Sauf erreur, la première occurrence de ce titre - Cinquante nuances de brun -
date du 1er mars 2014, sur le site
Anarkismo
à propos du renversement du régime autoritaire de Ianoukovitch en Ukraine.
Trois jours plus tard, même titre sur rebellyon.info évoquant ce
renversement ainsi que la situation en Crimée. Le 22 octobre 2014, le journal
Le Temps publie un article, Les cinquante nuances de brun du fascisme
helvétique, signé Jacques Neirynck. Le 13 décembre 2017, sur le blog Voix
d'Amériques de Mediapart, paraît Cinquante nuances de brun - Le fascisme
d'aujourd'hui. Le 27 novembre 2018, une déclaration de Nathalie Loiseau,
alors ministre des Affaires étrangères - On est en train de jouer 50 nuances de brun
en Europe - est reformulée Cinquante nuances
de brun ? Paris annonce la couleur, dans The Conversation.
Cinquante nuances de brun
1924 : les Chemises brunes... Aujourd'hui, la
hantise se
ravive !
Chronologie
1921. Adolf Hitler, 32 ans,
fonde la Sturmabteilung (SA - Section d'assaut), une force
paramilitaire du parti nazi (contraction de
Nationalsozialismus) qui
jouera un rôle décisif pour sa conquête - légale ! - du pouvoir en 1933.
Les
membres de la SA sont les Chemises Brunes(Braunhemden)
en raison de la couleur de la chemise de
leur uniforme adopté en 1924.
En 1925, première apparition publique de Hitler en chemise brune.
Dotée de sa propre police, de ses propres
prisons, de ses propres camps de concentration, la SA, qui rassemble en 1934
près de 3 millions d’hommes, pourchasse les indésirables :
homosexuels, tziganes, roms, juifs. On retiendra
La nuit des longs couteaux (Nacht
der langen Messer) du 29
juin au 2 juillet 1934, où sont assassinés quelque 80 Juifs et La Nuit de Cristal (Reichskristallnacht),
les 9 et 10novembre
1938,
un pogrom organisé sur tout le territoire du Reich :
synagogues, commerces juifs saccagés, des milliers d'assassinats.
La machine infernale est en route. Le projet de Troisième Reich sera "la
solution finale" (Endlösung) :
l'extermination des Juifs. Deux mois à peine après l'arrivée au pouvoir de
Hitler, est ouvert, à Dachsenhausen, le premier camp de concentration : au total
200 000 personnes y seront internées, jusqu’en 1945.
Hitler à Nüremberg, 1927
Objectifs et méthode
À partir de 1924, en Allemagne, la couleur
brune évoquait la revendication du
droit du sol (Heimatrecht),
et le profond attachement à la patrie, qui inspirera des propagandes, des mots
d'ordre, puis
des pratiques violentes de mépris, de rejet, d'exclusion, d'extermination...
Aujourd'hui, elle évoque, plus
largement, toute idéologie, toute pratique, toute attitude ayant une certaine
parenté avec cette idéologie de 1924 : revendication identitaire, régime
arbitraire, entraves au contrôle démocratique, politique d'exclusion et de repli
(antisémitisme, islamophobie, homophobie...),
censure, prison, confiscation ...
Telles sont les multiples
nuances de brun que nous découvrirons dans cet article.
C'est tout d'abord un
enjeu citoyen, car il est urgent de faire face aux
manipulations.des extrémistes, aux dérives absolutistes, à la stigmatisation de
comportements, de styles de vie, de croyances. de groupes ethniques (rappelons-nous la sinistre
théorie du grand remplacement de Renaud Camus (voir) qui incite à la haine
raciale...).
Ce sera également, dans le cadre
du cours de français, l'occasion d'observer le large éventail des "façons
d'écrire" : formes d'argumentation, d'insinuation, de récit, de portraits,
d'interaction, de néologie, d'humour, jeu sur le rythme ou sur le son...
[ci-dessous, le surlignagepointe l'une ou l'autre de ces façons d'écrire].
Et aussi de
passer à l'écriture, en épinglant -
dans l'actualité - de nouvelles...
nuances de brun.
De 2000 à nos jours, la mémoire...
Cinquante nuances de brun... et plus !
À en donner la nausée ? Ne serait-ce pas, précisément, ce que nous avons
recherché ?
Jorg Haider,
national-populiste et ultra-droitier, xénophobe déclaré, vient d'être élu gouverneur
de la Carinthie.
L'annonce de sa visite en Belgique en février suscite un mouvement de
protestation qui se nommera COMBA : Coordination et Mobilisation Belgique
Autriche.
COMBA
Février 2000
Une périphrase revisitée
Prochaine visite
de Jorg Haider à Bruxelles. Manchette en deux lignes à la une du Canard
enchaîné du 2 :
Haider veut lancer la nouvelle valse de Vienne :
Le beau Danube brun
... qui précise en
note que c'est la même manchette [Le beau Danube brun] que le 16 mars
1938, au lendemain de l'annexion de l'Autriche par Hitler. Et ajoute :
« Tous aux abris ! »
Avril 2000 l'équivalence de son
et de graphie
souligne l'équivalence...d'idéologie...
Manifestation, à Bruxelles,
contre Jorg Haider, venu participer au Comité des Régions. Un des calicots
:
Décembre 2001
"Furieuse" homophonie...
Une publicité malencontreuse de la firme Rossignol pour Soft, chaussures
de ski : quatre souliers disposés en losange sur la pointe, et qui figure,
à s'y méprendre, une croix gammée ! La firme dit n'avoir pas pensé à la
ressemblance ! Elle retire aussitôt cette publicité..
Commentaire du Canard enchaîné du 7, p. 5.:
Il
a fallu qu'un quotidien régional publie fin novembre la photo pour que
plusieurs lecteurs s'émeuvent de la disposition en forme de croix gammée
des Soft. Et pour que les chargés de com' de Rossignol s'aperçoivent
qu'ils avaient marché à côté de leurs pompes.
On espère que cette bourde n'empêchera pas les Soft de
faire fureur sur
les pistes.
Février 2007 L'idéologie dans la périphrase
Ce 4 février, Le masque
et la plume de Jérôme Garcin : Une journaliste compare deux scènes de
La vie des autres * du cinéaste Florian Henckel von
Donnersmarck :
«
La scène de l'interrogatoire de Silvia Scholl par la Gestapo [durant la
guerre] au début du
film et la scène de l'interrogatoire du prévenu, même dans la position des
mains du gardien, c'est rigoureusement la même chose - c'est très
impressionnant - et ça fait beaucoup réfléchir sur les régimes
totalitaires et même sur les régimes démocratiques qui se permettent
d'écouter leurs citoyens :
attention aux petits fascismes
ordinaires !
»
Vifs applaudissements du public, qui a bien
compris l'allusion aux intrusions récentes des
"Renseignements généraux" durant la campagne de l'élection présidentielle.
* En 1984, le capitaine de la
Stasi se voit confier la tâche de surveiller le dramaturge
Georg Dreyman...
Février 2007Humour noir,
allusion, homophonie
Funérailles, le 17, de Maurice
Papon, responsable de convois de Juifs de la région bordelaise vers
le camp de Drancy, d'où ils seront ensuite acheminés vers Auschwitz.
Manchette en deux bulles à la une
du Canard enchaîné du 21:
Pour Papon,
c'est le...
... dernier
convoi !
Le "palmipède" joue-t-il
aussi sur la
double lecture : convoi - qu'on voit... ?
Juin 2010 Désigner par
des
métonymies
Dans son livre Enseigner Hitler. Les adolescents face au passé nazi en
Allemagne (interprétations, appropriations et usages de l'Histoire),
Alexandra Oeser relate son enquête sur la mémoire du fascisme dans quatre
lycées en Allemagne : Rejet de beaucoup d'ados ; mais parfois empathie de
certains "pour s'affirmer". Titre de la recension dans Le Monde du
25 juin :
Chemises brunes et tableaux noirs
Octobre 2010 allitération et une
métaphore... forte
Découverte d'un exemplaire du Projet sur le Statut des Juifs (1944) annoté
de la main de Philippe Pétain, qui durcit les mesures contre les Juifs.
Jean-Claude Matgen l'annonce dans La Libre Belgique du 5, sous le titre
Le pétard Pétain
Le choix de "pétard" exprime bien le caractère sensationnel de l'événement
Octobre 2010parodie
d'un
slogan et d'une chanson
des collabos français
Cette découverte est évoquée le 5 par Martine Rousseau et Olivier Houdart dans leur blog des Correcteurs du Monde : sous la photo du
Maréchal, ce titre
Maréchal, te revoilà ?
Maréchal, nous voilà ! Ce slogan est aussi le titre d'une chanson
française à la gloire de Pétain (paroles d'André Montagard)
Février 2011 Pétain, encore, évoqué par une
comparaison...
Christian Jacob, député UMP, laisse entendre que Dominique Strauss-Kahn,
candidat (éventuel) à la présidentielle de 2012, n'appartient pas vraiment à "la
France des terroirs" et évoque le fait qu'il est juif...
Laurent Joffrin réagit, dans Libération du 15 :
Christian Jacob est-il un homme sans mémoire, sans jugeote ou sans scrupule ?
(...) Mais assortir cette critique d'une référence pétainiste évidente, c'est
bien franchir la ligne brune pour se rattacher à la pire tradition de la
politique française, celle de l'extrême droite des années trente.
Et c'est intitulé...
La ligne brune
Mai 2011 Une locution remaniée
Au Festival de
Cannes, Lars von Trier a tenu des propos pro-nazi ! Après avoir choqué par ses
propos sur Hitler, le réalisateur danois est déclaré persona non grata par la
direction du Festival.
Gérard Lefort, dans
Libération du 20, relate l'incident sous le titre
Cannes rectifie le Trier
Décembre 2013 Un
terme scientifique - Cyclone B - (même s'il est remanié) est
très négativement connoté
dans une publicité maladroite !
Une
entreprise brestoise, IPC-SA, provoque un tollé au sein de la communauté juive à
cause du nom de son détergent bio, Cyclone B. Un nom très proche du
Zyklon B, utilisé dans les chambres à gaz des camps d'extermination par les
nazis, pendant la seconde guerre mondiale.
« C'est,
au mieux, une horrible ignorance, et au pire, un record du monde de cynisme
malveillant. C'est sûrement le pire nom que l'on puisse donner à un produit
d'hygiène », a notamment réagi le rabbin Menachem Margolin, de l'association
juive européenne.
Le Figaro du
4 mentionne cet incident sous le titre :
Le détergent brestois "Cyclone B" choque en Israël
Janvier
2014 une sinistre
homophonie
En
Slovaquie,
Marian Kotleba, un nostalgique affiché du IIIe Reich qui s’est fait un
nom localement en promettant l’expulsion des Tsiganes, a été élu au poste
prestigieux de gouverneur (président) de la région de Banská Bystrica.
Blaise
Gauquelin, dans La Libre Belgique du 15, fait cette annonce sous le titre
Marian Kotleba fait
Führer
Avril 2014 "mon
père, ce héros",
écrivait Victor Hugo, dans Après la Bataille, 1859.
Dans Un bon fils, récit autobiographique saisissant,
Pascal Bruckner raconte que
son père, René, fut un antisémite convaincu et éructant. un admirateur de
l’Allemagne nazie si fervent qu’il devança l’appel du STO (service du travail
obligatoire) et participa à l’effort de guerre allemand en œuvrant pour les
usines Siemens, à Berlin, puis à Vienne, entre 1942 et 1945.
Titre de
la recension de Raphaëlle Leyris dans Le Monde du 17 .
mon père, ce nazi
Octobre 2014 un mot
connoté très négativement
Bruxelles. Le
gouvernement de droite de Charles Michel se présente à la Chambre. Ian Jambon,
Theo Francken, ministres : des liens avec le nazisme...? Le reportage de
Catherine Ernens, dans L'Avenir du 15, est intitulé :
Fiesta collabo, chahut effroyable,
discours noyé
Septembre 2015
la
réécriture d'un toponyme
En Hongrie,
reconduit en 2014 pour un troisième mandat, Viktor Orbán pratique une politique
autoritaire d'extrême-droite, s'oppose à l'immigration, déclarant défendre
l'État-nation... À la une du Canard enchaîné du 16, cette manchette en
deux lignes :
Marine Le Pen séduite
par Victor Orbán :
Vive
la Budapeste
brune !
Septembre 2015un titre de
champion
Viktor Orbán - encore lui, et sa
politique autoritaire, nationaliste, antimigratoire ! Étienne Gernelle, dans
Le Point du 19, nomme la Hongrie "'Orbanistan" (le suffixe
-stan est peu flatteur
pour désigner certains pays au régime fort) et confère ce titre à Viktor Orbán :
champion hongrois du fil de fer barbelé
Mai 2016
une homophonie...
piquante
En Autriche, l'écologiste Van der Bellen l'emporte sur son rival
d'extrême-droite Norbert Hofer, lors de l'élection présidentielle. Commentaire
du Canard enchaîné, dans sa manchette à la une du25 :
Vienne : le candidat d'extrême droite battu. L'Autriche
échappe à des frontières... ...
en fil d'Höfer barbelé !
Observons que l'hebdomadaire écrit Höfer...
Pour créer l'homophonie.
Juillet 2016 l'oxymore
!du beau et de l'affreux
Au Festival d'Avignon,
Ivo van Hove livre une version du film de Luchino Visconti, Les Damnés
(1969) avec la Troupe de la Comédie française : : une histoire sombre des débuts
du nazisme en Allemagne.
Sous le titre
Les Damnés ou les saisissants nazis, Alexis Campion écrit, dans le JDD du 7 : « Etrange sensation que celle
d’applaudir des personnages pratiquement tous plus funestes les uns que les
autres, des maléfiques vous regardant droit dans les yeux raides comme des
piquets… » Et il conclut
quelle affreuse
histoire mais quel beau travail !
Juillet 2016 oxymore
encore, en quelque sorte : Mozart chez les fascistes
Festival d'Aix-en-Provence. Cosi
fan tutte de Mozart est transposée en Erythrée, à l'époque du fascisme
mussolinien. L'opinion de Raphaël de Gubernatis, dans le Nouvrel Obs' du
8, sous le titre
"Cosi fan tutte" chez les chemises brunes
« Exposer crûment le racisme et la
brutalité des fascistes italiens, aussi ignobles qu’ils aient pu être, n’est pas
précisément la chose qui apparaît comme la plus urgente aujourd'hui. Il y a
désormais des actes de barbarie, des massacres, des crimes contre l’Humanité qui
sont plus le fait de ceux qui tuent aveuglément au nom de l’islam que de ceux
qui professent le fascisme ou un nationalisme exacerbé. Etait-il donc bien
pertinent de revenir une fois encore sur les exactions du colonialisme ? Et
d’utiliser Mozart à cet effet ? »
Octobre 2016 ... d'un titre à l'autre
Né à Prague en 1932,
un des plus grands historiens de la shoah et du nazisme, Saul Friedländer avait
publié en 1976 « Quand vient le souvenir…», il racontait l'histoire
bouleversante de son enfance, celle d'un petit garçon juif, métamorphosé en
catholique dévot dans le collège privé où on l'avait caché. Quarante plus tard,
il publie au Seuil Réflexions sur le nazisme. Entretiens avec Stéphane
Bou.
François Reynaert,
dans le Nouvel Obs' du 15, écrit : Dans son autobiographie, le militant
de la paix parle de ses travaux, de sa vie en Israël et de l'instrumentalisation
du génocide. Titre de son article :
Le
vieil homme et la Shoah
.Octobre 2016 l''image pour
"dire" le rejet
« L'affiche de
Robert Ménard, maire de Béziers, sur les migrants fait polémique, » lit-on
dans Sud-Ouest du 20.
L'emploi de nous ( ligne 1), puis de notre (ligne 5)
laisserait entendre que tous les Biterrois rejettent les migrants,
approuvent leur maire.
Ça y est Ils arrivent
: la
couleur noire d'une mauvaise nouvelle...
"Ça y est" insinue qu'une décision est prise ailleurs : un
mécanisme est déclenché, les habitants n'y sont pour rien.
"Ils arrivent" sera explicité au bas de l'affiche.(procédé
d'anaphore, comme "les" de la ligne 1)
L'affiche représente des hommes barbus, tous vus de dos, devant la
cathédrale Saint-Nazaire de la ville (qui prend ici - par la prise
de vue - l'aspect d'une
forteresse). La barbe, métonymie de l'autre
: pays, religion
La cathédrale Saint-Nazaire, métonymie et emblème de l'identité locale. Un
air de... croisade !
Lignes 4 et 5 : le surlignage -
noir sur jaune - renforce l'opposition eux / nous. Le "centre" : en plein cœur,
l'identité profonde d'une ancienne cité. Il s'agit donc bien du.....
...droit du sol... !
Comme ailleurs,
en 1924. Tu te souviens ?
Voir aussi Août
2018
Décembre 2016 la connotation des
couleurs... !
Isabelle Marchal, dans le Courrier des Lecteurs de La Libre Belgique du
13, critique le soutien du MR (droite libérale francophone) à la NVA (droite
nationaliste flamande) sous ce titre :
Tapis bleu pour idées brunes
Janvier 2017acronyme et
mot-valise pour dénoncer l'indécence..
Le satiriste israélien Shahak Shapira dénonce, sur son site, les selfies dans
les camps de concentration. Il souligne l'indécence de ces selfies morbides en
les plaquant sur de vraies images de la Shoah. Le décalage est saisissant. Son
montage paraît sous le titre
Yolocaust
"Yolocaust" est la combinaison des mots "Holocauste" et "Yolo" (acronyme de «
You only live once », « on ne vit qu’une fois »), un terme très en vogue chez
les jeunes pour marquer leur insouciance. [D'après un article d'Antoine Le Fur
dans Marianne du 23.]
Avril 2017 l'homophonie,
encore... (comme en janvier 2014)
En février, Amnesty International a révélé que 13000 opposants au régime
syrien ont été pendus dans la prison de Saidnaya entre septembre 2011 et
décembre 2015. Le porte-parole de la Maison Blanche compare le président syrien
Bachar El-Assad à Hitler. Commentaire de Martial Dumont, dans l'Avenir du
12 :
La référence à Hitler fait fureur
Avril 2017 un
portrait en... couleur
Le 23, alors que François Fillon n'arrive qu'en troisième position au
premier tour de l'élection présidentielle, Christine Boutin (députée catholique)
refuse d'appeler à voter pour le candidat d'En marche ! Emmanuel Macron, et
elle déclare qu'elle votera Marine Le Pen, candidate du Front national, pour faire
barrage à Emmanuel Macron ; elle précise toutefois que son geste « n'est pas un
vote d'adhésion au Front national » ([wiki]
Réaction de Raymond Le Loch (professeur de français à la retraite), le 27, sur
sa page Facebook :
Christine... on t'aime... Blonde, brune, auburn, voilée, dévoilée... mutine...
Mère Incarnation... de la Culture française, de la Famille française, des
Valeurs françaises, du Logement français... et définitivement brune, d'un brun
profond, fascho, miso, xéno... Heureusement que tu es là pour
nous rappeler ce qu'est la Droite, pure, dure...
Juin 2017 la
périphrase satirique
Bref
rappel : Léon Degrelle, né à Bouillon (Belgique) en 1906, se déclare proche, dès
l'adolescence, de Charles Maurras, de l'Action Française, de Léon Daudet,
exprime sa sympathie pour le fascisme mussolinien et hitlérien. Il s'engage en
1941 dans la Légion wallonne dépendant de la Wehrmacht, il sera décoré de la Croix de
Fer après que la Légion a perdu 63 % de ses effectifs en résistant à une
offensive russe... Exilé en Espagne en 1945 , il demeurera un ardent défenseur du
nazisme et du négationnisme ; il meurt à Malaga en 1994.
Antoine Bourguilleau,
dans slate.fr du 17, évoque le personnage :
« hitlérien
revendiqué, antisémite assumé et qui jusqu’à la fin de sa vie continuera de
porter des boutons de manchettes ornés des runes de la SS dont il fut membre en
citant sa devise «Mein Ehre Heißt Treue» avec un accent allemand tellement
dégueulasse que Goebbels s’en retournerait dans sa tombe en avalant des croix de
fer arrosées au kérosène. » Titre de son reportage
Léon
Degrelle, un guignol belge dans la SSqui fascinait l'extrême droite française
Septembre 2017 réécriture
d'une locution familière dans un registre grave
En Allemagne et ailleurs, ont lieu des rassemblements de nostalgiques du nazisme...
Lors d’un meeting de l’AfD (parti d’extrême droite antimigrants), un dirigeant
politique allemand a réclamé le «droit d’être fier des performances» de
l’armée nazie entre 1939 et 1945 !
Dans Libération du 15, Guillaume Gendron écrit : Les
nostalgiques d’Adolf Hitler sortent de plus en plus de l’ombre... et
intitule son reportage
Les néonazis redonnent du brun à moudre
Février 2018 la périphrase pour
dire le dégoût
Fin 2017, les pamphlets antisémites de Céline ont failli revoir le jour...
Charles Maurras - qui a soutenu Pétain et les lois antisémites - sera-t-il réédité ? Dans Libération du 11, Sonya Faure et
Philippe Douroux font remarquer, sous le titre
Faut-il rééditer les mots bruns ?
:
« Face à ceux qui entendent ainsi «exorciser le démon», des historiens mettent
en garde contre la résurgence de textes aussi violents dans un contexte à vif.
Mars 2018 le zeugme
pour signifier le
mépris
Quatre-vingtième anniversaire de l'annexion de l'Autriche par Hitler.
Le Point du 12 rapporte ces propos de Kitty Suschny, qui avait 13 ans en
1938 :
"Tout était déjà prêt depuis longtemps quand les nazis sont arrivés. Du jour au lendemain, le parc du château impérial de Schönbrunn a
été
interdit aux chiens et aux juifs.
Avril 2018 .le poids des
mots, des
initiales,
des... tatouages
7sur7.be annonce, le 20 : « Un festival néo-nazi sous haute surveillance
pour l'anniversaire d'Hitler. » Organisé en Basse Silésie par "Schild und
Schwert" ("Bouclier et Epée") sur le thèmes de la "Reconquête de l'Europe". Il
prévoit, outre des concerts de groupes des milieux ultra-nationalistes et
hooligan, des débats politiques, une convention de tatouages et une nuit de
combats d'art martiaux intitulée "Le combat des Nibelungen" Référence à la
mythologie nordique et germanique.
"Schild
und Schwert"
Mai 2018
Dans Sudinfo du 18 : Namur. La maxime nazie tristement célèbre
taguée sur le mur d’un des bâtiments du SPF Finances :
Arbeit
Macht Frei
Juillet 2018
le mot d'ordre du totalitarisme
A Montpellier, intitulée "Un
dictateur en images", une exposition de quelque 200 clichés signés Heinrich
Hoffmann, portraitiste officiel du dictateur des années 20 à sa chute en 1945.
Comment l'image a contribué à construire le mythe totalitaire ! Titre du
reportage de Gilles Renault, dans Libération du 27 :
Au nom du pire
Août 2018 l'art du raccourci
Fritz Haber, (1868-1934), d'origine juive, Prix Nobel de chimie en 1918, a
inventé l'engrais fertilisant à l'ammoniac... et développé en Allemagne la
production du Zyklon B (à base d'acide cyanhydrique)
utilisé par les nazis dans les chambres à gaz des camps d'extermination
d'Auschwitz et de Majdanek, pour y tuer plus d'un million de personnes.
Antoine Marsac, dans La Libre Belgique du 19, présente le personnage sous
ce titre :
De génie sauveur à sordide tueur
Août 2018 aux
antipodes, aussi : des connotations
négatives..., et le rejet
Devant la Chambre haute du
Parlement australien, le sénateur Fraser Anning, raciste et islamophobe, en
préconisant un vote populaire comme « solution finale » au « problème de
l’immigration », reprend à sn compte cette formule de
« solution finale » (Endlösung),
qui a désigné le plan nazi d’extermination des juifs d’Europe.
Vivement critiqué, il refuse de s’excuser, déclarant ignorer l’utilisation de
l’expression par le régime nazi. Il a ensuite, à plusieurs reprises, tenus des
propos semblables.
En
mars 2019,
après la fusillade qui a fait 50 victimes à Christchurch, en
Nouvelle-Zélande, il déclarera que « la véritable cause du carnage
(…) est, en premier lieu, le programme d’immigration massive ayant permis
à des fanatiques musulmans d’émigrer en Nouvelle-Zélande. »
Voir août 2016
Août 2018 la
connotation de l'habit [L'habit de lumières :
costume des toreros].
Robert Ménard, encore lui (Voir Octobre 2016 ) ! Maire de
Béziers, il est attaqué par Bernard Claverie. Celui-ci est contre la corrida, celui-là
voit la corrida comme un emblème culturel valorisant, un signe de l'identité
d'une population. Réaction de B. C. sur son
blog Des taureaux et des hommes, le 20 :
(...) La corrida selon Robert Ménard est "un sanctuaire de notre civilisation,
un sanctuaire et même une liturgie" ! (...) Merci de nous avoir éclairé sur
notre "crétinisme" (dixit) qui fait toute la différence entre vous et moi, qui
aujourd'hui nous pousse à tendre la main au vivant, qu'il ait le visage d'un
toro dit de combat, celui d'une forêt que l'on abat, ou pire encore pour vous,
celui d'une famille exilée victime d'une guerre ou d'une catastrophe écologique
dont, c'est le moindre que l'on puisse dire, nous ne nous sommes souciés qu'au
compte-gouttes.
Car, Monsieur Ménard, tout est dit. Civilisation, racines, structuration de la pensée,
initiation des enfants. Ce ne sont pas que des mots dans votre bouche, en
particulier lorsque sonne l'heure du paseo dans vos arènes. A cinq heure de
l'après-midi, certains ont longtemps rêvé d'habits de lumière.
D'autres, de chemises
brunes
Novembre 2018allitération
Jack Dion, dans Marianne du 24 : Evoquant le mouvement des « gilets
jaunes », Jean-Luc Mélenchon a expliqué qu'il ne fallait pas assimiler tous les
fâchés à des fachos. (...) A l'occasion, on mélange l'extrême
droite et la gauche populiste, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, jetés dans
le même sac d'opprobre pour cause de soutien aux « gilets jaunes » assimilés à
de futures chemises brunes. Les fâcheux : seraient ceux qui analysent mal
le phénomène social, dont Jean-Luc Mélenchon lui-même ! Titre de son reportage :
Les fâchos, les fâchés et les fâcheux
Novembre 2018 la
description : il y a jaune... et jaune... "foncé" ?
Les manifestations hebdomadaires des gilets jaunes, à Paris et en Province,
ont commencé à la mi-novembre. Qu'en pense Florian Bachelier, premier questeur
de l'Assemblée nationale, député d'Ille-et-Vilaine ? L'interview paraît dans Le
Figaro du 22. Extrait.
Je suis moi-même en colère, pas contre les «gilets jaunes», mais contre le
fait que des pseudo-responsables politiques - d'extrême droite et pas seulement
- jouent avec ça. Je pense à Marine Le Pen, à Nicolas Dupont-Aignan. Carsous beaucoup de «gilets jaunes»,
les chemises brunes sont de plus en plus visibles.Il y a ceux qui sont en colère, et ceux qui s'en servent et
engendrent des situations inacceptables, insupportables, des pressions, du
racisme, de l'homophobie.
Décembre 2018 la couleur
et ses connotations...
Belgique : La
signature du pacte migratoire est refusée par la N-VA, parti de droite
nationaliste (qui quittera le gouvernement le 7). Commentaire de Francis Van de
Woestyne dans La Libre Belgique du 5, sous le titre Ceci ne peut pas être
une crise :
Entre
le gilet brun identitaire, le gilet bleu économique ou le
gilet vert climatique, la N-VA semble avoir choisi.
Février 2019 la couleur et ses
connotations - bis
Alain Finkielkraut a
été insulté par des gilets jaunes... Réaction de Jean-Marc Proust dans
slate.fr du 18 (extraits) :
(...) la goutte d’eau antisémite qui fait déborder le vase populiste des «gilets
jaunes».
(...) on ose hurler «sale sioniste» et «rentre chez toi en Israël, rentre à
Tel-Aviv» devant une caméra. C’est admis, possible, légitime en quelque sorte.
Un Français dit à un autre Français: «Casse-toi, on est chez nous ici.» Comment
mieux dire que l’antisémitisme est d’abord la haine irrationnelle de l’autre ?
Titre de l'article :
Le jaune, le rouge et le brun dessinent un sale drapeau tricolore
Février 2019
d'une idéologie à l'autre... un
récit en deux couples de phrases coordonnées : P
et P / P
et P L'indistinction de "on"
Le même incident
: A.
Finkielkraut insulté par des gilets jaunes.. Réaction de Bernard-Henri Lévy, dans
Le Point du 18 :
« On ne peut
malheureusement pas dire que l'antisémitisme est aux marges du mouvement, [...]
c'est le cœur du mouvement. (...) La violence contre les juifs, les slogans
antisémites sont comme le terme de ce mouvement, l'aboutissement de cette
distillation. On commence par le référendum d'initiative citoyenne et on finit
par l'antisémitisme.
On commence avec Rousseau et on finit
avec Doriot », accuse-t-il.
Jacques Doriot fonde en 1935 le PPF, parti populaire français, d'inspiration
fasciste : crée, sous l'occupation, la LVF, Légion des volontaires
français contre le bolchevisme ; il combat en Russie sous l'uniforme
allemand. Sera surnommé "le petit Führer français"..
Mars 2019 Un
ancien nazi s'accuse !
Dans Le Figaro du
28, Astrid de Larminat écrit :
Albrecht Haushofer est arrêté après l’attentat manqué contre Hitler le
20 juillet 1944. Lui-même n’avait pas participé directement au complot mais
faisait partie du réseau ..Depuis sa cellule,
il fait le procès de la barbarie
nazie, plus sombre que celle d’Attila ou de Gengis Khan. Et reconnaît
avoir manqué de courage.
Ces 80 sonnets écrits à la prison de Moabit, à Berlin, entre l’automne
1944 et avril 1945, par un jeune universitaire proche du pouvoir nazi
ne sont pas l’œuvre d’un résistant héroïque mais le témoignage d’un
homme qui s’accuse. Très tôt, Albrecht Haushofer, professeur
d'université, avait vu qu’il y
avait quelque chose de pourri dans le IIIe Reich (...) mais
il n’avait pas eu le courage d’en tirer les conséquences. Titre du
reportage :
«Je sais de quoi j’étais coupable» :
les
poèmes d’un repenti du IIIe Reich
Albrecht Haushofer, Sonnets de la prison de Moabit. Trad.
de l’allemand par Jean-Yves Masson. La Coopérative, 204 p., 20 €
Mars 2019
on parodie les panneaux
routiers...
Lu dans le journal Le Soir
du 31 : Plus de 40 panneaux racistes posés par des activistes de
Voorpost groupe d’extrême droite : la
commune de Lommel (Limbourg belge) porte plainte. Lespanneaux étaient surtout
affichés devant des écoles, où les enfants des demandeurs d’asile sont
scolarisés. Sur les panneaux :
attention au passage d’illégaux
Drapeau du Voorpost :
Mars 2019le manifeste du tueur
Le vendredi 15 mars, Brenton Tarrant, citoyen australien, tue 49 personnes dans
deux mosquées de Christchurch en Nouvelle-Zélande. Le jour de son
attentat, il publie un manifeste de 74 pages
intitulé « le grand
remplacement »,
(titre inspiré de
Renaud Camus) dans lequel
il déplore l'expansion
de l'islam
Avril 2019 pied de nez aux populistes
Nordine Marouf met en scène au
Théâtre 3 La Peste d'Albert Camus (1947) "lanceur d'alerte avant
l'heure", écrit Gérald Rossi dans L'Humanité du 3. « Le mal éradiqué peut
ressurgir à n’importe quel instant », précise le metteur en scène. Les
populistes à la manœuvre dans plusieurs contrées aujourd’hui, les pouvoirs
autoritaires imposant sous divers labels des modes de pensée unique, bafouant
les droits humains les plus élémentaires, écrasant les femmes et toute
diversité, ne sont pas plus réjouissants. Titre du reportage :
Le rat et « La Peste » brune
Avril 2019 stigmatiser ("noter d'infamie",
dit le dictionnaire)
Antisémites
"commémorant" la rafle d'Izieu. Ce 5 avril : la
veille de la commémoration de la tragédie d'Izieu de 1944, lorsque 44 enfants
juifs ont été arrêtés pour être exterminés à Auschwitz....
Lyon. Julien Damboise, sur Twitter, le 5 : Des dizaines de croix gammées et
insultes (antisémites et islamophobes) découvertes ce matin avenue Berthelot. Et
il publie sur sa page la photo de la vitrine d'un coiffeur. L'enseigne : AYMONX - BARBER SHOP. Et ce tag en capitales rouges sur la vitrine :
ARABE
Avril 2019paroles de négationniste...
Reportage paru le 15
dans L'Express.
Alain
Soral, déjà condamné plusieurs fois auparavant pour injures raciales ou
antisémites, a été condamné à un an de prison ferme pour négationnisme
par le tribunal de Bobigny.. Il
écrivait, notamment :
«
La coupe des cheveux se pratique dans tous les lieux de concentration et
s'explique par l'hygiène"
Une boîte de préservatifs offerte en Afrique, c’est trois noyés en moins en
Méditerranée, cent mille euros d’économie pour la Caf, deux cellules de
prisons libérées et trois centimètres de banquise préservée. — Renaud Camus (@RenaudCamus)
April 18, 2019
Ce tweet du 18 est publié dans 20minutes.fr du 3 mai sous le titre .
La Licra saisit la justice après un tweet raciste posté par Renaud Camus, le
chantre du «grand remplacement» (sur R. Camus,
voir)
deux cellules de prison libérées...
Avril 2019 museler les citoyens...
Le Soir, 24.04.2019.
Un spot publicitaire
mettant en valeur la diversité raciale et sexuelle du Brésil a cessé d'être
diffusé par la banque publique Banco do Brasil à la demande du président
d'extrême droite Jair Bolsonaro, connu pour ses dérapages racistes, machistes et
homophobes, et qui envisage, égalemznt, de diminuer les fonds publics alloués aux
filières de philosophie et de sociologie dans les universités.
Il avait déclaré un jour (24heures.ch/monde):
mes
fils ne sortiront jamais avec des femmes noires «parce qu’ils ont été bien
éduqués»
Avril 2019 s'en prendre aux croyances
Le Figaro, 27.04.2019
À Poway, près de San Diego,
Californie : fusillade dans une synagogue où une centaine de personnes célèbrent
la Pâque.. Une femme tuée, trois blessés. L’auteur des coups de feu, John T.
Earnest, un jeune
homme de 19 ans, a été arrêté. Il s'inspire, déclare-t-il du manifeste diffusé
par Brenton Torrant, le tueur de la mosquée de Christchurch en Nouvelle-Zélande
(v. supra)
Rome, 8 septembre 1963 : début
d'une formation de neuf mois organisée par l'Université du Latran, suivie par
32 jeunes enseignants du secondaire de 15 nationalités différentes.
Présentations, échanges, papotages... Le Belge, à un Mexicain sympathique, Guilermo Castro, professeur d'histoire en terminale : « Les chambres à gaz,
l'extermination... comme on s'en souvient ! »
Regard apitoyé et condescendant du
sud-américain, qui se traduit visiblement : « Mon estimé collègue ignore que
c'est pure invention... »
Pour lui donc " Ça
n'a pas eu lieu ! ". Et quelqu'un ajoutera , le 27 mars1988 : «
C'est un détail de l'histoire ».
Inquiétant !
Plus inquiétante, encore,
l'ignorance actuelle de la Shoah chez beaucoup de jeunes et de moins
jeunes, qui se manifeste souvent, actuellement, par des propos et des conduites
antisémites, homophobes, islamophobes...
1. 27 mars 2019 -
Aux éditions Gallimard, Collection blanche
Stéphane Mallarmé,
Correspondance (1854-1898)
- 65€ - format Kindle 45€
Édition : Bertrand Marchal sous la direction de Jean-Yves Tadié, 1 volume.
C'est l’histoire toute simple d’un homme qui a écrit : «Mon incompétence, je
l’exhibe, sur autre chose que l’absolu ».
À ses amis, il lui est arrivé de révéler le sens de sa recherche, de
commenter certains poèmes, de montrer toutes les facettes de son esprit. C’est
dans l’espoir de recueillir ces confidences qu’on lit ces lettres. Elles
constituent un extraordinaire document sur les réseaux de sociabilité
littéraire, en même temps que le meilleur démenti des clichés qui ont encore
cours sur la solitude d’un poète résolument hors du monde.
Une correspondance plus de trois mille pièces.
Voir l'excellente présentation de l'ouvrage par Nathalie Jungerman dans le
numéro 201 de
Florilettres, Revue littéraire de la
fondation La Poste. Suivie d'un entretien avec Bertrand Marchal.
[ ouvrir à partir de "fabula + malllarmé" >
(bas de page) ]
Le 14 avril, Pierre Assouline a consacré un billet à cette édition sur son blog
La république des livres
2. 10 avril 2019 - Aux éditions Odile
Jacob
Boris Cyrulnik,
La nuit, j’écrirai des soleils - 22.90 €
« Je sais maintenant, grâce aux récits intimes de mon for intérieur et aux
histoires des enfances fracassées ; qu'il est toujours possible d'écrire des
soleils. »
Sur le divan du neuropsychiatre, de François Villon à Jean Genet, il fréquente des écrivains
qui ont vécu une jeunesse tourmentée... et « qui ont combattu la perte avec des
mots. » La résilience, en somme ! Et Boris Cyrulnik en parle si bien
!
Lui aussi, enfant, adolescent, a connu la souffrance dans ce qu'elle a de plus
douloureux :
Né en 1937 de parents émigrés juifs qui mourront en déportation, il
échappe en 1944 à une rafle de la Gestapo, il sera pris en charge et placé
comme garçon de ferme sous le nom de Jean Laborde.
"N'ayant pas le droit
d'aller à l'école, (...) je me réfugiais dans la rêverie que mes lectures
alimentaient". Lire, pour lui, ce sera
rencontrer ces héros dont on a besoin "pour se remettre à vivre"
: Rémy, de Sans Famille, Oliver
Twist, Tarzan, Batman... et aussi ces deux médecins-écrivains - réels, ceux-là ! :
Cronin et Slaughter... - qui l'enchantent, lui, futur et réputé
neuropsychiatre.
3. 20 avril 2019
- Aux Éditions de la Découverte - 18 €
Maria Candea et Laélia Véron
Le français est à nous ! –
Petit manuel d’émancipation linguistique
« Le français est à nous », écrivent les
auteures, ne veut pas être un simple slogan, mais l'invitation à entamer une
démarche d'appropriation collective des débats sur la langue, ses usages et son
enseignement. Une démarche d'émancipation.
Relevons quelques titres ou sous-titres dans la table des matières : Existe-t-il
une seule langue française ? - Les néologismes : invasion ou enrichissement ? -
La violence symbolique et les mots qui tuent - Le français fictif et rabougri
des livres de grammaire - Clivages linguistiques, clivages politiques
L'avis de Martine Rousseau et Olivier Houdart, dans leur blog des correcteurs
du Monde Langue sauce piquante (22 avril) :
«
Nous vous laissons plonger dans cet ouvrage fort instructif dont le « nous » du
titre invite à un festin de français où ne sont pas seulement attablé.es les
spécialistes. »
Chaque mois, depuis janvier 2001, la rubrique
livre du mois de LMDP présente des ouvrages qui nous paraissent utiles à
la formation initiale et continue des enseignants. Pour certains, nous avons
exprimé des réserves, voire notre désaccord : chaque fois en toute liberté et
dans le respect de nos lecteurs. Voir, sur
librairie, tous les livres présentés.
Avril
2019
Martine Menès, L'enfant et le savoir. D'où
vient le désir d'apprendre ?
Éd. du
Seuil, 170 p., 2012, 170 p., 7€50
« Un homme apprend
continuellement » : l'exergue est de Blaise Pascal, ce génie toujours en
quête de savoirs. Telle sera la thèse de ce livre : pas d'apprentissage, sans le
désir d'apprendre ! Pas d'apprentissage sans la possibilité de penser,
d'interroger, de critiquer, de vérifier. « Ce rapport au savoir
est singulier, différent pour chacun. Il se construit, s'enracine dans
l'histoire précoce du sujet. » (23)
Et
l'auteure entreprend d'observer la naissance et la croissance de ce désir durant
la période qui précède la scolarité, insistant à juste titre sur la découverte
par l'enfant de la propre identité de son "moi", dans le cercle familial. Très
tôt - avant 2 ans - l'enfant va passer de la seule satisfaction du besoin à un
'intérêt croissant pour les échanges et pour les expériences. Ensuite, il en
viendra à élaborer des théories explicatives à partir de ses observations : «
C'est la naissance du sujet désirant ! » (48)
Vers 3-4 ans, commence
l'avalanche des pourquoi, des comment, des c'est quoi ça, des comment ça
s'appelle ! Du même coup, il va découvrir « la limite du savoir chez l'autre »
(74). Vers 5 ans, « l'enfant s'est suffisamment émancipé à
l'égard de ses parents pour pouvoir s'intéresser à autre chose qu'à
eux seuls » (84).
Le développement des
savoirs - qui va de pair avec le développement du langage - s'intensifiera à
l'école, spécialement dans l'interaction avec les autres (v. 140).
Et aussi dans le bain de lecture ! Et aussi dans le jeu, qui est « une
façon d'apprendre par soi-même» (150).
Et aussi dans le dessin : « Un enfant qui dessine, c'est d'abord un enfant qui
apprend à voir. » (151)
Heureux
élèves, si leur maître leur transmet d'abord son intérêt pour le sujet qu'il traite !
S'il favorise le questionnement et l'échange. S'il tient un propos ouvert, pas
un discours magistral ! S'il leur communique le désir - son propre désir -
de savoir ! (160)
Mai
2019
David
Graeber, La démocratie aux marges
Flammarion, Champs essais, 2018, 126 p. 7 €. Préface :
Alain Caillé. Traduction de l'anglais : Philippe Chanial.
Militant anarchiste, l'auteur s'en prend à cette vulgate
hyperdominante affirmant que la démocratie est due aux Grecs de
l'Antiquité et a prospéré grâce à la culture occidentale. Il n'en est
rien ! « La démocratie ne naît et ne vit en réalité que dans les marges
du pouvoir : elle est indissociable de l'anarchie. » (v. 4e de couv.). Ce que l'on appelle
"démocratie représentative" ne serait en réalité que la mise en œuvre de
l'appareil d'État plutôt qu'un mode d'auto-organisation collectif
(v. 17) qui
serait en dehors des
"structures de domination systématique" (22)..
On se méprend, donc, sur la perception du mot démocratie : ou
bien on construit une histoire commençant par la Grève antique ; ou bien
on décrit des procédures de décision égalitaires qui, à Athènes, furent
appelées "démocratiques". (v. 47). Nuance !
L''émergence de l'idéal démocratique au début du 19e siècle - en France,
en Angleterre et aux États-Unis - est liée, certes, à l'élargissement du
droit de vote. Et il semble bien, en Europe, que la guerre
d'indépendances menée par la Grèce contre l'empire ottoman dans les
années 1820, ait suscité un nouveau regard sur Athènes : « En changeant
de cadre de référence, de Thucydide à Hérodote (les Guerres
médiques...!) l 'image d'Athènes ne pouvait que s'en trouver
améliorée. » (61)
Cette émergence tiendrait aussi à des traditions ou à des
pratiques sociales (échange, occupation des sols...). L'auteur cite par
exemple les Iroquois (qui auraient influencé le droit nord-américain),
les Malgaches, les Africains (dont les "fétiches" régulaient
le commerce avec les Européens), les Chinois et leur sagesse confucéenne... : autant de « traditions
comme actes de refondation permanente » (87).
Qui sera étonné par la conclusion de l'ouvrage : « L'impossible
mariage de la démocratie et de l'État » ? (105) Et
par ce couplet chaleureux célébrant le zapatisme au pays des mayas ? (109)
Beaucoup, cependant, souscriront sans doute au mot
de la fin : « C'est sur notre capacité d'action en tant que citoyen » que repose l'avènement d'une démocratie digne de ce nom.
(117)
Principal animateur de l'Internationale situationniste
fondée en 1957, il en publie le manifeste dix ans plus tard dans La société
du spectacle (qui sera comme la bible de Mai 68), puis en 1973, sous le
même titre, dans un long métrage
d'images détournées dont le commentaire off est
entièrement composé d'extraits du livre. Celui-ci se présente comme une suite de
221 "thèses" réparties en 9 chapitres. (nos références,
ci-dessous, reportent au numéro de la thèse).
Le spectacle, pour l'auteur, c'est "l'affirmation de l'apparence"
(10). "Un spectacle où la marchandise se contemple elle-même dans un
monde qu'elle a créé" (53). Voilà déclarée, sans ambages, l'idée maîtresse de son ouvrage :
dans une société marchande de citoyens consommateurs, le paraître prime sur
l'être, la conformité sur la liberté, la quantité sur la qualité, la soumission
sur l'autonomie. Est bannie, donc, toute parole autre que celle du pouvoir
(v.23) ! Un point de vue visiblement hérité de Karl
Marx.
Le chapitre 4, Le prolétariat comme sujet et comme représentation - qui
occupe à lui seul le tiers de l'ouvrage - est une érudite analyse du
"développement des forces productives (qui) a fait éclater les anciens rapports
de production" (73). Cette économie du développement est
devenue le projet-clé et la puissance de la bourgeoisie, tandis que "le
prolétariat ne peut être lui-même le pouvoir qu'en devenant la classe de la
conscience". (88). Tel
est le mot d'ordre qui devrait s'imposer à "l'immense majorité des
travailleurs qui ont perdu tout pouvoir sur l'emploi de leur vie"
(114). Une prise de conscience qui engage une "force pratique"
pour "une
tâche de longue haleine", "dans un cheminement obscur et difficile"
(203).
En
dépit de la dimension médiatique, ce saisissement n’est pas superficiel,
il témoigne que, dans notre diversité même, le patrimoine nous constitue.
Ainsi, qu’on le veuille ou non, qu’on le sache
ou pas, ce mardi 16 avril 2019 nous rappelle que nous avons été, que nous serons
un jour ou l’autre, que nous sommes tous, en quelque sorte, des passagers de la
cathédrale.
Valère Staraselski, L'Humanité,
16 avril
Sans doute ce phare étrange
allait éveiller au loin le bûcheron des collines de Bicêtre, épouvanté de voir
chanceler sur ses bruyères l’ombre gigantesque des tours de Notre-Dame.