futur auteur

Cavanna, Les ritals, 1978, Belfond (pp. 141-147)

 

En plus du tir historique aux armes de musée, M. Champion fait beaucoup pour l'instruction publique et les belles-lettres. Par exemple, la bibliothèque municipale.

La bibliothèque municipale de Nogent, pour un dévorant d'imprimé comme moi, c'est la caverne d'Ali-Baba, c'est le grenier de la grand-mère que j'ai jamais eue, c'est les yeux plus grands que le ventre, c'est l'extase et le paradis.

Tout le premier étage d'une espèce de château, dans la Grande-Rue, juste en face du restaurant Cavanna. Au rez-de-chaussée, il y a le commissariat. Il faut passer devant tous ces flics pour aller chercher des livres, j'aime pas tellement, je serre les fesses, mais enfin, bon.

         J'ai découvert la bibliothèque avant le bordel, longtemps avant. Je devais avoir douze ans. Un peu plus tôt, j'avais connu la bibliothèque de la classe. Le père Bouillet nous avait sacrifié une armoire, vitrée et fermant à clef. « Faites cadeau à la classe des livres que vous avez en double », il avait dit. En double! Il y avait des types qui avaient des livres en double? Eh, oui... La bibliothèque compta bientôt une centaine de livres, soigneusement couverts par nous de papier bleu foncé, avec au dos une étiquette et un numéro. Le numéro correspondait à un titre porté en belle écriture ronde dans le Catalogue. J'eus dévoré l'armoire entière en trois mois, vitres et serrure comprises. C'était surtout des « Bibliothèque Verte », des Jules Verne, Molière­Corneille-Racine en petits fascicules Vaubourdolle avec notes explicatives au bas de la page, Le Livre de la Jungle, Le Petit Prince, Croc Blanc, La Mare au Diable, Les Lettres de mon Moulin, L'Iliade, l'Odyssée, La Fontaine, Shakespeare, hélas en anglais, Alice au pays des Merveilles, en anglais aussi. J'ai même essayé « Alice », je connaissais pas un mot d'anglais mais je pensais que la bonne volonté devait y arriver, y avait pas de raison, je parvenais bien à déchiffrer - que je croyais! --- « La Buona Parola, bolletino mensile della missione cattolica italiana » envoyé d'office à papa, qui ne savait pas lire mais était très .flatté qu'on fît comme si ça ne se voyait pas.

Dès que dans mon tendre cerveau se furent accrochés solidement les petits circuits réflexes entre le parlé et l'écrit, je fus enfin moi-même : une machine à décoder de l'imprimé. Conditionné comme le chien de Pavlov qui salive quand sonne la clochette annonçant la pâtée, j'ai vu ça dans mon livre d'hist' nat'.

C'est peu de dire que je savais lire. Je ne pouvais pas ne pas lire. N'importe quoi, partout, toujours. Le couvercle de la boîte à camembert, sur la table, pendant le déjeuner. « Camembert A. Lepetit et fils. Fabriqué en Normandie. » Ça, c'était écrit en doré, tout autour. En petit, dans un rectangle : « Syndicat des producteurs du véritable camembert de Normandie. » Et encore plus petit, dans des médailles : « Grand Prix Exposition Internationale de Chicago 1920 », « Médaille d'Or Exposition Internationale de Paris, 1880 », « Hors Concours Exposition Coloniale, Paris 1934»... Je lisais tout, à chaque fois que ça me tombait sous l'oeil, c'est-à-dire trois cent cinquante mille fois par repas, du début à la fin je lisais tout, jusqu'au nom de l'imprimeur écrit tout petit dans le coin en bas, c'était chiant à hurler, j'essayais de regarder ailleurs, ailleurs il y avait la boîte de sel Cérébos avec le poids net, l'adresse de la fabrique, pur sel de mer tant pour cent de magnésium tant pour cent d'iode - l'iode, y a rien de tel pour les bronches, disait maman, y a du fer, dans l'iode, et y a de la teinture, aussi, dedans, c'est pour ça que ça donne des bonnes couleurs -, des médailles et des expositions internationales, ça doit être marrant, les expositions inter. nationales, tous ces camemberts, ces boîtes de sel, ces petits-beurre, ces rouleaux de papier hygiénique bien rangés à côté les uns des autres, sur de longues tables, j'imagine, et ces messieurs instruits, ces Présidents de la Répu­blique, qui passent devant, graves, et goûtent, du bout du doigt du bout de la langue, et hochent la tête, goûtent l'autre, hésitent, celui-là, lin, pas mal du tout, mais celui l'autre, hé hé..., et tout à coup sourient, extase, et n'hésitent plus, celui-ci, ah, celui-ci, voilà de bon camembert, d'excellent sel, d'exquise cire à parquets! Et épinglent, solennels et émus, la Médaille d'Or à la poitrine du Fabricant valeureux qui, bien élevé, dit : « Non, vraiment, c'est trop, fallait pas », défaillant de fierté et d'envie de pisser, cinq heures debout à attendre le Président sans oser bouger, c'est long.

Impossible, donc, de ne pas lire. Les affiches sur les murs. Le « Défense d'afficher » sur les. murs où c'est défendu d'afficher, loi du je sais plus combien de juillet 1881. Dans un Paysage, s'il y a de l'écrit dans un coin, je vois plus le paysage, je lis l'écrit. Et je rêvasse à tout ce qui vient s'accrocher derrière ce que raconte l'écrit.

Les choses, pour moi, c'est d'abord des mots. Des mots écrits. Si on me dit « cheval », si, tout seul dans ma tête, je pense « cheval », je vois le mot « cheval », imprimé, attention, pas écrit à la main, imprimé en minuscules d'im­primerie, je le vois, là, devant moi, noir sur blanc, avec le hargneux crochet de son « c » au bout à gauche, son «,h » pas trop aimable non plus qui dépasse en l'air ainsi que le « 1 », son « v » prétentieux au milieu, son « e » très gonzesse, son « a » pansu assis sur son gros cul. « Cheval ». Après, seulement après, je vois la bête. Tout ça se fait beaucoup plus vite que je l'explique. A une vitesse fantastique. Mais j'ai quand même le temps de bien le voir, le mot, avec tous ses détails, sa physionomie, son mauvais caractère ou son clin d'oeil complice. Les mots sont vraiment des copains.

Prends n'importe quel mot. Tiens, prends « café ». Sans réfléchir sans analyser, quelle impression tu as? Je veux dire, si tu vois un visage pour la première fois, tu ressens une impression, comme ça, au premier choc. Là, pareil. Un mot, ça a une gueule. « Café », moi, ça me fait comme je vais dire. Arrogant. Maigre. Grand seigneur. Don Quichotte? Il y a de ça. Non. Pas assez escogriffe. Sec, précis, mais ample. Sobre munificence. Un très beau mot.

Il y a des mots avec des « h » en trop, des consonnes

doublées, des « eau », des « ault », des « ain », des « xc »... C'est ceux que je préfère. Ça leur donne une physionomie spéciale, un air précieux, un peu maladif, comme « thé », ou au contraire pétant de gros muscles, comme « apporter », « recommander », ou qui fait grincer des dents, comme «exception»... Il y a des mots à chapeaux à plumes, des mots à falbalas, des mots à béquilles et à dentiers, des mots ruisselants de bijoux, des mots pleins de rocailles et de trucs piquants, des mots à parapluie... Quand on me parle, mais surtout quand je parle, je les vois passer un à un à toute vibure, s'accorder se conjuguer s'essayer un « s » au pluriel, le rejeter en pouffant parce que ça va pas du tout, grotesque et laid, vite s'accrocher l' « x » qui va comme un gant, ah, c'est bon, salut, ça défile.

Ça explique que, très vite, j'ai su mettre l'orthographe. La grammaire m'a toujours été jeu proposé, aux règles passionnantes, jeu de logique et d'architecture. * Jamais été foutu d'apprendre la belote, ni le plus facile des jeux de cartes. Mais la grammaire, quel régal!

Si je pense à tel épisode d'une aventure que j'ai lue, je vois le texte imprimé, je vois la page, celle de gauche ou celle de, droite, et si ça se trouve en haut, en bas ou au milieu.

* Je sais, c'est très mal porté de dire ça, au jour d'aujourd'hui. L'orthographe est un instrument de torture forgé par la classe dominante pour snober les croquants, la grammaire un galimatias insultant toute logique et toute cohérence, la langue française dans son ensemble un tas de boue juste bon à entraver l'essor de la pensée. Voilà comme on doit causer, qu'on se veuille jeune loup dans le vent ou contestataire bon teint. Allez vous faire foutre! Le français est la plus amusante, la plus scintillante, la plus stimulante pour l'esprit et l'imagination de toutes les langues qu'il m'a été donné de connaître avec quelque intimité. Seul, le russe est plus somptueux, plus architecturé, mais beaucoup moins imprévu. Tas d'imaginations débiles que vous êtes, bande de feignasses à qui il faut tout mâcher, saletés de sociétaires de la Comédie Française qui supprimez les « e » muets dans les alexandrins, si vous saviez, petits cons, ce qu'on peut se marrer avec des virgules et des passés simples (que vous appelez “imparfaits du subjonctif”, en vous croyant malins!), si vous saviez! Plus qu'avec une guitare, merdeux, bien plus! Et sans faire chier les voisins.

 Tous les jeudis matin, jour sans classe, j'allais avec un cabas à la bibliothèque municipale. Les livres étaient vénérables pour la plupart, tous uniformément vêtus d'une grosse reliure de toile noire faite pour résister pendant des siècles aux poignes calleuses des ouvriers avides de culture, suivant l'idyllique vision julesferrique de l'instruction publique. On avait droit à deux livres à emporter par personne inscrite, alors j'avais inscrit papa et maman, ça me faisait, comptez avec moi, six bouquins à dévorer par semaine. Avec les illustrés que me passaient les copains et les journaux que maman rapportait de chez ses patronnes pour allumer le feu et garnir la poubelle, ça me faisait de quoi tenir, d'un jeudi à l'autre, mais bien juste.

On choisissait sur catalogue, mais les titres qui vous faisaient envie étaient toujours en main, il fallait faire une liste par ordre de préférence, la barbe, j'aimais mieux fouiner dans les rayons et me laisser séduire par la bizarrerie d'un titre ou les effilochures d'une très vieille reliure. J'aimais les livres énormes.

Je remontais la rue Sainte-Anne, le cabas bourré de gros bouquins me tirait de côté vers le bas. Les mères ritales me regardaient passer, les yeux écarquillés par l'admiration et un vague effroi. « Ma touté quouesté lives, tou vas les lire, Françva? 0 pétêt' tou régardes solement i gimazes? » Y a pas d'images, je disais. » « Tou vas pas me dire qué tou vas lire touté quouesté mots d'écrit touté sol, no? Ton père, ze le sais que t'aider, i po pas, pourquoi lire, i sa pas. Ma sara tou mare, pourquoi elle, a sa lire, ma l'est tante fatiguée, paur' femme, surtout la svar! »

Où je trouvais le temps? J'avais des journées bien remplies : l'école, les devoirs, les potes, la rue, les commissions... Je lisais la nuit, dans mon lit, dès que j'ai eu un lit à moi, d'abord à la lueur de l'ampoule du plafond, qui devait faire dans les vingt-cinq watts - l'électricité, on voit bien que c'est pas toi qu'as la peine de la gagner - et donnait un chiche halo jaune dont le peu qui arrivait à se traîner, à bout de souffle, jusqu'à mon livre se cognait par-derrière à la couverture et ne servait guère qu'à me faire de l'ombre sur la page. Je devais me lever et traverser la chambre pour éteindre, l'hiver c'était glacial, rien n'était prévu pour chauffer ce réduit, je courais me replonger sous l'édredon, je me fracassais au passage l'orteil contre le pied du lit-cage, une saloperie de ferraille anguleuse... Un jour, j'ai trouvé une vieille douille dans le fourbi de papa, je l'ai emmanchée dans le goulot d'une bouteille de chianti, ça m'a fait une lampe de chevet, une fois ou l'autre j'y mettrai un abat-jour. Des prises de courant, dans les logements ouvriers, y en a pas. Le strict nécessaire : l'ampoule du plafond et l'interrupteur près de la porte. J'ai bricolé une douille voleuse avec le culot d'une ampoule brûlée, un gros bouchon de liège et des bouts de fil de fer, j'ai branché les deux bouts des fils de ma lampe de chevet dans les trous, et voilà, merveille, ma lampe s'est allumée! Elle avait même, luxe, un interrupteur incorporé fait d'un bout de couvercle de camembert sur lequel j'avais vissé des petits boulons avec une broche mobile découpée aux ciseaux dans un tube d'aspirine. Fallait avoir envie de lire.

Bien calé sur l'oreiller, la couverture au ras des narines, le bouquin pesant de tout son poids ami sur mon estomac, je lisais jusqu'à ce que les yeux me brûlent, et encore, je luttais, je me cramponnais, une ligne de plus, une autre, plof, je basculais dans le grand trou, sans même éteindre, bien souvent.

La lecture emplissait tous les interstices de ma vie. A peine éveillé, je tâtonnais de la main vers le livre comme un fumeur vers ses clopes. Je me traînais à table, mon bouquin sous le bras, l'installais devant moi, un peu à gauche, calé par un bout de pain ou par n'importe quoi à l'inclinaison exacte pour le confort de l'oeil. Naturellement, maman râlait. C'est tout ce qu'il y a de plus malsain, tous les docteurs te le diront. Tu t'esquintes la vue. Tu vas devenir bossu. Ce que tu manges te profite pas. Toutes ces bêtises te monteront à la tête, tu vas me faire une congexion célébrale, qu'il y a rien de plus mauvais, ou une méningite, c'est encore pire, et tu sais : ou on en meurt, ou on reste fou. Et quelle charmante compagnie! C'est poli pour les autres, vraiment... Eh, oui, mais rien à faire. Avant de passer à table, je me cherchais de la lecture. Le bouquin en cours, un livre de classe, n'importe quoi. Pour les cabinets, pareil. Le bout de journal que j'emportais pour me torcher, il fallait que je ne l'aie pas encore lu, il allait être le compagnon de mon accroupissement.

A part ça, j'étais un enfant joyeux, bavard, turbulent, plutôt teigne et châtaigneux, rien du sombre renfermé qu'on pourrait croire. Je voulais tous les plaisirs, tous, et celui-là était le plus fort de tous.

Commentaire: Le texte de Cavanna permet de revenir à la première activité et favorise un requestionnement des élèves qui pourront peut-être modifier/nuancer leurs premières réactions. Comme tous les textes vus, il fournit aussi des “cartouches” dans la perspective de l’activité finale. Ci après, quelques questions pour évenuellement guider la lecture.

 Cavanna, Les ritals, 1978, Belfond (pp. 141-147)

 

Questions sur l’extrait des "Ritals" de CAVANNA

1. A quel âge Cavanna a-t-il découvert la bibliothèque municipale de Nogent?

2. "La bibliothèque municipale de Nogent (...) c'est le grenier de la grand-mère que j'ai jamais eue (...)." Expliquez cette image utilisée par le narrateur. Que veut-il dire par cette comparaison?

3. A l'école, dans la classe du père Bouillet, il y avait une bibliothèque. D'où venaient certains des livres de cette bibliothèque?

4. Donne un exemple montrant que chez Cavanna le désir de lire était extrêmement fort. Ainsi, que lisait-il?

5. Qu'explique Cavanna à propos des mots, de leur pouvoir?

6. A quoi Cavanna compare-t-il la grammaire?

7. Où trouvait-il le temps de lire?

8. Quelle était la première chose qu'il faisait dès qu'il se réveillait?

9. Propose un titre à cet extrait.

10. Quelles réflexions t'inspire la lecture de cet extrait? Que penses-tu de Cavanna? As-tu déjà éprouvé les mêmes sentiments que lui?

 

Suite de cet article :

Compétence culturelle - La littérature en question

Une réalité économique et sociale : L’édition : un secteur en mutation * Le prix du livre * Conclusion

Voir le numéro 149 : juin 2012

 

 édito et sommaire 148 * début littérature en question * début Cavanna

Noir Paradis ou la Princesse tombée dans un puits

Souvenirs d'un projet de théâtre avec mes élèves

Récit : Cécile Jancart

IND, Bertrix (Belgique)

En résumé, il s'agit d'un projet qui a pris corps durant une rencontre d'auteurs professionnels à laquelle ont pu prendre part Christine Van Acker, écrivaine, et Cécile Kerger, enseignante de pratique théâtrale (voir le reportage paru dans L'Avenir). On trouvera sur le site de l'IND de Bertrix (Belgique) le texte complet de Noir paradis... (à parcourir d'abord pour mieux saisir ci-dessous le déroulement du projet) ainsi que le programme et l'album-photos de la représentation.

 

Etape numéro 1 : Ecriture d’une pièce de théâtre

 

La pièce « Noir Paradis ou la Princesse tombée dans un puits » a été rédigée lors d’un atelier d’écriture, du 30 août au 4 septembre 2010, à Mirwart, animé par l’écrivain et poète Hubert Haddad, écrivain, historien d’art, pionnier des ateliers d’écriture en France, auteur d’une cinquantaine de livres (romans, essais, théâtre, poésie).

Cette rencontre résidentielle était organisée par la CTEJ (Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeunesse) en collaboration avec la Province du Luxembourg sous la houlette de Jean-Paul Vasset. Les participants, des auteurs professionnels dans le monde du théâtre, revenaient de Huy où ils avaient présenté leur dernier spectacle au Festival. Ils étaient Bruxellois pour la plupart. Comme l’atelier d’écriture se situait en Province du Luxembourg, Monsieur Vasset avait obtenu que deux Luxembourgeois puissent y participer.

Christine Van Acker et moi-même eurent la chance d’être retenues. Ce fut une semaine très riche mais aussi très éprouvante car je me retrouvais avec des professionnels et je n’avais jamais écrit une pièce de théâtre. En plus, je voulais la concevoir en huit jours, objectif de l’atelier, pour la mettre en scène avec mes étudiants dès la semaine suivante, dans le cadre de mon cours de complément de français, un défi un peu stressant…Heureusement Hubert Haddad a pu, rapidement, par des exercices préliminaires, débloquer les imaginaires à partir du projet personnel de chacun. L’animateur, malgré sa culture impressionnante, est d’une simplicité confondante. Au service de chacun, il a passé ses soirées à lire nos ébauches afin de donner des indications dans la progression de la pièce. Auteur de nombreux ouvrages, Hubert Haddad a écrit notamment « Le Nouveau Magasin d’Ecriture » chez Zulma, encyclopédie ludique proposant aux amoureux de la littérature de revisiter les auteurs. Répertoire comportant maints exercices. A conseiller à tous les professeurs de français.

Le thème imposé était l’adaptation d’un conte classique. J’ai choisi d’écrire une adaptation contemporaine de « Blanche Neige et les 7 nains » de Grimm. Bettelheim, auteur de « Psychanalyse des contes de fées » parle d’une histoire basée sur la quête d’identité d’une adolescente. J’évoque, à travers ce conte traditionnel, les préoccupations actuelles d’une jeune fille. Rivalité entre les générations (mère qui veut paraître aussi jeune que sa fille). Problème de la famille recomposée (l’amour difficile entre une fille et l’épouse de son père), recherche de son identité (identification à des acteurs ou mannequins), mal-être des jeunes (fugue, anorexie, dépression, révolte), désir de rencontrer l’Amour. Le choix s’est porté aussi sur ce conte car mon groupe classe comporte essentiellement des filles et que, toujours selon Bettelheim, les nains sont asexués.

Ce texte a été écrit en fonction des étudiants de complément de français. Il ne devait pas être trop long, 50 minutes, pour avoir le temps de le mettre en place en moins d’une année scolaire, fin mars, à raison de 2 heures par semaine. J’avais, à la fin de l’année scolaire, présenté le projet à mes étudiants, je leur avais demandé s’ils étaient d’accord d’y participer et si le choix du conte leur convenait. Ils furent enthousiastes à la perspective de jouer le conte revisité. 

 

Etape numéro 2. La mise en scène

début noir paradis * sommaire 148

Pour la mise en scène, j’ai tenu compte des conseils de Bernard Grosjean avec qui j’ai suivi une formation de cinq jours en juillet 2009, à La Louvière. Formation, proposée par Promotion Théâtre, que je recommande à tous les professeurs amenés à animer un atelier théâtral. Si j’avais pu suivre cette formation il y a 20 ans, j’aurais évolué beaucoup plus vite !!! Bernard Grosjean a publié chez Lansman Dramaturgies de l’atelier-théâtre qui reprend de manière très détaillée sa démarche pédagogique. Un guide efficace pour tout professeur d’expression orale ou animateur d’ateliers.

Bernard Grosjean a été d’abord militant du mouvement Freinet, avant d’entamer des études à L’Institut d’Etudes Théâtrales de Paris III où il enseigne depuis 1983. En 1981 il a été engagé par Augusto Boal dans le noyau fondateur du Théâtre de l’Opprimé en France. Comédien, metteur en scène, auteur et directeur de la compagnie « Entrées de jeu », il anime de nombreux ateliers en milieu scolaire et dans le cadre des pratiques amateurs.

Bernard Grosjean préconise de ne pas lire la pièce tout de suite mais de faire des exercices préparatoires liés au texte qui pourront parfois être repris plus tard. La mise en scène dans le cadre d’un cours ou d’un atelier se construit collectivement, chacun apportant ses suggestions. Bien sûr ces exercices seront préparés dans l’optique de la pièce; l’animateur estime qu’il faut 20 heures de préparation avant de commencer un atelier.

Je vous donne quelques exemples d’exercices que j’ai faits pendant trois cours. Le respect du temps est très important. Je donne un temps précis de préparation pour chaque exercice. Temps assez court pour donner la pression, environ 10 à 20 minutes selon l’importance de l’exercice. Chaque groupe travaille dans son coin, l’animateur passant d’un groupe à l’autre pour suivre l’évolution des découvertes. Puis présentation à tous. Bernard Grosjean prend des photos pendant la présentation des exercices (un aide-mémoire pour lui) et très souvent les exercices sont accompagnés de musique (il possède un Ipod qui contient des centaines de musiques !!! Et bien sûr des baffles). Souvent, ce sont les participants qui demandent un type de musique et Bernard Grosjean, par enchantement, vous trouve le morceau ! Dans ce domaine musical, je ne suis nulle part (ce sont mes étudiants qui s’occupent de choisir et d’apporter les musiques et leur matériel. Ils sont souvent experts en la matière !) Si j’avais encore des années d’enseignement devant moi, j’investirais dans ce domaine.

L’accompagnement musical, dixit Bernard Grosjean, apporte un plus au texte et à la mise en scène des exercices. Mais il faut avoir et savoir choisir le morceau adéquat. Question d’habitude selon lui.

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1. Créer des tableaux fixes (4 ou 5) illustrant des clichés ou des symboles du conte « Blanche Neige et les sept Nains » (3 ou 4 étudiants par groupe). On pourrait élargir plus globalement à tous les contes et les faire découvrir par les autres étudiants mais puisque mes étudiants savaient que nous allions aborder l’histoire de Blanche Neige, ce n’était pas pertinent dans notre cas.

2. Distribuer des phrases du texte (les plus vagues possibles) et les étudiants les mettent en scène avec des accessoires différents : des chaises, deux penderies légères noires, sur roulettes (que j’avais apportées pour éventuellement symboliser des chariots de mine), un grand tissu rouge, un paravent. Chaque groupe reçoit un de ces accessoires et imagine le contexte dans lequel les phrases sont énoncées. Exercice très intéressant qui manifeste tout le potentiel de l’imaginaire des étudiants.

3. Imaginer le décor des trois lieux : la tour du château, la mine, la forêt

4. Imaginer l’attitude et le comportement des personnages dans une courte improvisation : la reine se confiant à son miroir, rencontre entre Blanche Neige et les Nains, le Prince charmant découvrant Blanche Neige morte et le réveil de la Princesse, retour des Nains de leur travail et découverte de Blanche-Neige morte…

Lecture de la pièce. Deux fois. Noir Paradis ou la Princesse tombée dans un puits (voir texte). Le cours est composé d’étudiants de 5e et de 6e années. Comme j’ai écrit la pièce en fonction des étudiants, je savais qui jouerait le mieux tel ou tel personnage, privilégiant les rôles importants pour les étudiants de 6e  année.

Les 5e ayant moins d'expérience et pouvant, l'année scolaire suivante, jouer un rôle plus conséquent, je distribue donc moi-même les rôles, ►►mais à la fin de la lecture, je demande à chacun s'il se sent bien dans son personnage (je connais la personnalité de mes étudiants, ayant travaillé avec eux l'année précédente). Ce qui fut le cas. Le groupe est important - 18 étudiants; j'ai d'ailleurs dû ajouter des rôles de Nains, devenus des Dissidents avec l'arrivée de nouveaux étudiants de 5e année en début d'année ! ►►►

Mélange dû à l’agencement difficile des horaires, ce n’est pas idéal mais impossibilité de faire autrement selon la direction. J’ai donc deux groupes, selon le choix des options : un groupe de 5e année avec des étudiants de 6e  et un groupe de 6e  année avec des étudiants de 5e.

►►Démarche que l’on peut contester ! On peut aussi demander aux étudiants  de choisir leur rôle mais par expérience, je trouve que ce n’est pas toujours judicieux. Par contre il faut bien connaître ses étudiants.

►►►Avantage d’être l’auteure et côté positif de l’adaptation, les Dissidents peuvent être nombreux !

 

Ensuite envisager quelques exercices relatifs à la pièce avant de la  mettre en scène.

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Voici quelques exemples. Trois groupes de six. Les étudiants ne jouent pas leur rôle défini lors de la lecture. Chacun va interpréter différents personnages. Ceci pourra enrichir le jeu du comédien attitré et donner aussi la possibilité à chacun d’interpréter les différents personnages avec sa vision personnelle. Des mimiques ou une gestuelle particulière de certains ont ainsi enrichi par après le jeu du comédien retenu pour le rôle. 

A. Trois groupes de six comédiens :

1. Les six comédiens (filles et garçons) entrent dans la peau des Dissidents, alignés au fond de la salle. Ils se présentent dos au public. Ils se retournent et regardent dans le lointain où se tient la Princesse Jacinthe

a.    Ils manifestent leur admiration face à sa beauté.

b.    Ils se regardent et montrent leur admiration.

c.    Ils avancent d’un pas et constatent avec stupeur qu’elle est morte.

d.    Ils avancent encore d’un pas et manifestent leur tristesse.

e.    Ils constatent ensuite qu’elle se réveille, ils manifestent leur soulagement.

f.    Ils retournent dans le fond de la pièce et se retournent en manifestant leur joie.

2. Les six comédiens (filles et garçons) entrent dans la peau de la Reine Narcisse. Ils se tiennent dos au public.

a. Narcisse se retourne et regarde dans le lointain où se tient Jacinthe. Elle manifeste un sentiment de puissance.

b. Elle avance d’un pas et présente une pomme à Jacinthe avec un ricanement de sorcière.

c. Elle avance encore d’un pas et constate la mort de Jacinthe. Narcisse exprime sa joie avec un HA HA sonore de sorcière.

d. Elle retourne dans le fond et se retourne avec un rire cynique.

3. Les six comédiens (filles et garçons) entrent dans la peau du bienfaiteur, Juan. Ils se tiennent dos au public.

a. Juan se retourne et découvre dans le lointain Jacinthe. Il manifeste son admiration devant tant de beauté.

b. Il avance d’un pas et constate qu’elle est morte, grande tristesse.

c. Il avance d’un pas et cherche des yeux les Dissidents.

d. Il avance encore d’un pas et constate que Jacinthe se réveille, étonnement.

e. Il retourne au fond de la salle et se retourne en faisant un geste d’amour.

Intéressant pour le public de voir les réactions simultanées des six comédiens.

B. Trois groupes de six comédiens

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Les comédiens des différents groupes préparent une improvisation, sans connaitre le texte mais bien son fil conducteur, puis la présentent à tous.

1.    Scènes des trois sorcières : choisir un décor et des vêtements (penderies avec de nombreux vêtements dans la salle.

La rencontre de Jacinthe avec les 3 sorcières, dans la forêt : une bohémienne qui lui propose un tatouage, une jeune paysanne qui lui offre de la drogue, une vieille paysanne qui lui donne une pomme bio.

2.    La reine, dans sa tour du château, se présente devant son miroir, un personnage vivant. Mise en scène collective et on change de comédien pour chaque phrase. Décor et vêtements.

a.     La reine Narcisse se mire dans son miroir, manifeste sa fierté d’être belle. Le miroir reconnait cette beauté.

b.    La reine se fâche en entendant son miroir dire que Jacinthe est encore plus belle qu’elle.

c.     La reine manifeste son désir de se venger, crise d’hystérie. Le miroir la raisonne.

d.    La reine apprend qu’elle a échoué, Jacinthe est vivante, elle exprime la détresse et se donne la mort.

3.    La Princesse Jacinthe avec les Dissidents

a.   Jacinthe se réveille et découvre avec étonnement les Dissidents autour d’elle.

b.   Jacinthe déplore de devoir vivre dans la saleté, réaction des Dissidents.

c.   Jacinthe exprime sa tristesse d’être rejetée par sa belle-mère, Narcisse.

d.  Jacinthe accepte l’hospitalité des Dissidents et leur propose de leur faire à manger et de nettoyer leur logis.  Réaction des Dissidents.

Ces exercices permettent de rentrer progressivement dans l’atmosphère de la pièce sans devoir tout de suite subir la contrainte de la connaissance précise du texte.

C. Trois groupes de six comédiens

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Apprendre douze lignes du texte, au choix. Alternance dans les voix, chacun étudie deux lignes. Créer et présenter d’abord l’image fixe pour chaque intervenant dans l’ordre du texte. Puis reprendre en disant le texte. Mettre en scène, décor, vêtements.

D. Chaque groupe de six comédiens donne des suggestions pour symboliser la forêt, le château et le miroir, la mine.

La forêt : deux comédiens seront des arbres vivants (référence à Walt Disney). Un étudiant a apporté, le cours suivant, un treillis de camouflage, on adopte les masques neutres.

Le miroir : Un paravent (sorte de triptyque) muni d’un drap servira de miroir au comédien, dont on ne verra que le visage très maquillé. Finalement c’est ma belle-fille qui a proposé de réaliser le miroir mais toutes les répétitions ont été faites avec le paravent.

La mine : les deux penderies serviront de wagons qui s’avancent au début de la scène où jouent les Dissidents.

Peu importe si les accessoires, les vêtements ou les décors seront ceux de la mise en scène définitive de la pièce ou non, ce qui est important, pour Bernard Grosjean, c’est de jouer directement avec des accessoires et des vêtements dans un décor.

Le texte doit être connu pour novembre (après le congé de la Toussaint). Répétition à l’italienne, assis en cercle, sans jeu du comédien. Seule la connaissance du texte est imposée et cotée. On ne peut pas interpréter un rôle avec des feuilles en mains. Les étudiants en sont conscients.

La mise en scène, plus précise, commence alors. Nous constatons rapidement que le changement des décors, si réduits soient-ils, des 17 tableaux prend trop de temps : la lassitude pourrait atteindre le spectateur. Dès lors, nous concevons de diviser la scène en trois. Le fond divisé en deux. Côté cour : le château et son miroir, côté jardin : la mine. L’avant scène : la forêt (les 2 arbres, vivants, entrent en scène sur la musique «Des dents de la mer» * quand il s’agit d’une scène de forêt. Le jeu des lumières permet d’éclairer un espace défini. La reine Narcisse aura beaucoup d’espace par rapport aux 9 Dissidents, mais chacun trouve le sien. Les penderies-wagonnets sont abandonnées, elles sont remplacées par la diffusion de fumées bleues (appareil utilisé lors des soirées dansantes) pour les tableaux où jouent les Dissidents. Effets très beaux avec sensations d’opacité, d’obscurité et de saleté qui conviennent au milieu minier. Les étudiants veulent un banc pour les Dissidents en plus de quelques tabourets. Le metteur en scène abdique, même s’il estime qu’il prendra beaucoup de place. Peu de temps après, de peur que je ne change d’avis, un étudiant apporte son banc de jardin !

 

 

* Les dents de la mer, film  réalisé par Steven Spielberg. Musique de John Williams

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La mise en scène avec la collaboration des étudiants est nettement plus riche que si l’animateur se débat tout seul ! Naturellement il faut discuter chaque proposition et si les divergences sont trop importantes, on vote ou le metteur en scène prend la décision finale.

Nous répétons « à la cave » (voir photo), local aménagé pour les cours d’expression orale. Nous ne pouvons avoir accès à la scène du théâtre de Bertrix que pour deux filages et une répétition générale. Peu, trop peu, car outre la mise en scène, il faut travailler le volume de la voix et la mise en espace dans un autre lieu … mais puisque le Centre Culturel ne veut plus louer davantage la salle à notre école, nous travaillons, du mieux que nous pouvons, le volume, la pose de la voix, les déplacements dans un lieu plus exigu que celui du théâtre.

 

La présentation devant le public a eu lieu le lundi 4 avril 2011 à 20h et le mardi 5 avril après-midi pour tous les élèves du cycle supérieur. Cette représentation faisait office d’examen pour mes étudiants. Le résultat, d’après les échos, fut apprécié par le public des adultes et celui des adolescents.

  

Etape numéro 3. Retour à l’écriture

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Je n’ai pas pu reprendre les cours au troisième trimestre (déclaration d’un cancer du sein au mois de février et début du traitement après les vacances de Pâques)..

 Je dois d’ailleurs remercier Christian Kellen, metteur en scène dans notre école pendant plusieurs années, à la retraite à présent, qui, bénévolement, a donné 2 cours à ma place, le temps de mon opération, à la mi-mars afin que la pièce puisse être présentée au début du mois d’avril. 

Mon intérimaire, Catherine Leherte, a eu l’excellente idée de prolonger le travail d’oralité par un travail d’écriture. Elle a demandé aux étudiants de se replonger dans leur personnage dans l'une des formes suivantes, au choix:

1.    Livrer un aveu à propos de leur vie.

2.    Ecrire une page dans leur journal intime à propos d’un événement vécu au cours de l’histoire.

3.    Rédiger une lettre à un autre personnage.

Les étudiants ont lu leur texte à voix haute. Certains étaient émouvants et les condisciples ont plus d’une fois étaient étonnés de découvrir les aveux ou les sentiments qui animaient les personnages (Voir quelques textes). Je suis venue les écouter. Ces textes sont très souvent intéressants et donnent un éclairage nouveau aux personnages. A la limite, certains monologues pourraient être insérés dans la pièce. Une manière de relier l’écriture de l’auteur à celle des étudiants.

 

Conclusion

Ce dernier atelier théâtral, en milieu scolaire, fut une belle expérience. Pouvoir écrire son propre texte et le mettre en scène avec ses étudiants créent des liens de complicité. Liens qui se sont encore renforcés quand ils ont appris ma maladie et mon désir de faire aboutir malgré tout notre projet. Ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes à chaque représentation. Je les en remercie encore.

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langue maternelle

documents pédagogiques

Activités de langue française dans l’enseignement secondaire * Revue trimestrielle

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