Astuce !

Pour toute recherche dans LMDP, ouvrez ALPHABET : accès direct à 700 fichiers

langue maternelle * documents pédagogiques

Ressources pour la classe de français dans l'enseignement secondaire * Revue trimestrielle

 http://docpedagfrancais.be/*  Écrivez-nous

Échange, recherche, formation

 

 

Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source

 

ACCUEIL
Ouvrir un numéro en ligne

ALPHABET

Index de tous les fichiers LMDP

COIN LECTURE

bibliographie, programmes, sites...

LIBRAIRIE

livres recensés depuis janvier 2001

ARCHIVES:

  86 articles parus dans LMDP

JULIBEL, le français d'aujourd'hui

Base de données initiée à la rédaction de LMDP

Julibel - recherche * Julibel - mode d'emploi

SOMMAIRE 

numéros parus depuis 1990

 

 

Publiés en version "papier" de septembre 1993 à mars 2004, les numéros 074 à 116 de la revue pédagogique LMDP seront progressivement mis en ligne.

Une cinquantaine d'articles parus dans cette série sont déjà sur notre site Internet : voir la page sommaire (titres en couleur rouge) ou la page archives. * Suivre cette mise en ligne

 

Numéro 091 - Décembre 1997

Mis en ligne : mars 2015

 

 

Sommaire

1. Jouer aux cartes * Une proposition... honnête

2. Du fait divers à la nouvelle

3. Trois écrivains à l'épreuve...: 10 mots pour une histoire

4. Atelier d'écriture sur la science-fiction

5. Une façon d'introduire un parcours sur le mythe à partir de PETITE CIRCÉ, de Dino Buzzati

6. Mythes et religion de l’Egypte antique.* Projet-spectacle interdisciplinaire : E.D.M. / Français / Dessin / Musique

En guise d'édito

Apprentissage

Il apprit, le zam, le zem, le zim. Quand il sut le zim, le zem, le zam, il apprit le zom, le zum, le zoum. Quand il sut le zoum, le zum, le zom, il apprit quoi, quoi? Il apprit à vivre. Difficile.

 

Mots et pots

Il tourne des pots, des pots. Le plaisir de voir sa poterie. Les gens mettront ce qu'ils veulent dans ces pots. Il tourne des mots, des mots. Le plaisir de voir son écriture. Les gens mettront ce qu'ils veulent dans ces mots.

 

NORGE, Les oignons sont en fleur, éd. Jacques Antoine, dessins de Serge Creuz, 1979, p. 97.

 

 

 

JOUER AUX CARTES

Deuxième et troisième degrés

Une proposition... honnête de Luc Muselle, ISJB Liège

 

Article déjà mis en ligne

 

 

 

Du fait divers à la nouvelle

Classe de 3e ISM, Liège - Récit : Paul Quiriny

  

 ....la preuve qu'un élève n'est pas par nature un candidat à l'oisiveté, mais est créatif dès qu'on le met en projet

 

 

Diverses activités et observations ont constitué un préalable à la démarche d'écriture...:

Découvrir différents genres littéraires

Distinguer l'intention du contenu

Relier "type de production" et "structure".

 

La démarche proprement dite d'écriture...

Ses objectifs:

Donner sens à l'étude préalable décrite ci-dessus et mieux asseoir certaines notions

Et... assumer avec fierté la "paternité" d'un texte!

Son déroulement:

Au départ d'un fait divers, chacun des 21 élèves - ainsi que le professeur - entreprend la composition d'une nouvelle... Ce procédé de réécriture nous a semblé être à notre portée: un simple fait divers est devenu, par la magie de notre imagination et de notre plume, une nouvelle, récit  bref; mettant aux prises quelques personnages et présentant un caractère insolite.

Pour nous préparer à cet exercice, nous nous sommes plongés dans une nouvelle d'Omer MARCHAL, Bon anniversaire, Élisabeth! parue dans La Libre Belgique du 22 janvier 1994.

Voir, page suivante, ce fait divers, ainsi que les versions 9 et 14.

 

1.             Délai de réalisation:

                Un mois pour la première mouture.

Deux séances de relecture-correction-amélioration en atelier, espacées d'une semaine.

 

2.             Chaque étudiant a été invité à lire avec expression sa production finale. Après quoi, le groupe a pu réagir.

 

3.             Une étude du vocabulaire utilisé a clôturé cette démarche d'écriture.

                Ont été regroupés:

*    Les termes appartenant au champ lexical de la mer: flots, vagues, lise, sable, plage, sables mouvants, écume, grève...

*    Les termes évoquant le mal: le Malin, incube, monstre, satyre...

*    Les verbes d'action, classés selon leur synonymie: arracher, extraire, tirer, treuiller...

*    Les termes techniques: treuiller, harnacher, filin, hypothermie...

*    Les noms propres: Zeus, Héra, Pégase... (mythes grecs), Tarzan (mythes d'aujourd'hui)...

*    Les images, comparaisons, personnifications, jeux de mots... (le calvaire..., le général Tempête s'acharnait..., Madame Dumalin portait mal son nom...).

 

4.             Un classement des nouvelles a été proposé selon les critères suivants:

*    La plus noire

*    La plus neutre (où le narrateur s'implique ou se déclare le moins, «ne fait pas sien l'événement»)

*    La plus humoristique

*    La plus recherchée

*    La plus extravagante

*    La plus colorée (poétique, qui fait rêver...)

 

Échange  très intéressant, avis toujours étayés... et consensus rapide.

Les élèves ont apprécié, parce qu'ils se sont sentis tous, à des degrés divers certes, valorisés.
 

Le fait divers

Une sexagénaire sauvée des sables mouvants à Heist

Une Louvaniste de 60 ans, Maria-Christina Dumalin, se souviendra longtemps de sa promenade de mardi matin sur la plage de Heist, à proximité du môle est et du terminal gazier de Zeebrugge. Alors qu'elle profitait pleinement du soleil hivernal qui illuminait toute la côte, elle se sentit brusquement aspirée par le sable: elle venait de mettre le pied dans... des sables mouvants. Ses appels au secours demeurèrent longtemps sans réponse. Enfin, à 10h45, un homme qui scrutait la plage à la jumelle depuis la terrasse de son appartement aperçut la malheureuse: elle était déjà enfoncée jusqu'aux genoux dans le sable.

Six minutes plus tard, les pompiers de Knokke-Heist arrivaient, incrédules, sur les lieux. Des sables mouvants sur la plage de Heist? C'est incroyable. Nous n'en avions jamais entendu parler! déclarait le commandant Guy Dendooven pendant que le sapeur Jean-Pierre Ellegeert essayait d'approcher la malheureuse à l'aide d'une planche jetée sur les sables mouvants. Il dut bien vite rebrousser chemin, après avoir failli être lui-même pris au piège.

En désespoir de cause, les pompiers firent appel aux hélicoptères de l'escadrille de sauvetage en mer de Coxyde. A 11h18, le commandant Declerck plaçait son Seaking à la verticale de l'enlisée.

Maria-Christina Dumalin, menacée par la marée montante, conserva durant les préparatifs de son sauvetage un calme remarquable. Au moment de l'arrivée de l'hélicoptère, elle était prisonnière du sable jusqu'aux aisselles.

Si elle avait été prise de panique, ce qui aurait sans doute été le cas pour un enfant, elle aurait été inexorablement entraînée vers le fond, commentait le commandant des pompiers de Knokke, tandis que le 1er sergent-major sauveteur Guy Janssens, descendu par câble de l'hélicoptère Seaking, harnachait la victime.

A 11h23, Maria-Christian Dumalin était extrait des sables mouvants. Victime d'hypothermie, elle a reçu des soins à l'hôpital O.L.V. Ter Linden de Knokke.

Ni les pompiers ni la police de Knokke-Heist ne semblaient être au courant de l'existence sur la plage d'une vaste zone de sables mouvants.

Plus étonnant: des panneaux faisant l'interdiction aux piétons de circuler sur la plage, affublés de l'avertissement: "Danger de mort - sables mouvants" se trouvaient couchés sur le sable.

Il s'avère que ces panneaux ont été dispersés sur la plage par l'administration flamande des Travaux publics suite à un dépôt anormal de sable et de boue dans le  creux formé par le môle est à la plage de Heist.

Ces panneaux ont été placés sur la plage le 19 février. La plupart semblent avoir été renversés par la tempête, voire même emportés par la mer. Ils seront remplacés dès aujourd'hui.

Eddy Surmont, Le Soir

La nouvelle - version 9

Qui veut la peau de Maria-Christina?

Sur la plage de Heist, à proximité du ter­minal gazier de Zeebrugge, une tempête se préparait. Comme tous les mardis, Maria-Christina Dumalin faisait son jogging matinal. Ce mardi-là ne ressemblait pas aux autres, car Zeus était d'une humeur exécrable; et le temps n'était pas clément. Général Tempête s'acharnait sur Maria-Christina qui, dans sa course, avait perdu ses chaussures, sa perruque et même son précieux dentier; mais ses cent vingt kilos l'empêchaient de s'envoler. Elle courait de plus en plus vite afin d'échapper à un terrible châtiment...

N'ayant pas exécuté convenablement sa tâche, Général Tempête fut renvoyé par le père des dieux, outré.

Malheureusement pour Maria, son calvaire ne s'arrêta pas là, car Colonel Froid prit la relève. Elle n'en pouvait plus de courir, et s'abandonnant à son triste sort, elle ne vit pas Colonel Froid charger. Le choc fut à ce point violent qu'elle resta figée un moment; mais une idée lui traversa l'esprit: le bébé de sa fille n'avait pas encore avalé sa panade et elle devait absolument la lui donner. Cela lui redonna courage, et elle repartit de plus belle.

Zeux n'en crut pas ses yeux. Sa honte fut telle qu'il rendit au ciel sa clarté. La tempête se calma et le soleil fit même une timide apparition.

Quand Maria acheva sa course, elle était si épuisée qu'elle se reposa un moment sur le sable tiède. Comme cela lui était agréable!...

Tout à coup, elle fut aspirée dans le sol: Colonel Sable la croquait petit à petit avec plaisir.

Mais Héra veillait! Un homme qui scrutait la plage avec ses toutes nouvelles jumelles aperçut une silhouette qui s'enfonçait dans le sable et lança aussitôt un S.O.S. aux pompiers.

A leur arrivée, Maria s'était enfoncée jusqu'à la poitrine. L'un des sauveteurs lui tendit une planche mais manqua d'être à son tour englouti. On réclama l'assistance de l'hélicoptère. Et tandis que Maria-Christina, désespérée, récitait ses prières, la délivrance vint du ciel et des mains d'un sergent-major, illustre Tarzan au bout de sa liane métallique, qui arracha la belle Maria aux griffes de son tortionnaire.

Maris-Christina jura qu'on ne l'y reprendrait plus!

Quant à Zeus, il ricana de plus belle, car lui savait que l'imprudence ou la vanité conduiraient encore et toujours les hommes sur des sables mouvants!

José Maka, 16 ans

La nouvelle - version 14

Cauchemar

Heist. 31 juin. 23 heures.

Il neige beaucoup et il fait très clair.

Personne n'ose s'aventurer du côté de Zeebrugge à cause des sables mouvants.

Ma copine Maria-Christina, elle, n'a peur de rien et adore le danger.

Malgré le froid et la tempête, elle s'en va à la recherche de coquillages. Quelle drôle d'idée, me dis-je, mais inutile de convaincre une telle tête de mule!

Elle est seule et pourtant, il y a beaucoup de bruits. Mais d'où viennent-ils donc?

Elle écoute avec attention, dans un silence religieux, prise par l'ambiance.

La voilà qui continue sa marche... elle parle à tous les animaux qu'elle rencontre, avec son langage à elle, des mots bizarres qui ressemblent à du chinois. C'est vrai qu'elle communique facilement avec les bêtes, plus facilement d'ailleurs qu'avec son entourage. Maria-Christina dans un parc animalier, c'est du gâteau. Un passe-temps devenu une passion...

Subitement, Maria-Christina s'arrête, regarde ses pieds qui s'enfoncent. Elle trouve ce petit jeu tellement amusant qu'elle éclate de rire. Mais lorsqu'elle se sent enlisée jusqu'à la taille, ma copine se raidit. Les oiseaux ne l'entendent plus de la même oreille et viennent picorer le chignon de l'inconsciente qui les chasse comme un épouvantail ressuscité.

Du haut d'un chêne centenaire, un ornithologue n'a rien perdu de la scène.

Il confie à un flamant rose le soin de prévenir les pompiers. Dans son désir d'aider l'étourdie, le spécialiste dégringole du géant... et je me redresse, en nage, au milieu de ma couche.

Coup d'œil à droite. Les étoiles scintillent au firmament et Maria-Christina dort du sommeil du juste.

Isabelle Schumacher, 14 ans

 début fait divers - nouvelle * sommaire & édito 091-

 

Trois écrivains à l'épreuve...: 10 mots pour une histoire

 

France-Culture, émission Les Décraqués (17 avril 1997)

Deuxième et troisième degrés

 

 

 

Ce 17 avril 1997, au cours de l'émission Les Décraqués, animée par Bertrand Jérôme et Françoise Treussard, trois écrivains - successivement Patrice Delbourg, Guy Konopnicki et Jacques A. Bertrand - doivent composer une histoire avec les dix mots suivants, imposés par leurs camarades présents dans le studio:

 

 

 

faune - inflation - turquoise - pronunciamiento - éberlué - simultanément - abracadabra - pantagruélique - cadenasser - antépénultième

 

Patrice Delbourg

[Il présente d'abord le héros et le décor de l'action: «J'imagine un wonderboy en Californie, effondré sur ses méridiennes.» Puis annonce qu'il prendra les mots dans l'ordre - ce que le "règlement" n'impose pas.]

Le vent de la conquête commence les phrases, mais l'amour du gain ne sait pas les finir. Un après-midi de faune - et même de téléfaune - le nikkei, couleur topaze, en inflation, et le C.A.C. 40 turquoise, assiégeaient le portable de Bob. Dans ses méninges sous corbeille, c'était le pronunciamiento: un quarteron de valeur ajoutée lui faisait grisou sous l'occiput. La pupille éberluée, les aisselles en nage, la langue plâtreuse, il tentait simultanément de contacter la banque de Tokyo et les coulisses du Palais Brongniart. De la chaux vive coulait entre ses tempes; une enclume squattait ses poumons: Bob était en lisière du raptus cérébral. Abracadabra! Il attendait la bonne fée des cambistes qui exauceraient ses vœux d'enrichissement personnel et réaliseraient ses rêves les plus pantagruéliques sur le plan de l'investissement à moyen terme et de l'extension du domaine constructible de ses phantasmes atlantistes. C'était la fable du Sicav et de la Fourmi..., mais ses agios semblaient cadenassés. Il tenta de manœuvrer une antépénultième fois le curseur de son logiciel pour se caler sur le cours du Dow Jones, juste avant que le noir se fasse: un noir de krach, pas celui de Longchamp, mais celui de 29.

199 mots - Distinguer le crack (de Longchamp) et le krach (du jeudi 24 octobre 1929 à Wallstreet).

 

Guy Konopnicki

L'arrivée subite d'un faune était peut-être due à l'inflation de toasts portés au cours de ce repas pantagruélique. Tout avait commencé par des cocktails turquoises à la santé des auteurs du pronunciamiento. Malheureusement, deux factions rivales s'étaient simultanément emparées du pouvoir, si bien que l'antépénultième dictateur avait assisté, éberlué, à l'arrivée de deux successeurs qui l'avaient doublement cadenassé. Le dictateur, qui se croyait investi de pouvoirs surnaturels, avait répété des formules magiques, du type "abracadabra", mais dans sa langue. Rien n'y faisait! Les chaînes étaient solides. En revanche, le faune semblait bien décidé à s'installer à la table où les correspondants de tous les journaux de la planète ripaillaient chaque jour en attendant leur pronunciamiento quotidien.

116 mots

Jacques A. Bertrand

L'autoradio diffusait un extrait de L'après-midi d'un faune et je me trouvais justement carrefour de Bussy: je me sentais mal armé pour la circulation automobile aux heures d'inflation. L'agente qui tentait de la réglementer au milieu du carrefour avait de beaux yeux turquoise qui m'évoquèrent certains lagons des îles Marquises. La radio interrompit brusquement son programme musical pour annoncer un pronunciamiento, quelque part, sur un ton éberlué. Simultanément, ou presque, le nom m'évoqua le Nouveau-Mexique. Abracadabra!, s'époumonait l'agente aux yeux turquoise. Mais le carrefour était devenu inextricable et, depuis une heure bientôt que j'étais là, mon appétit avait atteint le stade pantagruélique. J'abandonnai ma voiture en double file, sans la cadenasser, et m'en fus déjeuner. Un peu plus tard, je me retrouvai au comptoir d'un bar de l'Odéon avec Delbourg.

«Bon! Alors, le dernier pour la route! fis-je.

- Allons, allons! fit-il d'un air bonhomme. L'antépénultième

146 mots

 

            Propositions pour la lecture

 

Recherchons les mots choisis par chaque auteur pour dessiner un univers particulier.

     A partir de dix mots imposés et qui sont à première vue "peu faits pour s'entendre", chaque auteur compose une histoire cohérente, c'est-à-dire un enchaînement de péripéties où agissent un ou plusieurs personnages, dans un cadre - de temps, de lieu - bien précisé.

Des mots qui se font signe... - Chacun à sa façon, ces écrivains construisent leur intrigue dans un univers propre en combinant les dix mots imposés avec d'autres mots, délimitant ainsi des champs lexicaux originaux:

la frénésie des opérations boursières,

les régimes dictatoriaux et la presse pique-assiette,

les embarras de la circulation urbaine...

 

P. Delbourg:

      * frénésie...:  amour du gain, pupille éberluée, raptus cérébral, etc.

      * ...des opérations boursières: nikkei, corbeille, valeur ajoutée, etc.

Remarquer aussi l'originalité des métaphores, souvent hyperboliques, colorant le récit d'humour et de fantastique: assiéger le portable, faire grisou sous l'occiput, une enclume squatte ses poumons, etc.

Par ce caractère amusant, un tel récit peut susciter la curiosité pour amorcer de façon ludique une découverte de caractère interdisciplinaire: économie, géographie, histoire...!

 

G. Konopnicki:

         * pouvoirs forts... et fragiles: auteurs du pronunciamiento, factions rivales, dictateur cadenassé...

* presse pique-assiette: inflation de toasts, repas pantagruélique, ripailler chaque jour...

En choisissant l'univers du pouvoir fort, pour le charger d'un certain ridicule, Guy Konopnicki demeure fidèle à sa pente naturelle de démocrate combattant toute forme d'extrême-droite. Citons par exemple: L'âge démocratique (Grasset, 1985), Les filières noires (Denoël, 1996), et aussi ses interventions souvent passionnées - notamment sur France-Culture - dans des débats politiques. De plus, lui-même journaliste, il connaît sûrement des collègues pique-assiette...

 

                J. A. Bertrand:

* circulation en ville: heures d'inflation (remarquer ce néologisme - inflation au lieu de "pointe" -  par analogie de sens), carrefour inextricable, double file...

      Le jeu homonymique - déjà rencontré chez P. Delbourg avec son double [kRak] - se retrouve ici, avec un clin d'œil au mélomane averti: l'allusion au ballet de V. Nijinski cache "sous les phonèmes" le nom d'un compositeur et celui d'un poète. - Du même auteur (lors d'une autre émission des Décraqués), dans LMDP de mars 1995 - n° 80, p. 5, une fable à partir de deux noms tirés au sort et qui lui ont été imposés: Vénitien et gamine. On y trouve le même procédé de l'allusion littéraire. Lire

               

  

                Invitation  à la lecture:

                        Guy Konopnicki         L'amour de la politique, Grasset, 1987, 230 p.

                                                          Chante, petit coq, chante! Chronique des décombres politiques, Grasset, 1991, 187 p.

                        Jacques A. Bertrand    Le parapluie du samouraï, Barrault, 1987, 126 p.

                                                           Le pas du loup, Julliard, 1995, 196 p.

                        Patrice Delbourg          Absence de pedigree, Castor astral, 1984

                                                           Bureau des latitudes, Levallois-Perret, 1993, 197 p.

                                                           Vivre surprend toujours - Journal d'un hypocondriaque Collection Point Virgule, 1994, 211 p.                     

 

sommaire & édito 091- * début dix mots...

 

Atelier d'écriture sur la science-fiction

article déjà en ligne

 

Une façon d'introduire un parcours sur le mythe

 

À partir de PETITE CIRCÉ, de Dino Buzzati

 

Troisième degré de qualification technique

Récit: Anne-Françoise Hansen, I.S.J., St-Hubert

 

 

IL y a un an à peu près, je m'aperçus à quel point mon ami Umberto Scandri était en train de changer. Umberto avait trente-six ans; typographe, éditeur, il peignait aussi de façon intéressante. Intellectuel comme il n'est pas permis. Et pourtant son visage ressemblait plutôt à celui d'un boxeur: large, solide, sympathiquement renfrogné; mais ses petits yeux pétillaient d'intelligence et de bonté. Un cœur candide mais en même temps un tempérament fort et autoritaire.

                Bien qu'il fût plus jeune que moi, une très belle amitié était née entre nous, faite de confiance et de songes communs. C'est un hasard de travail qui nous avait rapprochés; et puis nous avions pris l'habitude de nous retrouver presque chaque soir, bien qu'Umberto fût marié. Mais sa femme était une douce créature si effacée.

                Bien. Il y a à peu près un an nos rencontres commencèrent à s'espacer. Umberto avait des travaux urgents, des rendez-vous d'affaires, toujours quelque nouveau prétexte. Les rares fois où je réussissais à le coincer, il semblait dans la lune, nerveux, anxieux, intolérant. Lui qui était d'habitude si gai et expansif. On aurait dit qu'il avait la fièvre.

                Je comprenais bien qu'un souci le tourmentait.

275

 

 

 

Mais je ne posais pas de questions. Si lui, qui était si sincère de nature, ne parlait pas, cela voulait dire qu'un motif grave lui imposait le silence. Et cela n'aurait pas été généreux de ma part d'insister pour savoir.

                Jusqu'au soir où - place de la République, je m'en souviens, il pleuvait - il m'attrapa par la manche et d'une voix que je ne reconnaissais pas, comme apeurée, on aurait dit une voix d'enfant, il me dit:

                «Il m'est arrivé un malheur.»

                Hélas! j'avais déjà compris, mais je fis semblant de rien.

                «Qu'est-ce qui t'arrive?»

                Il me regarda, implorant, comme s'il attendait un pardon préventif.

                «Une femme, murmura-t-il.

                - Je m'en doutais.»

                L'homme dans la fleur de l'âge, sûr de soi, plein d'énergie et d'idées, remarquable pour son ardeur et la rapidité de ses décisions devant le danger et l'adversité était devenu cette pauvre larve qui tremblait.

                «Mais, est-ce qu'elle t'aime?

                - Non.

                - Et alors?

                - C'est justement pour ça.»

                Il me raconta avec un luxe de détails inutiles et fastidieux qui elle était, comment elle le traitait et comment lui ne réussissait plus à vivre sans elle; bref une de ces pitoyables histoires comme il y en a des milliers dans notre misérable monde.

      Seulement Umberto était conscient de la situation absurde, lui amoureux et elle qui s'en fichait éperdument. Il disait qu'elle était belle, oui, mais il ne cherchait pas, comme le font les hommes dans ce cas-là, à la transformer en déesse. Au contraire, il la décrivait cruelle, calculatrice, astucieuse, avide d'argent, avec un cœur aussi dur

276

 

 

 

qu'une pierre. Mais il ne réussissait pas à y renoncer. Je demandai:

                «Crois-tu vraiment que tu n'arriverais pas à la plaquer?

                - Maintenant non.

                - Mais tu comprends pourtant bien qu'une femme pareille tu...

                - Elle me conduit à ma perte, c'est ça que je veux dire. Bien sûr que j'en ai conscience, mais...»

                Deux jours plus tard je fis sa connaissance. Elle était dans le studio de mon ami, assise sur le divan. Très jeune, un visage vif et mobile de petite fille, une peau lisse encore tendue par l'inexprimable fraîcheur de l'âge, des cheveux noirs et longs roulés qui lui faisaient une étrange coiffure 1800, le corps d'une adolescente. Belle? Je ne sais pas. Certes un type insolite, à la fois vulgaire et chic. Mais il y avait entre son aspect et les choses que m'avait racontées Umberto une contradiction insurmontable. Tout en elle disait la gaieté, l'insouciance, la joie de vivre, un abandon ingénu aux sollicitations de la vie; ou du moins c'est qu'il semblait.

                Avec moi elle fut très gentille. Elle babillait en me regardant et ses lèvres s'ouvraient en sourires malicieux. Elle forçait même un peu dans ce sens, comme si elle avait eu l'intention de me conquérir. Et elle ne prêtait pas plus attention à Umberto que s'il n'avait pas été là. Umberto, qui, à ses pieds, la contemplait d'un air idiot, avec un sourire forcé sur les lèvres.

                Avec un geste d'une merveilleuse impudeur, Lunella ajusta sa jupe, laissant entrevoir plus qu'il n'était permis. Et puis elle pencha la tête, provocante, en petite écolière impertinente:

                «Savez-vous qui je suis? Je suis le cyclone, me dit-elle, je suis la trompette marine, je suis l'arc-en-ciel. Je suis... je suis une délicieuse enfant.»

                Et elle riait, apparemment heureuse.

277

 

A ce moment précis, je sentis derrière les coquetteries enfantines une capacité de mensonge illimitée et très contrôlée. Je ne saurais expliquer pourquoi. Presque une sensation physique.

                Elle se tourna enfin vers Umberto.

                «Mocci, demanda-t-elle avec le plus enjôleur des sourires, voyons, dis-moi: mon petit écureuil...»

                Umberto secoua la tête mi-heureux mi-embarrassé.

                «Allons, Mocci, dis-moi: mon petit écureuil à moi...»

                Je la regardai. Avec une expression idiote Umberto murmura:

                «Mon petit écureuil...

                - A moi, l'encouragea-t-elle.

                - Mon petit écureuil à moi», articula l'homme vaincu.

                Et alors Lunella plissant ses lèvres gracieuses pour mimer peut-être quelque héros du monde animal de Walt Disney: «Squiiz... squiiz», minaudait-elle en jouant à la petite fille. Il y avait une telle ironie dans son regard, une telle froide jouissance de possession que je sentis un frisson me courir le long de l'épine dorsale.

                Plus tard, lorsqu'elle fut sortie, je demandai à Umberto:

                «Pourquoi la laisses-tu t'appeler Mocci? Tu te rends compte où tu en es et à quel point elle t'a avili?

                - Oh! fit-il, il faut l'excuser. C'est une telle enfant!»

                Et puis je ne les revis plus ni lui ni elle pendant des mois. Qu'était-il arrivé? Je téléphonais: rien. J'allais chez lui: rien. Ce maudit amour l'avait complètement absorbé. Dommage, un homme si remarquable et si bon.

                Mais il y a quelques jours sa femme me fit

278


 

appeler. J'y allai. Elle me raconta ce que je savais déjà. Elle pleura. Elle me supplia de l'aider. Depuis quinze jours elle n'avait pas vu Umberto et il n'avait pas mis non plus les pieds au bureau. Il semblait s'être volatilisé. Il devait lui être arrivé quelque chose. Je promis de faire des recherches.

                Des recherches? La première idée qui me vint à l'esprit fut Lu­nella. J'irais chez elle. Elle saurait sûrement quelque chose, elle me raconterait peut-être des mensonges du premier au dernier mot mais de toute façon cela valait mieux que rien. Heureusement j'avais son adresse.

                J'y allai à trois heures de l'après-midi. Si elle avait su que j'allais venir elle ne se serait pas mieux préparée. Une petite robe toute simple, mais remplie d'intentions avec un décolleté embarrassant. Elle semblait parfaitement à son aise. Elle était en forme, joyeuse, légèrement excitée même.

                Elle vivait dans un de ces classiques petits appartements pour femmes seules, qui pleines d'illusions font fausse route, avec des meubles en faux rococo, la télévision, le tourne-disques, des imitations de tapis persans et aux murs d'atroces paysages dans d'énormes cadres dorés. Elle m'offrit un whisky et mit un disque de Joe Sentieri.

                «Dites-moi, lui demandai-je en entrant tout de suite dans le vif du sujet, qu'est devenu Umberto?

                - Umberto? fit-elle étonnée. Je voudrais bien le savoir moi aussi. Il y a des mois... Oh! plus de deux mois que je ne l'ai pas vu. Un type sympa, mais quel casse-pieds. Figurez-vous qu'il était tombé amoureux de moi, vous l'aviez deviné, non? Et puis de but en blanc, pffft... mais pourquoi continuer à se dire vous... Ça te déplaît qu'on se tutoie? Ça facilite tellement la conversation.

                - Vous ne l'avez pas vu depuis deux mois? fis-je, guère convaincu.

 

279

 

   - Bobi, Mocci!» cria-t-elle à ce moment sans me répondre.

                A son appel deux chiens firent irruption dans le salon. Un petit caniche nain et un boxer. Le boxer était plutôt gras et mou et, je ne sais pourquoi, il me sembla l'avoir déjà vu quelque part.

                Ils se précipitèrent tous les deux sur Lunella qui, en riant, cherchait à la tenir en respect.

                «Allons, allons, soyez sages, ça suffit.»

                Ils étaient tous les deux frénétiques. Avidement, ils cherchaient à lui lécher le cou, les joues, la bouche. Elle se leva et alla prendre un petit bâton rouge verni, d'environ un mètre de long.

                «A quoi ça sert?

                - Eh pardi! à les dresser.»

                Je remarquai que le boxer ne me regardait pas. Il semblait même plutôt gêné par ma présence. Il reculait si je cherchais à le toucher. Curieux. Les boxers d'habitude regardent toujours bien en face.

                «Tu sais Dino, fit Lunella, et, s'installant sur le divan elle s'appuya contre moi pour que je sente tout son corps mais juste un instant, tu sais que Mocci est vraiment un bon chien.

                - Ah! oui? dis-je. Mais excusez-moi, Umberto...

                - Regarde je t'en prie, insista-t-elle, regarde comme il est intelligent.»

                Elle souleva le couvercle d'une boîte en porcelaine pleine de gâteaux. Elle en prit un de la main gauche, le tint juste au-dessus du museau du boxer haletant.

                «Bien, Mocci, attends.»

                Le chien leva le museau vers le gâteau et fit mine de le croquer. Elle, vivement, lui donna un coup de baguette sur le nez. Le chien reprit sa position, en remuant intensément la queue.

                Alors, de la main gauche, elle plaça le gâteau en équilibre sur le nez du chien. Et de la droite elle brandit menaçante sa baguette.

280

               

 

 «Attends Mocci, reste sage.»

                Le gâteau en équilibre sur le nez, le boxer restait immobile et deux filets de bave coulaient de part et d'autre de sa gueule.

                «Attends, je te dis.»

                L'attente dura une bonne minute. A la fin le boxer ne résista plus et chercha à attraper le biscuit. Rapide comme la foudre elle lui assena un coup sec de sa baguette. Le biscuit tomba par terre.

                «Non mais regarde comme ils sont gourmands», me dit-elle tout heureuse.

                Le petit caniche, anxieux lui aussi, suivait intensément la scène.

                Finalement le boxer eut son biscuit qu'il avala en une bouchée. Mais Lunella le mit de nouveau à l'épreuve.

                «Allons, Mocci, donne la papatte. Allons, donne-moi la papatte, et après tu auras une caresse.»

                Le boxer, son regard désespérément fixé sur le sien, souleva la patte droite. Un coup sec de la baguette la lui fit baisser.

                «Pas celle-là; l'autre.»

                Et le boxer tendit la patte gauche. Lunella s'amusait énormément.

                «Pourquoi l'avez-vous appelé Mocci? demandais-je. Est-ce que vous n'appeliez pas Umberto comme cela aussi?

                - Oui. mais c'est un pur hasard... Ou qui sait, c'est peut-être un signe que, dans le fond, j'aimais bien Umberto...»

                Et elle me regardait en riant, avec sa curieuse expression à la fois candide et effrontée.

                Ensuite elle se tourna vers le petit caniche.

                «Allons Bobi, viens voir ta petite maman.»

                Elle le prit dans ses bras, le caressa, il se laissait dorloter.

                Le boxer jaloux se hérissa.

                «Mocci, Mocci», dis-je.

                Mais rien il avait juré de m'ignorer celui-là.

281

 

 «Curieux, dis-je, il a une cicatrice au coin de l'œil gauche. Exactement comme Umberto.

                - Vraiment? fit Lunella hilare. Je ne l'avais pas remarqué.»

                Le boxer ne remuait plus la queue. Sa maîtresse continuait à câliner l'autre, Mocci fit un bond et chercha à mordre la patte de son rival.

                Lunella bondit sur ses pieds, exaspérée.

                «Sale cabot - et elle lui lança un coup de pied de toutes ses forces sur le museau -, tu es jaloux, hein? Va coucher, tout de suite, espèce de voyou», et vlan un autre coup de pied rageur.

                Le boxer implora sa maîtresse du regard puis se retira et alla se cacher sous une table.

                «Tu as vu ce sale chien? dit la petit garce sans pitié. Mais il a eu son compte. Il faut les traiter comme ça, sinon ils deviennent les maîtres. Aussitôt qu'ils font une bêtise il faut les corriger d'importance et surtout les frapper sur le nez, là où ça leur fait le plus mal. Après ils deviennent des petits anges.»

                Et elle riait, victorieuse.

                Accroupi sous la table, tremblant, le boxer finalement me regarda. C'était le regard d'une créature affligée, vaincue, éteinte, détruite, humiliée mais qui se souvient encore toutefois de l'orgueil de sa jeunesse perdue.

                Il me regardait. Et ses larmes coulaient. Oh! ces pupilles, cette expression, cette âme... Comme il me regardait. Pauvre Umberto...

 

282

 

 

 

Dino BUZZATI (1906-1972) Le K, Laffont, 1966, coll. L.P.

  sommaire & édito 091 * début mythe Circé

               

               

              

               

Document de travail:

une nouvelle de Dino Buzzati, Petite Circé (pages 275 à 282), tirée du recueil Le K (voir plus loin).

 

Première étape:

Les élèves disposent du texte amputé (à partir de: A son appel, en haut de la page 280).

Je leur demande de clôturer la nouvelle.

Vont-ils respecter la logique interne?

Quelle explication sera privilégiée?

Celle-ci sera-t-elle rationnelle? Ou irrationnelle?

 

 

Deuxième étape:

Confrontation orale des productions d'élèves.

Relecture de la nouvelle, avec son "vrai" dénouement.

 

 

Troisième étape : le relevé des traces mythiques.

 

 

1.          La métamorphose

*      annoncée dès le départ - Les élèves relèvent très aisément:

          à quel point mon ami était en train de changer (275)

          son visage ressemblait à celui d'un boxeur (275) - Cfr: "boxer"

          ses petits yeux pétillaient d'intelligence et de bonté (275)

          il semblait dans la lune (275) - Cfr "Lunella"

*       confirmée:

il avait juré de m'ignorer, celui-là (281)

          il a une cicatrice au coin de l'œil gauche. Exactement comme Umberto (282)

          Comme il me regardait. Pauvre Umberto... (282)

*       Relevé des signes avant-coureurs (l'entre-deux...).

          l'homme... était devenu cette pauvre larve qui tremblait

                                         Une larve a la propriété de ramper; ce que fait Umberto aux pieds de sa maîtresse.

          comme elle le traitait et comment lui n'arrivait plus à vivre sans elle

                                                                  Ambiguïté du personnage féminin - Cette dualité, cette ambivalence réapparaît à plusieurs reprises.

          ne cherchait pas à la transformer en déesse

          un cœur aussi dur qu'une pierre

                             Umberto qui, à ses pieds, la contemplait d'un air idiot...

Je suis le cyclone, la trompette marine, je suis l'arc-en-ciel...

                             capacité de mensonge. Presque une sensation physique...

                             mon petit écureuil

                             il me sembla l'avoir déjà vu quelque part

                             le boxer ne me regardait pas... plutôt gêné par ma présence

 

La nouvelle propose une variante de la métamorphose par amour: nous évoquons les mythes de Narcisse, Pygmalion, la Belle et la Bête...


2.         Allusion directe au mythe de Circé (titre)

 

En fait, la nouvelle est une réécriture du mythe célèbre. (Lecture du mythe. - Dictionnaire des mythologies grecque et latine). Les talents de séductrice, de même qu'une certaine beauté (contrairement aux traits hideux que l'on prête aux sorcières) dont fait état le mythe, sont exploités dans la nouvelle de Buzzati... et perceptibles dans une composition d'élève:

 

elle forçait même un peu dans ce sens

merveilleuse impudeur

provocante

remplie d'intentions avec un décolleté embarrassant

il disait qu'elle était belle...

 

 

Dénouements proposés par les élèves

 

 

1

 

A son appel, un chat persan fit irruption dans la pièce et grimpa sur ses jambes en ronronnant.

- Comment le trouvez-vous?

A cet instant, un frisson me glaça les sangs. Ce chat avait la même tête qu'Umberto! Je restai étourdi quelques instants. Lunella s'avança vers moi et me dit: «Vous êtes tout pâle. Qu'y a-t-il?»

Elle posa sa main sur mon visage et m'embrassa. Ensuite, elle fit quelques pas en arrière et laissa glisser sa robe le long de son corps. Je me levai et courus vers la porte d'entrée pour me précipiter à la gendarmerie et signaler la disparition d'Umberto. J'allai chez l'épouse de mon ami juste après et lui expliquai ce qui s'était passé. Depuis deux jours, maintenant, nous attendons de ses nouvelles.

2

 

A son appel, deux chiens rentrèrent dans la pièce. Je ne montrai pas mon étonnement, mais mon esprit fut tout retourné. J'eus l'idée folle qu'Umberto était en face de moi, là, à terre. Je fus pris d'un spasme, puis saisi de terreur lorsqu'elle me dit: «Tu veux un verre, Poupi?»

Je pris mes jambes à mon cou et quittai la pièce en hurlant. Quelques jours plus tard, je voulus revenir à son appartement. Peut-être me suis-je trompé de rue, de quartier ou même de ville. Je n'ai jamais retrouvé le lieu de cette étrange rencontre.

 

3

 

 

A son appel, Umberto arriva près de Lunella. Il était déguisé en écureuil. Elle s'en servait décidé­ment comme d'un jouet, comme d'une peluche. Je n'en revenais pas! J'en restai bouche bée quelques instants. Puis, après un moment de réflexion, j'essayai de parler à Um­berto.

En vain! Il avait l'air d'être dans un autre monde, comme drogué. Je le pris par la main et me sauvai avec lui. Une fois rentrés chez lui, nous appelâmes un médecin.

 

               

               

3.         Du côté des signifiants/signifiés:

 

*             Umberto / Mocci    

               Le premier vocable présente des connotations plutôt aristocratiques, voire princières. Au départ, la présentation d'Umberto ne détonne pas: force de l'âge (36 ans), occupations gratifiantes (typographe - éditeur - peintre), rang social appréciable (intellectuel et de haut niveau), plutôt extraverti (gai, expansif, sincère).

     Premières notes discordantes: "le visage de boxeur, sympathiquement renfrogné".

     Très vite, cet homme averti commence, en toute conscience, une lente descente aux enfers. L'humiliation continue (à ses pieds, air idiot) et "l'homme vaincu" participe au jeu de Lunella en l'excusant toujours. Esclave enchaîné, Umberto a délaissé son foyer, abandonné sa profession, deux ancrages traditionnels solides.

     Et voici que Mocci a effacé Umberto. (Un boxer gras et mou... créature affligée, éteinte, humiliée...). En italien, moccio signifie morve. L'évocation de cette humeur visqueuse évoque le boxer. D'ailleurs, l'animalité est suggérée très tôt: "Umberto qui, à ses pieds,..." La note dépréciative revient: "deux filets de bave coulaient". Le jeu de l'humiliation - le gâteau - souligne définitivement la déshonorante capitulation.

 

*   Lunella

     Nous percevons une réelle correspondance entre le nom et les traits caractériels de la jeune fille. Lunatique signifie "soumis aux influences de la lune, donc atteint de folie périodique". Les références abondent: humeur capricieuse, fantasque, versatile.

     Très gentille, souriante et babillarde, elle ignore Umberto qui est à ses pieds. Elle décline une identité ondoyante (cyclone / tempête/arc-en-ciel), infantilise son amant, en parle dédaigneusement et tente d'apprivoiser une nouvelle victime en la personne du narrateur.

     La scène du dressage nous présente une Lunella "rieuse", jouissant de son pouvoir maléfique absolu, savourant sa maîtrise et sa victoire, sans le moindre scrupule, sans aucun sens moral. Lunella rayonne...

 

*   Joe Sentieri

     Chanteur italien contemporain dont le répertoire de chansons populaires recueille (encore) l'audience d'un public aux exigences mesurées... L'aspect kitch de l'univers de Sentieri trouve écho dans les "meubles en faux rococo... imitations de tapis persans... atroces paysages... énormes cadres dorés." Le mauvais goût domine... "Certes un type insolite, à la fois vulgaire et chic."

 

*   Walt Disney

     Le langage anthropomorphe du célèbre réalisateur est archiconnu. Relevons quelques traits d'animaux humanisés: "le boxer ne me regardait pas", "plutôt gêné", "le petit caniche anxieux", "le boxer implora sa maîtresse du regard", "les larmes coulaient"... Par ailleurs, l'humain s'animalise: "cette pauvre larve qui tremblait", "elle babillait", "mon petit écureuil"...

 

 

 

4.         Plan succinct du parcours

             a.                            exercice ci-joint

          b.                            définition du mythe

          c.                            lecture et analyse de mythes des origines: schéma narratif essentiellement

          d.                            écriture d'un mythe

e.         le texte explicatif: version mythique et version "rationnelle" (texte scientifique): ce qui introduit un... nouveau parcours


 sommaire & édito 091 * début mythe Circé

La bibliothèque, c'était le monde pris dans le miroir; elle en avait l'épaisseur infinie, la variété, l'imprévisibilité.

Jean-Paul Sartre

HISTOIRE D'(AF)FICHES DE LECTURE

Récit de Chantal Al Charif-Corbiau

IND-ISJ St-Hubert, classe de 1re

 

 

 

Saint-Hubert, septembre 1996

Une classe de 20 élèves de 1re rénové, fous de lecture (c'est devenu rare, dit-on; profitons-en) et désireux de faire partager à d'autres leurs coups de cœur.

La bibliothèque publique de la ville, avide de se renouveler et de faire connaître des nouveautés-jeunesse.

Et une prof (lisant comme ses élèves et fréquentatrice assidue de la bibliothèque) qui, écoutant ses élèves raconter leurs livres, se rend compte que leurs récits sont pleins de passion, certes, mais aussi de tours et détours inutiles et lassants.

 

Alors, que faire pour qu'ils apprennent à faire bref et chouette, tout en s'ouvrant à un autre public et à d'autres lectures?

 

Lors d'une rencontre avec le bibliothécaire, on se dit qu'il serait intéressant que ces élèves fassent connaître au public de la bibliothèque de nouveaux livres-jeunesse.

 

Projet accepté par la classe.

 

Avec le bibliothécaire, on choisit arbitrairement (certains élèves le reprocheront, d'ailleurs, estimant avec raison qu'ils auraient pu être acteurs aussi du choix) une trentaine de nouveaux romans de littérature de jeunesse.

 

La bibliothèque achète, plastifie, encode, et les élèves et la prof se mettent à lire. On affiche en classe un tableau à double entrée (titres des livres -noms des élèves) et chacun note les livres qu'il prend et rend.

 

C'est Noël... Les veillées d'antan se muent chez certains en veillées-lecture. La preuve? Fin février, chaque élève avait lu au moins 7 livres, le record étant de 28...

 

Chaque semaine, dans cette 1re partie du 2e trimestre, les élèves donnent brièvement leur avis sur les livres qu'ils ont lus et le notent, sur le tableau précité, par un +, un - ou un adjectif.

 

Après le carnaval, on se met au travail d'écriture.

 

D'abord, les élèves prennent un bain de critiques de livres de jeunesse dans des Je bouquine, Le Ligueur, Okapi et même cette rubrique du Monde des livres portant le titre que j'aime tant: "Lisez aussi les livres de vos enfants". J'ai dû éviter un écueil: ne pas leur donner à lire des critiques sur les livres qu'ils traiteraient... et j'ai découvert à ma grande surprise que la majorité des élèves ignoraient que ce genre d'écrit existait et que tous avaient du mal à repérer dans le journal ou la revue où figurait l'écrit concerné (c'était un apprentissage!).

 

Après cette activité menée en classe, on réalise ensemble une grille comprenant les points qui doivent apparaître dans ce genre d'écrit:

titre - auteur - éditeur - amorce - avis (éventuellement: nombre de pages - difficulté de lecture).

On a aussi constaté que les amorces étaient brèves...

 

Par petits groupes de 3 ou 4, suivant les lectures communes, les élèves rédigent un premier jet (pas facile de faire court et de dire l'essentiel!), puis lisent leur production devant la classe qui fait ses éloges et remarques d'après la grille.

 

En fonction des améliorations à apporter, les groupes se remettent au travail et relisent à toute la classe ou à un autre groupe. Si ça ne va vraiment pas, ou s'ils ont un moment de découragement, ils écrivent adossés à des critiques... pas de leur livre, évidemment!).

 

Les premières fiches ayant pris forme et allure, on se met à écrire une deuxième avec d'autres partenaires. On procède de la même façon.

 

Un stock de 16 fiches est ainsi constitué.

 

Il faut maintenant décider de la mise en page: c'est important puisque ce sera lu pour de vrai! On se pose des questions:

 

Faut-il une photocopie de la première de couverture?

Faut-il des couleurs?

Quels caractères choisir?

Que mettre en évidence, et comment?

Quels symboles adopter pour la difficulté ou le bonheur de lire?

 

(On travaille ainsi la compétence Associer au texte les éléments non verbaux adéquats après avoir travaillé Orienter son écrit et Assurer l'organisation générale du texte...).

 

Suivant les critères retenus, certains élèves, demandeurs ou élus, mettent en forme les différentes fiches. Vous pouvez voir le résultat en annexe.

 

Juste avant les vacances de Pâques, la classe, toute fière, va à la bibliothèque - non seulement pour rendre les livres empruntés mais surtout - pour présenter au bibliothécaire ravi ses fiches de format A3 pour affichage et de format A4 pour consultation.

 

Le public apprécie. Il paraît que jusqu'à maintenant tous les livres ayant une critique positive ont un succès fou et que des grandes personnes (un peu perdues dans ce vaste domaine de la littérature de jeunesse) savent choisir de chouettes bouquins pour leur progéniture (pré)adolescente.

 

On peut même rêver que ces grandes personnes les lisent avec bonheur et s'aperçoivent que la littérature de jeunesse, ce n'est pas de la sous-littérature.

 

  

 

ÉPILOGUE...

Un style, c'est arriver à bégayer dans sa propre langue. (...) Non pas être bègue dans sa parole, mais être bègue du langage lui-même.

Gilles DELEUZE, L'oiseau philosophe, éd. du Seuil-Jeunesse

 

Et que reste-t-il d'une séquence de cours avec ses élans, ses gaucheries, ses tentatives de réajustement, ses rencontres d'autres, de mots, de mots devenus autres, d'autres devenus mots, quand elle est momifiée en petits traits noirs sur feuille blanche? Le bégaiement n'apparaît plus et la vie qui la sous-tendait?

 

La page qui suit n'est pas reproduite: ce sont des collages de deux fiches de lecture rédigées et illustrées par des élèves.


 sommaire & édito 091 * début fiches de lecture

Mythes et religion de l’Egypte antique.

Projet-spectacle interdisciplinaire: E.D.M. / Français / Dessin / Musique

 

Classe de 2e rénové    

                                 Expérience racontée par Jean-Luc LEONARD, INDA, Arlon

 

Participants au projet: Marianne HENRION (EDM), J.-L. LEONARD (Français), Béatrice DEOM (Dessin), Andrée LAURENT (Musique) et les 18 élèves de 2C.

 

Genèse du projet

 

14 mars 1997

Lors d’une formation 1er degré avec la Fédé à Clairefontaine, près d'Arlon, Marianne Henrion, professeur d’EDM en 2C se voit proposer le prêt de masques de dieux égyptiens par Jean Mols (conseiller pédagogique en sciences). Ce dernier avait réalisé une pièce de théâtre sur le thème de l’Egypte «Les larmes d’Isis» avec des 6e Educ. de Ciney. Pourquoi ne pas utiliser ces masques au cours d’EDM pour faire découvrir, comprendre et apprécier la mythologie et la religion égyptienne? Pourquoi ne pas réaliser une saynète qui ferait revivre les dieux égyptiens? Ce projet pourrait ainsi atteindre de nombreuses compétences en français et en EDM. Mais, c’est la fin du 2e trimestre (révisions, examens, conseils de classe, vacances...), et l’idée est reportée à la mi-avril.

 

Mise en oeuvre

 

Deuxième quinzaine d’avril

Les idées ne sont pas encore très précises, surtout que nous ne disposons que d’un gros mois pour réaliser un tel projet. C’est sûrement trop court, étant donné qu’il y a en plus les programmes à terminer en français et en EDM. Tant pis, on se lance! Les élèves sont mis au courant, acceptent sans trop savoir à quoi ils s’engagent. C’est parti!

 

Première quinzaine de mai.

Marianne réceptionne les masques: ils sont magnifiques! On a vraiment envie d’en faire quelque chose. Les élèves découvrent les masques, les identifient (représentations animales, symboles), recherchent dans les bouquins toutes les informations qu’ils peuvent trouver mais on ne sait toujours pas ce qu’on va faire.

Je propose un canevas: «Deux enfants tombent accidentellement dans une tombe égyptienne, réveillent une momie qui leur raconte les rites et coutumes religieuses.» Tout se passera dans le tombeau, ça simplifie le décor. Cinq élèves et moi-même reprenons le canevas pendant que les autres élèves prévoient la fresque, les costumes, les bijoux, les accessoires. Le canevas devient en très peu de temps un scénario (le titre, les personnages, les dieux, quand chacun intervient, ce qu’il va raconter...). Le texte tient sur deux feuilles en style télégraphique, mais toutes les idées sont là: le récit en flash-back, la chronologie et la logique du récit, les rites funéraires, la légende osirienne, la situation finale....

Ah! si on avait décidé ça en début d’année! Tant pis, on fonce. Je reprends le scénario. En deux soirées, il est terminé. Le jeudi 15 mai, les élèves reçoivent le texte. On distribue les tâches: 14 rôles parlant, 2 musiciennes, un régisseur, un camescopeman. Les 18 élèves de la classe interviennent tous, ouf!

 

Deuxième quinzaine de mai

Les élèves ont dû apprendre leur texte très rapidement. Le mercredi, il y a deux heures de français et une heure d’EDM. Marianne et moi, nous faisons répéter les élèves. Béatrice Déom a organisé la partie décor et accessoires: il s’agit d’une fresque peinte sur des draps de lit qui représente la pesée de l’âme. Tous les dieux qui entrent dans la pièce sont par hasard sur la fresque (sauf Ré et Seth). Pendant ce temps-là, les autres réalisent des bijoux et des objets. Au cours de musique, ils recherchent avec Andrée Laurent de la musique qui colle au texte. Projet-spectacle interdisciplinaire / 2

 

Première semaine de juin

Il ne reste que quelques heures de cours. L’objectif principal est atteint: les élèves connaissent tous les principaux dieux égyptiens, ce qu’il représentent. Ils savent les rites et les croyances funéraires. Ils peuvent raconter la légende osirienne. On aurait pu s’arrêter là.

Mais il semble ridicule de jouer seulement pour nous. Il n’est pas possible d’inviter les autres classes puisque le 16 juin, les examens commencent. Après discussion, motivation et insistance, on décide de faire une seule représentation devant un public à la fin de la journée «Portes Ouvertes» du 21 juin.

Pour ne pas perturber les élèves (révisions, examens), on décide également de ne plus parler du spectacle jusqu’au vendredi 20 juin, jour de la répétition générale.

 

Vendredi 20 juin: répétition générale

Le matin, montage du décor dans la classe d’EDM: scène (plaques sur casiers de coca), fresque pendue au plafond, sarcophage en carton pour cacher la momie, spots... A midi, tout est prêt, il ne manque que les élèves. Ils ne viendront que vers 14h00 parce que, le matin, ils doivent répéter en plus leurs sketches d’allemand. La répétition commence: élèves énervés ne connaissant plus leur texte, masques qui ont du mal à tenir, une élève est absente, l’élève régisseur s’est désisté... panique et stress pour les profs.

 

Samedi 21 juin: dernière répétition avant le spectacle

16h30: dans deux heures, le rideau va se lever. Les élèves doivent se maquiller, s’habiller et répéter une dernière fois. L’élève absente la veille est là, ouf! (Au cas où, je devais prendre son rôle en voix off). Il y a plein de remarques à faire sur le rythme, l’articulation, le volume, le jeu scénique mais ... pas le temps; on verra bien! Zut, on a oublié de dire aux élèves de revenir sur scène pour saluer. Les élèves qui ont des masques ne savent pas baisser la tête, tant pis, ils feront signe de la main. Qui lance les trois coups? M’sieur, vous s’rez là comme souffleur pour les trous de mémoire?

18h15: les premiers spectateurs s’installent (il y a plus de 120 places assises et une vingtaine de places debout). Panique chez les élèves: parents, amis, profs, direction, conseillers pédagogiques...tout est rempli.

18h32: les lumières se ferment, les coeurs battent, on croise les doigts, c’est parti...

 

 

(Premier extrait: début) Il fait noir, on entend des voix.

 

EMILIE peureuse. - Où sommes-nous?

DEMI-PORTION larmoyante. - Dis, Julien, où c’est qu’on est? J’ai peur. J’veux sortir. J’aime pas l’noir! En plus, ça sent le moisi.

JULIEN crâneur. - J’en sais rien, j’vois rien. Où est l’interrupteur?

On entend «bang!»

JULIEN. - Aïe! merde!  j’me suis cogné. Y a quèqu’chose en plein milieu. On dirait une espèce de meuble.

MOMIE d’une voix caverneuse. - Qui ose profaner mon tombeau?

JULIEN. - C’est une blague? On dirait qu’on joue au jeu «Atmosfear»!Vous voulez qu’on repasse dans une heure? J’ai pas pris mes dés!

EMILIE mi-haut, mi-bas. - Tais-toi, Julien! C’est pas une blague!

MOMIE - Quel est l’avorton qui ose me parler sur ce ton? Quel est-il, celui qui ose troubler mon sommeil éternel? Qui ose braver ainsi le royaume des morts et empêcher mon Kâ de poursuivre son destin? Répondez!

EMILIE - Qui... qui... qui êtes-vous? On s’excuse, on... on voulait pas vous déranger! On faisait que passer!

 

La lumière se fait. Les enfants regardent autour d’eux. Ils aperçoivent un sarcophage au milieu de la pièce et une fresque bizarre au fond. Ils voient tout à coup la momie se redresser. Ils ont peur et se serrent les uns contre les autres.

 

MOMIE. - Je suis le corps momifié du pharaon Horemheb et mon âme survit dans le royaume des morts. Qui êtes-vous et comment avez-vous pu parvenir jusqu’ici, dans cette demeure secrète que nul ne peut profaner? Vous êtes des pilleurs de tombeaux? Vous êtes de ces voleurs qui viennent saccager les tombes des pharaons, des épouses royales et des grands du royaume d’Egypte? Si c’est le cas, que ma malédiction vous poursuive jusqu’à la fin des temps!

EMILIE. - Non, non , pas du tout. On est des enfants! On est arrivé ici vraiment par hasard. On ne voulait pas faire de mal et surtout pas vous déranger, monsieur. On va vous expliquer depuis le début. Moi, je suis Emilie et j’ai treize ans. Elle, c’est Demi-Portion, ma petite soeur et lui, c’est Julien, c’est mon cousin. Ses parents ont dû quitter Le Caire pour un voyage d’affaires imprévu et Julien est venu en vacances chez nous. Mon père est archéologue et il fait des fouilles pas loin d’ici. Il nous a emmenés avec lui pour nous montrer ce qu’il avait découvert mais l’inspecteur des antiquités égyptiennes est arrivé et il nous a demandé d'aller jouer un peu plus loin.

MOMIE. - C'est quoi, un archéologue? C'est quoi "«antiquité»? Je ne comprends pas grand chose.

(...)

Second extrait: Horus apparaît

HORUS: Tu parles aussi bien que tu écris, Thot. Je te reconnais bien là. Eh oui! moi, Horus, le dieu à tête de faucon, je suis le fils unique d'Isis, déesse de la magie, symbole de la mère et de l'épouse et d'Osiris, le dieu des morts. Étant le seul enfant d'Osiris, le premier roi des deux terres, je suis l’héritier légitime du trône des deux Égyptes! Le pharaon Horemheb, comme les autres avant et après lui, est ma représentation terrestre. C’est pourquoi, c’est moi qui le conduis vers Osiris mon père, le dieu des morts. J’ai combattu Seth, l’assassin de mon père. Tiens, on ne l’a pas encore vu, celui-là. Il est encore en train de préparer un mauvais tour. Méfiez-vous de lui, mes enfants; c’est pas un dieu, c’est un démon. Seth, je l’ai vaincu, lui qui voulait la place de mon père et la mienne ensuite. Ça m’étonne vraiment qu’il n’ait pas encore montré le bout de son museau.

JULIEN: Eh bien! y en a, du personnel, pour entrer dans votre royaume des morts. Anubis le chacal, Mâât la plume, Thot l’ibis, Horus le faucon. Et si j’en crois mes yeux, y en a encore trois autres ici qui attendent. Ceux-là, ils ont une tête un peu plus sympathique. même s’ils sont un peu coincés. Enfin, moi j’aime bien Mâât, légère comme  une plume, et qui calcule si bien les bonnes et les mauvaises actions. Chez elle, c’est «mathématique».

EMILIE: Julien, arrête de faire l’idiot. On n’a pas envie de rire. Je te rappelle qu’on est enfermé ici et peut-être pour un certain temps. L’éternité, ça dure. Faites pas attention à lui, il faut toujours qu’il fasse l’intéressant pour épater les filles.

DEMI-PORTION: Arrêtez, vous deux! Moi, j’ai envie de connaître la suite, pour une fois qu’un cours d’histoire est intéressant. Horus, est-ce que tu as encore une belle histoire à nous raconter?

HORUS. - Oui, il y a encore une belle histoire, petite, mais celle-là, c’est pas moi qui vais te la raconter.

 

Arrivent Osiris, Isis, Nephtys et Sobek.

 

HORUS: Voici Osiris, mon père, et Isis ma mère la magicienne et Nephtys, sa soeur qui est aussi l’épouse de l’infâme Seth. Tiens, toujours pas là, celui-là! Voilà aussi Sobek, le dieu crocodile. Que du beau monde!

DEMI-PORTION: C’est toi, Osiris? C’est toi le papa d’Horus? C’est toi qui va nous raconter une histoire , dis?

 

(...)

 

Il n’était pas possible de reproduire ici les huit pages du texte intégral. Ceux qui seraient intéressés peuvent se le procurer à la rédaction de Langue maternelle - Documents pédagogiques.

 

Au fait, la pièce s’appelle HOREMHEB!

                       

Conclusion

 

 

*          Beaucoup de complicité entre les quatre profs: pas besoin de longues réunions...; simplement des rencontres dans les couloirs, pendant les récrés ou les "fourches". On se comprenait et chacun savait très vite ce qu’il avait à faire. On s’encourageait dans les moments de doute, on se remplaçait quand quelqu’un était absent.

 

*          Une énorme confiance mutuelle: entre élèves, entre élèves et profs. Tout dépendait de chacun et chacun dépendait des autres.

 

*          Une grande joie de réussir quelque chose ensemble, d’avoir été jusqu’au bout.

 

*          Le plaisir d’atteindre des points du programme en faisant autrement, en ne sachant plus si on était au cours d’ EDM ou de français:

 

 

EDM:

Rechercher, rassembler, trier des informations pour quelque chose de concret concernant l’étude d’un milieu, apprendre et apprécier une civilisation sans s’en rendre compte.

(Je suis certain que la légende d’Osiris restera dans la mémoire de chacun des élèves: les résultats scolaires l’ont confirmé alors que les élèves n’ont pas dû étudier dans leur bouquin.)

 

Français:

[Les quatre compétences (lire, écrire, écouter, parler) ont bien sûr été touchées]

- Aborder le texte informatif (les différents documents),

- Imaginer un récit en respectant les schémas narratifs, la chronologie des événements, la logique,

-  Restituer oralement un texte en respectant la situation de communication, l’intonation, l’articulation, le rythme, le volume...

                   - Et on aurait pu voir la respiration, la gestuelle, le jeu scénique, l’improvisation...

 

Dessin et musique:

                   - Le plaisir de réaliser des « travaux» qui servent à un projet

 

 

Compétences transversales:

- Respect des autres, des consignes, des contraintes, des horaires

- Accepter de dépendre des autres et que les autres dépendent de moi

- Volonté de se dépasser, d’oser, de reconnaître ses potentialités et ses limites

(...)

 

 

                                                                           Au début, ça nous paraissait une idée irréalisable (à cause du manque de temps); mais la motivation des professeurs, leurs bons conseils, la participation de tous et la bonne entente dans la classe ont contribué à la réussite exceptionnelle du spectacle! L’ambiance dans les coulisses et sur scène était vraiment géniale! Si nous devions recommencer, nous serions partants.

Aline, Emmanuelle et Julie, élèves de 2C en 1996-1997

 sommaire & édito 091 * début Egypte

 

LMDP

langue maternelle * documents pédagogiques

Ressources pour la classe de français dans l'enseignement secondaire * Revue trimestrielle

 http://docpedagfrancais.be/*  Écrivez-nous

Échange, recherche, formation

 

 

Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source

 

 

ACCUEIL
Ouvrir un numéro en ligne

ALPHABET

Index de tous les fichiers LMDP

COIN LECTURE

bibliographie, programmes, sites...

LIBRAIRIE

livres recensés depuis janvier 2001

ARCHIVES:

  86 articles parus dans LMDP

JULIBEL, le français d'aujourd'hui

Base de données initiée à la rédaction de LMDP

Julibel - recherche * Julibel - mode d'emploi

SOMMAIRE 

numéros parus depuis 1990