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pour un bilan * écrits d'élèves * pièce justificative

Sept étapes! Et les élèves en avaient prévu une huitième: graver un CD avec les quatre pastiches qu'ils avaient composés à partir de la chanson de Francis Cabrel, L'encre de tes yeux. Au point de vue technique, ça ne devait pas faire de problème de réaliser ce support... Mais voilà: il faut comprendre que, pour ces dix-huit grands ados d'une option électromécanique, même ce qui les a manifestement intéressés et motivés, ça peut, au bout d'une douzaine de périodes, devenir lassant. Il faut alors passer à une autre activité de lecture ou d'écriture. Alors, pas de CD! En revanche, cette aventure va revenir sur le tapis, ou plutôt sur scène: le meilleur des quatre pastiches sera présenté à la fête scolaire annuelle du Cabarécré.

Première étape

Si je dis «pastiche»... Dix-huit paires d'yeux m'interrogent: «C'est quoi c'truc-là?» 

Il faut sauter sur le PLI, Petit Larousse illustré: n. m. (ital. pasticcio, pâté) - Imitation des procédés caractéristiques d'un style visant à son exacte reproduction. - Pasticher; pasticheur, euse.  

On peut, donc, pasticher dans différents domaines, puisqu'on peut parler de style dans le jardinage (un jardin à la française...), dans la maçonnerie ou en architecture (une villa comme un mas de Provence), dans le spectacle de variétés, dans le sport, en musique, dans la littérature, la "grande" (un sonnet à la manière de...), ou celle qui nous est plus proche: Patrick Sébastien, un CD d'Yves Dulieu (des textes "à la limite" d'un étudiant namurois et qu'un ami nous a fait découvrir), et aussi des pastiches que nous avons appréciés lors du dernier Cabarécré de notre école: le prof et l'élève (à partir du Loup et l'Agneau), les zéros (inspiré de Jacques Brel, Les bonbons), Je vous salue, Bertrix (d'après Georges Brassens, La prière), etc. 

Deuxième étape  

Il faut rappeler aux élèves que le pastiche, ce n'est qu'un produit, parmi bien d'autres moyens de divertissement, d'amusement, dans le maniement du langage, verbal ou non verbal. Ce qui nous amène à distinguer (illustrations à l'appui): 

différents niveaux du comique: le comique de situation (l'exemple classique, inépuisable, du triangle mari-femme-amant...), le comique de mots (Sim, Raymond Devos, Boby Lapointe), le comique de gestes (les clowns, Louis de Funès), le comique de caractère (le râleur, le pédant), le comique de mœurs (ils connaissent évidemment les Guignols de l'Info, mais je leur lis aussi du Montesquieu des Lettres persanes...), le comique de l'absurde (Benny Hill, les dessins animés de Tex Avery). 

quelques procédés qui font rire: les répétitions (Tonton, pourquoi tu tousses?), la caricature, le contraste (l'arroseur arrosé), l'ironie ("dire sans vraiment le dire"!...), la parodie (surtout pour dénoncer), la satire (surtout pour ridiculiser), le... pastiche, enfin, pour se divertir. 

C'est donc au pastiche que nous allons maintenant nous essayer !

Tout d'abord, impérativement, une lecture attentive! Pourquoi? Parce qu'il est impossible de pasticher un texte sans avoir préalablement exploré la diversité de ses moyens d'écriture: le registre d'expression (tendre? violent? vulgaire? raffiné?), la musique des mots [leur rythme, leur(s) sonorité(s)], le vocabulaire (concret? abstrait?), la construction grammaticale, et même parfois la mise en page (le texte comme dessin). 

Passer par une lecture méticuleuse d'un modèle sera donc une étape obligée, surtout si l'on choisit un texte qui tient beaucoup de la poésie. Passage intimidant pour des élèves qui croient qu'il suffit, pour lire, d'aller de gauche à droite de la ligne, de haut en bas de la page, et qu'il est vain de s'attarder à en faire plus! 

Autre étape, bien utile, qui peut mettre le lecteur en plus grande sympathie avec le texte modèle: connaître mieux son auteur, et les circonstances, les raisons qui l'ont poussé à produire une œuvre. 

Troisième étape  

Quel texte va-t-on choisir? Deux propositions émergent, venant des élèves. 

Celle d'Olivier Libois, qui voudrait qu'on s'inspire de chansons à la limite, comme il dit, c'est-à-dire avec des formules plutôt crues, fortes de provocation, comme dans le CD d'Yves Dulieu? 

Ou celle d'Antony Cavelier, qui songe à une chanson de Francis Cabrel, L'encre de tes yeux? 

Nous écoutons cette chanson, question de nous faire une opinion. Mais comme plusieurs la connaissaient déjà, et l'appréciaient, la décision est rapidement prise: Va donc pour Francis Cabrel, à la majorité des voix. 

Comme on l'a dit plus haut, deux démarches s'imposent: 

*      en savoir plus sur Francis Cabrel 

(un élève surfeur découvre des pages dont nous lisons des copies, ce qui créée ou renforce l'intérêt pour une vedette que le web nous rend plus proche...);  

[Voir entre autres  http://www.franciscabrel.com/ ]

*     observer de près comment son texte a pris forme. Autrement dit: comment l'écriture est, sans aucun doute, un jeu, un plaisir de créer, mais qui ne peut aboutir qu'au prix d'un labeur : par la soumission à des contraintes que le créateur s'impose. 

Écoute de la chanson, à plusieurs reprises; distribution de la copie. L'inventaire peut commencer: plus il sera minutieux, plus nous serons armés pour passer au pastiche! 

Pour un inventaire

(les mots soulignés, nouveaux ou moins connus, pourraient être mis en archives, pour des lectures à venir...):

*          la mise en page: disposition en trois strophes de sept vers.

*          le rythme le compte des syllabes (ou pieds); il varie d'une ligne à l'autre: 10, ou 8, ou 6.           

[Dans la strophe 2, le mot que est élidé par le chanteur: Je n'avais pas vu qu'tu portais (...). Nous recherchons d'autres mots dont le chanteur élide une syllabe muette: pour cela, une écoute attentive du chanteur est nécessaire.]

*          les sonorités, et surtout les rimes: comment sont-elles disposées? la différence entre rime masculine et rime féminine, rime riche et rime pauvre.

*          De quoi ça parle? Une séparation? Un amour impossible? Un souvenir et un attachement qui subsistent, malgré l'absence?       

            Une bonne clé pour "entrer" dans ce texte, c'est précisément le titre! N'est-ce pas en écrivant un poème (écrire, dicter, encre), puis en le chantant, que l'épreuve de la séparation va être dominée... quand même?

Quatrième étape

La classe (dix-huit élèves) se répartit en quatre groupes. Chaque groupe se met d'accord sur le choix d'un sujet. Personnages, ambiance, circonstances et déroulement d'une histoire..: tout cela, chaque groupe en est maître et créateur. Il faut maintenant trouver les mots pour le dire... Pas simple! Mais nous voulons tenter l'expérience. Et tout d'abord choisir un titre, de même structure (rythme, syntaxe) que celui de Cabrel, et qui condensera les trois strophes à composer. 

Une aide qui vient bien à point: les élèves disposent de copies d'extraits de l'excellent Dictionnaire des rimes de Léon Warnant (Larousse, 1994). 

Cinquième étape  

C'est la phase la plus délicate de notre travail: nous voici devant les feuilles blanches, qu'il faudra noircir de nos trouvailles. Nécessité, de la part du professeur, de rappeler constamment à la fois le principe de liberté et le principe de contrainte dans le choix des moyens d'écriture. 

Liberté du sujet, du ton (humour, tendresse, ironie, dérision...); contrainte des trois strophes, du rythme et de l'agencement des rimes (mais celles-ci pourront être différentes de celles du modèle). Et il faut songer aussi à la possibilité de chanter le poème. 

Le professeur, ici, est à la fois, celui qui encourage, qui fait confiance, et qui tient bien son attelage, qui intervient auprès des élèves, mais sans leur mâcher la besogne. Ces ados acceptent d'être guidés, conseillés... mais pas question d'être tenus en laisse. 

Sixième étape  

C'est la plus courte, mais elle est indispensable: la toilette orthographique, syntaxique. Ici, parce qu'il s'est impliqué dans son écrit, parce que ce texte aura des destinataires connus, identifiés..., l'élève est autrement attentif à la justesse de la forme! L'écrit est alors perçu comme une véritable image de soi, que l'on tient à soigner. 

Septième étape  

La classe de français devient classe de musique, salle de répétition, avec les ultimes retouches pour que ça passe bien la rampe. Il faudra finalement choisir lequel des quatre pastiches sera au programme du prochain Cabarécré de l'école.

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Pour un bilan...  

Elèves et professeur ne prétendaient pas aboutir à des prouesses d'écriture: il s'agissait moins de parvenir à une réussite qu'à une prise de conscience: 

1. que lire et écrire sont des activités complexes, laborieuses... Mais combien gratifiantes!

2. que la lecture procure des outils d'écriture. Et réciproquement.

3. que le travail en équipe développe les connaissances de chacun et permet de mieux se connaître et s'estimer l'un l'autre.

4. que des élèves du professionnel savent apprécier un cours de français qui va au devant de leurs questions et de leurs intérêts. Qui permet d'exprimer leur vécu et favorise leurs projets.

Et voici leurs pastiches... 

Le centre de ces feux

  Le cancre de ces lieux  

  Le centre de ces vieux  

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Pièce justificative  

Le programme de français des 2e et 3e degrés professionnels (novembre 2001) valide tout à fait l'activité qui s'est déroulée autour du pastiche. On en jugera par ces deux extraits du programme qui synthétisent sous forme de cellules les pratiques à effectuer. Les cellules concernées sont en grisé.   

Ces documents officiels auront été utiles lors de la visite dans notre classe de Madame l'Inspectrice de français de la Communauté française: elle craignait, semble-t-il, que dans cette entreprise sur le pastiche nous nous... cassions la figure. Elle a exprimé cela, précisons-le, en termes plus délicats..

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Autres articles téléchargeables parus dans LMDP: http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/archives.html

Entre autres, au sujet de l'écriture en classe:

: "Ecrire, quelle horreur": http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/pafr.html 

De la peinture à l'écriture par la grâce de deux contes: http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/ppde.html

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