Beaucoup de questions se posent à propos de la lecture, mais elles
reconduisent toutes au problème crucial du jeu de la liberté et de la
contrainte.
Que fait du texte le lecteur quand il lit ? Et que lui fait le
texte ? La lecture est-elle active ou passive ? Plus active que passive ? Ou
plus passive qu'active ? Se déroule-t-elle comme une conversation, où les
interlocuteurs auraient la possibilité de corriger le tir ? Le modèle
habituel de la dialectique est-il satisfaisant ? Le lecteur doit-il être
conçu comme un ensemble de réactions individuelles, ou plutôt comme
l'actualisation d'une conscience collective ? L'image d'un lecteur en
liberté surveillée, contrôlé par le texte, est-elle la meilleure ?
Antoine Compagnon, Le démon de la critique, Seuil 1998, p. 156.
Aimer un livre étudié en classe ?
De la 3e à la terminale, le pourcentage d'élèves ayant
aimé un livre étudié en classe passe de 36% à 15% chez les garçons; de 53% à 29%
chez les filles.
D'après Christine Detrez & Fanny Renard,
Le français aujourd'hui, décembre 2008,
in Les lectures à l'adolescence, p. 18.
Qu'en pensez-vous ?
Affiches de la Sécurité routière :
du présage au souvenir
Présage : Signe dont l'interprétation permet de prévoir l'avenir, de prédire
un événement.
Lire, s'exprimer : entrer dans le jeu des
messages * L'image pour une conduite citoyenne
(...) dans
cette opération [de découverte du texte ou de l'image], il y a donc dix
pour cent "devant l'oeil" et quatre-vingt-dix pour cent
"derrière" (c'est-à-dire dans la culture, les expériences antérieures,
l'habitude de savoir-faire acquis, et dans la capacité à entrer dans le
jeu des messages et de leur langage).
Chantal
Dulibine, L'Ecole des Lettres, lycée, 2004-2005, 1, p. 10.
Du présage au souvenir...
Une affiche de la Sécurité routière ne met pas en scène l'accident lui-même,
mais présente ce qui l'annonce ou ce qui le suit : l'avant ou l'après. Forme
de narration, elle est aussi forme d'injonction.
Avant
1.
2.
Janvier 2013
Mars 2013
Lire, s'exprimer
Précaution importante : tel(le) ou
tel(le) élève aura peut-être vécu le drame d'un accident entraînant la perte
d'un parent, d'un proche, d'un condisciple...
Ciel bleu, circulation fluide, glissière,
voiture très bien garée, quadra élégant, sapé comme pour une fête, un
rendez-vous agréable..., mine détendue, souriante ; apparemment pas de souci,
donc pas d'urgence.
Indices de danger :
En rouge
(connotation ?) , la troisième ligne, flèche pointée sur le centre de la cible...
vivante
Le texte : déclaration (s'arrêter mis en relief par détachement),
puis injonction ; toutes deux exclamatives
Lire...
Le regard, dans un visage crispé, figé, marque la peur autant que le
reproche, l'accusation : "tu nous mets en danger". Une larme
coule...
Le tutoiement : interlocuteur proche, parent, intime, qui devrait se sentir
d'autant plus responsable
La question directe (sans "est-ce que"), plus nerveuse, trahit l'insécurité;
l'interrogation prend valeur d'injonction
L'arrière-plan sombre : met le texte en relief (au niveau des yeux); avec la
connotation de vide, de nuit, de disparition
Le cri de la fragilité
Débattre, échanger, créer
Efficacité de ce message, des messages de sécurité en général ? Souvenirs
échangés sur des faits vécus ? Essais de réécriture du slogan (image de
gauche), de la question (image de droite) : travailler sur le rythme et sur
le son, sur l'opposition de sens (bonheur vs malheur), sur la grammaire
(mode, temps du verbe, détachement)...
Le personnage : cheveux en désordre, poignet serré, regard lointain,
épaules repliées, lèvres pincées, regard rivé sur l'interlocuteur, tension dans l'immobilité
Jeu d'ombre et lumière pour le texte et surtout pour le visage.
Récit en deux phrases : la
connerie d'un moment, l'immobilité à vie (faire le con, copain :
langage jeune)
Débattre, échanger, créer, rencontrer...
Comment sont évoqués (dans l'image, dans le texte) l'avant, l'après; une
cause, une conséquence ? Imaginer d'autres façons de représenter ces
deux événements - par le texte, par l'image ; et comparer les projets.
Le site belge Parents d'enfants victimes de la route :
témoignages, aides, calendrier d'activités et de rencontres.
►
En France : le site AVF Association d'aide aux victimes
►
Avril 2014, une
vidéo-choc diffusée par l'IBSR : assister à ses propres obsèques
L'Institut belge pour la sécurité
routière (IBSR) a mis en ligne un petit film de trois minutes pour
sensibiliser aux dangers d'une vitesse excessive, dans le cadre de la
campagne "Il est parti trop vite".
La vidéo montre des conducteurs venus
assister... à leur propre enterrement. L'IBSR lance également une
application qui permet d'envoyer un message à ses proches afin qu'ils
modèrent leur vitesse.
La vidéo, publiée par l'IBSR met en scène
des personnes à qui un proche a fixé rendez-vous et qui, une fois sur
place, se rendent compte qu'elles assistent à leurs propres obsèques.
Inaugurés le vendredi 7 février 2014, les Jeux olympiques d'hiver à Sotchi ont trouvé
un large écho dans la presse. Nous y avons relevé trente-cinq titres et deux
éditoriaux parus le jour même ou le lendemain de l'inauguration : un matériau
de choix pour "lire l'opinion" et "en débattre entre gens de qualité".
Quelle est la fonction d'un titre dans la presse : condenser une
information, attirer l'attention, surprendre par une formule originale, susciter le
désir de lire... c'est la fonction apéritive du titre.
Le titre a aussi une fonction idéologique : exprimer une
opinion, favorable ou non, à propos d'un événement, d'une personne.
Les deux titres surlignés
sont ceux des éditoriaux, parus le vendredi 7 février, respectivement de
Philippe Paquet (La Libre Belgique) et de Patrick Apel-Muller (L'Humanité)
Propositions pour la lecture et le débat :
Lecture de ces titres chacun pour soi, suivie d'un tour de table "en roue
libre", pour relever dans ces titres des avis convergents... ou divergents,
et aussi des formes d'écriture (jeu sur le signifiant, rythme et sonorité, insinuation,
métaphore, réemploi...). On pourra y revenir après la lecture des deux
éditoriaux.
Date
Journal
Titre
07.02.
L'Avenir
Loin de l'idéal olympique
Sotchi : où est passé l'idéal olympique ?
Sotchi, une tribune politique pour Poutine
La Libre Belgique
Les
Jeux du Tsar
Le
tsar superstar
Des
Jeux d'hiver pas très verts
L'après-Sotchi s'annonce douloureux
Que
les Jeux de Poutine commencent
Les
Jeux de Poutine
[éditorial ci-dessous]
Le Soir
JO de Sotchi : Google aux couleurs du drapeau gay
Le cauchemar des journalistes débarquant à Sotchi
Le Figaro
Sotchi 2014: Poutine veut redorer l'image de la Russie
Le Monde
La Russie organise des JO controversés
Le Post
Les JO d'hiver les plus contestés de l'histoire
Le Point
Sotchi : le nouveau rideau de fer
Libération
Sotchi à la gloire de Poutine ?
L'Express
Sotchi: Poutine sur la première marche du podium
Nouvel Observateur
L'ombre de la corruption plane sur les JO
JO de Sotchi : "Caprices de tsar" ou "Jeux de Poutine" ?
Sotchi : un très haut niveau d'hystérie homophobe en Russie
Courrier
international
Les Jeux du “bon Staline”
Le Parisien
Poutine va ouvrir « ses »
Jeux
La Tribune
Sotchi : "du pain et des
Jeux" offerts par Poutine... dans une Russie enlisée
Le Journal du dimanche
JO de Sotchi : Google rend
hommage à la communauté gay [logo aux couleurs du
drapeau arc-en-ciel]
Slate.fr
Pour que les Jeux restent gays
Agréable surprise pour les athlètes, cauchemar pour les journalistes
L'humanité
Bons baisers de Sotchi
[éditorial ci-dessous]
La Croix
Sotchi, le projet olympien de Poutine
Human Rights Watch craint une vague de répression après les Jeux
olympiques de Sotchi en Russie
Le Temps (CH)
Vladimir Poutine au grand
tremplin
RTBF, JT
A Sotchi, l'ouverture des JO lance deux semaines à la gloire de Poutine
08.02
Le Figaro
Les Jeux olympiques célèbrent la Russie éternelle
Le Temps
Vladimir Poutine sort conforté de la
cérémonie des JO
La Libre Belgique
Les Jeux de la démesure sont ouverts
Le Monde
La gazette des Jeux : une cérémonie « poutinienne » et quelques accrocs
A
Sotchi, les athlètes sont choyés, les journalistes, moins
Le Point
Les Jeux de Poutine sont ouverts
Libération
Militaires, policiers, Cosaques et espions veillent sur les Jeux
L'éditorial -
à la différence d'un Libre propos, d'un Billet d'humeur,
d'une Carte blanche... - exprime une opinion qui reflète
les grandes orientations politiques, sociales, culturelles... d'un organe de presse:
ce qu'on appelle souvent sa ligne ou sa charte éditoriale. Souvent
l'éditorialiste est d'ailleurs un membre ou un proche du conseil de rédaction.
Pour en savoir plus :
Sur la "ligne
éditoriale" :
►
Lecture et analyse d'éditoriaux : Le Monde et Le Devoir - comparaison
► ; A. Camus, dans Combat
►
Quand débutent les Jeux olympiques, d’hiver ou d’été, personne n’a envie de
bouder son plaisir. Et personne n’a envie de blesser la légitime fierté des
athlètes qui y prennent part en leur laissant croire que ces années de dure
préparation n’en valaient pas la peine. Néanmoins, les Jeux de Sotchi provoquent
un profond malaise.
Ce n’est bien sûr pas la première fois qu’un pays hôte entreprend des travaux
pharaoniques dont le prix jure démesurément avec la pauvreté de la population
locale. Ce n’est pas non plus la première fois, hélas !, que la fête olympique
sert à légitimer une dictature.
Il n’empêche qu’on a franchi, à Sotchi, toutes les limites. Jamais Jeux n’ont
coûté aussi cher (37 milliards d’euros). Jamais ils n’ont eu un impact humain et
écologique aussi dévastateur. Jamais ils n’ont résulté d’un choix géographique
aussi incongru (une région subtropicale où il neige moins que partout ailleurs
en Russie). Jamais ils n’ont alimenté une telle corruption. Jamais, surtout, des
Jeux n’ont à ce point été conçus pour glorifier un seul homme, Vladimir Poutine.
Il est habituel que les lauriers olympiques récompensent une nation, qu’ils
célèbrent sa renaissance (le Japon en 1964) ou consacrent sa montée en puissance
(la Chine en 2008). Ils ne sont pas censés, en revanche, être tressés en
l’honneur d’un de ses dirigeants (dût-il croire incarner le pays qu’il gouverne
d’une main de fer). A dire vrai, cela ne s’est produit qu’une fois : à Berlin,
en 1936...
C’est peut-être ce qui explique la gêne qui tient à distance de la cérémonie
d’ouverture, ce vendredi soir, la plupart des dirigeants du monde démocratique.
Philippe
Paquet, La Libre Belgique, 7 février 2014,
Philippe Paquet
est un journaliste et sinologue belge, né à Namur, le 3 septembre
1960. Au service international du quotidien La Libre Belgique
à Bruxelles depuis octobre 1984, il couvre principalement la Chine
et les
États-Unis. Il a été président de la Société des Rédacteurs de
La Libre Belgique de 1997 à 2007.
Licencié en Journalisme
et Communication sociale de l'Université libre de Bruxelles (ULB) et
titulaire d'une maîtrise en chinois de l'Université des Langues et
des Cultures de Pékin (北京语言大学), Philippe Paquet est aussi docteur en
Histoire, Histoire de l'Art et Archéologie de l'Université
Catholique de Louvain (UCL).
* Lire son éditorial
Diplomatie pour les nuls : trois autruches européennes,
paru dans la Libre Belgique du 1er avril 2014 :
[Xi Jinping, Président de la Chine, accueilli le 31
mars 2014 par les dirigeants européens. Ceux-ci, en 2012, ont reçu à Oslo le
Prix Nobel de la Paix. Une satire où il dénonce l'hypocrisie en politique]
Révisez votre
Molière avec DSK et Claire Chazal
sur TF1
... et avec
Philippe Paquet (La Libre Belgique, 20 septembre 2011)
Bons baisers de Sotchi
La fête
olympique commence. Elle sera d’abord la beauté du geste, la force
d’âme, le corps libéré de ses lourdeurs. Elle restera la fraternité
dans l’effort et la compétition, l’émerveillement, la passion et la
vocation qui naissent dans des yeux d’enfants.
L’oublier serait
s’aveugler, abandonner au marché et aux entreprises de propagande
qui le convoitent l’un des territoires de l’émancipation humaine.
Donc, et d’abord, salut aux athlètes et à leur apothéose !
Les sites sont prêts, nous a assuré jeudi Jean-Claude Killy, qui a
coordonné pour le Comité international olympique les JO 2014, qui
juge que «toutes les promesses qui ont été faites en 2007 ont été
tenues de manière spectaculaire», et qui voit en Sotchi «une ville
miroir de ce que les Russes appellent eux-mêmes la “nouvelle
Russie”». Il y eut les Jeux Coca-Cola; il y a donc les Jeux Poutine,
lequel a fait de cette vitrine la proclamation que son pays est de
retour sur la scène internationale avec de grandes ambitions. Le
président russe a mis le paquet, celui des roubles et de la
propagande, pour soigner sa popularité à l’intérieur et démontrer sa
crédibilité à l’extérieur. Dans cette Russie où des aventuriers se
taillent des fortunes à coups de pétards et de passe-droits,
l’argent a coulé à flots selon d’étranges méandres et plus de
disparitions que de résurgences. Aucun gant n’a été pris pour mener
à bien la tâche monumentale; ce n’est pas l’habitude dans ce régime
à la main de fer et au populisme doré sur tranche. Le pouvoir y
repose sur un socle où se mêlent les appétits sordides, les
nostalgies de grandeur, les racismes flattés, les discriminations
encouragées et les conservatismes grand-russes. L’accumulation
capitaliste y est brutalement pilotée par le «tsar» et tant pis pour
le menu peuple. À lui, seraient distribuées des images pieuses… À
Sotchi, la photo sera plus belle, accueillante et fraternelle comme
sait l’être aussi la population de ce pays-continent. Elle ne fera
pas oublier les pogroms anti-Caucasiens, ni la persécution
d’homosexuels, ni le retour des condamnations pour blasphème. Elles
les rendra sans doute conjoncturellement inopportuns.
Faisons
confiance aux sportifs du monde pour échapper aux conventions
rétrogrades et affirmer la liberté d’aimer ou de penser. On
trouvera moins de sincérité dans l’attention soudaine que des
groupes médiatiques multinationaux prêtent aux droits des hommes
quand des manifestations ont lieu à Sotchi ou à Pékin. Les mêmes
parlent d’autre chose que du centre de torture géant de Guantanamo,
de la longue chaîne des exécutions dans les prisons américaines et
de la persécution d’un Snowden, lorsqu’un événement sportif a lieu
sur le sol américain. N’y a-t-il pas dans les subits accès de vertu
dont nous gratifient les diplomaties occidentales l’intention de
gêner cette diplomatie russe qui enraye à nouveau la marche de
Washington et de ses alliés? Les JO sont aussi un terrain
d’affrontements politiques et depuis longtemps. La neige et la glace
ne le masquent pas.
Tout cela, il ne faudra
pas l’oublier, mais cependant rester capable d’apprécier les
instants suspendus d’un saut à skis, la joie éclatante d’une
victoire, la force d’un destin individuel et le pétillement des
rencontres comme celle des jeunes étudiants en journalisme de
Bordeaux et ceux de Krasnodar, la capitale de la région de Sotchi,
qui se sont unis dans nos colonnes pour écrire leurs jeux
Olympiques. La beauté des mots ajoutée à la beauté du geste, nous en
sommes certains.
Patrick Apel-Muller,
L'Humanité, 7 février 2014 Source :
►
Patrick Apel-Muller, né le
à Suresnes, est
un journaliste français, directeur de la rédaction de L'Humanité
depuis décembre 2008.
Durant ses études d'histoire, il milite à l'Union des étudiants
communistes, en devient membre du secrétariat national et rédacteur
en chef de Clarté en 1979. Rédacteur en chef de Radio Soleil
94, une radio locale du Val-de-Marne en 1982, il entre à
l'Humanité en 1983.
Quand débutent les Jeux olympiques, d’hiver ou d’été,
personne
n’a envie de
bouder son plaisir. Et
personne n’a envie
de blesser la légitime fierté des
athlètes qui y prennent part en leur laissant croire que ces années de dure
préparation n’en valaient pas la peine. Néanmoins, les Jeux de Sotchi provoquent
un profond
malaise.
Ce n’est bien sûr pas la première fois qu’un pays hôte entreprend des travaux
pharaoniques dont le prix jure démesurément avec la pauvreté de la population
locale. Ce n’est pas non plus la première fois, hélas !, que la fête olympique
sert à légitimer une dictature.
Il n’empêche qu’on a franchi, à Sotchi, toutes les limites.
Jamais Jeux n’ont
coûté aussi cher (37 milliards d’euros). Jamais ils n’ont eu un impact humain et
écologique aussi dévastateur. Jamais
ils n’ont résulté d’un choix géographique
aussi incongru (une région subtropicale où il neige moins que partout ailleurs
en Russie). Jamais ils n’ont alimenté une telle corruption.
Jamais, surtout, des
Jeux n’ont à ce point été conçus pour glorifier un seul homme, Vladimir Poutine.
Il est habituel que les lauriers olympiques récompensent une nation, qu’ils
célèbrent sa renaissance (le Japon en 1964) ou consacrent sa montée en puissance
(la Chine en 2008). Ils ne sont pas censés,
en revanche, être tressés en
l’honneur d’un de ses dirigeants (dût-il croire incarner le pays qu’il gouverne
d’une main de fer). A dire vrai, cela ne s’est produit qu’une fois : à Berlin,
en 1936...
C’est peut-être ce qui explique la
gêne qui tient à distance de la cérémonie
d’ouverture, ce vendredi soir, la plupart des dirigeants du monde démocratique.
Philippe
Paquet, La Libre Belgique, 7 février 2014
Jeux
Le titre donne le ton : Poutine "joue" à quoi ? Polysémie de
jeu/jouer ! Parmi les
titres ci-dessus, lesquels font écho au titre de cet édito ?
Des connecteurs
d'opposition...
NéanmoinsCe
connecteur s'oppose aux deux affirmations précédentes :
le
plaisir des uns, la
fierté des autres...
n'empêchent pas le malaise
!.
Même opposition
entre
Ce n'est (bien
sûr) pas... (deux regards vers le
passé)
et
Il n'empêche que....(ces
Jeux actuels de Sotchi)..
Limites
franchies...
Ce thème est
développé en cinq phrases de syntaxe équivalente : Jamais + Jeux +
"limite franchie" en forme de réquisitoire :
le coût, l'impact
écologique, le choix du lieu, la corruption, (et
surtout) la glorification
du chef.
Après "Néanmoins"
et
"il
n'empêche que",
voici un troisième connecteur d'opposition :
"en
revanche"
pour distinguer
une pratique acceptable [Il
est habituel...]
d'une inacceptable politique totalitaire
Berlin 1936
: le lecteur expert saisit la force de l'allusion : "Poutine nouveau Hitler", c'est une insinuation très forte ! Mais c'est
dit sans le dire clairement.
C’est peut-être ce qui explique
:
ce connecteur de conséquence introduit la conclusion
le mot "malaise"
du début est relayé par le mot "gêne"
Des jeux de Sotchi à l'annexion de la Crimée :
« Moscou change de pied. » Baskets de sport et bottes de guerre !
1.
Dans le Huffington.post du 7 mars
2014, le dessinateur de presse Xavier Deluck publie cette image et ce texte
:
Ukraine: Poutine
va-t-il chausser les bottes?
Alors que le président russe se
posait comme rassembleur des peuples lors des Jeux Olympiques, il est
aujourd'hui
prêt à faire résonner le bruit des bottes. Le parlement de Crimée a annoncé
sa demande de rattachement à la Russie et Poutine est prêt à faire face à la
pression d'Obama et de Merkel pour récupérer la région. On ne sait sur quel pied
danser...
►
L'éditorial d'Alla Lazareva, rédactrice en chef
de l'hebdomadaire indépendant Oukraïnsky Tyjden, paru le 12 mars 2014
dans Courrier international.
Auteure, avec Alain Guillemoles, de Gazprom. Le nouvel
empire, éd. Les Petits Matins, 193 p. 17€. A publié un Dictionnaire
géopolitique à l’usage des journalistes
Drôle de guerre en Crimée, où Poutine déclare qu’il n’a pas envoyé l’armée, mais
où des gens sont enlevés et des bâtiments administratifs envahis, l’un après
l’autre, par des “inconnus en vert”. Sergueï Lavrov, le ministre russe des
Affaires étrangères, propose tranquillement aux diplomates occidentaux des
projets énergétiques, en triangle : entre la Russie, l’Occident et… l’Ukraine.
Et les Occidentaux l’écoutent, alors que les relations diplomatiques entre Kiev
et Moscou sont rompues et qu’une centaine de personnes ont donné leur vie pour
un accord d’association avec l’UE.
En cette période floue et opaque, les Ukrainiens restent sur leurs gardes. C’est
pourquoi Maïdan ne disparaît pas. Bien au contraire. Il continue de mobiliser.
Nous le savons : la victoire est encore loin. Viktor Ianoukovitch espère revenir
avec les chars russes. Pour trois mois, le pouvoir en Ukraine est concentré
entre les mains d’un seul parti, le Bloc Ioulia Timochenko, qui a déjà été au
pouvoir. Nous savons qu’il faut rester vigilant, exigeant, pour que soient
tenues les promesses politiques.
Les activistes resteront à Maïdan jusqu’au 25 mai, date de la présidentielle
anticipée. L’AutoMaïdan, mouvement des automobilistes contestataires, se
proclame en opposition avec l’ancienne opposition. Et les journalistes ? C’est
en écrivant que nous tenons nos barricades. Cette fois en partenariat avec nos
confrères de Courrier international, que nous remercions pour leur
hospitalité exceptionnelle.
Source :
► Alla Lazareva :
► Sur
Facebook:
► Interviewée le 18 mars sur Europe I par
Nicolas Pointcarré
►
Rendre les élèves sensibles aux mécanismes de l'humour et de l'ironie
Programme Fesec et Cté fse, 3e degré de
transition
Petit Robert 2014, s. v. captiver :
Retenir captif; faire prisonnier.→enchaîner.
Attirer et fixer l'attention de; retenir en séduisant.→charmer,
enchanter,
ensorceler,
gagner,
passionner,
séduire.
Séduit... ou enchaîné
Le jeu sur le son est très fréquemment pratiqué comme moyen d'expression du
texte à portée idéologique. Nous retiendrons ici le procédé de la commutation
- un son pour un autre - qui produit un effet de surprise ["attirer et fixer
l'attention"] et de plaisir ["retenir en séduisant"].
Un son pour un autre, et voilà qu'une locution
usuelle, voire banale, fait place à une autre forme, souvent porteuse d'une
charge idéologique.
Cela peut séduire : "Comme c'est bien trouvé !" Cela peut aussi
enchaîner : la
valeur de vérité ne tient pas à l'originalité, à l'inattendu, à l'habileté de la
forme.
Analysons quelques exemples glanés dans la presse écrite, parlée ou télévisée de
ces dernières années.
1
Cédric Mathiot, Libération, 18 novembre 2010
Après un remaniement
ministériel, le Président Sarkozy passe à la télévision. «Il a énoncé une série
de contre-vérités, écrit le journaliste.» Qui intitule son article :
Le marchand de fables est passé
marchand de sable sous-entend endormir... des
enfants.
marchand de fables : échapper aux réalités, prendre
le citoyen adulte pour un naïf.
L'écart syntaxique (gruger + de +
N) retient d'autant plus l'attention et l'intérêt.
7
Vincent Noce,
Libération, 8 juin 2010
Inauguration à Rome du musée
MAXXI, oeuvre de Zaha Hadid architecte anglo-iranienne : «Entourée de gardes
du corps sous les flashs, en reine babylonienne vêtue Prada, elle a fait
apparition il y a une semaine pour dire qu'elle ne doutait aucunement de son
propre succès.» Sous le titre :
MAXXI, le tout à l'ego
Le musée est critiqué : il privilégie l'architecture au détriment de
l'accrochage.
Femme autosatisfaite ! Pas galant,
pour la reine vêtue Prada, le mot qui se cache sous ego
Rétrospective des années 70 au
Larzac : manifs contre l'expropriation de terrains pour l'Armée
Réécriture d'un slogan pacifiste.
Labour et amour : beau couple sonore !
10
M. É.,
Libération, 30 août 2010
Université d'été du PS à la
Rochelle. Explication du journaliste : «Le Parti socialiste affiche pour
l'instant une harmonie de bon augure. Mais 2012 est dans toutes les têtes et
cette entente pourrait rapidement voler en éclats.» Ce qui justifie le titre
du reportage :
L'union entre gens de
qualité avant les gnons entre rivaux; l'entente, l'harmonie
avant les éclats.
11
Bruno Rieth,
Marianne, 1er mai 2014
« Le turbulent Maire de Toronto,
Rob Ford, est de nouveau mis à l’honneur dans les journaux pour ses
problèmes d’addictions. Le journal The Globe and Mail vient de
publier une série de captures d’écrans de trois vidéos » (...) Titre de
l'article :
Rob Ford à nouveau pris la main dans le crack
Familière et péjorative, la forme d'origine.
Ici, pour un notable, la
réécriture et davantage dévalorisante
Dans Notre musique de Jean-Luc Godard, on voit le
pont de Mostar en train d'être reconstruit grâce à l'Unesco. Et l'on
entend le réalisateur dire à une jeune fille qui lui demande pourquoi les
révolutions ne sont pas faites par des hommes plus humains : "Pourquoi ?
Parce que les hommes plus humains ne font pas de révolutions,
Mademoiselle. Ils font... des bibliothèques, par exemple."
Michèle Petit, L'art de lire ou comment résister à
l'adversité, Belin, 2008, p. 134
Arnaud Gonzague, Le Nouvel Observateur, 31 mars 2014
[source
►]
Pour faire lire les lycéens,
faites-en des critiques littéraires !
Depuis presque 15 ans, le Prix Alfort permet à des
lycéens issus de milieux populaires de jouer aux critiques littéraires.
Un réenchantement salutaire de la littérature.
C’est un prix qu’ont reçu Marc Dugain, Marie
Desplechin, Amélie Nothomb ou Anna Gavalda (deux fois), mais qui passe
inaperçu dans le déferlement des gratifications littéraires remises chaque
année. Pourtant, le "prix Alfort" existe depuis 2001 et si ce n’est pas le
plus célèbre des prix français, c’est possiblement l’un des plus attachants.
Il permet en effet à quelque 200 élèves de
seconde du lycée
polyvalent Maximilien-Perret d’Alfortville (Val-de-Marne) de s’essayer
au difficile métier de critique littéraire. "Nous sommes un lycée classé en
prévention violence, donc a priori, nos élèves ne sont pas immergés
dans un univers familial qui lise énormément de littérature", précise Françoise Cahen, 44 ans, agrégée de
lettres modernes et cocréatrice du prix avec sa collègue documentaliste
Michèle Cartelot.
Critiques acerbes
Leur défi chaque année : faire lire à tous
les élèves de seconde cinq romans sélectionnés par l’équipe pédagogique,
leur faire rédiger des critiques sur un
blog dédié, puis leur faire remettre un prix après les vacances de
Pâques. "Ils ont absolument le droit d’écrire qu'un roman ne leur a pas plu,
mais se contenter de 'c’est nul' est interdit, soutient la professeure. Nous
avons étudié des critiques parues dans la presse et édité un petit 'mode
d’emploi' pour qu’ils soient en capacité d’affûter leurs arguments."
Du coup, certains se lâchent comme le plus
acerbe des critiques de "Libé". "Une année, un écrivain est même venu
rencontrer les lycéens, parce qu’il avait été intrigué par la critique,
hyper violente mais incisive, écrite par l’un d’entre eux".
Car oui, le Prix Alfort a mis de côté les
"grands classiques" ("qui restent dûment étudiés en classe", insiste
Françoise Cahen) pour s’intéresser aux auteurs d'aujourd'hui. Lesquels sont
systématiquement invités au lycée (par lettre manuscrite, apparemment, ça
fonctionne souvent) afin d’échanger lors d’une discussion.
Serge Joncour, Annie
Saumont,
Alain Monnier ou Leïla
Sebbar se sont prêtés au jeu. "Et pour certains, nous avons senti que ce
prix était spécialement émouvant, car être récompensé par des lycéens qui
ont souvent peu d’habitudes de lire est une belle reconnaissance."
Littérature accessible
Pour les élèves, ces rencontres sont riches
notamment parce qu’elles permettent de briser l’image du "grantécrivain"
[v. ►]à la statue taillée dans le marbre blanc de la Postérité.
"Quand il est venu nous visiter, Serge Joncour commençait à peine à percer,
après dix ans de galère", se souvient la créatrice du Prix Alfort. "Par son
propos tout simple, par sa gentillesse, il a montré aux lycéens un visage de
la littérature vraiment très accessible."
Cette proximité peut donner lieu à des
moments aussi beaux qu’inattendus. "Je me souviens d’un élève qui,
réellement, détestait la lecture. Nous nous battions avec sa mère pour le
faire lire, raconte Françoise Cahen. Un jour, après avoir lu 'La petite
fille de M. Linh' de
Philippe Claudel, il a levé le doigt et dit : 'Mais en fait, on est tous
un peu des M. Linh'. Il avait l’air bouleversé." La littérature peut encore
ces choses-là dans les lycées d'Alfortville.
Arnaud Gonzague, chargé des questions
d'éduction au Nouvel Observateur. Articles parus :
►
Xi Jinping, Président de la Chine,
accueilli le 31 mars 2014 par les dirigeants
européens.
Ceux-ci, en 2012, ont reçu à Oslo le Prix Nobel de la Paix.
Ci-dessous, le commentaire du journaliste, paru le lendemain dans La Libre
Belgique
Diplomatie pour les nuls : trois autruches européennes
Herman Van Rompuy, José Manuel Barroso et
Martin Schulz étaient ivres de bonheur et de fierté, le 10 décembre 2012.
Les présidents du Conseil, de la Commission et du Parlement européens
recevaient ce jour-là, à Oslo, le prix Nobel de la paix qui avait été
décerné à l’UE. Deux ans plus tôt, le même jour, en ce même hôtel de ville
de la capitale norvégienne, la cérémonie était nettement moins joyeuse :
le fauteuil du lauréat était vide, hormis une photo posée sur le velours.
Celle de Liu Xiaobo, emprisonné en Chine pour avoir exercé un de ses
droits constitutionnels (Article35), la liberté d’expression.
On a beau être rompu au cynisme qui semble
consubstantiel à l’exercice de la politique, on n’en était pas moins gêné,
lundi, de voir des prix Nobel de la paix accueillir sans aucune honte
apparente le président d’un pays qui maintient en prison un de leurs
collègues. Interpellé en décembre2008, Liu a été condamné le jour de Noël,
en2009, à onze ans de prison pour "subversion" .
On a connu, en effet, des prix Nobel de la
paix plus préoccupés du respect des valeurs qu’ils sont censés partager et
promouvoir, même si l’on sait que nos lauréats européens n’ont pas
exactement le même profil qu’un Lech Walesa ou un Desmond Tutu. On a même
vu des prix Nobel de la paix solidaires, montant ensemble au créneau pour
défendre un des leurs en difficulté - combien d’actions n’ont-ils pas
menées, par exemple, en faveur d’Aung San Suu Kyi ?
Le tort des dissidents chinois serait-il
de ne pas être de frêles et jolies femmes ? On pourrait le penser : alors
qu’on déploya des banderoles au Parlement européen pour soutenir Aung San
Suu Kyi, on ne fit jamais rien de comparable pour Hu Jia, qui reçut
pourtant comme elle le prix Sakharov pour la liberté de pensée. Ou
serait-ce plutôt qu’il était bien moins risqué, politiquement et
économiquement, de tancer la petite Birmanie que de froisser l’immense
Chine ?
Il est rare de voir la tête d’un prix
Nobel de la paix enfouie dans le sable. Lundi, à Bruxelles, on en a vu
trois d’un coup.