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Article paru dans le numéro 100 (mars 2000) * Actualisé : janvier 2005   Mise à jour 08.2017

© LMDP Copie autorisée pour usage pédagogique non lucratif et avec mention de la source

 Le théâtre engagé,

à partir de La résistible ascension d’Arturo Ui  de Bertholt Brecht  

(du théâtre au cinéma: Chaplin, Le Dictateur)

Récit d’un parcours interdisciplinaire - classe de 6e

Christian Munster, ISJ, Saint-Hubert

 «Il est encore fécond, le ventre d’où a surgi la bête immonde.» Bertholt Brecht

 Les évènements du Kosovo attestent de l’extraordinaire actualité de cette dernière réplique de La résistible ascension d’Arturo Ui. Près de 60 ans après sa publication, cette pièce de Brecht nous interpelle et nous oblige à prendre du recul face à la poussée dictatoriale d’un certain Milosevic.
Peu enclines à voir les droits de l’homme bafoués, les démocraties européennes se souviennent avec effroi de l’ascension d’Hitler et des conséquences horribles qu’elle a entraînées et tentent de freiner et de stopper ce nettoyage ethnique voulu par le maître de Belgrade. 

Les principaux outils

Bertolt Brecht, La résistible ascension d’Arturo Ui, l’Arche, 1976, Paris.

Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Larousse, 1998, Paris.

Le Dictateur, film de Charlie Chaplin, 1940.

La Vie est belle, film de Roberto Benigni, 1998.

Le cours d’histoire contemporaine de 6e année: la montée du nazisme de 1933 à 1939.

Dossier pédagogique du Théâtre en liberté: La résistible ascension d’Arturo Ui, 1993.

Jean Mitry, Charlot et la fabulation chaplinesque, éd. Univ., Paris, 1957. 

La démarche

1° Fiche technique

 Afin de bien saisir l’implication de l’auteur dans son époque, il est indispensable de commencer par établir une fiche technique de Brecht, dramaturge et théoricien de l’art théâtral.

 Comme tous les intellectuels de gauche, B. Brecht quittera l’Allemagne en 1933 au moment où  arrive Hitler pour un long exil qui le conduira successivement au Danemark, à Moscou, à Paris, en Finlande, puis aux USA où il s’installe en Californie en 1941.

 Brecht (1998-1956) apparaît comme un théoricien de l’art théâtral. Dès la fin de la Première Guerre mondiale, ses pièces rompent avec le naturalisme et l’expressionnisme de l’époque; elles rejettent le théâtre illusionniste et ses effets d’identification. Brecht va jouer sur les distorsions et les brisures, sources d’un cer­tain grotesque; ses héros n’en sont plus, ils demandent à être observés comme des curiosités, prises dans des configurations variables. Le théâtre épique est en train de percer. Brecht appelle l’attention critique du spectateur sur le déroulement de la pièce qui est une construction sinueuse, procédant par bonds. La technique de distanciation est née [xx]. Brecht, à partir de 1929, va accentuer la fonction di­dactique de son théâtre. Il va rendre insolite ce qui est habituel pour l’exposer à la critique. Il privilégie le recours à la parabole ou à l’histoire qui permettent le double jeu de l’éloignement et du rapprochement.

[xx] Brecht in Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Michel Corvin, Larousse, T1, p. 245-247.

2° L’arrière-plan historique

En collaboration avec le professeur d’histoire, il est nécessaire de dresser l’arrière-plan historique de la pièce de Brecht.

 Celle-ci évoque la guerre des gangs à Chicago en 1922 avec le célèbre Al Capone mais surtout l’ascension d’Adolphe Hitler depuis 1929 jusqu’à l’invasion de l’Autriche le 11 mars 1938. C’est le portrait d’un médiocre, imbécile et inquiétant personnage qui devient dictateur.

La crise économique de 1929 doit être bien expliquée pour que l’on comprenne dans quelles condi­tions socio-économiques Hitler a pris le pouvoir. Je conseille d’utiliser les panneaux didactiques qui, régulièrement, après chaque séquence, viennent rompre le déroulement dramatique de la pièce pour ramener le public à la réalité du nazisme.

Ex: le 1er écriteau - Pour intéresser à leurs difficultés le Président Hindenburg, les hobereaux lui font présent d’un domaine.

 Profitons-en pour décoder tous les noms propres utilisés dans la pièce. On insistera sur le fait que Brecht a à peine déguisé ces noms pour que le public ne se méprenne pas.

Ex.: ROMA n’est autre qu’Ernest Röhm, chef des sections d’assaut,

       GOBBOLA est Goebbels, le chef de la propagande.

 3° L’analyse de la pièce

On commencera par un découpage séquentiel de la pièce et le résumé de chaque tableau (toujours en référence avec les données historiques).

 Ensuite, je propose d’analyser certains extraits plutôt que l’ensemble de la pièce, ce qui serait trop fastidieux et risquerait de lasser les élèves.

 1.         Le prologue du Bonimenteur

 L’occasion est belle pour ne pas rater cet exercice particulier qu’est le boniment. Outre l’information qu’il veut nous transmettre, c’est-à-dire le programme du spectacle et la présentation des acteurs, c’est à l’exercice formel que j’accorde de l’importance. Brecht nous invite à participer, il fait de nous, non plus de simples spectateurs, mais des acteurs concernés.

 Les techniques du boniment sont expliquées: interpellations, procédés de retardement, exagérations, superlatifs, insinuations, gradation, suspense…

Pour les élèves, il s’agir de faire un exercice oral: le ton du boniment est très particulier. Ensuite, je leur demande d’écrire un boniment sur des sujets particulièrement loufoques.

Exemple: Vanter un stylo qui corrige les fautes d’orthographe. L’imagination et la créativité sont au rendez-vous de cet exercice.

 J’attire aussi l’attention des élèves sur la didascalie qui termine la scène: la musique joue plus fort, accompagnée d’un crépitement de mitraillette.

2.    Analyse des séquences 7 et 8

 Ce passage traduit bien la politique d’intimidation et de terreur qu’a appliquée Hitler dans sa course à la dictature. L’analyse du discours d’Arturo Ui (Hitler) nous permet de mieux comprendre la fascina­tion que cet homme exerçait sur les masses populaires.

 C’est aussi un discours argumenté dont on essaie de repérer la progression. Il est utile de visionner à ce moment un discours d’Hitler même si on ne comprend pas l’allemand. Cet homme qui hurle et qui gesticule avait une telle présence physique qu’il enflammait les foules. On pourra aussi le comparer à des extraits du Dictateur.

 La séquence 8 rend compte du procès de l’incendie des entrepôts (en réalité, l’incendie du Reichstag).
La construction de cette séquence en 7 mini-scènes est significative de la manière dont la justice était rendue à cette époque . D’une manière arbitraire et sans aucune preuve, avec une justice inféodée à son dictateur, on va condamner un innocent (en réalité un chômeur préalablement drogué). On peut profiter de cette séquence pour dénoncer les vices de procédure présents dans ce pseudo-procès. (ce qui sup­pose un rapide cours sur le déroulement d’un procès d’assises).

 3.         Analyse du discours d’Arturo Ui dans la séquence 15

 Ce discours fait allusion à celui qu’Hitler a prononcé le 11 mars 1938 lors de son entrée en Autriche. Des élections organisées sous la terreur des nazis donnèrent 98% des voix à Hitler.

 4. Analyse du célèbre épilogue que l’on mettra en rapport avec la réalité contemporaine

        Sadam Hussein et la guerre du Golfe

       Milosevic et la guerre des Balkans.

Visionnement du Dictateur de Ch. Chaplin (1940)

Ce prolongement avec l’œuvre de Chaplin a pour objectif de mettre en évidence l’utilisation de l’ironie et de la dérision pour communiquer un message. L’œuvre joue sur un plan ironique et poéti­que qui est celui de Charlot et un plan satirique et burlesque incarné par Hynkel (Hitler).

On passe continuellement d’un plan à l’autre selon deux rythmes contradictoires: l’un mécanique, saccadé, heurté, et l’autre souple, nuancé, musical.

Charlie Chaplin parodie l’état d’esprit qui a provoqué les conséquences que l’on sait. Il n’a pas voulu ridiculiser la tragédie mais l’origine de la tragédie tout comme Brecht. C’est derrière les faits qu’il faut voir, au-delà. Dans cette lutte contre la tyrannie, le triomphe de Charlot ne sera évidemment pas le fait d’une volonté tendue, le résultat d’une lutte ouverte contre le dictateur mais le résultat du hasard qui pour une fois le favorise. C’est Charlot, jusque-là victime de la société, qui venge cette société du tyran qui l’opprime.

Ici, comme dans les autres films, les gags sont des effets du contraste ou de la répétition. Automatisme inconscient, spontané chez Charlot-barbier, automatisme de l’acte réfléchi et mécanisé chez Charlot-Hynkel (notamment la scène où il se fait peindre et ne sait plus où donner de la tête). Voir aussi la pan­tomine burlesque qui oppose Hynkel et Napalonie (Mussolini) et qui s’achève sur des macaronis lan­cés en pleine figure. Voir également l’étonnante pantomine de la dégradation de Herring.

Les objets jouent un rôle considérable, ils ont un rôle symbolique: ex. Le microphone qui se plie de­vant le dictateur vociférant et de l’autre le haut-parleur qui effraie Charlot lequel avance à pas de loup ou recule spontanément selon que l’appareil transmet des paroles plus calmes ou hurle.
Les discours d’Hynkel sont à peine caricaturés, il y a une parodie du geste et de la parole (à comparer avec ceux d’Arturo Ui).

Pour s’exprimer, Charlot invente une sorte de néo-langage formé d’un mélange de yiddish, de judéo-allemand, le tout volontairement incompréhensible. (Cfr la didascalie de Brecht  Ui rugissant.)

Charlot pourtant cède lui aussi au discours. Il faut vaincre le verbe par le verbe. Le film est achevé quand Charlot monte à la tribune.

On comprend que les aller-retour entre l’oeuvre de Brecht et celle de Chaplin sont souvent possibles.

 Visionnement de La vie est belle de Roberto Benigni

Résumé - Alors qu’il est déporté vers les camps en même temps que son épouse et leur jeune fils de 5 ans, un libraire juif imagine un moyen de protéger l’enfant des horreurs qu’ils vont vivre. Il raconte à Giosuè qu’ils partent en voyage pour fêter son anniversaire, que le camp nazi est un espace ludique où se déroule un jeu que l’enfant pourra gagner s’il suit ses instructions.

 L’intérêt de ce film est d’utiliser la dérision et l’humour pour exorciser le drame atroce de la persécu­tion des juifs. A ce titre là, il me semble un bon complément à ce parcours.

 Il serait intéressant pour conclure de confronter l’avis des étudiants et la critique particulièrement né­gative parue dans Le Vif-l’Express du 15/10/98.

 Conclusion

Suivant l’intérêt des élèves, on pourra approfondir l’un ou l’autre point de ce parcours. Les exercices oraux ne seront pas oubliés. Outre le boniment, on peut demander aux élèves d’interpréter la séquence du procès de l’incendiaire des entrepôts ou d’entrer dans un des discours d’Arturo Ui.

 Ce parcours peut s’inscrire dans un parcours théâtral beaucoup plus vaste. Il serait en effet dommage de réduire le théâtre contemporain au seul B. Brecht.

 Biblio- sitographie sur le totalitarisme

*            Académie Marseille – Aix-en-Provence :

http://pedagogie.ac-aix-marseille.fr/histgeo/actu/tric_002.htm

*          Le Monde diplomatique (octobre 2000, article de Raffaelle Laudani, pp. 26-27)

                http://www.monde-diplomatique.fr/2000/10/LAUDANI/14323       

*   Dominique Schnapper & Christian Bachelier, Qu'est-ce que la citoyenneté?, Gallimard, 2000, coll. Folio Actuel (à la fin de chaque chapitre, des textes littéraires - Socrate, Aristote, Cicéron, Tocqueville, Rousseau, Montesquieu...).

*            Sandrine Lefranc (Sciences-Po), Politiques du pardon, PUF, octobre 2002, 384 p.

*          Edgar Morin, Pour une politique de civilisation, Arléa, 2002, 82 pages.

*   Elie Wiesel, Le temps des Déracinés, roman, Seuil, janvier 2003, 304 pages (évocation de l’holocauste).

*   Jean-Pierre Guéno, Petite chronique de l'amnésie ordinaire, Anthologie, Milan éds, 124 pages, 15,20€, 2004  (oublier ou non? oublier quoi?...)

*   Ignacio RAMONET, La Tyrannie de la communication, Galilée éd., 1999, 138FRF. Son contrôle par différents pouvoirs (politiques, militaires, économiques); la confusion entre divertissement et information. Internet, et autres médias, pris à tort comme moyens de bonheur. L'ensemble est assez pessimiste.

 

Du même auteur: 
1/ La société de consommation, approche sociologique
* Itinéraire de Karl Marx à Georges Perec , 3e degré * http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/chmusoco.html

2/ avec Damien Avet, Luc Muselle et le Pr. Louis Van Dijck, Regards croisés sur La Bruyère - Deuxième degré * La Bruyère au croisement de multiples pistes: l'histoire des genres, des modes et des idées, l'expression du moi, le portrait au théâtre, l'argumentation dans le portrait... * http://docpedagfrancais.be/Sitelmdp/ammv.html

 

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