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Article paru dans le numéro 65 (juin 1991) de LMDP - Mise à jour 08.2017

© LMDP Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source

Michel Tournier, La goutte d’or (Folio, 1908)

Récit de Dominique Jacques, INDA, Arlon (Belgique)

Troisième degré

Les élèves ont préparé la lecture du roman en classe grâce à un questionnaire que je leur avais fourni.

Après quelques observations sur le temps, nous avons étudié les répétitions, les mises en abyme de l’œuvre. La récurrence d’un thème nous amenés, comme on va le voir, à préciser deux termes contraires, présents dès le début. D’où la possibilité de déterminer un axe sémantique et d’élaborer un parcours suivant le carré sémiotique. Ensuite, nous avons exploité le titre, lequel s’est ouvert à la lumière du texte.

I. Le temps

On peut commencer par faire un petit exposé sur le temps romanesque.

Les indications de Milan, le photographe, nous permettent de situer plus ou moins l’histoire en 1975.

A la page 173, il dit qu’il est né en 1950. A la page 182, on comprend qu’il a vingt-cinq ans [Il aurait fallu faire ça il y a quinze ans. Seulement à dix ans, (...)] Les marques de ce temps historique jalonnent l’histoire particulière de la chanteuse Oum Kalsoum, la chanson de Renaud J’ai mon C.A.P. de délinquant, etc.

Si on se penche sur le temps de la fiction, on constate qu’il est difficile de faire une ligne du temps, malgré les quelques indications (p. 50: Le surlendemain du mariage; p. 94: Le car-ferry partait le lendemain à dix heures; p. 183: un matin; etc.).

On est dans l’impossibilité de se raccrocher à un début. Michel Tournier semble peu se soucier d’établir une chronologie. Cette attitude est pleinement justifiée si on considère que le roman démarre au Sahara et que le Sahara ignore le temps. Le désert, c’est l’espace libéré des vicissitudes du temps - Il [le calligraphe] dialogue avec Dieu dans un climat d’éternité (p. 202).

Par ailleurs, même s’il y a une dynamique - à la fin, Idriss a changé - l’histoire, on va le voir, répète souvent les mêmes choses sous une forme différente. Les épisodes sont symboliques.

II. Redondances. Mises en abyme.

Entraîner les élèves à voir ce qui, dans un texte, fait écho à un autre passage de ce texte, c’est lutter contre la lecture rapide, linéaire et de consommation; c’est les faire lire deux, trois fois, ou davantage. C’est leur faire lire autrement un même extrait, puisque celui-ci s’enrichit de ses échos.

1. Deux chapitres du roman rapportent des légendes: l’une au début, narrée par un conteur noir, est celle de Barberousse; l’autre, à la fin, dite par le maître calligraphe, conte les malheurs engendrés par la reine blonde.

Les deux légendes traitent d’une malédiction due à une caractéristique physique: le roi est honteux de sa rousseur, la reine fait des malheureux à cause de sa chevelure blonde. Ceci est lié au reste du livre et au problème général du racisme qui est souvent, d’abord, une non-acceptation d’un physique différent (la couleur de la peau...).

Les deux histoires nous enseignent que l’image est source de malheur quand elle n’est pas interprétée. La traduction du portrait en signes va libérer Barberousse - par l’intermédiaire de Keratin, la femme peintre - et ceux qu’enchaînait, par une étrange fascination, le portrait de la reine blonde – par l’intermédiaire de Riad, dont le père subit le sortilège du tableau.

Liés entre eux, les deux récits entretiennent aussi des rapports avec le reste du roman: Keratin, la femme venue du Nord, et la reine blonde rappellent la jeune femme blonde qui a volé la photo à Idriss.

Les femmes qu’Idriss va croiser vont être blondes: la prostituée la femme de la B. D., celle du comptoir du café...

2. On trouve au début - quand Ibrahim meurt dans le puits - et vers la fin - quand Idriss se fait mouler pour la fabrication de mannequins africains - le thème de l’étouffement. C’est que le livre est un livre de l’étouffement progressif par l’image. La libération ne peut se faire que par le signe.

3. Bien sûr, le thème obsessionnel est celui de l’image - thème chéri de Tournier; je pense, par exemple, à la nouvelle Les suaires de Véronique dans Le coq de bruyère.

Que de photos! Celle du début, celle de l’âne, celle du fils de Lola Ramirez, celles d’Idriss, celles de Philippe dans le train...

Il y aussi l’atelier du photographe à Béchar.

Plus Idriss s’enfonce dans l’Occident, plus il est sollicité par l’image et ses adulateurs: le peep-show - Tout pour les yeux, rien pour les mains -, le cinéma et Monsieur Mage, le bien nommé, la fabrique de mannequins...

Idriss ne reconnaît pas le Sahara à travers les images qu’il croise. P. 142:

Le désert, tout le monde m’en parle depuis que je l’ai quitté. A Béni-Abbès, on l’a mis dans un musée. A Béchar, on l’a peint sur une toile. J’ai vu à Marseille une toile sur le paradis des oasis. J’ai dîné avec un marquis. Il m’a raconté Antinéa de M. Benoît, et le général Laperrine, le père de Foucauld et la Légion étrangère. Et maintenant vous avec votre petit prince. Je n’y comprends rien et pourtant, ce désert, c’est bien là que je suis né.

Les Occidentaux - ceux qui font l’image - se font une image fausse du Sahara, que les vrais Sahariens ne comprennent pas. D’où les malentendus entre cultures.

Nous avons donc un thème, celui de l’image. L’image est essentiellement négative, étouffante. L’Occident est souillé par l’image - Idriss sera un temps éboueur! - Le salut se trouve dans le signe libérateur, lié au Sahara.

Ainsi, dès le début du roman, par l’épisode de l’appareil photographique introduit dans l’univers du signe - le Sahara -, nous pouvons déterminer deux termes contraires: IMAGE / SIGNE.

Ainsi se met en place un axe sémantique

IMAGE

Occident (opium de l'Occident)

le maquillage de la prostituée

Mage, le photographe

le peep-show

Les bijoux occidentaux

Etc.

SIGNE

Sahara (photo = mauvais œil)

le maquillage de la mère d'Idriss

le conteur, le calligraphe

Zett Zobeida

Oum Kalsoum

Le son

La goutte d'or

A partir de là, on peut tracer le parcours du récit d’après le carré sémiotique.

 

SIGNE

non image

IMAGE

non signe

Né au Sahara, le paradis du signe, Idriss s’en va à la recherche de sa photo. Il descend alors dans l’enfer

de l’image - le monde occidental - dont il va remonter doucement. La rencontre du maître calligraphe va le sauver et lui faire réintégrer le monde du signe et de l’épure. C’est alors qu’il retrouve sa goutte d’or perdue - la goutte d’or, c’est le signe pur. Elle brille à la devanture d’un bijoutier. Extasié, libéré, il enfonce son marteau-piqueur dans le ventre de Paris, faisant ainsi la nique à ceux qui l’humilient, lui, le travailleur immigré.

 

4. La chanson de Zett Zobeida revient souvent. Idriss l’entend pour la première fois, au début, au Sahara.

L’aile de la libellule est un libelle

L’aile du criquet est un écrit

Et ce libelle déjoue la ruse de la mort

Et cet écrit dévoile le secret de la vie

Le signifiant:

il est mis en évidence par les allitérations K / L - Importance du signe pur.

Le signifié:

La chanson insiste sur l’importance de l’écrit (libelle, écrit). Dès le début du livre, est énoncé le remède contre l’image et son pouvoir néfaste (Idriss le trouvera à la fin): l’écriture, le signe dont la goutte d’or est la marque - Zett Zobeida porte d’ailleurs la goutte d’or.

La chanson est donc le miroir de ce que le livre raconte. Elle anticipe la fiction.

* Notons la ressemblance de Zett Zobeida avec la chanteuse Oum Kalsoum (p. 196):

Il l’écoutait des heures durant et peu à peu le souvenir de Zett Zobeida s’imposait à son esprit.

Elle chante pour l’aveugle (significatif: pas d’image).

Oum Kalsoum (p. 192) lutte contre les photographes avides de surprendre sa vie privée et d’en divulguer des images triviales.

Deux femmes du signe, donc: l’une au début, l’autre à la fin.

C’est par le son, lequel s’oppose à l’image, qu’Idriss va trouver le chemin de la libération de l’image:

les émigrés plus âgés écoutent la radio (p. 192).

III. Le titre: "La goutte d'or", sa polysémie

1. P. 30: le bijou simple, ovale renflé à la base, le signe pur, le contraire de l’image.

Il est donc normal qu’Idriss la perde à Marseille chez une prostituée, avant d’entrer dans le royaume de l’image et qu’il le retrouve à la fin quand il est libéré.

2. P. 103: l’orfèvre dit qu’il s’agit d’un insigne romain (bulla aurea) ou étrusque, signe de liberté. Les enfants l’abandonnent quand ils prennent la toge virile.

Effectivement, Idriss la perd quand il quitte son désert et devient un homme (chez la prostituée). Mais en la perdant, il perd aussi la liberté.

3. La Goutte d’Or est un quartier de Paris.

C’est là qu’habite le photographe Milan.

C’est un quartier chaud de Paris, près de Barbès. Or, Idriss est mis en contact, continuellement, avec le sexe qui se vend:

la prostituée de Marseille, le peep-show, les voyous qui soutirent de l’argent au pédéraste Mage, Milan le pédophile...

C’est un quartier à forte concentration d’immigrés. D’ailleurs, au départ, il fut habité par les vignerons du vignoble La Goutte-d’Or qui, émigrés français, donnent à leur quartier le nom de leur région primitive.

Le titre annonce donc le thème de l’émigration avec son corollaire: le racisme.

4. L’or est aussi la couleur du désert, des cheveux de la reine.

Goutte d’or... goutte d’eau: l’or, pour les Sahariens!

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