Astuce !

Pour toute recherche dans LMDP, ouvrez ALPHABET : accès direct à 700 documents

 

langue maternelle * documents pédagogiques

Activités de langue française dans l’enseignement secondaire * Revue trimestrielle

 http://docpedagfrancais.be/ *  Écrivez-nous

Échange, recherche, formation

 

 

 

ACCUEIL
Ouvrir les numéros en ligne

ALPHABET

Index de tous les fichiers LMDP

COIN LECTURE

bibliographie, programmes, sites...

LIBRAIRIE

livres recensés depuis janvier 2001

ARCHIVES:

  86 articles parus dans LMDP

JULIBEL, le français actuel

Base de données initiée à la rédaction de LMDP

Julibel - recherche * Julibel - mode d'emploi

SOMMAIRE 

numéros parus depuis 1990

 

 

 

Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source

 

 

A nos lecteurs

Changement de cap pour LMDP

Jusqu'à présent, la plupart de nos articles ont consisté en relations d'expériences réalisées par des enseignants, seuls ou en équipe : cela avait la saveur et la crédibilité du réel et du vécu, avec son lot de tâtonnements, de repentirs, d'ajustements, parfois de déception, mais aussi avec beaucoup de satisfaction et un surcroît de motivation partagés avec les élèves.

Souvent aussi, nous avons montré que le cours de français peut s'ouvrir et s'enrichir au travers de démarches interdisciplinaires : histoire, sciences, religion, musique, peinture, géographie, sociologie... (L'édito, ci-dessous, fait écho à ce souci d'ouverture.)

En publiant ces récits, nous voulions stimuler et valoriser la créativité en didactique du français, convaincus que l'échange et le partage sont un moyen puissant pour inciter tout enseignant à innover lui-même.

* * * A partir de ce numéro 152, nous accorderons davantage d'importance à la présentation de ressources et de documents utiles à la formation générale (autant dire : interdisciplinaire) des enseignants : interviews, émissions TV ou radio, sito-bibliographie, enquêtes... assortis souvent de propositions pour des activités en classe de français. * * *

Merci pour votre confiance ! La rédaction de LMDP

Ecrivez-nous : Que vous inspire ce changement de cap ? Merci pour vos avis, suggestions, offres de collaboration !

 

 

Numéro 152 * Mars 2013

 

 

Sommaire

1. Au chapitre de l'oral : gestes, tenue, mimique, interactions et autres "ingrédients"...

L'interview de René Zayan, Athéna, mai 2012.

 

2. Les brèves de LMDP 152, mars 2013.

* Des SMS pour la science : le français "fout l'camp" ?

* Les jeunes et la créativité lexicale

* Le nouveau "Blampain-Hanse" est arrivé... et autres outils de consultation !

 

3. Formation permanente : Pour dépasser les limites des savoirs disciplinaires... des émissions de culture générale

 Cause commune, tu m'intéresses :
émission  d'Abdennour Bidar sur France Inter

 

4.. La perte du triple A de l'agence de notation Moody's inspire le Journal d'un Besson de campagne : un lipogramme en A

Document brut et propositions pour la classe  

Interdisciplinarité

 

Un homme sans paysage est bien démuni. Une sorte d'infirme.

Patrick Modiano, Accident nocturne, p. 140

 

Ce paysage, c'est la diversité de tout ce qui constitue notre milieu de vie, nos savoirs, nos émotions, nos projets, nos souvenirs.

Le paysage de la rivière, par exemple, c'est, bien sûr, l'eau qui coule... C'est aussi le poisson, le nénuphar, le pêcheur, le promeneur, la menace de pollution, le barrage... Et pourquoi pas la Loreley d'Apollinaire, la Truite de Schubert ?

Le chimiste s'intéresse à l'eau, le biologiste au poisson, le botaniste au nénuphar, le sociologue au pêcheur, le musicien à la Truite de Schubert, l'ingénieur au barrage hydroélectrique, le professeur de lettres à La Loreley d'Apollinaire, le biologiste à la pollution des cours d'eau...

Mais chacun, peut-être, se cantonnera dans sa spécialité, peu ou mal informé de la curiosité et du langage de l'autre. Comme dans une école, trop souvent. Et c'est dommage !

Tandis que le sage tisse toutes les curiosités, met en réseau la diversité des méthodes, des savoirs et des langages, saisit l'harmonie du paysage, se fond dans le paysage, crée des liens, se crée !

Jules Bradfer, pour la rédaction de LMDP

 

Au chapitre de l'oral :
gestes, tenue, mimique, interactions et autres "ingrédients"...

Ressources et documents pour l'enseignant

1. ce que disent les programmes * 2. paroles d'experts (livres, analyses de débats) * 3. Merkel, Chirac, Sarkozy, Le Pen, etc. :  le charisme vu par René Zaian

 

La rédaction de LMDP remercie cordialement Madame Géraldine Tran, rédactrice en chef de la revue Athéna, de nous autoriser à reproduire l'interview de René Zayan (n. 281, mai 2012, p. 27-29) dans une mise en forme aménagée pour la lecture à l'écran . Pour la lire sur le site d'Athéna : .

 

Trois types de situation pour favoriser la pratique de l'oral en classe:

* Les situations-projets s'insèrent dans le cadre de la réalisation par un groupe d'élèves d'un projet collectif (exposition...), visant un public extérieur (parents, amis...).

* Les situations-réseaux consistent en zones de négociations internes à l'école, et adaptées aux élèves (les conseils de classe, les séances de définition de contrat de travail, la création d'une radio scolaire...).

*  Les jeux de rôles constituent des situations simulant une situation sociale dans laquelle les élèves jouent des rôles d'acteurs sociaux.

Il convient de faire découvrir aux élèves les règles de fonctionnement de divers discours, en les confrontant à des documents oraux (enregistrement de tables rondes à la TV, d'interviews radiophoniques...) qu'on les invitera à décomposer, à analyser à l'aide de critères d'analyse appropriés.

D'après Marie-Claude ROSAT, Le français aujourd'hui, n° 101 (mars 1993), Réfléchir pour la classe sur la diversité des oraux, p. 71.

 

1. Ce que prescrivent les programmes Source : Programme 3e degré  (FESEC Belgique) * V. aussi Ens. cté fse - Belgique

    Parler-Ecouter (fiche 3)

"Dans une situation-problème significative, produire un exposé structuré de type argumentatif ou informatif en maîtrisant le temps imparti et les divers supports utilisés ainsi qu'en soignant la relation avec l'interlocuteur individuel ou collectif"    

    Parler-Ecouter-Ecrire (fiche4)

"Dans une situation-problème significative, prendre sa place dans une discussion de groupe (réunion, débat) en adaptant son projet de parole et d'écoute aux enjeux de la réunion ou du débat ainsi qu'au rôle qu'on y tient, et rédiger un compte rendu.

 

Parmi les 'objets' à écouter et à produire:

Le commentaire d'une cassette audio-visuelle. L'exposé de recherche documentaire. La revue de presse. La conférence. Le discours politique, académique.

      

Parmi les apprentissages :

Conscience et maîtrise de son profil personnel (corps, voix).
Ajustement aux interlocuteurs, de la voix (débit, pause, volume), de l'attitude corporelle (gestuelle, territoire), du regard.

 

2. Paroles d'experts :

retour sommaire * début Au chapitre de l'oral * début interview Zayan

* Livres :

En surligné, la cote à la Bibliothèque Espace 27 Septembre (Bruxelles)

Joseph Messinger, Les gestes qui trahissent les politiques, Flammarion 2012, 286 p, ill., F 61842 B

* Jacques Cosnier & Catherine Kerbrat-Orecchioni, Décrire la conversation, 1991, éd. Un. de Lyon, 392 p, F 45913 B

* Catherine Kerbrat-Orecchioni, Le discours en interaction, 2005, éd. A. Colin,  365 p., F 39662 B/76

Guy Barrier, La Communication non verbale : Aspects pragmatiques et gestuels des interactions : Connaissance du problème et applications pratiques, 2011, 192 p.,, ESF  FP 3096 B.bis/80 [éd. 1996]

[Cet ouvrage examine de quelle manière certaines modalités corporelles (voix, regard, gestes, postures) peuvent renforcer, réguler, compléter ou contredire le langage.]

Constantin Salavastru, Le pouvoir du discours et le discours du pouvoir, L'Harmattan, févr. 2005, 217 p., 19€ 

Ruth Amossy, L'argumentation dans le discours, Colin, coll. Cursus, 2e éd., 2006, 276 p. F 40869 B/19
Claude Sérillon, Les mots de l'actu, Marabout, 2010, 350 p., 15 €

** Commentaire de vidéos :

Dans Marianne (Europe 1), 14.09.2012: Analyse de reparties de Jean-François Copé ("Le petit Copé illustré en quatre leçons"), par Delphine Legouté

Dans Le.post.fr du 02.01.2013 L'argumentation dans les voeux de François Hollande, par Julien Longhi, Maître de conférences en sciences du langage à l’Université de Cergy-Pontoise

 

*** René Zayan :

        interviews

René Zayan, L'Avenir, 3 mai 2012 : Entretien avec Olivier Deheneffe sur le débat Hollande-Sarkozy, 4 mai 2012, pour l'élection présidentielle
«François Hollande a magistralement dominé Nicolas Sarkozy. Le désavantage de Nicolas Sarkozy, c’est qu’on le connaît et qu’on le connaît trop. On sait qu’il ment mal, qu’il est mauvais comédien.» (...) Lire la suite

René Zayan, La Libre Belgique, 23.04.2002 : "Chirac jovial vs Jospin stressé"

«Lionel Jospin aurait-il été victime de son physique, lui que les Guignols ont surnommé Tristounet 1er ? (...) Lire la suite

René Zayan, La Libre Belgique, 24.04.2002 (Election présidentielle : Chirac refuse le débat avec Le Pen). Propos recueillis par Laurent Raphaël. «Son refus peut-être assimilé à une dérobade» (...) Lire la suite

        vidéos

René Zayan, Sarkozy a-t-il changé depuis 2007 ?  16.02.2012

Le débat Sarkozy-Royal pour l'élection présidentielle de 2007

Le comportement de Bart De Wever, 01.12.0.2010

Royal, Bayrou, Sarkozy... et alors ? Présidentielle 2007


retour sommaire *début Au chapitre de l'oral

3. L'interview de René Zayan, parue dans la revue Athéna (mai 2012)

Charisme : les clés du mystère

Article publié dans Athéna, Le mag' scientifique, [ http://www.athena.wallonie.be ] mai 2012, p. 27-29

Nous le reproduisons ci-dessous avec l'aimable autorisation de Géraldine Tran, rédactrice en chef de la revue Athéna.

 

Depuis Gustave Le Bon *, qui a beaucoup écrit sur la psychologie des foules, on parle de ce mystère du meneur d’hommes qui serait instinctivement reconnu par la foule grâce à son prestige, son autorité naturelle. Le Bon insistait déjà sur le fait que, dans ce phénomène, les postures, la gestuelle, les vociférations importaient plus que le contenu du discours.

Grâce aux études de René Zayan (UCL) et de quelques autres, le charisme devient moins opaque et nous renvoie à des réalités qui interpellent la démocratie.

* Gustave Le Bon (1841-1931) est un anthropologue, psychologue social, sociologue et médecin français.

 

 

Propos recueillis par Philippe Lambert 

Gustave Le Bon mettait en exergue l’irrationalité des foules, la contagion émotionnelle qui s’y produit et considérait que les programmes politiques ne servent pratiquement à rien, car trop abstraits pour le peuple. À ses yeux, le charisme était essentiellement affaire d’autorité naturelle, de puissance physique, d’affirmations simplistes. En fait, le charisme a toujours été considéré comme une réalité ressentie de manière consensuelle, mais sans qu’on ait jamais pu préciser jusqu’ici en quoi il consistait exactement. «À l’instar du coup de foudre amoureux, de la rupture amoureuse et de la séduction, il appartient à l’un des grands tabous de la recherche scientifique en psychologie, explique le professeur René Zayan, spécialiste en psychologie politique à l’Université catholique de Louvain (UCL). Charles de Gaulle disait d’ailleurs que le charisme est aussi mystérieux et inexplicable que l’amour, mais qu’il lui est lié.»

On a souvent pensé que, lorsqu’ils voulaient convaincre le peuple, les grands animateurs religieux, tels les popes, n’étaient pas passifs, raisonnables et conceptuels, mais, au contraire, extrêmement dynamiques et chaleureux. On disait d’eux qu’ils avaient un don divin, une aura, une espèce d’attrait magnétique. Notre définition du charisme est très longtemps restée limitée à ce type de considérations et aux quelques pistes balisées par Gustave Le Bon. En effet, les recherches spécifiques que la psychologie sociale expérimentale a consacrées à cette problématique sont quasi inexistantes, alors que les travaux sur l’attirance, la dominance, l’attribution de compétences intellectuelles, etc. sont légion. Ils analysent surtout les canaux de communication: l’image faciale l’emporte-t-elle sur l’image corporelle ? la tonalité de la voix est-elle plus importante que ce qui est dit ?...

Ces dernières années, quelques rares chercheurs se sont cependant efforcés de percer les secrets du charisme. René Zayan est l’un d’eux, sans doute le plus productif dans le monde francophone. Il nous éclaire sur ce qui fut et reste partiellement un mystère.

 

 

 

INTERVIEW

 

Sans définir pour autant le charisme, certaines études ont montré les qualités communément attribuées aux personnes charismatiques.

De quelle nature sont-elles ?

Dans les recherches expérimentales fondées sur des questionnaires, il apparaît que femmes, hommes, enfants confèrent un certain nombre de qualités «hallucinantes», réelles ou non, aux individus jugés charismatiques. Ceux-ci attirent l’attention - tout le monde les regarde - et les premières impressions qu’ils donnent de 5 à 15 secondes sont positives et durables. Ainsi, ils sont perçus plus attirants qu’ils ne le sont physiquement et plus grands par la taille qu’ils ne le sont en réalité. Si vous êtes petit, ce n’est pas la peine de mettre des talonnettes, mieux vaut être charismatique... Que Nicolas Sarkozy continue à être perçu comme petit tendrait à montrer qu’il n’est pas charismatique.

Autre élément: les personnes charismatiques sont perçues comme plus jeunes que leur âge, du fait qu’elles restent dynamiques. On les considère aussi comme de «belles personnes», au sens large du terme. En 1935-36, on parlait de Degrelle comme du «beau Léon»... Mais ce n’est pas tout. On les juge sociables, amusantes, joyeuses, assurées, confiantes, intéressantes, complexes intellectuellement, sincères, honnêtes, fiables, convaincantes, persuasives, conscientes d’elles-mêmes et des autres, physiologiquement saines, psychologiquement normales... C’est saisissant !

Parmi les qualités attribuées aux personnes charismatiques, il en est une qui revêt une importance fondamentale: la compétence sociale. Chez ceux qui la possèdent, les émotions sont parfaitement identifiées à travers les mimiques et la gestuelle; de surcroît, ils se voient reconnaître la faculté de bien comprendre les émotions d’autrui et de bien manifester qu’ils les ont comprises.

Neutres, non expressives, énigmatiques, les personnes anticharismatiques, elles, sont perçues comme un peu perverses, paranoïaques, trompeuses, menteuses. Les enfants considèrent d’ailleurs qu’un adulte qui n’est pas expressif n’est pas normal et ils en ont peur. Pour eux, un homme adulte doit largement sourire, leur parler directement et faire rire leur mère. Alors, il est normal.

Les individus charismatiques sont rares, je présume ?

Extrêmement rares, à l’instar des personnes objectivement belles. Sacha Guitry disait plaisamment que si un seul homme sur 1 000 est un meneur d’hommes, c’est parce que les 999 autres sont des suiveurs de femmes. En politique, les vrais leaders, ceux qui restent dans l’Histoire, représentent à peine 1%de l’ensemble des présidents de partis et des députés. Par exemple, qui parle encore de Raymond Barre ?

Les ingrédients

 

retour sommaire *début Au chapitre de l'oral * début interview Zayan

Vous avez mené des études personnelles, notamment à partir d’extraits vidéo, dans le but de définir objectivement les composantes majeures du charisme. Quelles sont-elles ?

 Tout d’abord, la personne charismatique est dotée d’un dynamisme corporel et d’attitudes posturales expressives - ouverture des bras, buste relevé, démarche rapide, directe et orientée mais non agitée, index pointé vers l’avant ou vers le haut... Autorité ! Le Pen en meeting, Sarkozy en 2007, Hollande lors de son discours du Bourget. Autre facteur: l’expressivité faciale, dont j’ai recensé 48 composantes. Parmi celles-ci figurent notamment les expressions universellement positives traduisant l’amusement, la joie, le plaisir, etc., mais également, autres exemples, l’absence d’anxiété - donc un regard direct empreint d’intérêt et d’écoute - ou la compassion devant des problèmes sociaux très graves. L’expressivité vocale est aussi une composante du charisme. Il faut changer de débit et faire des pauses. La tonalité vocale ne peut être constante, elle doit passer par l’aigu et le grave afin de signaler des émotions différentes. L’aigu va de pair avec la joie, la surprise, l’étonnement; le grave, avec la dominance - particulièrement chez les hommes - et la préoccupation empathique, surtout chez les femmes. Ayant été en proie au bredouillement, François Bayrou ne peut prendre le risque de parler vite ou de changer de débit. Aussi est-il trop neutre sur le plan vocal, ce qui est anticharismatique. En revanche, une illustration parfaite d’expressivité vocale est le Jacques Chirac de 1994-95, avec une concordance des sourcils, du visage et de la voix dans trois émotions très importantes: l’assurance, l’empathie, la jovialité.

Essentielle également: la concordance entre tous les messages, verbaux et non verbaux. Vous ne pouvez pas avoir un visage assuré et une voix anxieuse ou affirmer que vous allez régler le problème du déficit public tout en affichant une voix peu déterminée et un regard évasif.

On estime d’autre part que le débit optimal du discours doit se situer entre 130 et 190 mots par minute. Chez les Français, cependant, il est en général d’au moins 250 mots par minute, le Français voulant dominer par la parole. Cas typique: Dominique de Villepin. Les Belges, eux, n’ont pas confiance dans la vitesse d’élocution en tant que telle.

Et le discours lui-même ?

Le texte dit ou écrit peut être charismatique s’il est compréhensible par le plus grand nombre et renferme des éléments factuels, comme l’évolution des chiffres du chômage. Il sera anticharismatique s’il est trop conceptuel, s’adresse à une élite, etc. Une chose est certaine: un discours charismatique doit avant tout être émotionnel et reproduire les émotions du charisme comportemental (voir infra).

Quelqu’un qui rit

«Angela Merkel est tout à fait rassurante et empathique, mais son charisme est «maternel», son assurance n’évoque pas la dominance marquée. Quand Nicolas Sarkozy la recevait à l’Élysée, elle allait vers lui, lui prenait le bras, lui mettait la main sur l’épaule. Et puis, au moment de la prise de parole, elle lui adressait un signe gentil l’invitant à s’exprimer le premier. Sarkozy a toujours prétendu mener la barque. Il y a plus d’un an et demi que je dis que le leader, c’est elle», déclare René Zayan.

 

Cela étant, nous allons y revenir, le contenu du discours intervient de façon très anecdotique en tant que déterminant des intentions de vote, contrairement au timbre de la voix?....

Je viens de démontrer, par la présentation de vidéos de leaders inconnus (étrangers) à des observateurs, que si l’on rend la voix d’un politicien plus grave de 10%, il obtiendra 40% de plus d’intentions de vote. À l’inverse, si on la rend plus aiguë de 10%, il perdra 25% d’intentions de vote. Quant aux politiciennes, elles ont des voix aiguës, mais qui peuvent être chaudes, vibrantes et donc bien acceptées. Toutefois, quand une femme ambitionne d’exercer les plus hautes responsabilités, elle doit s’efforcer d’abaisser la tonalité de sa voix. Ce que fit Margaret Thatcher en suivant les enseignements du grand Laurence Olivier.

        Pour être charismatique, ne faut-il pas s’adapter au contexte de la communication ?

Absolument. Lors d’un meeting, par exemple, il n’est pas très utile de rappeler le bien-fondé d’un programme politique et de critiquer celui des autres partis. Pourquoi ? Parce que lors de telles manifestations, ne sont présents que des sympathisants et des militants. Il faut rire, faire rire, rassurer, amener de la chaleur émotionnelle par contagion, comprendre les problèmes de ceux qui sont là. En arrivant, il faut lever les bras, saluer les gens. À la télévision, face à un journaliste, il convient au contraire de justifier ses choix politiques.

Par ailleurs, lors d’un bain de foule, il ne faut surtout pas négliger tout ce qui est tactile. Jacques Chirac tapotait la joue des gens, leur posait la main sur l’épaule, donnait des accolades, embrassait les femmes.

Merkel mène la danse

retour sommaire *début Au chapitre de l'oral * début interview Zayan

        Dans vos travaux, vous vous êtes intéressé aux catégories de comportements associées au charisme  Vous en avez déterminé cinq...

En premier lieu, deux catégories fondamentalement masculines: l’assurance et la dominance. Les observateurs attribuent à la première la confiance en soi et à la seconde, l’autorité. Dans les deux cas, les émotions suscitées dans le public sont la confiance, le respect, l’admiration. Et sur le plan politique à proprement parler, l’assurance et la dominance éveillent la notion de crédibilité, de compétence.

Autre catégorie, purement féminine cette fois, mais que les femmes politiques manifestent malheureusement très rarement: l’empathie. Les émotions éprouvées par le public sont alors la confiance, à nouveau, la réceptivité et la bienveillance. Sur le plan politique, l’empathie constitue un moteur essentiel du désir de vote, de la notion de représentativité électorale - «Il est sincère, il me comprend, je veux qu’il me représente.» Rien d’étonnant à ce que les leaders populistes aient toujours été empathiques.

Les deux dernières catégories sont également typiquement féminines, mais majoritairement exprimées par les grands hommes politiques. Il s’agit de la sociabilité, dont les composantes sont la séduction et la réceptivité, et de la jovialité, qui se base sur le rire et, mieux encore, l’autodérision. Reagan dira: «Et vous posez une question économique tellement importante à un type comme moi ?» Il n’avait rien à redouter, car un journaliste osera attaquer un homme politique, mais jamais se moquer de lui.

Chez les observateurs, la sociabilité est associée à l’attirance et la jovialité, à l’optimisme. Les émotions du public, elles, sont la sympathie et la joie. Sur le plan politique, l’élément correspondant est la popularité, voire l’amour. Les partisans de Degrelle ont aimé Degrelle, les partisans et même des opposants de Reagan ont aimé Reagan... Enfin, et c’est fondamental, ces cinq catégories de comportements produisent la capacité de rassurance, essentielle en période de crise.

            Quels sont les liens entre charisme et leadership ?

Un authentique leader, c’est-à-dire quelqu’un qui a la capacité d’être suivi, est nécessairement charismatique, ce qui implique qu’il réponde à tous les critères du charisme. Si vous avez la crédibilité par l’assurance et la dominance mais que vous n’êtes pas populaire, vous faites peur. Autoritarisme ! Si vous avez la popularité, la jovialité, mais pas la crédibilité, vous êtes un «bouffon». Si vous avez la crédibilité et la popularité sans la compréhension générale du peuple, vous n’aurez pas la représentativité.

Les femmes occupent une place de plus en plus importante en politique. Auparavant, elles avaient tendance à se masculiniser pour paraître compétentes. Est-ce toujours le cas ?

De moins en moins. Prenons l’exemple d’Angela Merkel. Elle est tout à fait rassurante et empathique, mais son charisme est «maternel». Elle est empreinte d’une version féminine de l’autorité, son assurance n’évoque pas la dominance marquée.

Quand Nicolas Sarkozy la recevait à l’Élysée, homme dominant face à une femme intruse, elle allait vers lui, lui prenait le bras, lui mettait la main sur l’épaule. Et puis, au moment de la prise de parole, elle lui adressait un signe gentil l’invitant à s’exprimer le premier. C’était génial. Sarkozy a toujours prétendu mener la barque. Il y a plus d’un an et demi que je dis que le leader, c’est elle.

La vue, c’est la vie

Différentes recherches, dont les vôtres, montrent que le charisme et le leadership sont nettement moins affaire d’idées véhiculées par un discours que de mimiques faciales, de gestuelle, de postures et de vociférations, notamment ?

Dans une de mes expériences, j’ai présenté à des étudiants français ne parlant pas l’anglais des extraits d’émissions télévisées de Ronald Reagan afin de déterminer si, à l’instar des étudiants américains, ils reconnaissaient correctement ses émotions faciales. Non seulement ce fut le cas, mais ils étaient même plus performants que leurs homologues américains. Pourquoi ? Parce ceux-ci comprennent l’anglais. Au cours d’une deuxième expérience, je leur ai soumis des extraits d’émissions de Reagan, de Chirac, de Fabius et de Le Pen datant toutes de la même époque (1986). Ils reconnaissaient mieux Reagan que chacun des trois autres. Pourquoi ? Parce que les étudiants français comprennent le français ! Quand on est capable de saisir le contenu du discours, la perte d’informations relatives à certaines mimiques, telle la joie, est de 30 à 48%. Quand on compare l’image associée à la voix sans compréhension du discours ou avec compréhension du discours, on observe que l’apport du contenu de celui-ci dans la perception de l’homme ou de la femme politique par l’observateur est insignifiant - 3% chez les Américains pour un discours de Ronald Reagan, dont les textes étaient pourtant excellents; 0% chez la plupart des politiciens.

Nous avons mené d’autres expériences assez spectaculaires avec des extraits vidéo. Elles nous permettent de conclure que dans l’évaluation, par le public, des critères propres au leadership politique (attirance, sociabilité, autorité...) chez un politicien donné, les messages visuels de la face et du corps sont 9,7 fois plus importants que les messages oraux. De surcroît, nous avons démontré que 80 à 90% des rires sont causés par des gestes et des mimiques, non par l’humour. Quant à la détection du mensonge, elle dépend de la parole pour un maximum de 13%.

Cela étant, même à 80 mètres, la focalisation prioritaire du regard est le visage de nos congénères. Il est établi que le charisme et le leadership d’une personne inconnue privilégient, dans une proportion de 76 à 94%, les signaux non verbaux du visage par rapport à ceux du corps (gestes et postures).

Il existe diverses autres études dont les résultats soulignent la primauté du visuel sur le verbal. Ainsi, des Suisses devaient prédire, en se basant sur des photos du visage, quels candidats français qui leur étaient inconnus l’emporteraient aux législatives. Chez les adultes, 73% des prédictions se révélèrent exactes et chez des enfants de 5 à 13 ans, 72%. Édifiant !

retour sommaire *début Au chapitre de l'oral  * début interview Zayan

 

 

Les brèves de LMDP 152 * Mars 2013

l'écrit sms : une thèse de doctorat * les jeunes et la créativité lexicale * le nouveau Blampain-Hanse et autres outils de consultation

 

1. L'écrit sms : une thèse de doctorat

 

Le français fout l'camp ?

Une thèse de doctorat sur l'écrit sms a été présentée le 25 septembre 2012 par Louise-Amélie Cougnon à l'Institut Langage et Communication de l'Université catholique de Louvain-la-Neuve.

* Relevons quelques passages de la conclusion (p. 271-277) :

L'écrit sms [...] ne coïncide pas avec un nouveau langage (un « langage sms »), ni avec une nouvelle langue, mais avec une nouvelle pratique écrite, une nouvelle transcription de la langue. [...] La pratique de l’eSMS s’inscrit dans un ensemble plus vaste, que nous avons nommé la communication écrite médiée par ordinateur. /271/

Quant à la supposée destruction du langage ou de la syntaxe dans les sms, nos résultats montrent qu’il n’en est rien. /276/

[...] les différences de contexte d’utilisation de l’écrit sms, les variations lexicales, morphologiques et syntaxiques qui ont lieu dans les sms par rapport à d’autres types d’écrit proposent donc une manière complètement différente de considérer l’écrit. Cette pratique, parallèlement à la pratique de l’écrit traditionnel (en milieu professionnel, scolaire, etc.), nous fait penser qu’il existe donc plutôt une double compétence inhérente aux usagers du sms, une digraphie. /277/

* Orthographe : Un prochain complément d'enquête, à la suite de cette thèse

Dans l'interview qu'elle accorde le 4 décembre 2012 au journal L'Avenir, sous le titre Le SMS fait grandir la langue française, L.-A. Cougnon tient à rassurer : Le sms "n'est pas le désastre annoncé pour notre langue". Elle émet l’hypothèse que les problèmes orthographiques des jeunes ne viennent pas des SMS, mais de l’enseignement du français. Et elle va approfondir cette hypothèse en travaillant dans un premier temps avec une mémorante sur un corpus de 100 élèves du secondaire inférieur; elle espère arriver, à terme, à un corpus de 5000 élèves, si elle trouve un financement pour sa recherche. Lire cette interview

Le projet d'approfondir cette hypothèse intéresse beaucoup les enseignants de français, du primaire comme du secondaire : ils en attendent surtout des propositions concrètes pour leur pratique sur le terrain.

Sms et rectifications orthographiques (déc. 1999) : voir Louise-Amélie Cougnon, Orthographe et langue dans les SMS, Conclusions à partir de quatre corpus francophones, Ela - Etudes de linguistique appliquée, 2010/4 - n°160, pages 397 à 410.

début brèves * sommaire et édito

 

2. Les jeunes et la créativité lexicale

Les jeunes aiment bien les nouveaux mots, ils y voient un signe de la vitalité de la langue. Le sondage OpinionWay réalisé en octobre 2012 donne le top 10 des mots nouveaux préférés par les 18 - 24 ans :

attachiant - ordinosaure - désoiffer - aimeuse - humanicide - se faire électroniquer - bonjoir - phonard - photophoner - chaudard

        Source : Lucile Jacquet, Le Figaro-Etudiant, 28.12.2012. Lire :

Chaque année, le festival XYZ du mot et du son nouveau décerne le Prix du mot de l'année créé en 2002 par Eric Donfu, sociologue spécialiste des transformations dans la société contemporaine. En 2011 : attachiant ; en 2010 : phonard.. Ce festival défend une conception vivante de la langue qui, comme l'écrivait Victor Hugo, meurt si elle n'invente pas de mots nouveaux.

Et les mots d'autrefois, maintenant disparus ?

Aux éditions Larousse, vient de paraître le Dictionnaire insolite des mots oubliés d'Alain Duchesne et Thierry Leguay, 17,90 €,. 288 p. Dans Le Point du 8 février 2013, Émilie Lanez présente cet ouvrage insolite:

Tiens, le ciel s'abeausit (se mettre au beau), cet après-midi il sera parfaitement concolore (de couleur uniforme). Pourvu qu'il ne s'emboucane pas (se couvrir) avant la nuit...

Les auteurs de ce délicieux Dictionnaire insolite des mots oubliés ont eu un geste simple : relire deux monuments lexicographiques, les Littré et Nouveau Larousse publiés en 1897 et 1904 afin d'en exhumer une charmante collection de mots désuets. 1.250 mots oubliés, dont certains avec raison, car à quoi pourrait aujourd'hui servir un bigotelle, cet appareil maintenant pendant la nuit la moustache relevée ?

3. 12 octobre 2012 : Le nouveau Blampain-Hanse est arrivé

et autres outils de consultation à recommander

 

Daniel Blampain et Joseph Hanse,  Dictionnaire des difficultés du français, De Boeck-Duculot, 736 pp., env. 45 €. 2012 [Application iPad : 4,99 €]

Le Dictionnaire des difficultés grammaticales et lexicologiques de Joseph Hanse, professeur à l'UCL, publié en 1949, sera ensuite remanié pour devenir en 1983 la première édition du Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne. Après le décès de l'auteur en 1992, Daniel Blampain fera paraître les rééditions, chaque fois mises à jour : celle-ci est déjà la sixième, ce qui prouve la qualité de l'ouvrage, à la fois rigoureux, détaillé, et de consultation aisée : ordre alphabétique et nombreux liens entre les rubriques; celles-ci touchent autant au lexique qu'à la grammaire.

Notice brève (RTBF)

Un cadeau à offrir ! Pour 5€, l'application iPad du Blampain-Hanse: plus complète, plus maniable que la version papier. 

Autre outil - made in Belgium, également ! - pour la consultation linguistique, le célébrissime Bon usage, de Maurice Grevisse.

La première édition sort en 1936. Nous voilà aujourd'hui à la 15e édition (parue en 2011), 89€, consultable en version électronique (36€ par an).

« M. Grevisse répond à toutes les questions flottantes ; y répond si pertinemment que je n'aurais qu'à le copier pour satisfaire aux inquiétudes et aux doutes de mes plus scrupuleux correspondants. Je les invite à s'adresser directement à ce remarquable ouvrage. », André Gide, Figaro littéraire, 8 février 1947

En consultation gratuite: l'Encyclopédie contributive Larousse.fr

Pour 2 € par mois : consultez le Petit Robert 2013 !

début brèves * sommaire et édito

 

Pour la formation générale des enseignants de français

Pour dépasser les limites des savoirs disciplinaires... des émission de culture générale à la radio ou à la télévision 

....et aussi pour la formation des élèves :

Il convient de faire découvrir aux élèves les règles de fonctionnement de divers discours, en les confrontant à des documents oraux (enregistrement de tables rondes à la TV, d'interviews radiophoniques...) qu'on les invitera à décomposer, à analyser à l'aide de critères d'analyse appropriés.

D'après Marie-Claude ROSAT, Réfléchir pour la classe sur la diversité des oraux, in Le français aujourd'hui, n° 101 (mars 1993), p. 71.

[Sur l'analyse d'un débat voir]

France Inter, "Cause commune, tu m'intéresses"

Émission présentée par Abdennour Bidar (dimanche, 16h - 17h). Réécoute : Voir le site

 

Un rendez-vous hebdomadaire engagé, présenté par Abdennour Bidar, sur la question du vivre ensemble, du lien social entre individus, identités, communautés, classes, générations...

Une émission de débat autour de tout ce qui aujourd'hui en France atomise la société ou la divise contre elle-même, et sur tout ce qui à l'inverse nous permettrait de cultiver le sentiment d'une appartenance commune et de "refaire société".

                   

Le profil d'Abdennour Bidar : entre le Coran et Teilhard de Chardin !

Né à Clermont-Ferrand en 1971. Sa mère, médecin, convertie à l'Islam. Son grand-père, communiste athée.  A fréquenté, adolescent, la confrérie soufie qadiriya. Normalien. Professeur agrégé de philosophie en C. P. G. E. (classes préparatoires au grandes écoles). Membre du comité de rédaction de la revue Esprit (Revue mensuelle indépendante fondée en 1932 par Emmanuel Mounier).

Voir, dans La Vie, 13.12.2012, l'interview de Jean-Claude Noyé, intitulée "Entre Coran et Teilhard, Abdennour Bidar trace sa voie"  [inscription gratuite requise sur ]

Auteur de :

* Un islam pour notre temps, coll. Couleur des Idées, 106 p., 2004 F 40121 B/45

[Plaidoyer pour le choix libre et responsable de la démarche spirituelle.]

* L'Islam sans soumission: pour un existentialisme musulman, coll. Espaces libres, 272 p., Albin Michel, 2008 F 49513 B/4   (rééd. 2012)

* Comment sortir de la religion, 240 p., éd. La Découverte, 2012.

[Comment dépasser l’affrontement entre «foi religieuse et foi athée»] * Recension sur Le Monde des religions

Il publiera en 2013 un livre sur les nouvelles voies de spiritualité au XXIe siècle

 

En surligné : la cote à la Bibliothèque Espace 27 Septembre (Bruxelles)

Voir aussi http://fr.wikipedia.org/wiki/Abdennour_Bidar

Quelques émissions récentes :         

2012 : 

Quand la perte du triple A inspire le Journal d'un Besson de campagne :

un lipogramme en A

 

1. d'un lipogramme à l'autre * 2. le lipogramme en A de Patrick Besson * 3. proposition pour la classe: restaurer les A * 4. choses vues en classe : ados auteurs de lipogrammes

 

 

LIPOGRAMME :

du grec leipein, enlever, et gramma, lettre : Texte dans lequel on s'astreint à ne pas faire figurer une ou plusieurs lettres de l'alphabet.

Petit Robert 2013.

 

 

De Georges Perec à Patrick Besson : de la disparition du E à la disparition du A

 

1.     De Georges Perec...

Dans la revue LIRE, février 1992 :

Extrait de L'abécédaire de Georges Perec : D comme disparition

Le lipogramme est vieux comme le monde. Grecs, Romains, Espagnols du siècle d'Or ou versificateurs anglais s'amusaient à se priver d'une ou de plusieurs lettres. Fasciné par le procédé, Perec a écrit une brève "Histoire du lipogramme" et proposé des "traductions lipogrammatiques" de Rimbaud et de Baudelaire - devenu pour l'occasion Un fils adoptif du Commandant Aupick. Mais il est surtout le recordman du monde de la spécialité: 312 pages sans la lettre "e". Une performance d'autant plus étourdissante que beaucoup de lecteurs de La disparition - et de critiques littéraires! - ne remarquèrent même pas cette absence.

LIRE, février 1992, L'abécédaire de Georges Perec : D comme disparition

 

2.    à Patrick Besson

La dégradation de la note française par l’agence de notation Moody’s en novembre 2012 a décidé Patrick Besson de prendre la plume de Georges Perec pour réécrire La disparition... du A

Ce pastiche a paru dans Le Point du 20 novembre 2012, dans la chronique "le journal d'un Besson de campagne"

début lipogramme en A * sommaire et édito 152

 

La disparition du A, par Georges Perec

Patrick Besson emprunte la plume du célèbre écrivain disparu pour nous raconter la dégradation de la note française

Snif. On ne possède plus notre bonne note. On s'interroge. Qu'est-ce qui se déroule sous nos yeux pleins d'effroi ? Un jour, on est un bon élève du système économique, et le jour qui suit, on n'en est plus un. On bosse dur, le gouvernement comme le peuple. On s'est démenés sur Internet. On file doux pour notre BCE. On stoppe les rentes, on ne donne plus de fric. Les ouvriers font ceinture. Les femmes d'ouvriers nourrissent peu leur progéniture. Notre fonction publique est réduite. Elle est nommée, le long des couloirs des ministères, portion congrue. Les pensions des vieux sont diminuées. On emploie moins de profs. Peu importe pour ceux qui nous notent : ils s'en fichent et contrefichent. Ils n'ont guère hésité : ils ont supprimé cette lettre qui n'existe plus. On ne peut même plus l'écrire. Ils nous feront un procès si nous écrivons cette lettre. Cette lettre que nous révérions, surtout les boursiers. Dès ce jour, elle nous est interdite. Je pleure : d'où mon "snif" du début.

C'est pour moi un mystère : pourquoi on ne voit, en nul endroit, les têtes des gens qui nous mettent ces notes, qu'elles soient bonnes ou médiocres. C'est tout juste si on trouve leurs noms sur Internet. Ils peuvent, d'un coup de fil, modifier les perspectives de progrès de nos sociétés ? Le monde entier reprend leur décision. Ils ont un poids terrible sur l'existence de millions de gens. En gros, ce sont eux qui décident si nous irons sur les pistes de ski en hiver ou si nous resterons chez nous effondrés, soit pour suivre un feuilleton télé, soit pour lire une histoire policière. Ces gens, si essentiels, si décisifs, sont comme des ombres. Ils n'ont nullement une forme connue. Peut-être qu'ils ne sont plus réellement sur notre terre. D'un monde différent du nôtre, ils envoient des signes mystérieux qui influeront lourdement sur notre vie.
 

Bien sûr, les obsédés du complot souligneront que ces gens qui se permettent de nous foutre en rogne et en ruine viennent tous de New York, centre d'une contrée qui se veut reine du monde. Dépourvus d'identité, invisibles, ils sont toutefois des citoyens d'un empire qui entend prolonger son règne sur le monde. Sont-ils tentés, comme le croient ces obsédés du complot, de pourrir l'économie du monde pour leur profit ? Il est simple de répondre que ces structures ne font que remettre les conclusions froides d'études sérieuses. Toutefois, il est urgent que les peuples voient qui les insulte et qui les punit. Un seul exemple de chef qu'on ne peut voir : l'empereur nippon. Souvenez-vous : il fut permis d'observer Hitler, le Russe dont je ne peux écrire le nom puisqu'il contient cette lettre interdite et dont le prénom est Joseph, Kim Jong-il, Louis XIV, Mussolini, Nixon, Pol Pot, etc. Pourquoi ne peut-on étudier ces hommes et ces demoiselles tout notre soûl sur des photos ou lors d'émissions de télé ? Ils ne sont ni rois ni empereurs: qu'on nous montre leur figure ! Et vite ! Et qu'on nous rende notre bien : c'est trop dur de s'en priver, surtout nous, les gens de lettres.

 

 

3. Un défi pour la classe :  restaurer les A !

début lipogramme en A * sommaire et édito 152

 

Nous allons réécrire le billet de Besson en "injectant" autant de A que possible, tout en respectant le sens de l'original.

Objectifs : Travailler sur la synonymie, l'équivalence de sens; exploiter notre bagage lexical disponible

Snif. On ne possède plus notre bonne note. On s'interroge. Qu'est-ce qui se déroule sous nos yeux pleins d'effroi ? Un jour, on est un bon élève du système économique, et le jour qui suit, on n'en est plus un. On bosse dur, le gouvernement comme le peuple. On s'est démenés sur Internet. On file doux pour notre BCE. On stoppe les rentes, on ne donne plus de fric. Les ouvriers font ceinture. Les femmes d'ouvriers nourrissent peu leur progéniture. Notre fonction publique est réduite. Elle est nommée, le long des couloirs des ministères, portion congrue. Les pensions des vieux sont diminuées. On emploie moins de profs. Peu importe pour ceux qui nous notent : ils s'en fichent et contrefichent. Ils n'ont guère hésité : ils ont supprimé cette lettre qui n'existe plus. On ne peut même plus l'écrire. Ils nous feront un procès si nous écrivons cette lettre. Cette lettre que nous révérions, surtout les boursiers. Dès ce jour, elle nous est interdite. Je pleure : d'où mon "snif" du début.

Hélas!. On a perdu notre bonne note. On s'interroge. Qu'est-ce qui se passe sous nos yeux effarés ? Aujourd'hui, on est un bon élève du système financier, et le jour suivant, on n'en est plus un. On travaille dur, à Matignon autant que dans la rue. On s'est agités sur Internet. On se tient calmes pour notre BCE. On arrête les rentes, on ne donne plus d'argent.

 

Nous continuons en classe la réécriture

C'est pour moi un mystère : pourquoi on ne voit, en nul endroit, les têtes des gens qui nous mettent ces notes, qu'elles soient bonnes ou médiocres. C'est tout juste si on trouve leurs noms sur Internet. Ils peuvent, d'un coup de fil, modifier les perspectives de progrès de nos sociétés ? Le monde entier reprend leur décision. Ils ont un poids terrible sur l'existence de millions de gens. En gros, ce sont eux qui décident si nous irons sur les pistes de ski en hiver ou si nous resterons chez nous effondrés, soit pour suivre un feuilleton télé, soit pour lire une histoire policière. Ces gens, si essentiels, si décisifs, sont comme des ombres. Ils n'ont nullement une forme connue. Peut-être qu'ils ne sont plus réellement sur notre terre. D'un monde différent du nôtre, ils envoient des signes mystérieux qui influeront lourdement sur notre vie.

Voilà pour moi une chose étrange : pourquoi on n'aperçoit, nulle part, les têtes des gens qui nous flanquent ces notes, qu'elles soient bonnes ou médiocres. C'est à peine si on remarque leurs noms sur la toile.

 

En classe, chacun séparément poursuit la réécriture; puis on compare les résultats.

 

 

 

Bien sûr, les obsédés du complot souligneront que ces gens qui se permettent de nous foutre en rogne et en ruine viennent tous de New York, centre d'une contrée qui se veut reine du monde. Dépourvus d'identité, invisibles, ils sont toutefois des citoyens d'un empire qui entend prolonger son règne sur le monde. Sont-ils tentés, comme le croient ces obsédés du complot, de pourrir l'économie du monde pour leur profit ? Il est simple de répondre que ces structures ne font que remettre les conclusions froides d'études sérieuses. Toutefois, il est urgent que les peuples voient qui les insulte et qui les punit. Un seul exemple de chef qu'on ne peut voir : l'empereur nippon. Souvenez-vous : il fut permis d'observer Hitler, le Russe dont je ne peux écrire le nom puisqu'il contient cette lettre interdite et dont le prénom est Joseph, Kim Jong-il, Louis XIV, Mussolini, Nixon, Pol Pot, etc. Pourquoi ne peut-on étudier ces hommes et ces demoiselles tout notre soûl sur des photos ou lors d'émissions de télé ? Ils ne sont ni rois ni empereurs: qu'on nous montre leur figure ! Et vite! Et qu'on nous rende notre bien : c'est trop dur de s'en priver, surtout nous, les gens de lettres.

 

 

 

 

Idem - ou à domicile - puis on compare les résultats.

 

début lipogramme en A * sommaire et édito 152

4. Choses vues en classe : ados auteurs de lipogrammes !

«Ce qui a l'air d'un jeu est un apprentissage de la norme.»

 

Marie Constant (au 1er degré) et Robert Migeaux (au 2e degré) ont proposé à leur élèves de rédiger des lipogrammes en E. Lire leur récit et leurs réflexions pédagogiques dans LMDP. Nous reproduisons ci-dessous quelques travaux d'élèves.

 

Robert Migeaux fait lire cet extrait de La Disparition, où les élèves découvrent la contrainte d'écriture : la... disparition de la lettre E. Puis il demande de de pasticher Perec à partir de l'amorce soulignée. A gauche, le texte de Perec. A droite, celui d'un élève.

 

Anton Voyl n'arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s'assit dans son lit, s'appuyant sur son polochon. Il prit un roman, il l'ouvrit, il lut; mais il n'y saisissait qu'un imbroglio confus, il butait à tout instant sur un mot dont il ignorait la signification.

Il abandonna son roman sur son lit. Il alla à son lavabo; il mouilla un gant qu'il passa sur son front, sur son cou.

Son pouls battait trop fort. Il avait chaud. Il ouvrit son vasistas, scruta la nuit. Il faisait doux. Un bruit indistinct montait du faubourg. Un carillon, plus lourd qu'un glas, plus sourd qu'un tocsin, plus profond qu'un bourdon, non loin, sonna trois coups. Du canal Saint-Martin, un clapotis plaintif signalait un chaland qui passait.

Sur l'abattant du vasistas, un animal au thorax indigo, à l'aiguillon safran, ni un cafard, ni un charançon, mais plutôt un artison, s'avançait, traînant un brin d'alfa. Il s'approcha, voulant l'aplatir d'un coup vif, mais l'animal prit son vol, disparaissant dans la nuit avant qu'il ait pu l'assaillir.

Anton Voyl n'arrivait pas à dormir. Il alluma. Son Jaz marquait minuit vingt. Il poussa un profond soupir, s'assit dans son lit, s'appuyant sur son polochon.

Puis il ouvrit son frigo, y prit coca, yogourt, rogatons du midi. Il s'assit sur son rocking-chair, savourant son cocktail original.

Dans la nuit, il faisait doux. Par un vasistas, un courant d'air sillonna son dos transpirant. Un chat miaulait, un carillon sonnait au loin.

Soudain, un bruit, un bruit d'auto. Il bondit hors du rocking-chair, s'approcha du vasistas, scruta au bas du H.L.M. Dans la nuit, il crut voir son fils disparu voilà plus d'un mois, mais l'apparition disparut dans du brouillard noyant l'horizon.

Abattu, il s'affala, puis trouva consolation dans l'alcool où la vision du fils maudit hanta sa nuit.

 

Marie Constant, elle aussi, fait découvrir des passages de La Disparition, puis propose de respecter la contrainte du E absent, dans un court récit cohérent..

 

Nous nous baladions au bois quand soudain un chat bondit d'un buisson puis cogna l'auto. Mon parrain immobilisa son tacot pour voir si l'animal vivait toujours.

Tonton hissa l'ami gris survivant dans l'auto, l'installa sur moi puis nous conduisit à la maison. Il s'occupa alors du chat qu'il soigna, nourrit, apprivoisa. Anna aussi lui prodigua soin, amour... Il fut ainsi, pour tous, un bon ami. Son poil gris grandit, prit un ton brillant, on aurait dit un angora. Il fut aussi amusant qu'on souhaitait: il chassa rats, souris, oisillons. Puis un jour, il mit bas huit charmants chatons.

Olivier SPRUMONT

Dans un bois, il y a un lapin qui construit son habitation, un chat qui fait la cour à un rat, un hibou qui fait "Hou, hou, hou", un crapaud qui fuit un gros poisson, un triton qui n'aura jamais aucun fils, un coucou gris qui pond dans un nid voisin, un bruant zizi qui nourrit son cousin, un pinson, un dianthus barbatus tout blanc, un dahlia noir, un mimulus du Japon, un paon du jour puis un fourmilion assis sur un souci.

 

Il y a tout ça dans un joli, grand, puissant bois!

Fabien RION

 

Un lion poursuivant un impala, un gnou paissant, un vautour attaquant un talapouin, un jaco hurlant, un cobra royal rampant, un galago dormant sous un baobab, un lycaon chassant un okapi, un hibou grand-duc hululant dans la nuit, un combassou courant, un dik-dik sautant d'un tronc d'acacia mort, un babouin consommant trois oisillons ainsi qu'un scorpion vivant, un orang-outang tanguant sur un uniroyal, un springbok piquant un sprint, un caïman sur un lac, un toucan  grimpant sur un acacia.

Tout animal africain vit à sa façon.

Guillaume DUBAR

 

Un matin du mois d'août, Arthur, un Français, conduisait son camion pour fournir un stock d'abricots dans un grand magasin d'Arlon. Sur son camion, un slogan: "Ni fruits au sirop, ni fruits confits mais produits frais!" Arthur avait pris son volant à plus ou moins minuit: son parcours lui paraissait long, mais il passait toujours un air distrayant à la radio.

A midi, il stoppa sur un parking, y dîna... Dans son sac, il avait du pain gris, du jambon, trois cornichons, un chocolat fondant ainsi qu'un yaourt. La provision d'abricots qu'il apportait au patron du magasin arlonais avait un avant-goût du parfum du sud.

Céline GOFFINET

«Ce qui a l'air d'un jeu est un apprentissage de la norme.»

début lipogramme en A * sommaire et édito 152

 

Ecrivez-nous : Que vous inspire ce changement de cap de LMDP ? Merci pour vos avis, suggestions, offres de collaboration !

 

 

langue maternelle * documents pédagogiques

Activités de langue française dans l’enseignement secondaire * Revue trimestrielle

 http://docpedagfrancais.be *  Écrivez-nous

Échange, recherche, formation

 

 

ACCUEIL
Ouvrir les versions
numérisées : 117 et suiv.

ABÉCÉDAIRE

Index de tous les fichiers LMDP

COIN LECTURE

bibliographie, programmes, sites...

LIBRAIRIE

livres recensés depuis janvier 2001

ARCHIVES:

  86 articles parus dans LMDP

JULIBEL, le français aujourd'hui

Base de données initiée à la rédaction de LMDP

Julibel - recherche * Julibel - mode d'emploi

SOMMAIRE 

numéros parus depuis 1990

 

 

Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source