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Article paru dans le numéro 84 (mars 1996) Mise à jour 08.2017
© LMDP Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source
Autres articles téléchargeables parus dans LMDP : http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/archives.html
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RUMEURS... Récit d'une brève introspection au pays de ce qu'il est convenu d'appeler «le plus vieux média du monde» |
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7e P C.R.S. (ébénisterie - 13 élèves) |
Anne- Françoise HANSEN, ISJ - Saint-Hubert 1 |
1re étape: CONSTITUTION D’UN CORPUS
Des témoignages oraux dont les élèves se souviennent et qu'ils évoquent avec un plaisir non dissimulé, mais également des sources écrites; dans ce cas, il s'agit du document attestant l'information (exemple: le tract de Villejuif) ou encore d'articles diffusés par la presse en guise de mise en garde (les tatouages au LSD / la famille honteuse de Steinfort...).
2e étape: RAPPROCHEMENT AVEC LE FAIT DIVERS (F.D.)
D'emblée, les confrontations s'imposent... Nous constatons, à l'examen, que la plupart des critères applicables au F.D. s'avèrent pertinents en ce qui concerne la rumeur: d'abord, le fait est immédiatement signifiant sans nulle référence extérieure. Projetant les pulsions primaires qui régissent la vie humaine (la mort, la sexualité), l'un comme l'autre présente un côté universel qui suscite les projections individuelles.
De plus, les comportements dont il est question traduisent un écart par rapport à une norme et présentent un aspect sensationnel. (Cette dimension contribuera à elle seule à l'amplification, dans le cas de la rumeur. Ainsi, le chiffre d'une disparition risque d'être multiplié par dix, voire par cent en moins d'une journée. De la même façon, la parole ajoutera - en toute bonne foi - un nombre appréciable de détails destinés à accréditer la véracité de l'information).
En fin de compte, un élément fait défaut: il ne s'agit pas d'une histoire réelle!!!
3e étape: RUMORER, C'EST TOUT DE MÊME COMMUNIQUER
Vient alors le moment de percevoir l'enjeu de la rumeur au sein du schéma de la communication.
De toute évidence, le destinateur du message se libère d'un fardeau anxiogène et tente de convaincre le destinataire potentiel, de forcer son adhésion à un point de vue. Oui, mais dans quel but? Le fait de distiller de telles informations permet à l'émetteur d'évaluer son opinion, de la confronter au groupe social auquel il appartient.
Mais rumorer, c'est aussi séduire son interlocuteur; enfin ce type de communication contribue également dans certains cas à rompre le silence, le rien-à-se-dire.
En ce qui concerne le référent, la rumeur propose une nouvelle insolite qui va rompre la monotonie du quotidien. Mais cette nouvelle est tout de même prévisible, faute de quoi personne n'y croirait!
Au niveau formel, nous constatons par ailleurs que le message se constitue en quelque sorte ses «figures de style». Outre l'amplification dont il a déjà été question, on pourrait citer à titre d'exemple la simplification (la rumeur va à l'essentiel; tout ce qui n'est pas essentiel est évacué du récit) ou encore la substitution (le récit des serpents minute dans les régimes de bananes ressemble étrangement à celui des rats dans les préparations culinaires du restaurant chinois - de Bastogne! -). Le signifié reste le même à chaque fois.
4e étape: CARACTÉRISTIQUES STYLISTIQUES DE L'ÉCRITURE RUMORALE
Kapferer propose dans son essai une typologie des rumeurs que les élèves illustrent à l'aide du corpus de base (voir ci-dessus). Un type de récit attire plus leur attention: il s'agit de la légende urbaine, mettant en scène des produits de la culture moderne.
Par petits groupes, divers récits prennent tournure... Et l'on en vient à repérer les signes inscrits dans ce genre de discours.
Productions d'élèves:
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Jeudi dernier, à la clinique de Libramont, un cadavre disparaît de la morgue. La police enquête et ne trouve rien, à part des traces de pas ainsi que des flaques d'eau. Après analyse, on se rend compte que cette eau provient des collecteurs d'égouts. Hier soir, même scénario, mêmes indices. La police suppose que les malfrats opèrent par les égouts qui passent sous la clinique, mais le garde placé dans le couloir n'a rien vu! S'agirait-il de vols destinés à alimenter un trafic de dons d'organes? Des infirmières et des assistants suspectent certains. La police ne dément pas les accusations... R.C. |
Mon voisin m'a rapporté qu'à l'ORÉAL on engageait des enfants de huit ans dans les chaînes de travail car ceux-ci auraient de meilleurs réflexes que les adultes! De fait, le fils de la voisine ne fréquente plus l'école depuis quelque temps...
F.N. |
Nous constatons:
«jeudi soir» «hier soir» «après analyse» «cette eau provient des collecteurs d'égouts» «le fils de la voisine ne fréquente plus l'école»1. Le narrateur n'assume pas la responsabilité de ses dires. Pour ce faire, il utilise le discours transposé (style indirect) et rapporté.
«la police suppose que les malfrats opèrent»
«mon voisin m'a rapporté»
2. Ce type d'écriture est truffé d'éléments rationalisateurs, objectivants. Logique: il faut crédibiliser les hypothèses les plus audacieuses.
3. La dimension du scoop s'inscrit également dans cette logique dans la mesure où elle répond à des besoins de mystère, de secret.
«disparaît... ne trouve rien... à part des traces et des flaques d'eau... mais le garde n'a rien vu... trafic d'organes?»
4. Il s'agit d'un discours ouvert, d'une intrigue où tout est possible... Le récit laisse place à de nombreuses interprétations, hypothèses ou scénarios.
«s'agirait-il» (le conditionnel, la question laissée sans réponse)
«la police ne dément pas les accusations...» (points de suspension)
«on engagerait» «auraient»
«depuis quelque temps... (durée non précisée)
*
Du même auteur :
Intimité dévoilée : récit d’un voyage au centre de soi-même
, article paru dans le numéro 111 de LMDP (décembre 2002) : http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/intim.htmlLMDP
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