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JULIBEL, le français d'aujourd'hui : plus de 9000 fiches Base de données initiée à la rédaction de LMDP |
SOMMAIRE |
Lire un roman, puis en écrire une suite... !
De la lecture du roman de Claude Raucy, Le doigt tendu,
à l'écriture d'un autre roman: Un
air tzigane, par le même auteur et par des élèves de 5e, 6e et 7e (Trans.,
Qualif., Profess.) de l’ICET - Institut communal d’enseignement technique de
Bastogne
Récit de Jean-Marie Lhote
Article paru dans le numéro 111 (décembre 2002) de LMDP et remanié (janvier 2007)
Les
étapes: Inviter un auteur en classe * Collaborer à l’écriture d’une suite de roman
En conclusion * Et vous, Claude Raucy, qu'en pensez-vous ?
En guise de prélude et de justification...
La lecture d'un texte littéraire, c'est bien;
le projet de le réécrire - ou de le prolonger, c'est mieux!
A ce propos, l'avis d'un collègue:
(texte
déjà paru dans l'édito du numéro 117
de LMDP, sous le "chapeau" Une théorie du texte... ou une
pratique de l’écriture ?)
L'étude d'un texte littéraire (...) devient souvent prétexte pour les élèves à l'acquisition du vocabulaire critique et des instruments d'analyse. Dès lors (...), ils vont se contenter face à un texte de mettre en application ce nouveau savoir chèrement acquis et de s'arrêter au repérage des procédés d'écriture.
La perspective de devoir réécrire [ou prolonger] le texte renverse cette hiérarchie et redonne sens à l'étude de la littérature. Pour écrire un pastiche, les élèves doivent se plonger plus intimement dans le texte, en repérer les procédés d'écriture, s'interroger sur leurs effets, se demander pourquoi ils fonctionnent dans le texte de l'auteur et non dans le leur. (...) A partir de cet exercice, on peut penser qu'ils comprennent l'intérêt d'une lecture approfondie du texte, d'une connaissance intime de celui-ci.
Thierry Paubert, Le français aujourd'hui, 144 (01.2004), p. 82.
Première étape
Depuis quelques années, il est de tradition dans notre école
d’inviter un écrivain dans les classes du cycle supérieur, toutes sections
confondues. Notre collègue-écrivain, Alain Bertrand, nous fait découvrir
quelques titres ; puis, après une concertation, nous contactons l’écrivain
et fixons la rencontre. Que de bons souvenirs à l’école depuis le passage
des écrivains français Didier Daeninckx, Meurtres pour mémoire, et Gérard
Delteil, La confiance règne !
Au début de l’année scolaire 2000-2001, après un
contact avec Christian Libens, chargé par la Communauté française de Belgique
de l’organisation des rencontres écrivain-classes, nous invitons Claude
Raucy, dont nos élèves avaient lu, préalablement à la rencontre, Fous pas
le camp, Nicolas ! et Le doigt tendu (Editions Memor, 2000).
Le calendrier fixé comprend un temps de lecture
relativement court (trois semaines) et une préparation de la rencontre dans le
cadre d’une relation humanisante, qui ouvre à la liberté, à la vie
de chacun. Nos élèves se sont interrogés sur la portée de la trahison, sur
le sens du pardon.
En novembre 2000, la rencontre avec Claude Raucy portera
essentiellement sur :
la pratique du métier
les conditions matérielles du travail créateur
les techniques du récit
les rapports entre les personnages, l’écriture, l’évocation
des persécutions nazies à l’encontre des Juifs.
C’est au terme de cet échange fructueux que surgit la
question d’un élève de 7e profess. : Et si vous écriviez une suite
au Doigt tendu ?
Cet instant précis est le point de départ du travail de
collaboration entre trois classes de 5e, 6e, 7e, leurs professeurs de français
et l’écrivain qui répond par l’affirmative à la question, mais à la
seule condition que les élèves s’impliquent activement dans le travail de création.
Nos élèves se piquent au jeu de l’élaboration d’un
agenda : Claude Raucy nous tracera des pistes de travail à nous répartir
entre classes ; il reviendra à l’école (les élèves s’en réjouissent !) ;
nous aurons à respecter des échéances, dont l’ultime, fixée en mai 2001,
sera l’envoi du premier manuscrit pour une lecture critique.
La collaboration peut commencer. Tous les acteurs du projet
sont prêts et impatients !
Deuxième étape
Le doigt tendu mettait en présence Pierre, un jeune
Juif de 13 ans dénoncé par son meilleur ami,
Jacques, alors qu’il se cachait à Saint-Mard. Pierre fuira jusqu’à
Paris où la rencontre d’un étrange violoniste tzigane et l’amour de
Rebecca le marqueront à jamais. Va-t-il se venger de cette amitié trahie ?
Les étapes de la composition
Janvier 2001 – Claude Raucy nous fait parvenir un
synopsis :
Pierre, le héros trahi par le doigt tendu de Jacques à
Saint-Mard, est désormais un cinéaste mondialement connu.
Jacques est juge, installé dans la région de Bastogne.
Pierre et Jacques ne se sont pas revus depuis la fin de
la guerre, en 1945 lorsqu’ils se sont retrouvés confrontés à Saint-Mard.
Pierre ne sait rien au sujet de Jacques qui, en
revanche, connaît bien les œuvres de Pierre.
Pierre s’est remarié avec une jeune actrice ; si
nous considérons que l'action se déroule en 2001, il est âgé de 73 ans. Leur
relation a débouché sur la naissance d’un fils qui, en 2001, a 17 ans.
Le fils de Pierre commet un délit et Jacques devra le
juger, ce qui signifie que celui-ci se retrouvera devant le même problème que
Pierre 50 ans plus tôt.
Les questions que nous envoie Claude Raucy porteront sur :
La maison de Jacques, sa situation.
Le fils de Pierre, l’école qu’il fréquente, son prénom.
Le type de délit commis par le fils de Pierre pour attirer
l’attention.
Les personnages secondaires : filles, copains, parents ?
Dresser un tableau précis du fils de Pierre :
physique, idées, sentiments, études…
La carrière cinématographique de Pierre et la carrière
de Jacques : à évoquer ou non ?
Le titre : propositions…
Février 2001 – Les classes concernées rencontrent M. le
Juge de Paix de Bastogne et parcourent l’itinéraire suivant :
l’organigramme des tribunaux, la distinction entre le civil et le pénal, le rôle
de la Justice de Paix, la procédure pour classer une affaire.
Mars 2001 – Claude Raucy nous fait parvenir le premier chapitre de la suite du Doigt tendu qui commence par
On ne leur a pas
mis les menottes. Le premier gendarme est au volant, impassible. L’autre aide
la maman d’Irina à rejoindre son mari dans la camionnette. On dirait les
invités d’une noce qui se font des politesses…
Nous le lisons en classe et procédons à une synthèse des
réactions qui ne manquent pas de fuser.
Fin mars 2001 – Les élèves chargés par Claude Raucy de
la problématique des gens du voyage, Rom, Gitans, Tziganes… rencontrent deux
étudiants slovaques de l’Université de Nitra en stage à l’ILES de
Bastogne.
Les recherches préalables (dans les multimédias) et le
contenu de l’échange porteront sur les Rom de Slovaquie, la ségrégation
dont ils sont l’objet dans ce pays, leurs mœurs très marginales par rapport
aux Slovaques blancs, la politique adoptée par les autorités de leur
pays.
Une séquence sera consacrée aux réfugiés
dans la presse écrite – Les Rom expulsés sont de retour à Gand, Le Soir, 09.05.2000 –
et dans la littérature – Il n’est pas facile de vivre, de Christine
Arnothy, Livre de Poche n. 2375.
Enfin, l’écoute du CD de musiques tziganes Ierenc
Santa Y permettra aux élèves d’exprimer leurs impressions autour d’une
musique assez méconnue.
Cl. Raucy désire approfondir ce qui concerne la procédure
judiciaire en cas d’interpellation par les policiers d’un jeune qui aurait emprunté
une voiture pour conduire sa copine aux Pays-Bas. Qu’en est-il si un chef dit
qu’il faut laisser tomber ?
Un groupe cernera la façon dont les étrangers sont perçus
à Bastogne (le nomadisme vu par une population de commerçants et
d’agriculteurs), l’accueil d’une étrangère dans une école (direction,
professeurs, élèves).
Un groupe travaillera sur le monde du cinéma :
comment sort un film, les prix éventuels, la projection en province…
Quelques élèves vont, appareil-photo à l’appui, faire
des repérages sur les lieux des refuges de la jeune fille (Irina), sur les itinéraires
empruntés par les personnages dans la ville de Bastogne.
Troisième étape:
Lire une première ébauche du roman et formuler ses
remarques
Début juin 2001
Quelques-uns de nos élèves vont se livrer au travail de
critique littéraire. Tout en étant des amateurs, ceux-ci se montreront
intransigeants et soucieux de justifier leurs propres remarques. Pour mieux se
rendre compte de l’état d’esprit du projet, voici quelques réactions :
Yves : Je commence par le prénom de la femme
du procureur et son surnom… Vous devriez les changer.
Le livre se terminera-t-il comme cela ? Je suis un peu
déçu… J’ai une autre proposition de finale à vous faire…
A propos de l’insertion des élèves dans le projet :
Kévin : Un certain sentiment de fierté
s’est emparé de moi au fur et à mesure que nous avancions dans notre
travail.
Olivier : J’ai bien aimé chercher des idées
pour faire une suite. C’est sympa.
Sur la part réelle prise au projet par chacun d’eux :
Kévin : C’était avant tout un travail d’équipe,
une sorte de débat où chacun donnait son avis.
Olivier : Moi, je me suis identifié au héros…
Parce que je pense que s’il fallait dépasser certaines règles pour sauver
une personne qui m’est chère, je n’hésiterais pas. Oui, j’ai donné un
peu de mon caractère à Vincent.
En ce qui concerne la part de participation à la réalisation
de la suite au Doigt tendu :
Kévin : Nous avons quand même l’impression
d’avoir apporté quelque chose à ce livre.
Olivier : Il a fallu livrer nos idées, nos
opinions…
Quant à une deuxième lecture d’Un air tzigane,
puisqu’ils en ont lu une première ébauche :
Kévin : Oui, c’est obligé. On est quand même
là pour voir le fruit de notre travail !
Olivier : Quand on lit des livres comme ça, on
ne s’embête pas, il y a tout le temps de l’action.
En conclusion
Le point de départ incontournable pour qu’un projet
comme celui-là réussisse, c’est la rencontre avec l’écrivain, un face-à-face
vrai, direct, où se créent les liens privilégiés. Ici, cette rencontre fut
un terrain fertile.
Dans la relation écrivain-classes, il faut respecter le
contrat de confiance : si l’écrivain nous lance des pistes de travail,
nous avons à lui répondre en respectant les échéances. Dans le cas présent,
les encouragements de Cl. Raucy ont été précieux.
Quant au rôle des professeurs, il ne se limite pas à
superviser, à coter, à obtenir un travail quantitatif. Ils se piquent au jeu,
trouvent des activités originales qu’ils rendent pédagogiques.
Notre bonheur d’enseignants s’est réalisé lorsque
nous avons vu nos élèves se précipiter sur le premier manuscrit envoyé par
Cl. Raucy. Nous n’avons pas dû prier nos élèves. Il s’agissait d’une
lecture libre qu’ils ont dévorée sur-le-champ parce qu’il s’agissait
aussi de leur roman !
L’auteur témoigne :
Je ne conçois pas qu’un romancier puisse travailler
uniquement dans son bureau, et un auteur « jeunesse » moins que tout
autre. Les nombreuses rencontres que je fais avec mes lecteurs, outre
qu’elles me donnent un bain de fraîcheur toujours bienvenu, me renseignent
sur les thèmes qui accrochent, les problèmes qui se greffent sur les lectures,
les difficultés d’une langue de moins en moins maîtrisée par les
adolescents. Bref, une expérience toujours passionnante.
Mais ce que m’ont fait vivre ces jeunes amis de l’ICET,
un beau jour que je les rencontrais à Bastogne, je ne crois pas que ce soit
si fréquent. J’ai même l’impression que c’est un peu unique… Je me
suis senti emprisonné par de jeunes lecteurs qui voulaient absolument me
pousser au travail et qui n’ont reculé devant rien pour arriver à leurs fins !
Pour moi, l'agacement du début est vite devenu une aventure passionnante. Les
remercierai-je jamais assez, par exemple, de m’avoir fait découvrir le
monde des demandeurs d’asile et la stupidité de certaines lois de mon pays ?
Relisant Un air tzigane, je me dis que j’ai peut-être
eu tort : quand on a écrit un livre que, à tort ou à raison, on trouve réussi,
on ne devrait jamais lui donner une suite. Je considère donc que ce roman
n’est pas la suite du Doigt tendu, mais simplement le fruit d’une
collaboration avec de jeunes lecteurs. Et il est la preuve que quand on
n’obtient pas grand-chose des jeunes, c’est qu’on ne leur demande pas
grand-chose.
Claude Raucy
Pour inviter un écrivain en classe : M. Christian Libens Ministère de la Communauté française Service de la Promotion des Lettres Cellule Pédagogique Bureau A 028 Boulevard Léopold II 44 1080 Bruxelles – 02/413.23.19
Le doigt tendu et Un air tzigane sont publiés
aux éditions MEMOR Rue G. Biot
23-25 1050 Bruxelles – 02/644.04.43.
Pour nous faire part de vos réactions : Jean-Marie
Lhote ICET Rue des Remparts 57 6600 Bastogne
Les professeurs de français : Alain Bertrand,
Jean-Marie Lhote (coordination des informations), Michel Thiry.
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