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SOMMAIRE 

numéros parus depuis 1990

 

 

Publiés en version "papier" de septembre 1993 à mars 2004, les numéros 074 à 116 de la revue pédagogique LMDP seront progressivement mis en ligne.

Une cinquantaine d'articles parus dans cette série sont déjà sur notre site Internet : voir la page sommaire (titres en couleur rouge) ou la page archives. * Suivre cette mise en ligne

 

Numéro 114 - Septembre 2003

 

Sommaire

 

1. Lire, plus que du plaisir ? - A l'horizon, le Maroc - 1er degré

2. De A à Z, pour un traitement de l'information - Abécédaire pour un voyage en Toscane - 2e degré

3. L'écriture d'invention dans le TFE, travail de fin d'études secondaires - 3e degré

4. Prise sur le vif: la mémoire des tontons et des papys - 1er degré

5. La shoah : le devoir de connaissance - 2e degré

6. Le lipogramme : Documents bruts - Suivis d'une réflexion sur "le lecteur producteur"

 

En guise d'édito

élargir le champ des possibles

L'une des solutions [face au problème des jeunes marginalisés] est de leur dire: Désolé, les jeunes! Mais vous êtes comme ça; il va falloir faire avec. L'autre est de dire: "Eh bien, écoutez! On fait partie de cette société, et une société ne peut se changer que de l'intérieur. Donc, travaillons nous-mêmes." Et j'entendais parler tout à l'heure d'autodiscrimination, et c'est actuellement là, le problème pour moi.

Quand Bourdieu parle de reproduction culturelle, moi j'y vois plutôt une autoreproduction : la plupart des jeunes sont eux-mêmes convaincus qu'ils ne peuvent pas réussir, alors que, on le voit très bien, dans le même milieu, des jeunes réussissent, d'autres pas! Pourquoi? Parce qu'il y en a certains qui se prennent en main, qui se prennent en charge. (...)

C'est cette société qui leur bassine à longueur de journées qu'ils ne peuvent pas réussir; et un de notre travail [sic] à nous, au sein de cette association des Jeunes entrepreneurs du Montois, par exemple, c'est de travailler sur ce qu'on appelle, nous, 'le champ de vision économique', d'aller leur dire : Vous n'êtes pas obligés de devenir juste un employé, un cadre, travailler à l'usine... Vous pouvez vous prendre en main et créer des choses. Donc, élargir leur champ économique, qui rentre dans un objectif beaucoup plus large, qui est d'élargir le champ des possibles.

Abdellah Aboulharjan, Emission Contre-Expertise, France Culture, 7 août 2003.

 

Lire, plus que du plaisir ? - A l'horizon, le Maroc

Premier degré * Article déjà en ligne

 

De A à Z, pour un traitement de l'information

Abécédaire pour un voyage en Toscane

2e degré

Récit : Patricia Andris et Stéphanie Van Bracom

 La démarche consiste à créer un objet : un document en forme d’abécédaire qui servira de carnet de bord au fil des étapes et des haltes d’un prochain voyage de deux classes de 3e en Toscane (Florence, Pise, Sienne, Lucques...).

 C’est une activité qui permet d’exercer et de développer plusieurs compétences et savoir-faire spécifiques du cours de français, mais aussi du cours d’histoire :

 *   déterminer des domaines de recherche, historiques, littéraires, artistiques, géographiques... ;

*   sélectionner des sources d’information fiables : bibliothèques, agences et guides de voyage, sites Internet, personnes-ressources ;

*   traiter les informations, ce qui amène à un travail de réécriture très exigeant de condensation (aller à l’essentiel et le reformuler), d’exactitude (respect des données), d’unité dans la mise en page, d’attrait dans la présentation, de facilité de ‘circulation’ dans le document....

 Bref, les élèves découvrent dans cette expérience les exigences particulières du texte informatif !

 Cet abécédaire sera donc réalisé en plusieurs étapes :

 * Choix des thèmes selon quatre axes : historique de la Toscane, géographique, artistique (littérature, peinture, sculpture, architecture), folklore et traditions.

*   Répartition des thèmes dans les différents groupes : un ou deux sujets par groupe, dans le cadre des cours de français et d’histoire.

*   Traitement de données à partir des différents supports apportés en classe (livres, guides touristiques, dictionnaires) et recherche de documents sur Internet (celle-ci suppose une initiation à l’emploi des mots-clés).

*   Ecriture-illustration d’une fiche de présentation par sujet : une page par sujet, texte et images compris.

*   Mise en commun et  organisation de l’abécédaire : de A à Z, une rubrique par lettre ; cela demande un certain flair pour choisir vingt-six initiales de façon pertinente.

*   Le jour du départ en Toscane, distribution de l’abécédaire.

            Durée de la séquence : environ quatre périodes, non compris le travail à domicile (recherche, écriture).

 Liste des thèmes traités

Littérature : Dante, Boccace, Voyage en Italie (Jean Giono, Stendhal, A. Dumas, Stefan Zweig, Antonio Tabucchi, Vincent Engel...), Machiavel, Pétrarque, Pic de la Mirandole, Savonarole, Michel-Ange, Laurent de Médicis, Marsile Filin

Peinture : Giotto, Fra Angelico, Botticelli, Léonard de Vinci, Michel-Ange, Raphaël, Simone Martini

Sculpture et architecture : Brunelleschi, Ghiberti, Donatello, Pierro Pierotti (Pise), Jean de Bologne

 

B

Brunelleschi Filippo,

sculpteur et architecte italien

Florence, 1377 – Id., 1446

Architecte, ingénieur, orfèvre, sculpteur, Brunelleschi puise sa vigueur créatrice aux sources antiques pour rationaliser l’espace de la cité moderne et invente la perspective, opposant ainsi au gothique tardif un nouveau système de représentation du monde. Tenu pour un novateur par ses propres contemporains, Brunelleschi laisse une œuvre architecturale – réalisée pour l’essentiel à Florence, pendant la première moitié du Quattrocento, puis complétée par des élèves comme Michelozzo et Alberti – qui fait de lui un brillant initiateur de la Renaissance.

De l’orfèvre à l’architecte

Filippo di Ser Brunelleschi, dit Brunelleschi, naît en 1377 à Florence, où son père est notaire. Il apprend à lire, à écrire et à compter, puis il est placé dans un atelier d’orfèvrerie. Admis apprenti orfèvre à l’Arte della seta (‘guilde de la soie’) en 1398, il s’intéresse un temps à l’horlogerie. En 1400, il exécute des statuettes de prophètes, d’évangélistes et de saint Augustin pour l’autel de San Jacopo à Pistoia. En 1402, avec un relief sur le sacrifice d’Isaac, il remporte, ex aequo avec Lorenzo Ghiberti, le concours pour la seconde porte de bronze du baptistère de Florence.

Mais, ne désirant pas collaborer avec Ghiberti, Brunelleschi ne donnera pas suite à son projet. Bien que reconnu maître orfèvre en 1404, il s’intéressera plus à la sculpture, avant de se tourner résolument vers l’architecture.

En 1418, un avis de concours est lancé pour doter la cathédrale de Florence d’une coupole ; Brunelleschi présente un modèle, qui ne convainc pas d’emblée le jury ; il en prouve la justesse en construisant à San Jacopo Sopr’Arno une chapelle couverte par une coupole bâtie sans cintre, et il finit par obtenir la direction du chantier de Santa Maria del Fiore, à nouveau avec Ghiberti, qu’il parviendra à évincer vers 1426.

(...)

[Deux illustrations : Portrait de l’artiste, au début de la fiche ; coupole de Santa Maria del Fiore, à la fin de la fiche.]

M

Machiavel

1469-1527

 

 

Auteur du Prince, Niccolo Machiavelli, florentin et démocrate, dut faire face à la coalition du Pape, des Espagnols et des Vénitiens ligués pour restaurer le pouvoir ducal des Médicis, contre la fragile République de Florence. En faire le suppôt des tyrans et des prévaricateurs de la politique, ainsi que le voient ses critiques moraux, c’est feindre de ne pas comprendre un texte dense et réfléchi, résultat d’une expérience vécue et de lectures approfondies, dont le legs qu’il nous fit nous amène à repenser la politique d’une façon plus lucide et, en même temps, à choisir non seulement la liberté, mais aussi les efforts nécessaires pour la garder. Un grand lecteur et un grand politicien : Machiavel se dit né pour lire les Anciens.

(...)

La place de l’opinion dans Le Prince :

Machiavel conseille de ne se reposer en rien sur l’opinion (changeante, superficielle, de gens en général lâches et ingrats) ; il conseille donc de compter essentiellement sur la force et sur la ruse. Cependant, par ruse, pourquoi ne pas, en plus, manipuler l’opinion et se faire aimer de la foule, sans oublier qu’il est plus sûr d’être craint que d’être aimé ? C’est tout l’art du bien paraître, avoir une bonne réputation, etc.

(...) 

Le Prince en résumé :

L’auteur montre régulièrement le Prince devant une alternative : il y a toujours une bonne et une mauvaise solution. Le malheur veut que la bonne solution sur le plan moral soit souvent la mauvaise sur le plan politique et inversement. Il s’agit là d’une nécessité, à cause de la faiblesse et de la lâcheté du peuple.

(...)

Ce passage de Machiavel jette un jour singulier sur le comportement qui sera celui de Catherine de Médicis pendant plusieurs années : Tu peux sembler doux, fidèle, humain, religieux, loyal, et l’être même ; mais il faut retenir ton âme en tel accord avec ton esprit qu’au besoin tu saches changer en sens contraire.

(...).

 L’abécédaire, un genre à succès !

En moins de trois mois (du 6 avril au 4 juillet 2003), la librairie électronique PROXIS annonce cinq abécédaires (Olivier Chaduteau, Abécédaire du marketing management ; Catherine Allegre-Papaducci, L’abécédaire au point de croix ; Nathalie Belineau, Mon premier abécédaire ; Alain Soral, Abécédaire de la bêtise humaine ; Philippe Cardinal, L’abécédaire de l’Islam). Ajoutons-y le très intéressant Abécédaire raisonné des Shadoks, de Jean-Paul Dupuy (éd. Nicolas Philippe, juin  2003), qui remémore la célébrissime émission d’Antenne 2 dans les années 70, imaginée par Jacques Rouxel, animée par Jean-Claude Piéplu. Et comme l’année 2002 du bicentenaire de Hugo est encore vive dans nos mémoires, signalons aussi l’érudit et agréable Abécédaire Hugo, de Patrick Besnier (Flammarion, février 2002).

sommaire & édito 114

L’écriture d’invention dans un Travail de Fin d’Études

Rédaction de LMDP et collectif d’enseignants

 

Nous rappellerons d’abord comment le TFE – ou TLP, travail de longue préparation, est présenté aux élèves, parfois aussi à leurs parents, dans les écoles qui l’organisent.

Ensuite nous épinglerons le cas d’une élève dont le TLP, présenté en 2002, comprend un polar humoristique de près d’une quarantaine de pages sur un total de soixante.

Au passage, nous développerons une réflexion sur la démarche interdisciplinaire souvent pratiquée dans ce genre de travail.

*

Avant le ‘comment ?’, le ‘pourquoi ?’.  

Pourquoi organiser le TFE ? A lire les documents présentant les enjeux du TFE, on remarque que les points de vue peuvent diverger, parfois sensiblement, d’une école à l’autre. L’accent est mis tantôt sur l’aspect athlétique, ascétique, du parcours à entreprendre, et qui prépare ainsi aux études supérieures ; tantôt sur l’occasion fournie à un jeune de montrer l’intérêt qu’il porte à tel ou tel sujet, et ainsi de se valoriser ; ou encore sur la preuve à donner que les compétences visées dans telle ou telle discipline sont effectivement atteintes ; également sur l’utilité de s’ouvrir à d’autres personnes : témoins ou experts à questionner, membres du jury à affronter...

Le plus souvent, le TFE est demandé à des élèves de l’enseignement général ; parfois aussi de l’enseignement technique de transition ; beaucoup moins souvent à des élèves de 6e ou de 7e professionnelle ; ceux-ci y voient alors – faut-il s’en étonner ? – l’occasion de répondre au pronostic favorable de leurs professeurs.

L’élève choisit son sujet dès le début de la sixième ou même de la cinquième année ; des échéances précises et impératives lui sont fixées pour les différentes étapes ; il est informé des consignes portant sur la méthode,  la mise en page, les sources consultées. L’appréciation porte d’une part sur la valeur de l’écriture, spécialement sur la façon de construire – rechercher, condenser, reformuler, nuancer... – un texte à visée informative, d’autre part sur la défense orale devant un jury d’enseignants et d’experts étrangers (maîtrise de soi, expression naturelle – éviter l’écrit oralisé..., prise en compte des questions ou des remarques du jury).

Le sujet choisi peut ne concerner qu’une discipline (latin, ou histoire, ou français... ou même éducation physique)  et est alors accompagné par un professeur promoteur. Dans certaines écoles, le domaine étudié dans le TFE doit concerner deux disciplines ou davantage (français et histoire ; biologie, informatique et mathématique...) avec guidage par les enseignants des branches respectives. En fait, même dans le premier cas, l’élève en arrive très souvent, dans l’intérêt même de sa démonstration, à dépasser les frontières de telle ou telle branche, à passer du local au global !

Il est certain, en effet, qu’un champ d’étude et de réflexion relève le plus souvent de plusieurs disciplines, et il est bon que l’élève en prenne conscience à travers l’initiative d’une recherche personnelle plus ou moins approfondie ; mais le problème peut se situer, parfois, dans la posture de certains enseignants, tentés de se replier sur leur propre espace disciplinaire... Par ailleurs - et on peut le regretter - nos nouveaux programmes sont décidément très discrets en matière d’interdisciplinarité ! 

*

Nous lisons dans la fiche 2 du nouveau programme de français du 3e degré (Fesec, 2000, p. 21) : Dans le cadre d’un travail de fin d’études, à caractère disciplinaire ou interdisciplinaire, les élèves construisent un dossier-outil sur une question scientifique, éthique, politique ou littéraire.

Il s’agit là d’élaborer un texte relativement long, essentiellement informatif et argumentatif : écriture dite de conformité, ou de reproduction...

Une autre forme d’écriture – l’écriture d’invention (ou de production) pourrait également être entreprise dans un TFE, et qui se situerait plutôt dans la perspective de la fiche 6 de ce même programme : « ... élargir le champ des pratiques culturelles ». 

Dans ce cas, cependant, il ne suffirait pas de se limiter à produire telle ou telle forme d’expression : polémique, fictionnelle, poétique... Le jeune auteur devrait encadrer son « œuvre » :

*  la faire précéder d’une sorte d’exposé des motifs : quelle expérience vécue de lecture(s) personnelle(s), de rencontre avec un écrivain, de réflexion faite en classe sur un auteur, d’enchantement devant une œuvre d’art... l’ont amené à devenir, à sa façon, un écrivain en herbe.

*  la faire suivre d’une démarche métacognitive où le candidat inventorie les moyens de son écriture (figures, traitement de la chronologie, jeu intertextuel, travail sur le signifiant, point de vue, arguments...) mais observe également ce qui a fait difficulté, ce qui serait à retravailler, ce qui n’est pas fidèle à un ‘modèle’ imaginé au départ ; en évitant aussi bien l’autodérision que l’autoglorification.

 

Nous illustrerons ce propos en évoquant le TFE présenté en 2002 par Virgine Flamant, de l’ISJ de St-Hubert (professeur promoteur : Anne-Françoise Hansen). Un TFE - dans cette école, on dit TLP, ce qu’elle traduit plaisamment par travail long et pénible - intitulé Le poulpe en rhétorique. Quant à la fiction qu’elle crée, elle est intitulée L’avenir appartient à ceux qui se rhéto.

*

Le Poulpe, très brièvement : production en chaîne de polars amorcée en 1995 par Jean-Bernard Pouy, relayée par plusieurs de ses amis, l’encre du Poulpe (révisez vos savoirs en zoologie...) se ‘déversant’ d’une œuvre à l’autre. Quelques règles de ce jeu: titre paronyme (Didier Daeninckx, Nazis dans le métro ; Noël Simsolo, Un travelo nommé désir), héros libertaire contre l’Etat, le racisme, l’affairisme, l’intégrisme...  Les éditions Baleine diffusent la collection. Très vite, le succès : BD, cinéma, puis sur le web !

 

Un beau jour, Nathalie offre un Poulpe à sa sœur Virginie... Mais cédons la parole à notre jeune auteure :

Le sujet d’un TLP m’est parvenu dans un emballage cadeau : un livre. Mais pas n’importe lequel : ses lettres à l’encre noire avaient été écrites par des tentacules… C’était le Poulpe. Une collection originale qui ne peut laisser indifférent: un auteur crée un personnage et le prête à d’autres qui, à leur tour, lui donnent toute sa dimension. Une démarche ingénieuse que je voulais faire découvrir, tel le cadeau que j’avais reçu.

Mais un sujet passionnant n’implique pas un travail intéressant : description et compilation peuvent ennuyer le lecteur le plus motivé. Après les premiers mois d’un Travail Long et Pénible est née l’idée : pourquoi moi, jeune étudiante, n’aurais-je pas le droit de prendre la plume à l’instar des multiples pères de ce héros des temps modernes et de faire vivre cet animal dans une nouvelle aventure?

Idée trop ludique pour être acceptée peut-être… Alors pourquoi ne pas faire intervenir mes recherches théoriques sur la collection dans l'enquête elle-même ? Rendre le personnage amnésique lui permettrait de se découvrir lui-même au fil des pages… L’encre était jetée. Retour à la case départ mais avec une nouvelle arme : l’originalité de la création qui insuffle une nouvelle motivation.

Ainsi germe l’idée d’un pastiche du Poulpe : en tout, dix-sept chapitres, occupant quarante des soixante pages du TFE. Le restant, sous le titre Le Poulpe en théorique, est consacré d’une part à la présentation (historique, règles du jeu...) de la célèbre collection, d’autre part – et cela surtout nous paraît enrichissant -  à un examen de sa propre écriture : auteur lecteur de son œuvre, creusant la nécessaire distance critique.

 

Un cordial merci à nos collègues Baudouin Degrote (Belle-Vue Dinant), Maurice Flament (INDSC Beauraing), Anne-Françoise Hansen (SJ St-Hubert), Thierry Hulhoven (Cedess Bruxelles), Maryse Hupez (SF Mons), Cécile Jancart (ND Bertrix), Emmanuel Loreaux (NDBL Virton), Luc Muselle (SJB Liège), Christian Robinet (SC Barvaux), ainsi qu’à Virginie Flamant, de Moircy (SJ St-Hubert), auteure du TFE présenté en juin 2002.

 

 

L’écriture d’invention dans le cadre du baccalauréat français

 

Le candidat choisit entre trois formes : dissertation, commentaire, écriture d’invention. Celle-ci a pour finalités de permettre l’expression, l’autonomie et la créativité du sujet, et d’entrer dans le jeu des textes par la pratique de l’écriture (« tester l'aptitude du candidat à lire et comprendre un texte, à en saisir les enjeux, à percevoir les caractères singuliers de son écriture », précise le BO du 28.06.2001).

Quelques précisions importantes : d’une part, le texte a une étendue assez limitée (pas plus d’une ou deux pages A4...), vu la durée limitée de l’épreuve publique ; d’autre part, un corpus (souvent de trois textes) sur un certain thème est imposé comme point d’ancrage de l’écriture d’invention; enfin, le produit écrit doit avoir surtout une intention argumentative (ce que déplorent plusieurs de nos collègues français, qui souhaitent des possibilités d’écriture littéraire plus variées).

L’écriture d’invention a ses détracteurs... Mais beaucoup d’enseignants reconnaissent qu’elle a enrichi les activités d’écriture proposées en classe. L’aboutissement à une écriture sous consignes fortes fait des élèves des lecteurs plus attentifs... Mieux lire pour apprendre à mieux écrire !

 sommaire & édito 114

Prise sur le vif, la mémoire des papys et des tontons...

 Classe de 1re, CS St-Eloi, Leuze - Récit de Claude Delannoy

 Jeudi. 15 heures 15. La sonnerie dans 10 minutes…

 1916. Eugène, mon grand-père, a 19 ans. Il est soldat dans les tranchées. En face, ce sont les Allemands. Quelle vie dans ces trous, ces galeries !  C’est terrible. Parfois il pleure, tellement il a peur. Il y a ces bombardements qui durent des jours et des nuits et on le sait bien, quand ils s’arrêteront, les Schleus attaqueront ! Et il faudra tirer, tirer sur tout ce qui bouge pour que les assaillants n’arrivent pas jusqu’aux tranchées françaises. Ah, que la vie était belle à la ferme de Rumegies ! Voilà un an qu’il est ici à vivre comme un rat… A quand la première permission ?   

Il y a un grand silence dans la classe, vingt paires d’yeux ne  lâchent plus le professeur d’une semelle. Il  tient ses élèves au bout de ses mots, de ses gestes, de ses mimiques. Il baisse la voix et Pierre tend l’oreille  pour ne rien perdre, brusquement il hausse le ton, un mot claque et Julie sursaute, elle a eu un peu peur. Elle rougit de confusion et de plaisir…

Le lieutenant est passé… « Huard, prenez trois hommes ! A la nuit tombée, vous irez récupérer un de nos hommes qui est resté pas loin des lignes ennemies ; il est blessé à la jambe… » Je ne vous avais pas dit : Eugène était brancardier. On est en octobre et le brouillard recouvre souvent la région. Eugène pense que ce ne sera pas trop dangereux…

*

Ainsi s’est installée au fil des années cette habitude de lancer le lasso vers les territoires du souvenir. Ils aiment, et moi j’adore. C’est sans doute cette complicité qui fait les ménages heureux...

Puis un jour je leur ai demandé de me remplacer… D’être à leur tour des raconteurs d’histoires.

Et ça marche du tonnerre ! Ne m’interrogez pas sur la page du programme à laquelle cette activité se rapporte : cette lecture-là m’ennuie ! Ne me demandez pas trop comment je m’y prends : je travaille à l’instinct.  Quand même, en fixant au départ ce qu’ils devront produire, dans quelles conditions et dans quelles limites de temps. Et puis on se jette à l’eau et on rame…

*

En gros, voilà comment cela se passe. Fin décembre, il reste souvent un jour ou deux entre les derniers bilans et les vacances ; c’est là qu’on lance le projet. Je dispose d’un enregistrement de ma première expérience (+/-  10 ans). L’audition permet très facilement de dégager les grandes lignes du projet. Il faudra raconter une histoire qui est arrivée à quelqu’un de la famille. Un événement ancien, à la limite le plus ancien possible. Peut-être quelque chose d’oublié à force d’être resté si longtemps enfoui au fond de la mémoire familiale.  Cette histoire, elle sera triste, amusante, rigolote, dramatique, sentimentale, peu importe ; mais le héros sera obligatoirement un membre de la famille.

L’audition de la cassette leur fait découvrir qu’il y a de bonnes et de... moins bonnes histoires. Quelques horreurs aussi !  Qu’est-ce qui fait qu’une histoire est plus intéressante qu’une autre ? C’est une question sans vraie réponse… Grosso modo, cela tient à son originalité, à son unicité (c’est quelque chose dont on n’a jamais entendu parler). Le problème, c’est que l’auditeur est seul juge en la matière.

Mais on découvre aussi que des histoires pas trop originales recueillent un beau succès d’estime parce que « c’est bien raconté ! » Et c’est quoi, bien raconter une histoire ? Quels sont les critères qui vont nous permettre de construire et de juger nos présentations ? En vrac, ils vous diront ce qui ne va pas… « il ne parle pas assez fort… on dirait qu’il lit son texte… il a des trous de mémoire… il butte sur des mots… il a une drôle de voix, on dirait qu’il tremble… » Il faudra donc faire autrement !

Deuxième  étape : à la recherche de la perle rare !

Profiter des réunions de familles à l’occasion de Noël-Nouvel An pour secouer un tonton, un grand-père et faire tomber de l’arbre quelques bonnes histoires. A la rentrée de janvier, on met sur la table les résultats de la collecte ; chacun raconte en deux mots ce qu’il a appris. Cet échange permet de vérifier qu’on n’est pas hors sujet. Mais surtout cela oblige le narrateur à répondre aux multiples questions des condisciples qui veulent plus de précisions. Et de se rendre compte qu’on s’est en fait contenté  d’écouter grand-père beaucoup trop passivement. Vive l’écoute active, celle qui vous amène à participer au récit (ou au cours). Et voilà qu’il faut retourner chez grand-père ou lui téléphoner ou... Certains problèmes se posent alors ; par exemple, les parents sont séparés et on ne se voit plus que de temps en temps !

Dois-je souligner ici ce qui est un des éléments majeurs du projet ? Je crois beaucoup aux échanges entre élèves, à cette complicité qui permet de donner et de recevoir. Aider quelqu’un n’est plus considéré comme une tricherie, bien au contraire. Dans leur cahier de français, les élèves n’ont-ils pas écrit à leur manière « Apprendre ensemble à devenir plus intelligents » ?

Et puis on rédige. Phase la plus compliquée car les élèves utilisent tout naturellement le langage écrit alors qu’ils vont raconter… Ah, si quelqu’un d’entre vous avait la recette miracle ! Il faut faire lire à voix haute, débusquer le passé simple qui s’accroche comme une sangsue au détour d’une phrase, multiplier  les organisateurs de texte qui vont rythmer le récit et permettre une mémorisation plus facile, etc… Passer  du travail en classe entière aux activités de groupe. Faire en sorte que les élèves changent régulièrement de partenaires pour diversifier les points de vue…

Et bien sûr, la correction par le professeur. C’est long, très long… Surtout qu’on ne fait plus que cela depuis des jours.

Petite pause d’une semaine quand les histoires sont prêtes. Ouf !

Commence alors la mémorisation. J’exige une connaissance impeccable du texte, très vite, pour pouvoir entreprendre la performance de ‘l’acteur’. Celui qui raconte ne joue-t-il pas la comédie ? Le ton, les silences, les yeux, les mains, les déplacements… Bien sûr, ils ne peuvent pas tout maîtriser, évidemment ; alors j’essaie que chacun fasse au moins une chose utile à sa présentation et qui lui paraît « difficile ».

Cent fois sur le métier… car bien peu d’élèves savent encore mémoriser impeccablement. Ils affirment connaître et se plantent après deux phrases. Mais il y a aussi (heureusement) ceux qui sont très vite au point ; merci aux instituteurs(trices) !

Nous allons présenter ces histoires aux 5-6èmes primaires de notre Centre. On divise la classe en trois équipes (on veille à bien répartir les thèmes abordés). Pendant  les exposés, les condisciples restés dans le fond de la classe écoutent, regardent, pointent ce qui les a frappés… Il faut donc passer dans trois classes. En fin de matinée, évaluation des prestations. Car ceci n’était que la répétition générale…

Cette année, nous sommes allés dans trois écoles primaires de la région, celles d’où venaient la plupart des élèves de notre classe. Affronter ses anciens condisciples et maîtres, leur montrer ce qu’on faisait en 1R, voilà une autre forme de défi, mais surtout l’occasion de corriger ce qui n’avait pas bien marché la première fois.

Et puis on fait une photo, on boit un verre et on envoie un SMS à ses parents pour leur dire que tout s’est bien passé.

 

Quelques remarques pour terminer….

J’ai rédigé ceci  en langage oral  parce que j’avais envie de vous raconter une belle aventure. Je n’ai qu’une seule prétention : vous donner envie de faire mieux. Encore une dernière idée : si des collègues se jettent à l’eau (ou réalisent déjà des expériences similaires), pourquoi ne pas échanger les productions ou organiser une rencontre?  

 sommaire & édito 114

La shoah : le devoir de connaissance

 

Parcours effectué en classes de 3e, Collège St-Michel, Gosselies

Récit de Maria Arcuri

 

 «Un sage a dit un jour que celui qui voulait ignorer le passé était condamné à le revivre. A une époque où la plus grande infamie de l’histoire de l’humanité est menacée par la banalisation, voire, chez certains, par l’oubli, le rappel à l’ordre est salutaire. (…)

Il serait illusoire d’imaginer qu’un demi-siècle a pu délivrer définitivement les hommes de certains penchants barbares. Que le contexte y soit propice, que les principes fondateurs de notre civilisation s’affaiblissent, et la barbarie ne tardera pas à resurgir. (…)

Puissent, plus spécialement, les enseignants accorder avec leurs élèves un soin tout particulier à la découverte de ce travail remarquable. Il est le garde-fou - c’est le mot - qui, souhaitons-le de toutes nos forces, les préservera à jamais du vertige totalitaire.»

Elio Di Rupo, Ministre de l’éducation, Préface du livre Auschwitz et le troisième Reich, Ministère de l’éducation, édité par la Communauté française de Belgique en collaboration avec la Fondation Auschwitz, 1993.

 Comment transmettre à des adolescents cet héritage du passé sans banaliser, sans choquer et en sensibilisant une génération blasée par « les films de guerre », « les jeux sur les guerres » ? Pour y parvenir, nous avons voulu, professeurs de français, d’histoire, de religion, d’informatique, diversifier les approches : textes, films et montage de dias, voyage sur les lieux... ainsi que les activités de production : débats, prises de note, témoignages écrits.

D’où un parcours varié d’une petite dizaine d’étapes.

 1.  Un roman permet d’introduire le sujet : Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor.

 Cet échange épistolaire entre un juif américain et un galeriste californien d’origine allemande retourné dans son pays et devenu antisémite dévoile la véritable nature du régime nazi.

Il est publié depuis 2003 en édition jeunesse - Le Livre de Poche Jeunesse - et propose en fin d’édition un dossier complet et accessible aux élèves du deuxième degré.

Les sujets traités sont :

-          l’entre-deux-guerres

-          la montée du nazisme et l’ascension de Hitler (la Nuit de Cristal, la Nuit des Longs Couteaux)

-          l’antisémitisme et ses origines

-          le génocide juif

Une première lecture du roman et son analyse approfondie constitueront les premières étapes de la séquence.

Elles seront suivies de la lecture et de l’analyse du dossier informatif.

Inconnu à cette adresse est aussi une pièce en pleine actualité. Certains quotidiens nous relatent le programme des représentations en Wallonie et à Bruxelles soulignant le lien direct avec l’actualité : « La récente poussée d’extrême droite en Europe rappelle que l’homme ne tire pas toujours les leçons de l’histoire. (…) Si l’extrême droite force nos dirigeants à la vigilance, la lutte est le fait de tous, y compris des artistes. Raison pour laquelle reprendre Inconnu à cette adresse de Kressmann Taylor nous est apparu comme une évidence. Et proposer ce texte dans des lieux de proximité s’est imposé comme une nécessité. »

Alain Leempoel, Directeur de l’Adac, Le Soir, mercredi 15/01/2003.

 

2.  Les élèves reçoivent ensuite une série de documents tirés en grande partie du livre Questions sur la Shoah de Gérard Rabinovitch aux éditions Milan, Collection Les essentiels.

Les paroles de la chanson Nuit et Brouillard de Jean Ferrat  clôturent ce bain de textes.

Une étude précise du vocabulaire fera l’objet d’une leçon. Les termes solution finale, génocide, holocauste, Shoah, etc. y sont définis clairement.

L’isolement des Juifs, les chambres à gaz, la diaspora, les justes, l’aveuglement des démocrates, autant de thèmes abordés et explicités par ces textes.

 

3.         Projection du film La vie est belle de Roberto Benigni

Un dossier pédagogique complet existe et permet non seulement de définir la démarche de l’auteur du film mais encore de relever les éléments réels que cette fiction met en avant. Ce film est très riche et de nombreux détails ont leur importance. Par exemple, les devinettes, la méthode Schopenhauer ou encore le char….

La projection du film de Spielberg La Liste de Schindler peut-être également envisagée, sans oublier la longueur de ce document : environ quatre périodes de cours.

4.  Aux éditions Mémor, Claude Raucy, écrivain belge, a fait paraître Le garçon du Wannsee, roman tout à fait abordable pour les élèves de troisième année. Il permet une analyse des points de vue dans le récit tout en continuant à exploiter le même thème.

 

5.         L’abécédaire

Afin de rassembler un maximum de connaissances sur le sujet, nous proposons aux élèves de rédiger un abécédaire de la Shoah.

Consignes : minimum un mot par lettre de l’alphabet et une courte définition ou un synonyme pour chacun d’eux.

 

6.         Projection Powerpoint :

Le professeur de religion, Cédric Brognon, réalise une présentation Powerpoint sur le génocide des Juifs et le fort de Breendonk. Il sera épaulé, pour la réalisation multimédia, par Francesco Giusto, professeur d’informatique et personne ressource du Collège, Francesco Giusto.

Pendant deux périodes de cours consécutives, les élèves de troisième année visionneront ce montage audio-visuel à la salle polyvalente.

Contenu de ce montage :

1 minute     - après l’introduction, brève présentation de Hitler

35 minutes - le génocide des Juifs : images commentées par Cédric Brognon.

40 minutes  - Mr Benoît Michiels, rescapé décédé en 2002, commente les illustrations du camp de Breendonk en cinq parties :

·         Le tunnel, les mannequins, l’interrogatoire, les lavabos en zinc.

Les élèves reçoivent un texte lacunaire qu’ils complètent soit pendant la projection, soit juste après. La correction se fera au cours de religion.

Je profite de l’occasion pour remercier Cédric et Francesco pour ce fabuleux travail qui pourra être réutilisé chaque année lors des commémorations du 8 mai, même sans cette séquence d’apprentissage au complet.

 

7.  Une excursion pédagogique est au programme.

Avant de clôturer cette leçon par une excursion dans le nord du pays, nous recevons en classe la visite d’un élève de rhéto, Jérôme Santarone.

En 1999, MM. Draguet, Manzanera et moi-même avions abordé ce thème pour la première fois. Ainsi, nous avions emmené à Malines et à Breendonk les élèves de troisième année de l’époque dont Jérôme faisait partie.

Il en a nourri une passion pour cette période de l’histoire.

Désirant faire partager cette passion, il a surpris élèves et professeurs en s’improvisant stagiaire : il a rencontré les élèves de troisième, classe par classe pendant ses heures d’études et leur a présenté une sélection de livres lus sur la guerre 40-45, sur son déroulement et sur les dérives du nazisme.

Quelle expérience enrichissante pour les uns et pour les autres !!!

 Lorsqu’il a su que cette année nous avions l’intention de nous rendre à nouveau dans ces lieux mythiques, il a émis le souhait de nous accompagner. La permission lui a été accordée par la direction et ses professeurs, puisqu’il manquerait un jour de cours.

Il a d’ailleurs ramené des photos plus récentes du Fort, que Francesco Giusto a  insérées dans la présentation Powerpoint.

 

Déroulement de la journée du 24 février 2003

 a.   Dans un premier temps, nous visiterons le Musée Juif de la Déportation et de la Résistance à Malines. La Caserne Dossin, lieu de rassemblement des Juifs de Belgique avant la déportation par train vers Auschwitz, a été convertie en musée.

La visite guidée à travers l’histoire de ce peuple ne laissera aucun élève indifférent. Témoignages émouvants, documents poignants, lieux reconstitués, autant d’éléments qui créent une atmosphère de recueillement et de respect.

Renseignements pratiques:            Téléphone: 015/290660

Fax : 015/290876

E-mail infos@cicb.be

Internet http://www.cicb.be

Conseil: ne pas attendre le deuxième trimestre pour réserver.

b.  L’après-midi sera consacré à la découverte du seul camp de concentration nazi sur le territoire belge : Breendonk.

Mr Victor Van Rompaey, Directeur d’honneur, nous guidera à travers ce Fort, visite guidée passionnante et émouvante.

 8.         Expression écrite :

 Au retour de cette excursion pédagogique, les élèves livreront leurs impressions. Quelques expressions écrites illustreront une page du site du collège (http://csmg.be.tf) dont on trouvera, page suivante, un extrait intitulé A la rencontre de l’histoire.

 

9.         Bilan de juin

     Le contrôle de synthèse de juin 2003 aura comme texte de référence le témoignage A Frieda de Félix Gutmacher, édité à l’occasion de la commémoration de la libération des camps nazis en 1994 par l’éditeur Félix Gutmacher, Avenue du Mont-Kemmel, 08. B-1060 Bruxelles.

Né le 31 janvier 1926 à Forest, F. Gutmacher vit à Bruxelles.

Les compétences lire et écrire seront vérifiées à travers l’analyse de ce texte.

 Cette séquence d’apprentissage a concerné six classes de troisième année. Merci à Aurélie Russo et à Marc Manzanera pour ce travail réalisé en bonne collaboration.

 ANNEXE

Extrait d’une page du site collège Saint-Michel de Gosselies

A la rencontre de l'histoire

Les cours de français et de religion ont fait découvrir aux élèves de 3e une page importante de notre passé : la guerre 40-45 et le génocide des Juifs. Afin d'illustrer au mieux ces leçons, ils se sont rendus au musée de la déportation à Malines et ont visité le fort de Breendonk

Voici un lien utile: www.breendonk.be

 

Breendonk est un site mémorial duquel on ressort bouleversé, ce qui nous invite à réagir face aux problèmes actuels de notre monde. Dans chaque salle de ce fort, on y a traité des êtres humains de façon inimaginable, sans pitié. Comment pouvait-on penser qu’un homme pouvait être considéré comme moins qu’un animal ?

Le guide nous a bien expliqué cela, en nous prouvant que ce n’était vraiment pas des «blagues», que c’était un enfer pour les personnes qui y étaient enfermées et que cela existe encore aujourd’hui sous diverses formes.

Les moments où l’on pouvait poser ses propres questions au guide furent les plus instructifs.

J’ai particulièrement apprécié les témoignages écrits ou vidéos de personnes qui se sont fait interner dans divers camps ; c’est fabuleux de toujours se tourner vers l’espoir.

Malgré leur persécution inimaginable, les prisonniers juifs ont gardé confiance en leur Dieu, en la vie, sans jamais avoir l’idée de se venger un jour contre tous les Allemands.

Le fait de vouloir vivre, de continuer à croire en sa religion, de ne jamais perdre confiance peut encore sauver des «vies» dans notre monde où tant de violence existe.

Adrien L.

Comment-a-t-on pu en arriver là ?

C'est la question que je me pose après cette journée qui m'a permis de mieux comprendre cet acte totalement inhumain.

En effet, pour comprendre tous ces évènements, il faut se rapprocher du contexte en écoutant des témoignages…

Sinon, comment pourrait-on croire que l'on ait tué des milliers d'enfants innocents avec toute la vie devant eux juste pour leur religion ? C'est cela qui m'a le plus marquée durant la visite.

Qu'avaient fait tous ces enfants pour subir un tel sort, eux qui n'avaient même pas choisi leur religion, eux qui venaient seulement de commencer à vivre.

Voir sa famille se déchirer, perdre toutes les personnes auxquelles on s'est attaché. Comment les survivants de cette guerre ont-ils pu trouver la force pour continuer à vivre malgré cela?

Malgré toutes les questions que je me pose, le fait dont je suis sûre est que plus jamais de telles injustices ne doivent se produire pour que l'on puisse enfin vivre dans l'amour, le respect et la tolérance.

Arllen S. T.

sommaire & édito 114

Le lipogramme : l’impossible lecteur reproducteur

Luc Muselle, SJB, Liège

 1.      Introduction : but et méthodes

 

De prime abord, le lipogramme peut sembler un exercice assez vain, le genre de gâterie que s’offre le prof de français en mal de littérature. Écrire un texte en se privant volontairement d’une lettre, si cela peut lui faire plaisir… mais n’y aurait-il pas mieux à faire ? Le fait d’y mêler Mallarmé n’est pas de nature à arranger la situation, lipogramme et « aboli bibelot d’inanité sonore », même combat ! Taper lipogramme  dans Google ou autre moteur de recherche, c’est rejoindre la meute des farfelus et autres oulipiens férus de bizarreries… Tout qui a proposé, sans autre forme de procès, l’écriture d’un lipogramme à ses élèves a dû rencontrer ce type de réactions.

 

Une autre approche est celle de l’exercice : comme le musicien fait des gammes ou le gymnaste des pompages, pour améliorer la force ou la technique, l’apprenti écrivant va assouplir et enrichir sa langue en travaillant sous contrainte. Le choix par Mallarmé du carcan de la métrique et, plus sévère encore, de la forme fixe, au moment même où Rimbaud s’en libère souvent, est très cohérent. Citer le sonnet en -yx, qui utilise les finales les plus rares de la langue française, ne peut être qu’emblématique à cet égard et donne une légitimité au projet.

 Une troisième perspective va prévaloir ici, qui aura l’ambition d’englober les deux autres. 

On va faire écrire, mais pas uniquement du lipogramme ; celui-ci n’apparaîtra qu’à la fin de la démarche ;  et surtout on n’utilisera le mot qu’en final, sans le donner au départ comme but à atteindre.

D’autre part, on va garder la notion d’exercice, mais en l’englobant dans une réflexion plus large. La démarche d’écriture va être doublée d’une réflexion sur cette écriture. Plus généralement, on va essayer de travailler sur une série de concepts qui replaceront le lipogramme dans une position moins exclusivement ludique : littérature de laboratoire, non, littérature de recherche, oui, au sens ou l’on écrit pour penser (plutôt que de penser pour écrire) ; et, pour boucler la boucle, nous essayerons aussi de « donner un sens plus pur aux mots de la tribu ».

 Quels seront les concepts en jeu ?

 

L’objectif et l’horizon

La notion de contrainte, de contrainte double et de double contrainte

La notion de production et de reproduction

L’engendrement patériel et matériel

[On doit cette notion (et ce néologisme) à Ricardou.]

 

 

Le traducteur comme métaphore du lecteur :

Traduttore traditore

Felix culpa

Le traducteur est un lecteur

Le traducteur est un écrivain

L’impossible lecteur reproducteur

 Tous ces concepts vont être définis et développés dans la suite de la démarche ; ils en sont à la fois, paradoxalement, le produit et la condition, et il serait donc malvenu de les expliciter au départ. On fera néanmoins une exception, quitte à déflorer un peu le sujet, en éclairant un peu la première opposition entre objectif et horizon.

 Pour rester cohérent avec une lecture active, libre et libératoire, telle qu’on va la développer dans la suite, on va se poser aux antipodes d’une certaine pédagogie par objectifs. Il s’agit de former les élèves, non de les formater. Celui qui propose ne sait pas exactement où il va : « au terme de la démarche l’élève sera capable de… », non ! Comme on l’a dit plus haut, ici, on va écrire pour penser, et non le contraire. Pour reprendre une autre opposition connue, on préfère « l’aventure d’une écriture à l’écriture d’une aventure. ». 

[Cet article théorique est, lui, l’écriture d’une (possible) aventure.

   On pourrait aussi réfléchir aux pratiques de divers écrivains, ceux qui ne savent pas où ils vont « et si je le savais, je n’écrirais plus, cela m’ennuierait » (Simenon), et ceux qui ne commencent à rédiger que quand ils ont « tout dans la tête »… « Je n’ai plus qu’à écrire… »

                Les lieux-dits de Jean Ricardou opposent dans le même texte un roman et un guide de voyage… ]

 

2.      Phase un. L’aventure Yesterday

 

Proposition d’écriture

 « John Lennon Jr a envie de relancer, si tant est qu’il en ait besoin, la carrière des Beatles en France et dans les pays francophones. Il recherche un traducteur pour les chansons du groupe. Il engagera quelqu’un sur base d’un essai, la traduction du début de Yesterday. Vous avez 20 minutes pour y arriver. Vous avez toute liberté. »

 On refuse de donner la moindre explication complémentaire, mettant simplement un dictionnaire bilingue anglais français à la disposition des élèves.

 Yesterday , all my troubles seemed so far away,
Now it looks as though they're here to stay,
Oh I believe in yesterday.

Suddenly, I’m not half the man I used to be,

There's a shadow hanging over me,

Oh yesterday came suddenly.

                        [Texte complet sur http://www.yellow-sub.net/ ]
 

Examen des résultats

 Nous sommes ici un peu en porte-à-faux avec les présupposés, puisqu’on préjuge un peu de ce que vont produire les élèves ; mais il est difficile de faire autrement. D’autre part, on liste simplement les résultats probables ou simplement possibles, quitte à laisser tomber ceux qui n’adviennent pas.

1.  Les derniers mots de la consigne : toute liberté. Faux évidemment ! Et diantrement vicieux.. En effet, le traducteur va être engagé sur la base d’une certaine qualité que John junior reconnaîtra à la traduction. Donc la liberté est tout sauf totale.

2.  Simplement, le but est fixé (bien traduire pour emporter le contrat) mais pas les moyens. On peut s’attendre à trois types de résultats, en partant simplement du premier mot du texte.

         a.   Il y aura ceux qui auront conservé le mot anglais. Yesterday ne se traduit jamais mieux que par… yesterday . Historiquement, c’est l’option qu’a choisie Tino Rossi (si, si, il l’a fait !) en son temps.

         b.  Il y aura ceux qui traduiront au plus près du sens. Hier… Ceux-là, à la limite, oublient une des contraintes implicites du contrat : la chanson doit être chantée. Le texte proposé ne l’a pas été au hasard : il obéit à des contraintes métriques, d’une part, et d’autre part le mot anglais est bien plus long que le français. D’où les difficultés.

c.  Il y a enfin ceux qui choisiront de privilégier la métrique du texte, au détriment éventuel du sens. C’est l’option qu’avait prise Hugues Auffray dans  Je croyais (3 syllabes, comme Yesterday). [ Il a malheureusement été impossible de retrouver le texte. ]

On peut ensuite passer la version de Philippe Geluck, [In Le docteur G répond à vos questions], surtout si la solution b n’a pas été choisie.  Le côté hautement comique de la traduction littérale (Hieeeeer tenu sur l’équivalent de 3 syllabes) doit apparaître immédiatement.

Ou, glanée sur Internet, [  http://www.yellow-sub.net/traduction/yesterday.php3  ]une traduction « littérale », dont voici le début :

Hier,

tous mes problèmes semblaient si loin

maintenant c'est comme s'ils étaient là pour toujours

oh je crois en hier.

 

Première réflexion théorique : la métaphore de la reproduction

1.      On a longtemps cru, ce qui nous paraît aujourd’hui à la fois macho et tordu, que seul le père donnait ses caractères à l’enfant. L’homme donnait la graine, la femme n’était que le terrain fertile qui accueillait la semence. Le microscope, qui a permis de « voir » le spermatozoïde, donnait à penser qu’il s’agissait d’un homoncule…

Si on applique au texte, et plus généralement à l’œuvre d’art, cela signifie que seul le sens, le message a de l’importance ; pour prendre un exemple dans un autre domaine que la littérature, on pensera Victoire de Samothrace avant de penser pierre, métal… C’est la reproduction patérielle.

2.      A l’opposé, on pourrait concevoir une reproduction matérielle : seule la mère donne ses caractéristiques à son petit. Il ne serait pas inintéressant de se demander pourquoi cette  reproduction matérielle (de mater et de matériel) n’a jamais eu d’existence réelle…

3.      On sait aujourd’hui que ce sont les deux parents qui donnent, chacun pour moitié, leurs caractéristiques à leur progéniture. Cela donne à chaque fois un individu totalement original.

Nos efforts de traduction nous donnent bien (éventuellement complétés par le texte de Geluck) ces trois théories… encore que la traduction matérielle n’apparaît pas encore très clairement ! Il est temps de passer à la deuxième phase.

On pourrait réfléchir ici sur le clonage, notamment à partir d’un texte de Jacquard  [Moi et les autres, Points, Seuil, chapitre 1. ] : il oppose la reproduction à l’identique, non sexualisée, pareille à la photocopie, celle qui prévaut chez la cellule ou chez certains organismes élémentaires, à la « reproduction sexuée » ou procréation, qui n’est pas reproduction mais création à chaque fois, avec la part de hasard, d’inattendu, de liberté que cela suppose… Cette métaphore pourrait être aussi un point intéressant pour la démarche.

 

3.      Phase deux. Traduttore traditore

Phase d’écriture

Consigne on ne peut plus simple : traduisez-moi cet aphorisme italien.

Examen des résultats

1.         La traduction paraît évidente. « Le traducteur est un traître ».

2.  La preuve ? En traduisant, vous avez trahi. Le sens ? Non, pas du tout, il est tellement évident ! Alors quoi ? Mais tout simplement le côté matériel de la citation : le jeu de mots a disparu, le jeu avec les sonorités…

3.  Cela mérite évidemment qu’on s’y attarde. Comment traduire, sans trahir, cet aphorisme ? S’essayer à un jeu de mots en français ?

Nous sommes bien dans la dialectique du patériel et du matériel.

4.  Et si la vraie traduction de cet aphorisme qui proclame la trahison de toute traduction, c’était de consentir à la trahison ?

 

4.      Troisième phase : La belle infidèle  

                [ Non, il ne s’agit pas du roman éponyme de Luc Muselle, même si ce problème est au cœur du roman.

1.    Lecture d’un texte sur la traduction   [On propose ici un texte tiré d’un prospectus de chez Libris ]

2.  Qu’est-ce qu’une belle infidèle, sinon un choix, à opposer à son contraire, la laide fidèle ? Mais ne peut-on imaginer une belle fidèle ?

« Masochisme » de la contrainte : si le traducteur ne proposait pas une belle infidèle, qui verrait que la fidèle est laide ? Autrement dit, c’est un choix, une exigence qui vient de la « victime »

3.  Il s’agit d’un phénomène de double contrainte… Quoique…Parlons plutôt de contrainte double : je dois opérer une série de choix qui privilégient le sens du texte de départ ou la beauté du texte dans la langue d’arrivée… L’un ne peut se faire qu’au détriment de l’autre.

 

Comment lire le schéma ? Choisir la fidélité, c’est se résoudre à une certaine laideur, choisir la beauté c’est se résoudre à une certaine infidélité. Le récit reste ouvert tant que l’on hésite entre ces deux pôles ; il se termine le plus souvent par l’acceptation d’une certaine frustration. Il peut se terminer aussi de manière doublement négative (c’est la tragédie, où le héros perd tout) ou de manière benoîtement positive, où le héros gagne sur tous les plans, comme dans la publicité ou dans le conte.

[Ici aussi on pourrait imaginer un développement (ou un chemin de traverse) nous menant à la Genèse et / ou à quelques notions de psychanalyse : entrer dans l’âge adulte, c’est connaître la mort, la maladie, le travail, mais surtout accepter la frustration dont ces trois éléments ne sont que des cas limites ; c’est la non-acceptation de la frustration, c’est-à-dire le refus de faire place à l’autre comme autre, comme différent non assimilable à moi, qui constitue le fameux péché originel (Marie Balmary). ]

 

Appliquons donc à une publicité : Omo lave plus blanc sans bouillir. Le produit mis en évidence joint deux qualités ordinairement contraires (propreté et économie d’énergie) face aux concurrents qui proposent des solutions de compromis : plus blanc mais en faisant bouillir, sans faire bouillir mais  moins propre. Le proverbe, lui, nous place souvent dans l’espace du récit en choisissant dans les solutions de compromis

La publicité, c’est la même régression que le conte de fées vers un univers un peu infantile où l’on peut avoir tout, où il ne faut renoncer à rien…

Compromis obligatoire : On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre… Ce que pourtant la publicité nous promet souvent !

Un (-) tiens (+)

vaut mieux que

deux (+) tu l’auras (-)

4.         Et si on allait plus loin ?

Versant positif déjà développé : le traducteur est un traître.

*    Il s’agirait dans une première analyse d’éviter ce défaut ;

*    Dans un deuxième temps, faire de ce manque une qualité, l’ouverture à quantité de possibles.

Le traducteur est un

*    Un lecteur ;

*    Un écrivain.

Que voilà en quels mots des rapprochements intéressants ! Nous n’allons pas manquer de les utiliser dans la suite.

Mais avant cela, penchons-nous sur quelques traductions pour les estimer à l’aune de nos découvertes. Par exemple, ce sous-marin caméléon !   

http://www.fatrazie.com/sabirmallaryx.htm

 

ORIGINAL

« TRADUCTION »

« ADAPTATION »

 

Yellow submarine

 

In the town where I was born

Lived a man who sailed to sea

And he told us of his life

In the land of submarines

 

So we sailed up to the sun

Till we found the sea of green

And we lived beneath the waves

In our yellow submarine

 

Sous-marin jaune

 

 Dans la ville où je suis né,

Vivait un homme qui navigua sur les mers

Et il nous conta sa vie,

Au pays des sous-marins

Alors nous levâmes l'ancre pour le soleil,

Jusqu'à arriver à la mer verte,

Et nous vécûmes sous les vagues

Dans notre sous-marin jaune.

 

 

Sous-marin vert

 

Nous avions tous le même âge

Le même âge, les mêmes joies,

Quand un jour dans le village

Un vieil homme nous raconta

Ses séjours au fond des mers

Dans un beau sous-marin vert

Aussitôt, sans un adieu

Capitaine courageux..

 

 

Yellow submarine… Le sous-marin change de couleur, devient vert… Pourquoi ?

On voit bien, dans la traduction, les deux types de « reproduction » à l’œuvre, la patérielle et la matérielle. Voilà les deux pistes qu’il faudra suivre, ou entre lesquelles il faudra louvoyer.

Un autre exemple : Si j’avais un marteau…

Traduction littérale d’un texte anglais… Fidèle ? Que non ! Il transforme un texte politiquement engagé en une bluette insignifiante !

 

5.      Quatrième phase : la part du lecteur. Mallarmé

Or donc le fameux sonnet en -yx : approche par les finales : Le poète a choisi, à l’intérieur d’une forme très contraignante, une contrainte (forte) : le rime la moins probable de toute la langue française !

 

Mallarmé

Lipogramme en x, o et au

Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx,

L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,

Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix

Que ne recueille pas de cinéraire amphore.

Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,

Aboli bibelot d'inanité sonore,

(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx

Avec ce seul objet dont le Néant s'honore).

Mais proche la croisée au nord vacante, un or

Agonise selon peut-être le décor

Des licornes ruant du feu contre une nixe.

Elle, défunte nue en le miroir, encor

Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe

De scintillations sitôt le septuor.

Paumes et mains de neige affectant de leur jeu

Panique du matin garnissant d'interstices,

Maint rêve vespéral brûlé par le saint Feu

Que ne recueille pas de ténébreux calices

Sur les crédences, ni aiguillères ni gentil Tanagra,

Évitent les visées d'avisés insipides,

(Car le Maître est allé puiser des pleurs dans l'Aa

Avec l'unique engin du Néant impavide.)

Par delà la fenêtre en un levant éclair

Se déchirent sans fin ni aucun détracteur

Des Vestales ruant semblables à des Chimères,

Elle, défunte nue, pareille aux réflecteurs

Que, dans son manquement sublime et réducteur

Chaque large zébrure transmutent en viscères

 On trouvera le texte original complet et sa traduction sur http://www.yellow-sub.net/  , l’adaptation sur www.paroles.net 

 http://www.fatrazie.com/sabirmallaryx.htm

On peut proposer le lipogramme ci-dessus à l’analyse, ou plus simplement à l’observation, comme on peut la faire suivre de l’écriture personnelle d’un lipogramme.

La contrainte :

Est déjà très forte dans la forme du sonnet

Est encore renforcée par la fameuse rime en yx /ix

Frôle l’insupportable quand on ajoute la suppression de certaines lettres !

Mais n’est-elle pas choisie pour devenir insupportable ? Pour obliger à trahir, d’une façon ou d’une autre, l’original ? Pour obliger à créer ?

Si ce n’est déjà fait, on peut proposer maintenant l’écriture d’un lipogramme…

Mais surtout, on demandera à l’élève de réfléchir sur sa propre production.

Cette notion semble capitale : qu’est-ce que je fais quand j’écris (ici, un lipogramme) ? Les éléments théoriques peu à peu dégagés des différents actes d’écriture donneront des outils d’analyse.

 

6.      Conclusion

Comment conclure sur des hypothèses ?

On suppose que l’élève, en tout ou en partie, aura découvert ce qui nous semble évident dans la démarche ; et s’il passe sur certains points qui nous paraissent primordiaux, c’est peut-être pour en déceler d’autres qui nous avaient échappé…

Sans préjuger du contenu exact de la réflexion, et en tentant de ne pas tomber dans le travers dénoncé au départ, du formatage,  on peut espérer pouvoir discuter des points suivants :

1.  Passer par la réflexion sur la traduction paraît un détour riche pour arriver à l’écriture, en ce que le traducteur est toujours

Un lecteur

Un écrivain

2.  La contrainte est-elle favorable à la création ? Est-elle paradoxalement, signe de liberté ? Si ce thème n’a pas été suffisamment abordé dans l’écriture, un texte de Régine Detambel, ou un autre, permettra de  l’aborder.

Sur  http://www.aleph-ecriture.fr/conseils/  on trouvera un très intéressant article de Regine Detambel, La forme heureuse.

3.         La mort est dans la vie et la vie dans la mort.

*   La reproduction à l’identique, la « traduction idéale », la copie, c’est la mort. En tant que conçue comme un organisme complet, une fourmilière ou une termitière est éternelle. Les unicellulaires qui se reproduisent par multiplication ou division (l’un, paradoxalement, vaut l’autre) jouissent d’une certaine forme d’immortalité. C’est quand on considère l’individu et non l’espèce que l’homme est mortel ; sinon il serait, sinon immortel, du moins doté d’une vie extrêmement longue. Ce n’est pas un hasard si la découverte de la sexualité, dans la genèse, est liée à celle de la mort : la « reproduction sexuée » (dont on a vu qu’elle était production et non reproduction)   mène à la création de l’individu, contingent et mortel.

*  Felix culpa. Il est facile de montrer que le récit est basé sur un dysfonctionnement (Le gens heureux n’ont pas d’histoire, au sens premier du terme). Bettelheim a bien montré, dans Psychanalyse des contes de fées, le blocage que constituerait pour Blanche-Neige une obéissance aveugle aux ordres de nains : blocage pour elle qui consisterait à rester petite fille, à nier ce que signifient l’arrivée dans l’âge adulte et la sexualité ; blocage pour le conte, également.

C’est ici qu’arrive la notion annoncée de double contrainte.

On a vu qu’il y avait une contrainte double dans le  fait de devoir respecter la forme et le fond, le patériel et le matériel, le nécessaire compromis, la trop grande fidélité à l’un amenant une plus grande infidélité à l’autre. Au niveau de l’engendrement humain qu’on avait pris comme métaphore de la lecture et de la traduction, l’enfant n’est ni son père ni sa mère mais quelque chose de nouveau. Ce qui fait du traducteur, lecteur privilégié, un créateur, même malgré lui.

Mais il y a aussi double contrainte, au sens psychologique du terme  (Il est interdit d’interdire, soyez spontané) quand l’énonciation est l’inverse exact de l’énoncé : si j’ordonne à quelqu’un de désobéir, il va m’obéir, quoi qu’il fasse, qu’il se soumette ou non. Donc le conte doit procéder de manière implicite pour prôner la désobéissance.

Felix culpa, faute bienheureuse… C’est l’insuffisance même de la traduction qui la rend créative, c’est l’impossibilité de copier qui mène à l’avènement du neuf… C’est la contrainte extrêmement forte dans le lipogramme qui m’amène à contrevenir, à créer…

Si donc le traducteur est à la fois lecteur et « fautif » dans son travail, et donc écrivain, le lecteur, dont il est la métaphore….

Il est HEUREUSEMENT impossible d’être lecteur et reproducteur.

Toute lecture est écriture.

Toute écriture est lecture.

CQFD

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