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Article paru dans le numéro 72 (mars 1993) de LMDP * Remanié : mars 2005 - Mise à jour 08.2017
© LMDP * Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source
"Et si on allait à Cora, pour voir le rayon des jouets?"
Classe de 1re B - neuf élèves - ICL, Athus (Belgique)
Professeur de français et titulaire: Patric Hotton * Heureux témoin: un
rédacteur de LMDP
[En Belgique, la 1re B, ou 1re accueil, est une classe de remise à niveau au début du secondaire pour élèves en retard dans les apprentissages de base, ou provenant d’un pays non francophone...]
que penser de cette expérience?
Situation :
Le collègue de Patric, prof de math, est absent! Que faire?
Proposition des élèves: «Et si on allait à Cora, pour voir le rayon des jouets?»
Cora, c’est l’hypermarché tout proche. Tout proche, aussi, le 6 décembre!
Alors, pourquoi pas? Mais le Directeur est absent... On prend le risque calculé de présumer sa permission. Et voilà deux voitures - on trouve toujours des professeurs en "fourche", et disponibles, de surcroît... - en route pour la grande surface, l’univers des rêves!
Avis du témoin :
Que peut-on observer dans ceci, qui va déclencher une série d’activités?
Avant tout: que l’on accepte et reconnaît la parole de l’élève.
Et aussi: que l’entraînement à l’oral - même chose pour l’écrit - se pratique d’autant plus fructueusement qu’il est vécu dans l’amorce d’un projet, d’une initiative, tout à fait accordées à la sensibilité des douze-quatorze ans.
Et ce n’est pas de la démagogie!
Et on « fait » du français !
Au retour du Cora, un projet prend corps: échange de vues sur la suite à donner à cette escapade.
Que peut-on dire, que peut-on écrire à ce sujet? Parmi les différentes formes d’écriture, on en choisit une qui plaît particulièrement aux élèves (et pourtant pas si facile que ça!):
s’identifier à un jouet: «Je suis telle poupée... Je suis tel robot...»Pas facile vraiment.
Et d’abord au niveau des mots pour le dire: c’est vrai qu’en première B, le bagage lexical est déjà efficace, mais pas très étoffé.
On trouve une solution pour élargir l’éventail des mots disponibles: un brain storming entre élèves, sorte de collecte effectuée pour fournir à chacun et à chacune - selon le jouet retenu - un capital de mots et d’expressions. C’est très sympathique: les élèves se trouvent en position de recevoir, mais aussi de donner! Au tableau, le professeur inscrit au fur et à mesure les termes trouvés par les élèves: disposition en étoile qui permet de grouper par thème (une façon simple, efficace, de présenter des champs lexicaux).
Le passage à l’écriture
Le passage à l’écriture peut se faire. Il est important que tous aient les mêmes chances: on écrira donc en classe, et le professeur sera à la disposition de chacun.
La convention de s’identifier au jouet sera respectée par presque tous, parfois de façon habile, jusqu’à inventer des faits pittoresques, à la manière d’un journal intime...!
Ceci, par exemple:
Un jouet CRASH ROBOT, testeur de véhicules:
Ils me prennent pour un pantin, mais c’est mon boulot, et je suis payé pour cela. Je suis toujours volontaire, malgré les nombreuses cicatrices que j’ai sur tout le corps. (Kervin)
Une poupée Barbie:
Anne téléphone à sa copine Marie pour lui dire qu’elle vienne jouer avec sa nouvelle Barbie. Elles commencent à jouer avec moi et tout l’après-midi elles jouent, elles s’amusent à m’habiller. Elles me mettent une belle robe blanche et noire pour aller au bal. Demain, je mettrai une jupe bleue et un pull blanc. Pendant tout le jeu, elles me font partir en vacances avec mon camping-car. (Valérie)
Deux élèves portugais, Miguel et sa soeur Filipa, sont de vrais débutants en français. Le premier met à profit le capital de mots qu’on a découverts en classe: il l’exploite dans de simples énumérations, mais qui viennnet bien à propos. Filipa est déjà plus à l’aise, et construit un texte cohérent, respectant la règle d’ identification:
Je suis un ours, comme tous les ours j’aime vivre en liberté et non dans une cage. Mais les hommes aiment beaucoup nous attraper et nous mettre en cage comme des prisonniers au zoo pour les autres humains viennent nous voir. (début de son texte)
Et voici une preuve, parmi d’autres, que les élèves, avec leur professeur, ont pris au sérieux la production de leurs textes: ils en offert une copie à Monsieur l’Inspecteur qui était passé dans leur classe lors de la phase initiale du brain-storming.
Du coup, l’écriture n’est plus, pour l’élève, comme un exercice anonyme, mécanique; elle est vraiment un instrument de socialisation, une activité signée pour un destinataire désigné.
En résumé, que penser de cette expérience?
Il s’agit d’un mini-parcours qui a donné à des pratiques variées: écouter, parler, lire, écrire. Le professeur a pu observer les capacités dans tous les usages de la langue.1.
2. Dans le déroulement de ce projet, les élèves ont réagi en
partenaires responsables. Pourquoi? Parce que la suite des opérations avait du sens: on savait vers quoi on allait. Le rôle éducatif de l’adulte a été déterminant.3. L’écriture a été
déscolarisée: au départ, dans une ouverture sur l’extérieur; au terme, par l’envoi des textes à un vrai destinataire.4. Les textes produits attestent - en dépit de faiblesses et de lacunes... (mais ils ont encore six années pour en apprendre davantage!) quelques capacités langagières, telles que:
a/ Une perception implicite de la cohérence textuelle: cela se voit, par exemple, dans l’attention à construire la chronologie, à utiliser des indices d’implication (texte en je) ou de mise à distance (texte en il):
Un autre jour, elle me met dans la salle de bain et ouvre l’armoire dans laquelle il y a plein de vêtements. Après, elle me sort de la maison, m’assied sur la moto et roule avec moi autour de sa chambre. Et pour elle, il est midi, elle rentre à la maison avec moi, nous allons dans la cuisine de Barbie, elle sort une assiette et un verre. Ensuite, elle me conduit au salon et nous regardons la télé. Après une heure, elle me reconduit dans ma chambre et me couche dans mon lit pour dormir. (Isabelle, Grand-Ducale)
b/ Une certaine efficacité dans l’emploi des pronoms, des connecteurs logiques et temporels, des mécanismes de mise en relief (emphase) pour assurer la continuité de l’information:
La sécurité, c’est mon boulot (Kervin); je percute un mur à grande vitesse, et cela pour vous montrer l’importance de la ceinture de sécurité (Idem). Mon chat, quand il la voit passer, il s’amuse à lui courir après pour la rattraper (Lionel)
c/ Citons encore l’attention portée à la ponctuation, aux marques du dialogue (tirets, guillemets), à la disposition en paragraphes...
Un point de départ...:
Ces productions d’élèves constituent un corpus assez riche et varié à partir duquel pourront être organisées des pratiques de structuration, c’est-à-dire des "gammes" pour fixer, affiner la maîtrise.
De cette façon, l’élève part d’une situation de "réussite amorcée", se sent reconnu comme déjà capable de certaines performances de communication. C’est bien plus motivant que des séries de phrases anonymes et désincarnées.
L’élève, dans ce parcours, a découvert que l’écriture est affirmation de soi, image de soi. C’est capital pour l’apprentissage de la langue.5.
6. Enfin, cette expérience a le mérite exquis du réalisme, de la simplicité, de l’adaptation aux intérêts des élèves. Pas d’esbrouffe! Pas de récupération publicitaire par l’Institution.
HEUREUX ÉLÈVES, QUI NE SE SENTENT PAS
EXCLUS DU PARADIS DE L’ÉCRITURE!
Commencer par la phrase simple?
Dans des salles de profs, on a entendu (on entend encore?) parfois ceci, à propos de l'écriture: «Avant d'écrire des contes ou des poèmes, qu'ils apprennent d'abord la phrase simple!» Ou encore: «Pour écrire correctement, qu'ils fassent d'abord beaucoup d'exercices de grammaire et de vocabulaire!»
Réponse de Sylvie Plane, dans Écrire au collège - Didactique et pratiques d'écriture, Nathan , 1994:
Il nous est arrivé d'entendre dire que pour apprendre à écrire un récit, il fallait d'abord maîtriser la phrase simple; que cette maîtrise passait par la capacité d'identifier les constituants de la phrase... Cette conception des pré-requis est telle qu'il y a peu de chance que les élèves de cette classe de Sixième aient jamais l'occasion de se lancer dans l'aventure scripturale avant leur sortie du collège. (pp. 135-136).
Et ailleurs:
Il leur est apparu [à des enseignants ayant eu affaire à des élèves particulièrement faibles...] que, quelle que soit l'importance des problèmes langagiers constatés dans les écrits, il convenait mieux de les aborder par le biais de la production d'écrits que de surcharger les élèves d'exercices avant de les autoriser à écrire. (p. 26)
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