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Article paru dans le numéro 96 (mars 1999) de LMDP   Mise à jour 08.2017

© LMDP * Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source

 En guise d'au-revoir au siècle finissant, avec Yves Montand et David Mc Neil

 Un détour par l’histoire pour faire du français... en musique

Deuxième et troisième degrés  

la musique d'abord * un parcours d'histoire * un travail sur la langue * prolongements: théâtralisation écriture et réécriture

 Document de travail: la chanson Couleurs (2 min. 40 secondes), paroles et musique de David Mc Neil, disque DMC A/216-260, paru en 1984, intitulé Yves Montand chante David Mc Neil. – Référence Médiathèque (Cté fse de Belgique) : NM6828 Autres chansons sur ce disque: Qu'attends-tu, Lily Marlène; Tout s'efface; Souvenez-vous, Louisa; Vanessa.

[De bonnes adresses pour les amateurs: 1/ Médiathèque (Cté fse de Belgique) http://www.lamediatheque.be/   2/ IRMA (Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles) 21bis, rue de Paradis 75010 Paris - Tél. 01 44 83 10 30 http://www.irma.asso.fr/irma - 3/ CHORUS, revue sur la chanson francophone, BP 28 F-28270 BREZOLLES chorus@club-internet.fr  http://www.chorus-chanson.fr Le numéro 19 (env. 15€ port compris) contient un article important sur David Mc Neil.]

COULEURS

 A.        La musique, d'abord... En découvrir les moyens d'expression

 Tempo calme d'une valse lente (en 3/4, la noire à 84 au métronome).

Timbre: vibrato chaud et soyeux. Tessiture (du contre-fa au la) : celle d’une basse profonde.

Une mélodie simple, facile à retenir: presque uniquement des degrés conjoints dans le registre médium (de ré à la) sauf un contre-fa sur le vers 7 des strophes 3 & 4. Particularité: alors qu'on est en si bémol majeur, la mélodie chantée ne comprend aucun si bémol (la tonique)! La note finale de chaque ligne est respectivement mi bémol, fa, la, fa, c'est-à-dire l'accord de septième de dominante (et pas l'accord sur la tonique)! La fin du chant sur la dominante fa confirme l'impression d'ouvert, de suspendu.

Une orchestration sobre (sans doute au synthé): timbre de banjo, de guitare sèche...

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 B.        Un parcours d'histoire...

Première écoute (sans révéler le titre Couleurs)

Réaction constatée – presque chaque fois ! - dans des classes de 4e, de 6e, et même... en section littéraire (Haute école – Département pédagogique) :
"C’est bizarre, étrange, voire hermétique, mais cela semble très condensé."

 Seconde écoute après avoir dévoilé le titre de la chanson, Couleurs:

 "Il y a peu près autant de couleurs que de lignes: mauve, bleu, gris, etc. Voilà, sans doute, une clé de lecture."

 Après l'écoute, distribution et lecture du texte: certaines expressions font encore difficulté. Il faudra franchir l'obstacle, dissiper l'apparente opacité de certaines expressions.

Bien s'y prendre pour décrypter!

Et d'abord, côté professeur, en résistant à la tentation bien connue de redire, pour la xème fois: «Les jeunes n'ont plus de repères, ne possèdent aucune balise pour arpenter l'histoire.» Mais en profitant plutôt de l'occasion ‘en or (et en couleurs)’, qui se présente ici, de construire avec eux ces repères, de "retisser le texte", de leur apprendre à partir à la découverte: enseigner plus une méthode - apprendre à rechercher - que des contenus...

 Bref, "faire" vraiment de l'histoire, c'est-à-dire la construire: projet interdisciplinaire, où le collègue historien interviendra bien à propos.

Du connu à l'inconnu...

Les élèves connaissent sans doute:

Moulin Rouge, Marché noir, Côte d'Azur, Marée noire...

Faute de comprendre Ballets roses, certains connaissent peut-être le... minitel rose. On prend les ancrages qu'on peut...

 Pour le reste, faire rechercher par les élèves

dans la partie "noms propres" du Petit Larousse, dans des index de manuels d'histoire, dans des cédéroms, sur des sites Internet.... 

En classe de 6e, ça tombe bien: le 20e siècle est au programme!

Le bilan sera riche:

l'histoire de la peinture (Derain, Pablo),

de la mode et d'autres pratiques sociales (chapeaux paille, côte d'Azur, jeans),

de la musique et de la danse (Moulin-Rouge, Blues),

et surtout des catastrophes (marée noire), des conflits, des pouvoirs forts - leurs comparses et leurs victimes - (bleu de Prusse, souris grises, étoiles jaunes, mirador...).

La classe remarque assez facilement, de strophe en strophe, la progression dans le temps ainsi que l'élargissement de l'espace et - plus on avance dans le texte - la prépondérance des violences.

 1.   jusqu'en 1939 et surtout en France:

peintres, vie mondaine à la Belle Epoque, Grande Guerre où la France victorieuse (paix) devient le point de mire d'une revanche prussienne qui éclatera en 1939.

 2.   les années 40 et 50

occupation nazie, collaboration, Peenemünde puis la conquête spatiale, corps expéditionnaires, forces d'interposition... leur peu d'utilité (Pour des prunes).

 3.   les années 60:

affaires de mœurs, pratiques vénales, idéal de vacances et de modes, Chine communiste, guerre du Vietnam

 4.   les années 70:

nouveaux modes de vie chez les seniors comme chez les jeunes, pollution en mer, didactures militaires, conflits sans fin (Drapeau blanc pour plus tard).

On constate que la langue s'enrichit en désignant les faits, les personnages, les comportements, les idées, les techniques... qui apparaissent au cours des années: l'évolution de la langue suit celle de l'histoire, et souvent c'est le peuple qui crée les mots ou les locutions.

[Histoire et création langagière... D'autres époques pourraient être explorées, dans une démarche interdisciplinaire. Un exemple, parmi bien d'autres: la Révolution Française. Henriette WALTER, dans son livre Les mots sans-culottes, Laffont 1998, avec un copieux index en fin de volume (1re édition: 1989), observe les nombreuses traces de l'événement dans la langue française.]

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 C.        Un travail sur la langue

 Écrivain d'origine américaine, David Mc Neil déclare avoir été séduit par la richesse des jeux de mots dans la langue française... Il ne se prive pas d'en pratiquer lui-même!

 Voyons de plus près les contraintes d'écriture qu'il s'impose dans Couleurs (le premier chiffre désigne la strophe, le second désigne le vers).

 1.         Une métrique vraiment peu courante: le vers de trois syllabes

 2.         Une grande sobriété syntaxique:

ni verbe, ni pronoms;

deux déterminants "cachés" dans les contractions au: 1, 3 et des: 2, 8

deux fois la coordination et: 3, 8 et 4, 2,

trois prépositions à, de, pour (1, 3 & 7; 2, 6 & 8; 3, 3; 4, 8)

ni ponctuation, ni connecteurs logiques ou temporels; pour finir, cependant, la locution adverbiale "plus tard", qui souligne la fragilité de l'attente d'un drapeau blanc... 

mais uniquement des groupes nominaux

("N + N apposé" ou "N + Adj" ou "N + prép + nom" ou "Prép + D + N")

bref un construction énumérative, litanique...

 3.   une grande quantité - plus d'une trentaine - de mots (adjectifs ou noms) désignant la couleur: rouge, fauve, tabac, blanche, paille, mauve, bleu de prusse, etc,

     parfois en jouant sur l'homonymie (paix revanche, outremer), sur l'emprunt (Braun, blues), sur  la décomposition du signifié (mirad - or, argen - tine)...

 4.   une construction à peu près semblable (pour + groupe) clôture les strophes 2 & 4, exprimant la même idée de paix fragile...

 5.   une certaine progression chronologique dans le parcours du 20e siècle (jusqu'aux années 80).

début article

 D.      Des prolongements

 Vers la théâtralisation...

 Bien des choses peuvent être illustrées par des photos, des reproductions de peintures, des costumes, des objets, et faire l'objet d'une exposition sur le siècle écoulé. Parcourir des revues d'autrefois (certains greniers des grands-parents pourront être explorés). Une telle rétrospective viendrait bien à point pour célébrer le siècle qui vient de s’achever! Certains songeraient même à parcour tout le second millénaire...

On imagine alors la possibilité de passer d'une exposition à un expression corporelle mimant des postures, des situations évoquées par l'auteur.

Vers l'écriture...

 L'exposition gagnera à afficher des légendes, des notices explicatives (pratique du texte informatif), des prises de positions sur la guerre, la violence, les droits de l'homme (pratique du texte argumentatif)... Ces deux pratiques s'appuient sur la recherche et la sélection préalable de documents.

Passer du mime à la parole, c'est en venir à la rédaction d'un scénario, de dialogues et de didascalies...

Vers la réécriture...

 David Mc Neil s'est arrêté à 1980. Des élèves peuvent être séduits par l'idée de prendre le relais pour les trois décennies restantes. En se pliant aux mêmes contraintes d'écriture, ou à certaines d'entre elles, telles que le vers trisyllabique, le choix de couleurs.

 Expérience faite: ils ont recherché des matériaux et proposé, par exemple: 

  D'autres ont songé à imiter - sur des vers de trois syllabes - la construction en quatre parties: quatre saisons, quatre points cardinaux, quatre âges de la vie, quatre continents, quatuor...

 Ceci, par exemple, résultat d'un travail collectif:

VIVALDI

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