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JULIBEL, le français d'aujourd'hui Base de données initiée à la rédaction de LMDP |
SOMMAIRE |
Publiés en version "papier" de septembre 1993 à mars 2004, les numéros 074 à 116 de la revue pédagogique LMDP seront progressivement mis en ligne. Une cinquantaine d'articles parus dans cette série sont déjà sur notre site Internet : voir la page sommaire (titres en couleur rouge) ou la page archives. * Suivre cette mise en ligne ► |
Numéro 084 - Mars 1996
Mis en ligne : 01.2015
Sommaire
1 Découvrir et comprendre la littérature courtoise: un projet autour de LANCELOT ►
2. Pour une pédagogie de la non-violence et pour pour un partage consensuel du Savoir :la pratique de l'INTERTEXTUALITÉ ►
3. Bouquet de fleurs, bouquet de mots... - Lire, puis écrire ►
4. RUMEURS... Récit d'une brève introspection au pays de ce qu'il est convenu d'appeler «le plus vieux média du monde» ► 5. Le français, un outil pour communiquer * 2e prof. FOBA, formation de base ►
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Édito Trois sortes de profs Trois sortes de profs, d'après Lise Demailly (Le français aujourd'hui, n° 111, p. 58): les intellos, les militants, les employés. [Nous résumons son propos...] Fondement de l'identité de l'intello: la Science, la Culture. Sa mission - et il y prend plaisir -: transmettre le goût et l'intelligence. Un peu nostalgique de la forme universitaire. Défend son temps libre, temps du ressourcement culturel. Le militant vit une mission de service public, d'engagement social, pour l'intérêt de l'élève, ce qui confère sens et exigence éthique à son travail, le met en conflit avec l'État patron s'il ne lui donne pas les moyens de la mener à bien. Ne compte guère son temps pour résoudre les problèmes dans ou autour de l'école. Pour l'employé, enseigner est un métier comme un autre. La priorité n'est pas l'efficacité, mais les conditions de travail (confort matériel, relationnel: pas d'ennuis avec l'institution, les élèves... "pourvu que l'ordre règne"). La responsabilité est moins revendiquée que la tranquillité. |
Découvrir et comprendre la littérature courtoise :
un projet autour de LANCELOT
4e Technique de Qualification, option comptabilité CS St-Jean-Berchmans-Ste-Marie, LIÈGE |
Séquence présentée par Paul QUIRINY |
Même article, voir
Enjeux de la séquence
1. Le Programme de français, deuxième degré de qualification technique, précise, au point 2.4. du premier chapitre (Lire), p. 8, que «un type de texte faisant l'objet d'une démarche interne peut donner lieu à une démarche historique».
Il invite d'autre part le professeur «à sensibiliser le plus possible les élèves à la notion d'intertextualité en leur proposant, pour la compréhension d'un texte, de convoquer d'autres textes au sens strict bien sûr, mais aussi au sens large: peinture - musique - cinéma - danse, etc.».
2. La conception même de la séquence reflète les préoccupations pédagogiques d'aujourd'hui.
* L'élève est davantage acteur puisqu'il est invité à créer tout au long de la démarche, du résumé à la présentation d'un tableau comparatif, en passant par la fiction (un exploit de Lancelot) et la grille d'évaluation, sans oublier le montage possible d'une exposition...
* L'apprentissage fait la part belle aux démarches mentales, aux compétences méthodologiques et relationnelles, et s'inscrit donc résolument dans la mouvance actuelle.
(MINISTÈRE DE L'ÉDUCATION, Les Socles de compétence, p. 97 à 102, Bruxelles, 1994.)
* Les objectifs généraux du cours de français sont largement rencontrés, car aux activité d'écoute et de lecture succèdent des phases d'expression orale et écrite.
* La séquence porte le souci d'amener l'élève à s'interroger fréquemment sur sa manière de travailler: objectif(s) poursuivi(s), stratégie(s) suivie(s), (auto et co-)évaluation de la production...
3. Un concours de circonstances favorables a facilité la conclusion de ce qu'on peut considérer avec modestie comme un projet: 2
Le travail en équipe, qui relaie et développe une initiative, rassemble des matériaux, rend possible l'indispensable intervision, mais respecte la sensibilité et la créativité personnelles.
La projection à Liège du film LANCELOT, de Jerry ZURECK.
L'action déterminante du Groupe d'Accompagnement Pédagogique de Liège (GRAP), de 1992 à 1995.
La sensibilisation de la direction aux nouvelles orientations pédagogiques.
La formation suivie par certains enseignants.
Découvrir et comprendre la littérature courtoise
Situation-problème 1 - Résumer le film LANCELOT, de Jerry Zureck, ou donner le scénario du film.
Savoirs à installer ou à consolider:
* établir le schéma actantiel |
* utiliser le fichier orthographique |
* établir le schéma fonctionnel |
* utiliser la grammaire |
* utiliser le présent historique |
* utiliser le dictionnaire |
* employer correctement des signes de ponctuation tels que: point, virgule, deux points, guillemets... |
* utiliser les pronoms pour éviter les répétitions * distinguer l'essentiel de l'accessoire |
|
* etc. |
Situation-problème 2 - Dresser le portrait de Lancelot à travers deux extraits de littérature courtoise
Savoirs à installer ou à consolider:
* caractériser directement, indirectement |
* induire le caractère à partir des comportements |
* remplir une fiche d'identité |
* comprendre par le contexte |
* repérer et expliquer la métaphore |
* ... |
Situation-problème 3 - Sur un thème déterminé (les Chevaliers de la Table Ronde), créer un tableau comparatif à partir d'un film (Lancelot), de deux textes médiévaux (Lancelot) et d'une BD (Les Héros Cavaliers, tome 2, La Grande Ourse).
Savoirs à installer ou à consolider:
* développer l'esprit critique |
* distinguer la réalité de la fiction |
* comparer |
* construire une grille d'évaluation |
* induire |
* ... |
* traduire dans un autre langage |
|
3
Développement de la phase d'intégration
La légende du Roi Arthur dans la bande dessinée de COTHIAS-ROUGE, Les Héros Cavaliers
(tome 2, La Grande Ourse, chez GLENAT, Grenoble, 1988)
L'INTRIGUE
En arrière-plan
1. Au 6e siècle, ARTUS (Arthur) tente de s'imposer comme roi de l'île de Bretagne (la Grande Bretagne) et tient en otage la reine ISOLD (Iseut), épouse de MARK de CORNWALL (Marc de Cornouailles) qui conteste sa légitimité.
Au premier plan
2. Après trois ans d'absence, MERLIN (Merlin l'enchanteur), un druide aux nombreux et mystérieux pouvoirs, retrouve le roi ARTUS dans son château de KAERLLION (Kerléon ou Camaalot), alors que la christianisation se poursuit dans l'île.
3. PERD-CHEVAL (Perceval) tente de se faire admettre parmi les compagnons du roi ARTUS, au prix d'exploits sanglants. Il vient d'occire l'Orgueilleux de la lande et deux des trois soldats lancés à sa poursuite par KEU, l'ami du défunt et conseiller d'ARTUS. Malgré la tempête de neige, il s'efforce d'atteindre KAERLLION.
4. TRISTAN, un autre compagnon d'ARTUS, est amoureux de la reine ISOLD, à laquelle il rend visite dans son cachot...
5. L'ANCELOT (Lancelot), convaincu d'être l'amant de la reine JENOVEFA (Guenièvre), épouse d'ARTUS, s'en est allé, il y a six ans, à la conquête du GRAAL qu'il croit être un dragon.
Flash-back
6. Explication de l'origine du Vase sacré ayant contenu le sang du Christ.
début Lancelot * sommaire & édito
Pour une pédagogie de la non-violence et pour un partage consensuel du Savoir:
la pratique de l'INTERTEXTUALITÉ
Luc THOMÉ, Institut St-Germain, COUVIN
grappillons...... * échangeons.... * Intertextualité : une voie pédagogique privilégiée
CORRESPONDANCES
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme des hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Charles BAUDELAIRE, in Les Fleurs du Mal.
"<...> Je grappille, nous grappillons, laissons-les grappiller.
C'est l'autorisation que nous nous accordons de saisir n'importe quel volume de notre bibliothèque, de l'ouvrir n'importe où et de nous y plonger un moment parce que nous ne disposons justement que de ce moment-là. <...>"
Daniel PENNAC, in Comme un roman, p. 190.
LE BUFFET
C'est un large buffet sculpté; le chêne sombre,
Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens;
Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre
Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants;
Tout plein, c'est un fouillis de vieilles vieilleries,
De linges odorants et jaunes, de chiffons,
De femmes ou d'enfants, de dentelles flétries,
De fichus de grand‑mère où sont peints des griffons;
- C'est là qu'on trouverait les médaillons, les mèches
De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches
Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.
- Ô buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,
Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis
Quand s'ouvrent lentement tes grandes portes noires.
Arthur RIMBAUD
"<...> Il y a donc de bons et de mauvais romans.
Le plus souvent, ce sont les seconds que nous trouvons d'abord sur notre route.
Et ma foi, quand ce fut mon tour d'y passer, j'ai le souvenir d'avoir trouvé ça vachement bien.
J'ai eu beaucoup de chance: on ne s'est pas moqué de moi, on n'a pas levé les yeux au ciel, on ne m'a pas traité de crétin. On a juste laissé traîner sur mon passage quelques bons romans en se gardant bien de m'interdire les autres.
C'était la sagesse.
Les bons et les mauvais, pendant un certain temps, nous lisons tout ensemble. De même que nous ne renonçons pas du jour au lendemain à nos lectures d'enfants. Tout se mélange. On sort de Guerre et Paix pour replonger dans la Bibliothèque verte. On passe de la collection Harlequin (des histoires de beaux toubibs et d'infirmières méritantes) à Boris Pasternak et à son Docteur Jivago - un beau toubib, lui aussi, et Lara une infirmière ô combien méritante!
Et puis, un jour, c'est Pasternak qui l'emporte. <...>
Une des grandes joies du pédagogue, c'est - toute lecture étant autorisée - de voir un élève claquer tout seul la porte de l'usine des Best-seller pour monter respirer chez l'ami Balzac."
Daniel PENNAC, op.cit., pp. 182-183.
Voilà donc une argumentation qui commence par un florilège de citations, dont le choix n'est pas soumis au hasard, et qui ne sont, bien entendu, pas là innocemment.
Une relecture des deux poèmes de Baudelaire et de Rimbaud, relecture animée d'une vision métaphorique et symbolique, permettra, dès le départ, d'illustrer une conception de l'intertextualité, non seulement comme attitude de lecture, mais aussi comme possibilités d'écriture et de construction culturelle.
Dans les lignes qui suivent, je me propose de vous emmener jeter un coup d'oeil sur la richesse de l'intertextualité comme "stratégie pédagogique", en vue de communiquer aux élèves non seulement le plaisir de lire et d'écrire, mais aussi la joie de construire leur propre patrimoine culturel. Et quand je pense au "lire" et à "l'écrire", j'envisagerai d'emblée l'extension du concept "texte" au-delà du seul texte écrit - littéraire ou non -, pour voir dans le "texte" d'autres productions de messages, essentiellement artistiques (en référence aux "Beaux-Arts"), mais aussi, pourquoi pas, en considérant l'Histoire comme vaste texte.
Comme l'a si bien dit Baudelaire, tout, dans la Réalité, peut s'appeler et se répondre, dans un vaste jeu d'échos, de résonnance, où les sonorités peuvent, ou s'éteindre peu à peu, ou bien rebondir ailleurs, ricocher plus loin, s'amplifier en d'autres lieux.
De quoi s'agit-il?
Il est question de mécanismes, ceux des associations d'idées, des souvenirs - mon dieu, Proust et sa célèbre madeleine ne sont pas bien loin non plus -; il est question des mécanismes enclenchés par les neurones de notre cerveau droit - le cerveau de la créativité, des intuitions, de la sensibilité artistique, des émotions, des sentiments -; il est question des mécanismes de la "structuration systémique", où chaque élément entretient avec les autres des relations d'interaction: que ce soit de connivence, d'influence, transitoire ou réciproque, d'opposition, de contradiction ou bien encore de rejet.
Et si, par exemple, dans un mouvement d'intertextualité créatrice d'écriture, je me réappropriais justement Baudelaire, Rimbaud et Pennac - Roland Barthes, et son plaisir du texte font ici écho en moi - pour expliquer ma propre conception de cette intertextualité, laquelle devient pour moi une des méthodologies privilégiées me permettant de rencontrer la philosophie et l'esprit des "nouveaux programmes de français" dans l'Enseignement Secondaire, et de vivre une pédagogie de la "non-violence".
S'engager dans "l'intertextualité", pour moi, c'est comme entrer dans une galerie des glaces, et pourquoi pas LA GALERIE DES GLACES, où l'ensemble des textes, littéraires ou non, écrits ou non, serait comme un palais, pourquoi pas LE PALAIS DE VERSAILLES.
Et dans cette galerie, prestigieuse, grandiose, construite avec de "vivants piliers" - les textes -, je découvre à la fois des coins d'ombre, parfois mystérieux, "vastes comme la nuit", que j'aimerais explorer, découvrir, - ah, cette force attractive de la curiosité! -, et des places fréquentées, éclairées de mille feux, dont la luminosité se disperse, en cascade, dans les jeux de reflets, de miroir en miroir, pour finir par éclabousser de transparence même les coins d'ombre.
Et puis, dans cette galerie, "un fouillis" de mouvements, de couleurs, de "parfums engageants", de chansons et d'airs de musique, avec des tableaux, des sculptures, des montages floraux, avec le "bruissement" des conversations,... tout cela "ayant l'expansion des choses infinies", pour favoriser "le transport de l'esprit et des sens".
Comment, dans semblable palais, ne pas se laisser entraîner dans une folle sarabande, et "grappiller", de-ci de-là, telle émotion, tel plaisir, telle information... au gré d'une conversation, au détour d'une colonne ou d'un salon, au coin d'une cheminée? Comment ne pas se laisser séduire, comment ne pas succomber sous le charme d'une rencontre, tantôt attendue, tantôt tout à fait imprévisible?
Comment alors ne pas unir étroitement présent et passé, "l'ici et le maintenant" avec "l'ailleurs et autrement"?
C'était donc une définition, métaphorique, et par conséquent très subjective, du cadre et du fonctionnement de l'intertextualité. Mais sans aucun doute est-il bon de revenir aux sources "officielles", et de citer le "maître" en la matière, à savoir Roland Barthes:
"<...> tout texte est un intertexte; d'autres textes sont présents en lui, à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables: les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. Passent dans le texte, redistribués en lui, des morceaux de codes, des formules, des modèles rythmiques, des fragments de langages sociaux, etc., car il y a toujours du langage avant le texte et autour de lui."
in l'article TEXTE, de l'Encyclopédie Universalis, vol. 15, p. 1015.
"<...> Certains veulent un texte (un art, une peinture) sans ombre, coupé de l'idéologie dominante, mais c'est vouloir un texte sans fécondité, sans productivité, un texte stérile (Voyez le mythe de la femme sans ombre). Le texte a besoin de son ombre; cette ombre, c'est un peu d'idéologie, un peu de représentation, un peu de sujet: fantômes, poches, traînées, nuages nécessaires: la subversion doit produire son propre clair-obscur ."
in Le Plaisir du Texte, p. 63.
début partage du savoir * sommaire & édito 084
Du clair-obscur! Jeux d'ombres et de lumières!
Nous voici revenus dans la Galerie des Glaces, ou bien, pourquoi pas, dans la salle des Colonnades, au Louvre, pour se perdre dans les peintures de Georges de La Tour et de Philippe de Champaigne, ces spécialistes, justement, du clair-obscur.
Et tout cela, pour notre plus grand plaisir! Celui du professeur, et celui des élèves, pour, ensemble, se lancer dans la visite guidée.
Plaisir de la découverte, plaisir du jeu, plaisir de la créativité, plaisir de la connaissance et de la "re-connaissance". Plaisir de la complicité, plaisir du voyage, extra-temporel et trans-spatial: c'est que l'expérience de ces yogis tibétains, voyageant à travers le temps et l'espace, que nous rapportait en son temps Simone de Beauvoir, n'est pas loin non plus, à moins que ce ne soit l'expérience vécue par Gérard de Nerval:
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets!
Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit...
C'est sous Louis-Treize... <...>
in Fantaisie.
PLAISIR donc! Plaisir du texte. Plaisir de la lecture. Plaisir de la relecture! Plaisir de l'ouverture, de l'écriture, de la réécriture!
Essentiel: dans une démarche pédagogique de "non-violence", plaisir de la GESTION PARTICIPATIVE du savoir! Et force de la construction collective de ce savoir: c'est ensemble que professeur et élèves apportent leurs pierres respectives à la construction de l'édifice intertextuel. Et cet édifice - ce palais enchanté et enchanteur dont nous parlions ci-dessus - se bâtira dans les trois dimensions:
- celle de la VERTICALITÉ: du présent au passé, et du passé au présent...
- celle de l'HORIZONTALITÉ: du présent au présent, de la culture occidentale judéo-chrétienne aux autres cultures...
- celle de la PROFONDEUR: la profondeur de la réflexion partagée, la profondeur de la découverte commune, la profondeur de la relation entre des personnes se révélant entre elles autour de cette découverte commune...
Et peut-être que, riche de ses études et de sa formation antérieures, le professeur apportera plus de pierres dans l'axe vertical, et sans aucun doute que les élèves apporteront plus de pierres dans l'axe horizontal, celui de leur présent, où, avec une facilité déconcertante - pour les adultes -, ils pratiquent quotidiennement le passage d'un média à l'autre, le transit d'une culture à l'autre. Mais ensemble, c'est sûr, ils cimenteront les joints de la rencontre et de la relation, et, ainsi, le pouvoir et le contrôle du Savoir seront partagés.
C'est ici, pour moi, que se passe le moment magique, non seulement pédagogique, mais aussi, sinon surtout, relationnel: plusieurs générations, de multiples sensibilités, diverses "idéologies", différentes cultures vont se côtoyer, s'interpénétrer, s'influencer et se construire mutuellement, dans cette rencontre entre le professeur et ses élèves, par l'intermédiaire de cet espace intertextuel, dans cet "ici et maintenant" de la classe.
Comme s'il s'agissait avant tout d'un moment d'échange, voire de troc. Retour aux origines! Personne ne détient, en exclusivité, le pouvoir du Savoir. Pas même le professeur ne détient La Vérité! Personne ne détient Le Savoir Absolu! Chacun, professeur et élèves, construit ce Savoir avec les autres, en présence des autres:
Édébut partage du savoir * sommaire & édito 084
et tout cela bâtit un climat de paix, d'accueil de l'autre, de respect de ses différences, en sachant que l'un et l'autre "grandit" et s'enrichit par, avec et dans ces différences.
Tiens, moi, je te fais connaître les Poètes Maudits du XIX° siècle. Tiens, moi, je t'initie au Rap des Rapeurs de banlieue... Points de convergence? La révolte contre l'exclusion et contre la différence, la lutte pour sa survie, le "spleen"...
Tiens, moi, je t'initie à la peinture surréaliste des Magritte et Cie, et je t'ouvre les portes des poètes surréalistes. Tiens, moi, je t'emmène dans le monde des Clips Vidéo sur MTV et autres chaînes de télévision... Points de convergence? Un autre regard sur la réalité apparente des choses, des mixages et des rencontres d'images fortuites et inattendues, des créations psychédéliques parfois délirantes...
Tiens, monsieur, vous saviez que Mylène Farmer - j'adore cette chanteuse, sa voix tellement sexy - chante un texte de Baudelaire, L'Horloge? Et vous avez vu le Clip Vidéo? Super, non! Vous pourriez me conseiller d'autres textes de Baudelaire?... J'ai envie d'en savoir davantage sur lui... En attendant, si ça vous intéresse, je vous passerai mon "CD" de Mylène Farmer...
Aujourd'hui, je vous propose quelques livres à lire pour vos prochains travaux: Germinal, de Zola, Le Colonel Chabert, de Balzac, Le Nom de la Rose, d'Umberto Eco, Cyrano de Bergerac, de Rostand... Oh, monsieur, pourquoi les lire, on a vu tout ça au cinéma ou à la télé... Ça nous parle tellement plus à l'écran... Et vous, vous avez vu ces films? Génial, non?
Bien! Eh bien, après ce parcours qui nous a rendus plus proches les textes du moyen âge, si nous allions voir ensemble ces autres textes que vous m'avez apportés: Les Compagnons du Crépuscule, cette bande dessinée remarquable de Bourgeon, en comparant la BD aux tableaux de Jérôme BOSCH et de BRUEGEL, et puis en regardant ce phénomène social qu'est devenu le film Les Visiteurs, dont la quasi majorité des jeunes connaît presque par cœur les répliques fulgurantes.
Et à propos d'une "fiche de lecture"- mon dieu, si Daniel Pennac lisait ceci! - pourquoi ne pas "dynamiter" le roman désormais fétiche de Bernard LENTERIC, La nuit des enfants rois, et le mettre en rapport avec E=MC², de CAUVIN, avec SOFTWARE, La guerre douce de Breton, (en visionnant également les films qui ont été tirés de ces trois romans), avec Antigone, d'ANOUILH, avec Le Meilleur des Mondes, d'HUXLEY, avec une série de vrais faits divers tirés des quotidiens du moment, avec un texte de la Revue SCIENCE & VIE, à propos des intelligences artificielles de la quatrième génération...
Voilà. Des expériences de partage et de construction autour d'un édifice intertextuel, il en existe - sans mauvais jeu de mots - "à la pelle", si l'on prend la peine de le voir, surtout de les VIVRE!
C'est alors que moi, professeur de français, grâce à une pratique semblable de l'INTERTEXTUALITÉ, en écho aux "nouveaux programmes" et à leur "nouvel esprit", entre autres objectifs, JE PEUX beaucoup plus facilement:
- rencontrer mes élèves au sein d'une relation de personne à personne, dans une égalité "sans perdant ni gagnant", (démarche non-violente) où chacun se découvre et se révèle à l'autre, dans une démarche de vrai partage, avec toutes ses richesses, avec tous ses savoirs, avec toutes ses expériences
- placer mes élèves au centre de leurs apprentissages: leur savoir, leur savoir-faire, et leur savoir-être prennent du sens, car ils participent pleinement à l'élaboration de ce sens
- permettre à mes élèves de déployer leur imaginaire et de nourrir leur créativité, en rencontrant la prodigieuse diversité des productions culturelles, de leur époque et des époques précédentes, de leur civilisation judéo-chrétienne et des autres civilisations
- autoriser mes élèves à accéder, d'une manière dynamique et parfois ludique, sans les brusquer ni les rebuter, à une forme particulière de culture, "l'art", qui, encore trop souvent, leur reste imperméable
- accéder plus facilement, avec mes élèves, à la culture de l'image - peinture, bande dessinée, publicité, en général -, qui, pour eux, se vit essentiellement par l'image audio-visuelle: cinéma, télévision, vidéo
- légitimer les propres lectures de l'élève, surtout celles qu'il pourrait faire en dehors du cours et de la classe, sans en discréditer aucune
- jeter les bases d'un dialogue interculturel et "inter-générations"
- au rythme des élèves, et en reflet avec leurs motivations, construire les fondements d'une "histoire littéraire et artistique" à partir de textes du XX° siècle, textes qu'ils mettront "en réseau" avec d'autres sources
Intertextualité : une voie pédagogique privilégiée
début partage du savoir * sommaire & édito 084
Ainsi, il s'agit, non pas de faire de l'intertextualité pour faire de l'intertextualité, non pas de faire de l'intertextualité parce que le nouveau programme le suggère ou le conseille vivement, mais bien de "vivre" l'intertextualité comme une voie pédagogique privilégiée qui me permet de dialoguer et de "communier" avec les jeunes qui sont en face de moi, dans ce contexte que je qualifie de "non-violent"...
Bien d'autres richesses pédagogiques et relationnelles se cachent encore dans la pratique de l'intertextualité, mais cela, ce serait pour d'autres articles.
J'évoquerai néanmoins la force du mouvement centrifuge qui permet de confronter un texte "littéraire" à un texte "non-littéraire": alors, le professeur de français peut faire appel à l'aide, à la coopération de ses collègues titulaires d'autres branches: le cours de français s'ouvre alors aux apports, aux interpellations, aux éclairages des autres cours. L'intertextualité devient alors comme un passeport pour voyager dans toutes les matières, dans toutes les branches:
portes ouvertes pour l' INTERDISCIPLINARITÉ, pour le TRAVAIL EN ÉQUIPE PÉDAGOGIQUE, pour une COORDINATION HORIZONTALE et même VERTICALE des cours et des professeurs... où chacun occupe une place, "sa" place, au sein d'un éventail de connaissances (en observant que dans un éventail, toutes les parties sont égales, et partent toutes du même centre)
et ces pratiques, par les temps qui courent, et ils ne s'annoncent guère réjouissants pour les années qui viennent, seront peut-être parmi celles qui permettront aux enseignants de tenir le coup, de rester dynamiques et motivés, de se sentir unis et solidaires devant des classes de plus en plus populeuses, de plus en plus hétérogènes et complexes, de plus en plus mouvantes et remuantes.
Alors?
Alors... "pour l'intertextualité":
- comme moyen privilégié de donner du sens, un sens qui parle aussi aux jeunes, et qui les mette en communion avec le professeur
- comme moyen privilégié pour sauvegarder la qualité de la relation pédagogique, dans un climat d'accueil et de respect de chacun des partenaires
- comme moyen privilégié pour sauvegarder, à terme, la qualité de vie des enseignants et des enseignés.
Nous voici arrivés au terme de cette réflexion, de ce plaidoyer.
La démarche ne serait pas complète si elle ne proposait pas, très concrètement, ce que bon nombre d'enseignants aiment recevoir pour parfaire la qualité de leur métier: des outils, des références.
Personnellement, et très subjectivement, j'apprécie de "travailler", comme outils de référence et comme ouvrages de base, pour donner l'impulsion, ou pour baliser mes parcours intertextuels, avec les manuels ou livres que voici:
Jean-Marie DELBUSCHÈCHE, Benoît JAVAUX et Bernard MARLIÈRE,
PLUMES, Pratiques impertinentes de l'écriture, Bruxelles, Didier-Hatier, 1989.
Monique DENEF et Benoît JAVAUX,
Bleu d'encre, Pratiques littéraires de l'écriture, Bruxelles, Didier-Hatier, 1995.
Christine CAMPOLI et autres,
Littérature du Moyen Age au XXième siècle / LYCÉES, Paris, Hachette, Collection ÉDUCATION, 1994.
Bernard MARLIÈRE et Jean-Marie DELBUSCHÈCHE,
Plumes envolées, Activités ludiques d'expression, Namur, Érasme,1994.
Gérard VERMEERSCH,
La petite fabrique d'écriture, Paris, Magnard, 1994.
Alain DUCHESNE et Thierry LEGUAY,
Petite fabrique de littérature, Paris, Magnard, 1993.
Les petits papiers, Écrire des textes courts, Paris, Magnard, 1993.
Lettres en folie, Petite fabrique de littérature 2, Paris, Magnard, 1993.
Sous la direction de Jean-Louis DUMORTIER,
Lectures pour toi.
Actuellement, 4 volumes, dont chaque fois un volume pour chacune des 4 premières années de l'enseignement secondaire, Bruxelles, Labor, 1992/95.
Avec, en plus, toutes les idées, toutes les propositions, tous les inattendus, tous les impromptus, découverts au gré d'une émission, à la radio ou à la télévision, en regardant une affiche dans la rue, tous ces "textes" apportés par les élèves, toutes ces rencontres "fortuites" dans ce palais gigantesque de l'intertextualité...
Et pour clôturer ce texte, je ne résiste pas au plaisir de vous citer Céline Dion, chantant des paroles de Luc Plamondon, sur une musique de Germain Gauthier:
<...> Et tant pis si ça vous choque...
Si Piaf vivait aujourd'hui <...>
Piaf chanterait du rock
Elle vivrait aujourd'hui
Avec son époque
Elle serait elle aussi
Sous le choc
De la musique rock <...>
Vous qui poursuivez son cri
Remettez vos montres à l'heure! <...>
Luc THOMÉ,
Professeur à l'Institut Saint-Germain de Couvin, Inspecteur de français dans le diocèse Namur/Luxembourg et Responsable de la formation "Des clés pour prévenir et gérer les conflits à l'école".
début partage du savoir * sommaire & édito 08
Bouquet de fleurs, bouquet de mots... - Lire, puis écrire
«Prends ta plume, pour apprendre à lire.» |
Propositions pour le 1er degré |
EN PLAISANTANT AVEC LES FLEURS
Quand l'azalée S'en fut allée Vers le coucou Tenant le cou De l'églantine Fraîche et poupine La primevère D'un air sévère Traita l'œillet De gros douillet L'agératum Son factotum Poussa la quille De la jonquille Et puis l'hélianthe Pourtant charmante Du fier bluet Maigre et fluet Prit le gibus Quand le crocus Faisant causette À la violette Dit au laurier Que le pourpier Aimait la rose Mais que la chose Dès aujourd'hui N'est que pour lui Le mimosa Au réséda |
Lui dit Je t'aime Comme moi-même Si la scabieuse En fut heureuse Le chrysanthème En fit son thème Sur le muguet Faisant le guet Il vit l'armoise Lui cherchant noise Le liseron Crie au mouron J'ai une dent Pour le chiendent Puis il se penche Vers la pervenche Mais la bourrache Alors arrache Le plein sac d'or Du bouton d'or La cinéraire Fait son affaire Au portefeuille Du chèvrefeuille Or l'anémone Le lui pardonne C'est là l'écot Coquelicot De ta voisine La capucine |
La campanule Bien vite annule Ses rendez-vous - Bien fait pour vous! Mais la pensée Bonne et sensée Au bégonia Très fort cria Gare à l'aster Ce vieux gangster Quand le zinnia Lui s'écria Que la verveine A de la veine La clématite Se fit petite La balsamine Fit triste mine Et l'amarante Bien peu marrante Tira l'épine De l'aubépine Pour que l'absinthe Loin d'être sainte Chante au glaïeul Son grand-aïeul Que le pavot Est faux dévot Que la glycine Est bien coquine
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La renoncule Alors recule Le géranium Vers l'harmonium La marguerite Qui s'en irrite Dit au narcisse Chair à saucisse Mais la tulipe Lui fait la lippe Poussant la menthe Qui se lamente Vers ce benêt De serpolet Le tournesol S'échappe au sol La digitale Là s'y étale La grande enflée De giroflée Va près du lis L'amaryllis Dit au jasmin Quel beau matin Boule-de-neige Hélas que n'ai-je Et ta rondeur Et ta blancheur Le cyclamen Répond Amen
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René Massacrier |
Vous ne connaissez pas René Massacrier ? Nous non plus! Sinon qu'il est un enseignant à la retraite, qu'il habite quelque part dans la Drôme provençale et qu'il a écrit ce poème en octobre 1995 à la demande d'un artiste belge pour un album sur les fleurs. Ce n'est pas Chaarles Baudelaire, ni Paul Verlaine, ni Henri Michaux... ce serait peut-être un peu Francis Jammes ou Marie Noël ou Franc-Nohain. Sous l'apparence d'une candeur naïve, quelque chose d'évident: un travail minutieux sur la langue qui pourrait être pour les élèves matière à observations puis à exercices de production écrite.
Voir plus loin quelques "suggestions" pour guider la lecture, et pour dégager les étapes d'une réécriture. En proposant à l'élève une lecture assez méthodique - distinguant les diverses composantes: lexique, phonologie, prosodie, morphosyntaxe - nous l'aiderons à découvrir et à mieux utiliser des "outils" de réécriture. Ne pas négliger la lecture expressive, voire gestuelle: le côté "musique" de la poésie doit être bien mis en évidence.
Précisons qu'il s'agit bien d'un "atelier", d'un banc d'essai: dans cette activité, l'élève est davantage un apprenti-lecteur qu'un apprenti-poète. Il prend la plume, surtout pour apprendre... à (mieux) LIRE.
Propositions pour une lecture... |
...orientée vers une "réécriture" |
Observons les différents moyens - ou contraintes - d'expression que l'auteur choisit et s'impose: |
A notre tour, nous choisissons des moyens, nous nous imposons des contraintes d'écriture, par exemple: |
1. Cueillir... beaucoup de fleurs Combien en tout? Au besoin, nous nous informons sur celles que nous ne connaissons pas. Certains noms plaisent pour leur sonorité (fleurs au nom chantant... lesquelles par exemple?) ou pour les images qu'elles évoquent (fleurs qui font rêver... lesquelles, par exemple?) |
1. Opérer un groupement Oiseaux, mammifères, poissons, arbres, outils, meubles... Ou bien des humains: gens de métier, héros fictifs (les Dalton, Blanche-Neige, Tartarin) ou historiques (Napoléon, Magellan, Charles-Quint, Mercator)... Libre choix pour chacun! Important: la liste doit permettre de construire une histoire qui "tient"! Et pas nécessairement aussi longue. |
2. Cueillir aussi... des rimes et un rythme (combien de syllabes par vers?)! Avec des mots un peu "magiques", qui "sonnent" bien ou qui font rêver: factotum, poupine, ageratum... (lesquels encore?); ou qui conviennent bien au nom de la fleur (lesquels, par exemple?). |
2. Rechercher des rimes (Napoléon... et ses canons - Tartarin... son butin - L'olifant... de l'éléphant - Le colibri... au monoprix - Le canapé... qui va camper). Pour le rythme, il est prudent de faire d'abord quelques essais de combinaisons de mots... Ce sera peut-être le plus difficile: même rythme partout! |
3. Raconter une histoire. Observons des moyens de baliser le temps (quand, alors, puis...), ou de marquer des liens logiques (pour que, mais...). Lesquels, encore? |
3. Avant d'écrire, avoir bien en tête la succession des épisodes! Éventuellement, chacun peut les énoncer oralement... avec le risque d'inspirer les paresseux. Respecter la vraisemblance, la progression dans le temps,! Une bonne observation en lecture aura permis de remplir la boîte à outils linguistiques. Autre précaution: prévoir une "bonne chute", un dénouement original. |
4. Dans les deux premiers tiers, quel temps verbal est utilisé pour désigner les actions successives? [Attention: Le présent du bas de la 3e "colonne" n'a pas la même valeur qu'à partir du début de la 4e. Faire observer cette distinction entre "paroles rapportées" et "présent dit historique"!] |
4. Choisir le temps verbal (passé simple ou présent dit historique) pour désigner les actions successives... et, peut-être, comme l'auteur, de passer - intelligemment (pas facile, sans doute) - de l'un à l'autre. |
5. Personnifier les fleurs: * sentiments (La primevère - D'un air sévère...), * gestes (Mais la tulipe - Lui fait la lippe...), * intentions (Il vit l'armoise - Lui cherchant noise...) Rechercher cela en détail! Cela nous servira pour la réécriture! |
5. Comment personnifier (si les acteurs ne sont pas des humains)? Ce n'est probablement pas la difficulté majeure: chez les jeunes, l'imagination prend volontiers le pouvoir... sauf si l'ambiance scolaire (Cela arrive!) étouffe la fantaisie. Au professeur de bien dégager les routes du rêve! |
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RUMEURS...
Récit d'une brève introspection au pays de ce qu'il est convenu d'appeler «le plus vieux média du monde»
7e professionnelle C.R.S. (ébénisterie) (13 élèves) Anne- Françoise HANSEN, ISJ - Saint-Hubert
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Le français, un outil pour communiquer
2e prof. FOBA, formation de base
Patrick FRANÇOIS, I.N.D., Saint-Hubert
Un peu d'histoire
J'ai la grande chance, depuis trois ans, de pouvoir enseigner, pour une bonne partie de mon horaire, en 2e professionnelle Formation de base.
Grande chance car, l'option étant nouvelle à la rentrée 1993, tout était à y inventer. La Direction souhaitait que cette nouveauté fonctionne bien et un maximum d'atouts avaient été déposés sur la table.
Restait à les jouer convenablement.
D'abord l'esprit:
1. Continuer avec les élèves le travail de réconciliation avec l'école entamé en 1re accueil.
2. Permettre à des élèves un peu indécis quant à leur choix d'option (l'école offrait jusqu'alors bois-construction-mécanique pour les garçons et travaux ménagers pour les filles) de retarder ce choix jusqu'en troisième. Cette deuxième année doit ouvrir les élèves à d'autres perspectives, en leur donnant l'occasion de mieux se connaître et de se découvrir, peut-être, des centres d'intérêt encore endormis.
3. Proposer à ces élèves une formation dite «de base», ouverte sur le concret, suffisamment large dans ses approches, prodigue en savoir-faire transposables dans leur vie quotidienne et balisée par des remises à niveau solides.
4. Appliquer une pédagogie active, créative, créatrice de dynamisme, donc de sens, d'espoir et de foi en l'avenir. Cette pédagogie est, bien sûr, celle du projet. Elle rend l'élève acteur de sa formation.
Ensuite la manière:
1. Rendre possible cette pédagogie du projet par une équipe réduite, tout naturellement ouverte à l'interdisciplinarité.
En clair, avec un collègue, nous nous partageons 24 heures de cours: cours techniques, informatique, gestion de projets pour lui, religion, français, expression et communication, E.D.M. pour moi.
2. Faire suivre l'intendance. Un local clair, agréable, bien équipé (pêle-mêle: documentation, Journal des Enfants, livres de références, atlas, dictionnaires, projecteur dias, appareil photo, écran, de nombreuses prises de courant, des tentures d'occultation, rétroprojecteur, etc.).
Deux autres locaux ont été voulus (c'étaient des projets des années précédentes), aménagés avec les élèves et équipés par l'école: un local d'informatique avec un ordinateur par élève et un atelier de travaux pratiques.
3. Négocier au quotidien avec l'école toutes les facilités de travail et d'organisation d'horaires souhaitées pour de bonnes conditions de fonctionnement tant des élèves que des professeurs.
La pratique du français dans cette classe
Je parlais plus haut de la chance de pouvoir enseigner dans cette 2e P FOBA. Et l'aspect qui me semble particulièrement intéressant pour le professeur de français est bien celui de l'interdisciplinarité, l'usage de notre langue étant le dénominateur commun de toutes les branches.
D'autant que l'on constate que dans ce genre de classe (dans d'autres aussi, d'ailleurs) de nombreux échecs reposent en fait sur la grande difficulté qu'éprouvent de nombreux élèves à s'exprimer correctement, interpréter avec précision une consigne, lire et comprendre un énoncé. Ne parlons pas de rédiger une réponse de façon cohérente ou simplement compréhensible. Cela fait longtemps que je défends l'idée, avec d'autres professeurs, que beaucoup d'échecs sont d'abord des échecs de l'expression, même en mathématique!
La décision a donc été prise, lorsque notre équipe a pensé cette nouvelle option: il faut qu'un des accents de notre enseignement soit mis sur l'apprentissage d'une expression correcte, libérée et créatrice.
Comment?
D'abord en adoptant des exigences semblables à l'écrit, quel que soit le cours. Exigence ne signifiant pas ici sanction par diminution de la cote au moment de l'évaluation, mais par l'attente de travaux écrits avec soin dans toutes les branches et recopiés, corrigés avec attention.
Ensuite en donnant aux élèves un maximum de clefs pour communiquer efficacement.
C'est ici que deux cours sont plus particulièrement liés, jusqu'à en faire disparaître les cloisons: français (4 heures), expression et communication (3 heures) et, certaines années, une heure de rattrapage de français.
Si l'on ajoute l'heure hebdomadaire de conseil de tous, durant laquelle l'écoute et l'expression orale bien réfléchie sont de rigueur (voir plus loin), on en arrive à au moins huit heures, sinon neuf, chaque semaine, où les élèves sont en phase avec l'outil langue française.
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Le français et les méthodes d'expression et de communication au service des apprentissages
Telle est l'idée: je conçois ces deux cours, utilisés en tant que «paquet d'heures» au service des autres branches, au cœur des projets. Voyons d'abord un exemple.
La classe, collégialement, a décidé d'installer un aquarium dans le local. Les cours de français et d'expression et communication ont répondu présents pour les démarches suivantes:
- Prendre les contacts avec les personnes susceptibles de nous aider.
Comment faire? Courrier? Fax? Téléphone? Les trois ont été pratiqués. Qu'est-ce qu'un fax? Comment l'utiliser? Comment rédiger et présenter une lettre? Comment téléphoner, se présenter?
- Rendez-vous prix avec le magasin d'aquariophilie. (Tiens, au passage: une leçon de vocabulaire sur les mots en -phile).
Au magasin, comment aborder le vendeur, choisir, passer sa commande, prendre note au vol des conseils donnés. En classe, on expliquera comment mettre de l'ordre dans tout cela.
- Après la réalisation de l'aquarium (cours techniques), un éclairage sur la vie et les mœurs des poissons de nos rivières (c'est un grand aquarium); les élèves sont fiers de leur travail et veulent le faire savoir.
Comment? On va organiser une exposition, avec vernissage, car les huiles de l'école seront bien sûr invitées!
- Exposer quoi? Des livres sur le sujet, des documents sur les poissons, de menus bricolages sur le sujet. Avec un montage dias sur l'évolution de notre travail.
- Il faut donc: créer, imaginer, rédiger des cartons d'invitation.
À quoi ça sert? À quoi ça ressemble? Essayons d'en trouver. Visite à l'imprimerie de l'école. Choix de papiers, de cartons de différents grammages, de différentes couleurs. Essais, projets, réalisation... Et le texte? Quoi? Disposé comment?
Réaliser des affiches. Mêmes démarches.
Réaliser le montage dias, prendre les clichés, choisir leur ordre de présentation, préparer un commentaire, l'enregistrer, choisir un décor sonore.
Passer aussi dans les classes pour appuyer de vive voix l'information.
Le jour de l'exposition: - avoir préparé, pour pouvoir le dire, le discours de présentation. Et au micro!
- accueillir les classes, leur présenter le travail réalisé, lancer les projections...
Le lendemain: - tirer les conclusions, rédiger ses impressions, pour mieux les intérioriser, les partager aux autres, évaluer son travail individuel et la réalisation collective...
Et surtout, c'est terriblement motivant a posteriori, faire dresser par les élèves la liste de toutes les étapes franchies lors du projet, la liste de toutes les techniques utilisées, de tous les apprentissages effectués. «Hein? On a fait tout ça?» C'est un autre exercice de rédaction en situation.
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Expression et communication: quels apprentissages, quelles pratiques?
Difficile, dans l'exemple qui précède, de dire ce qui relève du cours de français et de celui d'expression et communication. Mais est-ce bien important de passer son temps à "mettre des étiquettes"?
Une chose est certaine: l'aspect leçon systématique de grammaire ou d'orthographe ou d'exercice à la lecture dite silencieuse est un peu mis en veilleuse, pour ressortir à des moments plus creux.
Voici, malgré tout, une liste des activités proposées, qui relèvent plus d'une pratique variée et créative de l'expression.
Activités proposées
Concevoir et réaliser des affiches Concevoir et réaliser des cartons d'invitation, des cartes de vœux, des cartes d'anniversaires Rédiger une lettre, entretenir une correspondance, classer le courrier Voir des expositions, s'exprimer à leur sujet Réaliser des transparents pour rétroprojecteurs Prendre des photos, des dias, manipuler correctement l'appareil Organiser une projection de dias, préparer le local, installer l'appareillage, disposer les chaises Réaliser un montage dias, préparer et enregistrer un commentaire Parler dans un micro en public Utiliser une caméra vidéo de façon simple Parler face à la caméra Réaliser un petit JT avec l'aide du Journal des Enfants, à destination des élèves de 6e primaire
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Réaliser une cassette de présentation de la classe: que fait-on en 2e P FOBA? (En 93-94 et 94-96, deux cassettes ont été réalisées, à destination de réunions consacrées aux classes de 2e P FOBA: très motivant pour les élèves, que ce public de profs!) Créer une petite radio libre à l'école Aider à la confection du livret publicitaire de l'école (dans l'édition 93-94, beaucoup de photos de ce livret destiné à l'extérieur de l'école avaient été prises par les élèves de FOBA.) Prendre plaisir à calligraphier à la plume Ballon, emmanchée sur un porte-plume en bois: la magie d'un bel objet simple, de l'encrier, du beau papier, du buvard... Le plaisir de calligraphier une belle page... (Visite du mignon Musée de la Plume à Gedinne, et conseils d'un artiste calligraphe) Contacts avec les techniques de l'imprimerie, les sortes de papiers... Créer des rébus, des devinettes, des jeux de lettres Mise en page avec l'ordinateur, le traitement de texte simple |
Une précision encore: ces activités sont conçues - autant que possible - pour pouvoir être utilisées par l'élève dans sa vie quotidienne! C'est aussi un des objectifs généraux de la 2 P FOBA.
Et une dernière remarque: dans les activités qui précèdent, c'est toujours la démarche qui compte, pas la recherche d'une impossible - et décourageante - perfection.
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Le conseil de tous
Il mérite une place à part. D'abord parce qu'on ne se figure pas le bienfait de cette heure hebdomadaire.
Les tables sont disposées en carré. Un ordre du jour a été établi. Des règles sont instituées dès le début de l'année scolaire. On ne parle pas d'un(e) absent(e). Chacun parle à son tour, et réfléchit avant de parler. Chacun écoute les autres. On apprend à admettre les différences de pensées, de visions des choses. On apprend à formuler un avis, à oser prendre la parole.
À tour de rôle, un élève est secrétaire. Après correction, les notes sont transcrites au propre.
La Farde des Comptes rendus est accessible à tous, mais ne quitte jamais la classe. On la consulte pour faire le point de l'évolution des projets.
Que de projets sont nés de ces conseils! Que de différends ont été aplanis!
Que de caractères se sont révélés. Que d'élèves et de professeurs se sont mieux compris et appréciés!
Un des secrets: les professeurs sont avec les élèves. Ils font route ensemble. C'est aussi ce qu'il faut avoir à l'esprit dans toutes les activités: s'impliquer comme les élèves, se laisser filmer, réfléchir comme eux à un projet d'affiche, etc.
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Quant au cours de français proprement dit...
Il est plus particulièrement consacré à l'acquisition des compétences qui me semblent minimales:
À l'écrit
* Utiliser le code de la ponctuation et l'emploi des majuscules.
* Accorder le verbe correctement, surtout lorsqu'un écran s'interpose entre lui et le sujet ou que le sujet suit le verbe.
* Les traditionnels homophones - c'est, s'est, ses, ces, etc. - mais sans en faire une fixation.
* Les désinences des conjugaisons et les formes de certains verbes irréguliers courants (vous faites, vous dites, etc.)
* Apprendre à maintenir l'unité des temps verbaux dans un texte.
* Donner l'habitude de se relire pour corriger.
* Prendre l'habitude s'utiliser le dictionnaire (il doit se trouver sur le bureau de l'élève).
* Se servir de grilles de démarches. (des modes opératoires, étapes par étapes pour rédiger) avec pour objectif de se passer des grilles à long terme, mais de garder en tête les modes opératoires.
* Apprendre à réaliser un questionnaire sur un texte, avec l'apprentissage des mots qui servent à poser les questions, l'utilisation du point d'interrogation et de l'inversion sujet-verbe.
Je trouve cet exercice un bon apprentissage à la technique du plan et de la contraction de texte. Et je remarque que poser des questions est un exercice que les élèves font volontiers.
* Prendre l'habitude d'écrire bien ce que l'on écrit.
Je suis très exigeant sur la transcription au cahier de mes notes au tableau noir. Je vise systématiquement les prises de notes des élèves. Ainsi, leur cahier est constamment en ordre et je suis sûr qu'ils peuvent mémoriser, le cas échéant, des notes correctement écrites.
Je pense que c'est aussi un apprentissage à la fierté du travail bien fait.
Dans le même esprit, je ne distribue en photocopie que des documents de travail (textes, énoncés d'exercices). Jamais des règles ou des synthèses: je trouve plus formateur que les élèves s'exercent à organiser leurs notes et leur mise en page.
C'est encore le même principe qui prévaut pour le journal de classe: les élèves ont le temps de copier du tableau noir, je vérifie systématiquement au coup par coup.
* Pour l'orthographe: les élèves travaillent à leur rythme dans le carnet J'améliore mon orthographe de J. NICLOUX, aux éditions Bovrisse. Quand le besoin s'en fait sentir, un point particulier est repris de façon frontale, pour toute la classe.
* Orthographe d'usage: une ou deux fois par semaine, une liste de douze mots est consignée dans un petit cahier. Ces mots figurent dans la liste des mots les plus fréquents de notre langue, ou sont repris des autres cours (E.D.M., religion, technique). C'est un bon moyen de faire sentir aux élèves que le français s'écrit bien à tous les cours!
* Travail sur la nominalisation, la pronominalisation (sans utiliser ces termes avec les élèves!). Beaucoup de batteries d'exercices oraux, visant surtout à acquérir des automatismes.
* Vocabulaire: des familles de mots. Je vais aussi essayer cette année certains jeux de société: VOCABULION, Jeu du Dictionnaire, SCRABBLE.
* Chaque jour, un petit devoir (vocabulaire, une correction, conjugaison, accord du verbe).
À la lecture
Des exercices de lecture silencieuse pour accélérer la vitesse de lecture, avec questionnaires à choix multiples
Diverses sources, et surtout le recueil d'articles de presse (tirés principalement du Petit Ligueur) d'André PÊTRE, à Courcelles
De temps en temps, lecture libre d'ouvrages que je conseille ou empruntés à la bibliothèque communale que nous fréquentons, mais pas aussi souvent que je le souhaiterais.
Faire passer l'amour des livres, voilà bien une des difficultés que j'ai. Les élèves se méfient un peu des livres. Il n'est pas aisé d'en trouver qui soient vraiment à leur portée.
Il faudrait pouvoir donner sa classe dans une bibliothèque, en avoir constamment à portée de main, sur les tables, partout!
Il faudrait que les élèves puissent les ouvrir, pour peut-être les refermer aussitôt, lire un tiers de page, pour voir; il faudrait qu'ils puissent éprouver du plaisir au contact d'une belle reliure, d'un beau papier, d'un joli caractère, d'une belle encre...
Je passe bien chaque année une journée avec eux à Redu - le village du livre - mais ce n'est pas suffisant, même si c'est un début.
Cette journée se compose d'un jeu découverte, avec énigmes, d'une visite chez un libraire, puis chez un artisan du livre (fabricant de papier, relieur...). Le cours d'E.D.M. y trouve aussi sa part.
Une conclusion...
C'est la troisième année que je travaille ainsi avec les élèves. Un professeur n'est jamais vraiment satisfait...
Mais je dois bien constater que le principe du français au service de la formation des élèves, dans le cadre de projets, est une méthode qui fonctionne bien.
De plus, la large palette des activités proposées fait que l'élève y trouve son compte et qu'il se voit encouragé dans ses apprentissages. La motivation et l'envie de bien faire y gagnent. Je pense que les élèves tissent des relations entre tous leurs apprentissages, donc qu'ils leur donnent du sens.
Oserais-je croire qu'ils grandissent ? Je l'espère.
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