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Article paru dans le numéro 79 (décembre 1994) de LMDP - Mise à jour 08.2017

© LMDP Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source 

Modeste réflexion sur la pratique théâtrale à l'école

Daniel RIGUELLE, ISB, MALONNE (Belgique)

Annexe: Jean-Louis Barrault parle de son métier

Mon propos ici est d'essayer de clarifier certains enjeux de la pratique théâtre dans et en dehors du cours de français, de débroussailler certains problèmes inhérents à cette pratique afin d'éviter l'écueil dont j'ai trop souvent entendu parler: le travail entamé n'est pas mené à sa fin. En effet, une des motivations qui m'a poussé voici quelques années à proposer un projet théâtral provient des trop nombreuses pièces (ou films) que j'ai débutés durant mes études en secondaire et que mes condisciples et moi-même n'avons jamais joués ou présentés à un public.

C'est donc bien d'un projet dont je parle ici, projet de présenter devant un public un spectacle de type théâtral. C'est certainement en ce qui concerne le but du projet que les premières questions doivent être posées. Je pense que ce type de démarche comporte deux faces, deux aspects avec lesquels il faudra composer.

D'une part, et le détour par mon histoire personnelle voulait l'évoquer, un projet de ce type permet une expérience extraordinaire de vie en groupe avec tout ce que cela implique d'apprentissages spécifiques à ce contexte: la nécessité de contraintes, la vertu de la disponibilité, la complémentarité de tâches différentes, etc. Pour le dire simplement, c'est une expérience humaine très enrichissante, mais que ceux qui se targuent de faire vraiment du théâtre, ou de défendre le théâtre, dénoncent: outil de développement humain, le théâtre serait au service de quelque chose qui n'est pas lui. Crime de lèse-majesté, donc, mais cette réflexion n'est pas sans fondement, on le verra plus loin.

D'autre part, on peut ne plus viser essentiellement l'élève dans la pratique théâtrale, mais le texte (ou le jeu corporel, la mise en scène, etc.) comme finalité qui doit être présenté au public avec comme critère la qualité. Ce qui importe donc ici, et c'est tout à fait louable, c'est la qualité de la représentation. Mais en tant que professeur de français, je sais que tout le problème vient de la conciliation de ces deux aspects. Et du choc de mon statut de prof de français et d'être néanmoins humain, naissent des aspirations mixtes: arriver à faire passer ce texte de théâtre qu'évidemment je trouve superbe, présenter une mise en scène originale et de qualité, tout en épanouissant les élèves, en faisant travailler tout le monde, tout en arrivant à proposer une analyse subtile du texte, et même demander à mon collègue de... Mais le temps manque, les élèves ont des capacités inégales, je me rends compte que mon texte résonne de manière tout à fait différente chez eux que chez moi...

Arrêtons là.

Ce qui me semble capital, c'est d'être conscient dès le départ de ce double aspect. Au moment où j'aurai précisé moi-même ce que je veux privilégier en fonction des élèves avec lesquels je vais travailler, beaucoup d'écueils seront évités. En effet, il me semble capital de mettre les élèves au fait des problèmes que pose la mise au point d'un spectacle théâtral, d'autant plus que les élèves engagés dans ce type de projet, s'ils sont attirés, en ont souvent une vue un peu idéalisée: on les ferait participer à une sorte de grand jeu distrayant, et si cela se déroule en partie pendant les cours, ce sera une manière comme une autre de changer du train-train; ceux qui ont tâté de ce genre de pratique savent combien les désillusions naissent au moment où des contraintes précises arrivent.

Je pense que l'on peut considérer deux contextes pour un projet de ce type.

Le premier est parascolaire: des élèves motivés se proposent avec l'aide d'un enseignant (ou de quelqu'un d'autre attaché de près ou de loin à l'école) de mettre au point un spectacle théâtral en prenant sur leur temps en dehors des heures scolaires.

Le cadre d'un cours de français (ou d'un cours lié à celui-ci: arts d'expression, etc.) constitue le second.

Ces deux contextes, s'ils vont donner lieu aux même types de contraintes, vont avoir des atouts et des désavantages différents.

Le travail parascolaire a comme avantage essentiel que l'on puisse œuvrer avec des personnes motivées et qui, à première vue, seront tout de suite partie prenante du projet; néanmoins, on éprouvera peut-être plus de difficultés pour constituer des horaires de répétitions et à faire face aux perturbations de celles-ci pour différentes bonnes (?!) raisons invoquées par les élèves. De plus, le fait que l'on soit légèrement en marge de l'école diluera les pressions habituelles qui forcent l'élève à être présent.

Inversement, le projet de classe aussi motivant et enthousiasmant pour la majorité qu'il soit, ne convaincra jamais tout le monde ; par contre ici on peut jouer des bonnes vieilles pressions scolaires traditionnelles pour faire avancer le travail .

On comprend aussi aisément qu'en fonction des contextes que je viens de proposer, on devra mettre l'accent plus fortement sur l'un des deux aspects du projet évoqués plus haut. Dans mon esprit, le contexte parascolaire sera favorable à une approche qui mettra en avant la spécificité de la pratique théâtrale, tandis que le projet de classe privilégiera l'expérience humaine. Voilà qui peut paraître paradoxal: ce qui semble a priori le plus spécifique au cours de français se déroulerait en dehors des cours, tandis que, dans ces derniers, prévaudrait l'expérience du groupe5. Et pourquoi pas? De nouveau, il ne faut pas se tromper ou s'illusionner sur les buts. Après un trimestre de travail d'expression dans le cadre des cours, je tente d'expliquer aux élèves quels sont les enjeux des pratiques - pour eux parfois très étranges - auxquelles je les ai soumis6.

Il s'avère alors que s'il est indéniable que des répercussions existent (et ici je paraphrase mes élèves) sur leur perception d'eux-mêmes, de leur rapport aux autres, sur des timidités surmontées, sur la perception de leurs condisciples; ces répercussions, je les situe comme des conséquences de la pratique théâtrale (au sens large) et non comme le but recherché. Conscient de cela, on pourra offrir à sa classe des textes accessibles à tous pour que la magie théâtrale puisse jouer, mais aussi suffisamment intéressants au point de vue intellectuel pour ne pas tomber dans le racolage (le sacro-saint poncif du nivellement par le bas).

Mais concrètement, me direz-vous, où situer les exigences. Je formulerais, pour ma part, des exigences simples et opérationnelles par rapport auxquelles on pourra être intransigeant, toujours dans la mesure où elles ont été précisées aux élèves.

Tout d'abord, on tiendra pour acquis qu'à un certain moment, ou à certains moments, le texte devra être mémorisé.

Ensuite, et parallèlement, les élèves devront intégrer les indications de placement, de jeux scéniques, etc., que le metteur en scène proposera.

Enfin, et certains diront que c'est le plus important, on demandera à l'élève d'être disponible, d'oser risquer.

Il me semble que si les élèves avec lesquels l'enseignant travaille sont d'accord sur ces trois points - ce qui veut dire aussi qu'ils acceptent l'intransigeance de l'enseignant face au non-respect d'un de ces points -, la qualité du travail et sa réussite dépendent alors de l'animateur du groupe.

Je tiens, pour finir, à revenir sur ma troisième exigence qui éclaire, me semble-t-il, l'ensemble de la problématique liée au travail théâtral à l'école.

Être disponible, oser risquer...

Avec ce genre de demandes à l'élève, on entre de plain-pied dans le domaine des relations interpersonnelles. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le fait que les élèves - ils le disent explicitement - travaillent dans certains cours aussi à cause de la personnalité de tel ou tel enseignant.

Le travail théâtral, même s'il est mené avec beaucoup de précautions, nécessite un engagement important de la personne: c'est son corps que l'on présente aux autres, c'est soi que l'on met en jeu. En tant qu'adulte, nous savons combien il peut être difficile de travailler ou simplement de vivre quelque chose avec une personne pour qui nous n'éprouvons aucune sympathie; ce problème s'amplifie chez des jeunes en formation.

Ceci explique qu'une remarque exprimée par l'un sera acceptée comme constructive; par l'autre, cette même remarque pourra être considérée comme dévalorisante. Peut-être est-ce une évidence, mais elle me semble parfois bien peu prise en compte. Je ne peux donc que conseiller d'être attentif à ces points: ce que je demande à l'élève et qu'il ne fait pas, ou fait mal, est-ce parce qu'il n'en a pas la compétence, ou parce qu'il ne le veut pas? Et ce refus, comment dois-je l'interpréter, comme un refus lié à lui-même ou à moi-même? Ou encore aux deux? ajoutera-t-on.

Je suis convaincu que la voie la plus riche pour une clarification relationnelle passe avant tout par l'autocritique parfois plus que la trop souvent valorisée "discussion".

Un prof et des élèves, quoi que l'on dise, et peut-être simplement pour des raisons institutionnelles, ne sont jamais sur le même pied, et lorsque j'entends des collègues me dire: «Mais, je t'assure, j'ai discuté sincèrement avec eux», je ne mets en doute, en aucun cas, leur sincérité, mais je m'attriste de leur incapacité7 à comprendre l'aspect nécessairement biaisé de ce dialogue. Et bien souvent, tout simplement, il faut comprendre les multiples excuses que les élèves donnent pour justifier leur démotivation ou leur désir d'abandon du projet comme l'expression détournée soit d'une peur, soit d'un malaise relationnel.

Nous voilà bien éloigné de la pratique théâtrale, songez-vous. Peut-être. Mais je pense que sa complexité d'accomplissement vient aussi du fait qu'elle met en jeu des choses qui la dépassent et qui sont quelquefois difficiles à cerner, pour nous, parfois, mais presque toujours pour les élèves. Ces derniers peuvent être totalement sincères sur des choses qu'ils comprennent et maîtrisent: cela ne va pas parce que je n'ai pas étudié le texte; je suis tracassé par ceci ou cela; je ne sais pas pourquoi j'ai peur d'entrer en scène, mais je suis sûr de cette peur... Tous ces problèmes me semblent assez aisément remédiables; je voulais seulement souligner qu'il était plus compliqué de démêler l'écheveau de cette relation complexe qui s'instaure entre l'enseignant et l'élève, surtout dans ce cas d'un projet où les deux parties sont censées, même si c'est avec des statuts différents, être embarquées sur le même bateau.

Pour terminer en prolongeant cette métaphore, ce que cet article a voulu simplement mettre en avant, c'est l'importance qu'a le fait de déterminer pour soi et pour ses élèves les spécificités de la vie sur ce bateau afin d'éviter un piètre naufrage.

D. Riguelle

début de l'article

Fin de l'article paru dans le Figaro Littéraire du 23 octobre 1961, sous le titre: Après trente ans de théâtre, Jean-Louis Barrault se penche sur son métier

Un art en quête de l’homme...

Il y a trente ans, je méprisais le théâtre du plaisir qui m'apparaissait pâle comme une bougie. Je comprends aujourd'hui que certains y trouvent leur satisfaction. Le grand ennemi du théâtre, c'est l'ennui, car l'ennui est le contraire du désir. C'est pourquoi les gens qui ne travaillent plus que de la tête sont souvent ennuyeux. Ceux-là, il faut les fuir: les docteurs, les doctrinaires, les sectaires, les penseurs. Le Plaisir n'amène pas toujours la joie, il l'amène rarement, mais je le préfère encore à ces personnages ennuyeux.

Mon métier est le plus vivant, donc le plus mélangé. Il ne faut pas l'exercer en se bouchant le nez. C'est un bain humain, on y trouve de tout. Il est destiné aux hommes à sang chaud. Il est missionnaire. Il est en quête de l'homme, c'est pourquoi il est nomade.

Comme on soigne les lépreux, le théâtre recherche les angoissés. L'angoisse est l'excrément de l'âme; il faut chaque matin s'en débarrasser. Quand l'angoisse a disparu, il apparaît son contraire: le bonheur.

C'est ce que l'homme de théâtre voudrait offrir à ses semblables, et c'est ce qu'il lui fait parcourir le monde.

Jean-Louis BARRAULT, 12 octobre 1961

début article

 

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