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Premier trimestre 98-99... Nous savons déjà que la Maison de la Culture d'Arlon invitera Bruno Coppens en mars 99. Bruno Coppens, quelques élèves connaissent! Au moins «mère Témesta, mon fric à Zurich...» C'est peu, c'est bon, c'est suffisant pour démarrer.

«Et si on l'invitait dans notre école?» Figurez-vous qu'il a accepté notre invitation, ce funambule de la langue! Il va venir - toute une journée d'octobre! - animer un stage d'écriture dans les classes de deuxième de notre école. Alors, on se prépare: on s'informe, on écrit.

Rétroactes et préparatifs...

1. Il nous faut, avant cela, situer le personnage. Une brève recherche biographique s'impose. L'Avenir du Luxembourg nous aide par quelques articles à son sujet, destinés à lancer la prochaine tournée du Grand Dupe.

2. Puis nous découvrons le texte de notre humoriste, La folie des candeurs, dont voici le début:

Si tous les gars immondes pouvaient se donner la main... ça faciliterait les recherches!

Mais oui! Qu'ils se donnent la main...

Ceux qui ont imposé le joug aux Slaves et pratiqué le lavage de Serbo en Bosnie-Hémoglobine.

Ceux qui jouaient au docteur Jivaro des libertés élémentaires et qui, Mobutus et bouche cousue, lavaient leur lynchage en famille.

Ceux qui faisaient leur polpote ensemble, rêvant d'orgives nucléaires afin que leur vœux soient exocet.

Ceux qui, au carrefour de la place Tiananmen, ne respectaient pas les bandes jaunes. (...)

Les élèves découvrent sans trop de mal les mécanismes de l'humour "coppensien": paronymie, parodie, métaphore, double sens, clins d'œil, l'amorce litanique "ceux qui"..., et - sous cet humour - un regard impitoyable sur l'actualité.

Certains élèves découvrent également le potentiel "culturel" de leur camarade.

L'humoriste se double donc d'un humaniste. Sous le rire, la gravité.

3. Ce texte va nous "donner des idées": si on essayait de rendre plus amusants des titres de journaux? Nous parcourons les unes des journaux, où se rencontre toute la morosité de l'actualité.

Journalistes en herbe, nous tentons de donner de la saveur aux infos.

Pas facile, ce jeu de reformulation!

Mais bien vite une saine concurrence nous stimule. Et cela donne, par exemple:

Glané dans la presse...	...et remis en forme par nos soins
Les cartes postales augmentent.	Elles sont timbrées, ces cartes! (I. A.)
De l'eau sur la Lune	Deux lots sur la une (D. M.)
Beaucoup de protestations contre la sécheresse	Pluie de protestations contre la sécheresse (N. M.)
Des professionnels à votre service	Des profs rationnels serrent votre vice.
Vente publique d'une bonne maison	Vente publique d'une bonne pour la maison (G. W.)
Nouveau changement en tête	Change-nous en tête de veau. (M. I.)
Angola: la paix impossible?	Angola: l'impact de la cible (L. M.)

La rencontre avec l'artiste

Le jour J arrive enfin; et les réactions fusent: «T'as vu ses pompes? - Drôles de tifs! - Un vrai rital: il cause avec les mains...» Le tonus, le timbre de voix étonnent. Comme la première activité:

Une PME (pardon, une Petite Machine à Écrire), nous est proposée par Bruno Coppens pour l'activité de ce jour: réaliser une carte de visite humoristique. Comment fonctionne cette "machine"?

1. Fabriquer un nom de famille - Pour cela:

a/ partir de son prénom,

b/ identifier la sonorité finale de celui-ci (Angelina [na], Marcel [sel], Jean-Marie [Ri]...),

c/ établir une liste de mots commençant par ce(s) même(s) son(s),

d/ choisir dans ceux-ci ce qui va produire par combinaison l'effet humoristique d'un nouveau nom de famille.

Exemples:

prénom	sonorité finale	liste de mots	combinaison finale
Patrick	[Rik]	ricochet, rivière, rictus...	Pat Ricard
Sarah	[Ra]	raté, râteau, rallye...	Sarah Dote

2. Trouver une profession en rapport avec ce nom de famille: ici, seul compte le critère d'une relation de sens entre le nom et le métier.

3. L'adresse commence par rue, avenue, boulevard... mais ce qui suit doit être moins conventionnel. Que peut-on faire avec rue de la Loi, demande Bruno Coppens? Perplexité de la classe... Proposition: ajouter un adjectif farfelu, caustique... Pourquoi pas: rue de la Loi transgressée... et si on complète par le numéro 16? Applaudissements de la classe, qui a bien saisi la "finesse"!

4. La localité ou le pays termine le tout. Le "professeur" cite comme exemple: Blaguedad...

Tout cela se passe un vendredi... Lundi matin, tous les "devoirs" sont bien au rendez-vous, et affichés en classe. Pour chacun - élève ou collègue - c'est un peu comme une révélation de capacités insoupçonnées, dans une forme d'écriture finalement plus exigeante qu'il n'y paraît. Surprise, aussi, de découvrir l'exploitation intelligente des ressources du traitement de texte.

Épinglons quelques bonnes adresses:

François-Victor Eau

Toréador

25, avenue du Minotaure

Taureanto

Marie Maginaire

Ecrivain

A4, rue du Stylo Vide

6854 Braine le conte

Marina Dmissible

Dictatrice

40-45, Av. du Peuple Fâché

Zaïre

Angelo Comotive

Conducteur de train

Quai n° 3, av. de la Gare déraillée Trainsylvanie

Laury Nimitable

Faussaire

7, rue du Billet Venimeux

Fausse-la-Ville

Katia Sassin

Policière

Bd du Flingamoureux, 007

Indiana-Police

Un prolongement, parmi d'autres: la métaphore dans la description

La visite de Bruno Coppens, ça laisse des traces et donne des idées pour se livrer dans la suite de l'année scolaire à des pratiques variées d'écriture. C'est ainsi que nous avons travaillé, entre autres, la métaphore dans la description.

Cette activité est située au croisement de deux parcours:

A. Découvrir et pratiquer la diversité des formes de la description.

On ne décrit pas dans la publicité comme dans le roman, dans le manuel scolaire comme dans le catalogue des Trois Suisses, dans le tract électoral comme dans une fable de La Fontaine, dans des mots croisés comme dans le Code pénal... Chaque forme descriptive se plie à des "règles" spécifiques.

B. Découvrir et pratiquer certaines figures de style (métaphore, métonymie, litote, hyperbole, antithèse, périphrase...).

Voici un aperçu de la séquence sur la métaphore descriptive.

Découvrir...

Dans notre langage, nous employons constamment la métaphore... Un procédé qui tourne souvent à l'automatisme et au cliché conventionnel: le marteau et le clou ont une tête, le problème un cœur, le mal une racine, ou encore les piles sont mortes, le moteur a soif. Ces expressions colorent la langue, et chacun peut en créer.

Pratiquer...

A toi de créer de nouvelles associations. Pour cela, respecte les consignes suivantes.

1. Choisis un objet en dehors du contexte scolaire et de tes loisirs. - Exemple: une tirelire.

2. Définis-le personnellement dans ses aspects et ses fonctions... Compare ensuite ta définition avec celle du dictionnaire.

Ta définition:

Récipient en plastique dans lequel les enfants déposent leur argent, leurs économies.

Celle du Petit Larousse:

Boîte, objet creux munis d'une fente par laquelle on glisse l'argent qu'on veut économiser.

3. Pour chaque mot important de ta définition, crée des images en associant les idées; n'aie pas peur de casser les conventions du langage.

Récipient: maison, abri, cochonnet, prison...

Enfants: petits monstres, têtes blondes...

Argent: blé, oseille, briques...

Fente: avaler, gourmand, glouton...

4. Effectue la comparaison en reliant les termes. - Exemple: Cochonnet glouton qui se nourrit d'oseille.

Et les élèves se sont jetés à l'eau!

Froide dans la conscience, chaude entre nos mains... Sa lumière éclaire les cœurs gris, mais son étincelle brûle le "mâle". (Guérin Phan - une cigarette)

Victime de la farce, mais amie du Père Noël (Leclère Marie - la dinde)

Peau basanée, mèche rebelle teintée à la mode, née dans le noir absolu, prisonnière de la terre, avec pour voisine sa copine la Nantaise et son ami le Grelot (Neuberg Marylise - une carotte)

Mise en compote, elle est bête comme un beignet. Parfois d'amour. Quand on l'accroche, elle vous arrose. (Pinnel Grégory - une pomme)

Ce tic-tac alimentaire se prend pour une bombe (Testa Rudy - une minuterie)

Braise qui donne des astuces dans les ténèbres de la couette pour dévorer les phylactères (Collès Laurie - une lampe de poche)

Ma tête rouge devient noire si on la gratte (Bruyère F.-Victor: une allumette)

Au revoir et merci, Monsieur le Professeur Bruno Coppens!

Prof pas comme les autres, vous créez un climat de confiance mutuelle, favorisant la communication. Votre plaisir de nous voir chercher ensemble à haute voix, de nous voir vraiment créer du texte, transparaît à tout moment. La richesse de votre langage nous épate, nous intimide parfois, mais ne nous paralyse jamais, nous stimule au contraire.

Pas d'euphorie, cependant: ce troubadour des mots bénéficie du caractère ponctuel et novateur de l'activité; et parfois, la mayonnaise ne prend pas...: c'est que l'écriture reste un travail, et vendredi après-midi dans une autre classe, cela fut moins bon. Mais l'objectif est atteint: la rencontre "en chair et en os" d'un vrai faiseur de texte, dans une activité à la fois ludique et rigoureuse, démystifie réellement l'écriture.

Et ceci, surtout, qui ne nous a pas échappé, et qui renforce notre estime pour vous: sous l'apparence du fantaisiste, nous avons découvert l'homme de cœur, pour qui justice et respect ne sont pas des mots creux. Et qui a en horreur tous ceux qui, comme vous dites, «ont la haine en guise de progrom électoral».

Pour un code de bonne conduite de l'atelier d'écriture

Il serait regrettable que l'atelier d'écriture survienne un peu comme un intermède - une sorte de récréation - sans antécédents et sans prolongements. Il faut, au contraire, que l'élève s'aperçoive que cette activité se situe, se justifie et est efficace dans un enchaînement cohérent, articulé de réflexions sur la diversité des moyens d'expression, de découvertes et de productions langagières.

Un "parcours" n'est pas un vagabondage.

début de l'article

Du même auteur, Graffiti : de l’or dans l’ordure, 2e degré : http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/jjgu.html

Autres articles téléchargeables parus dans LMDP :

http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/archives.html

Le site Internet de Bruno Coppens

http://membres.lycos.fr/brunocoppens/

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